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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2145/2021

ATA/456/2022 du 03.05.2022 sur JTAPI/1245/2021 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2145/2021-LCI ATA/456/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2022

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 décembre 2021 (JTAPI/1245/2021)


EN FAIT

1) A______ est propriétaire de la parcelle n° 3'183, d'une surface de 1'202 m2 sise chemin B______, dans la commune de C______ (ci-après : la commune), en zone 5.

Cette parcelle comporte une maison individuelle.

2) Le 23 juin 2011, le Conseil d'État a déposé auprès du Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL 10'843) modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune en vue de la création d'une zone de développement (ci-après : ZD) 3 entre l'avenue Louis-Casaï et le chemin des Corbillettes, comprenant la parcelle précitée.

3) Le 24 février 2017, le Grand Conseil a voté une motion M 2'350 invitant le Conseil d'État à modifier le PL 10'843 et le plan no 292172A-540 afin que les parcelles bordant l'avenue Louis-Casaï soient en zone 3 et que la zone villa à l'est soit préservée.

La parcelle litigieuse est sise dans le périmètre zone 3.

4) Le 3 décembre 2020, A______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une requête en autorisation de construire portant sur la construction d'une villa mitoyenne de haute performance énergétique (ci-après : HPE) avec garage mitoyen et abattage d'arbres sur sa parcelle n° 3'183.

Cette demande a été enregistrée sous le n° APA/2______.

5) Lors de l'instruction de ce dossier, des préavis favorables (avec ou sans conditions) ont été rendus par la commune (du 19 avril 2021), le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA ; du 9 avril 2021), l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN ; du 27 janvier 2021), l'office cantonal de l'énergie (OCEn ; du 12 décembre 2020), l'office cantonal des transports (OCT ; le 10 décembre 2020), l'office cantonal du génie civil (du 9 décembre 2020), l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC ; du 8 décembre 2020), le service de l'environnement et des risques majeurs (SERM ; le 8 décembre 2020) et la direction de la mensuration officielle (du 8 décembre 2020). L'office cantonal de l'eau (OCEau) a demandé, le 23 avril 2021, la poursuite de l'instruction.

6) Le 20 avril 2021, l'office de l'urbanisme (ci-après : SPI) a rendu un préavis négatif au motif qu'une modification de la zone concernée était en cours d'examen auprès du Grand Conseil (PL 10'843) et a demandé l'application d'un refus conservatoire au sens de l'art. 13B LaLAT.

7) Par décision du 21 mai 2021, le département, soit pour lui l'OAC, a refusé de délivrer à A______ l'autorisation sollicitée, en application de l'art. 13B LaLAT, faisant sien le préavis défavorable du SPI.

8) Le même jour, le département a notifié à A______ un bordereau de facture n°110-421002977-891650 daté du 19 mai 2021, d'un montant de CHF 1'450.-, composé de CHF 250.- de taxe d'enregistrement et de CHF 1'200.- d'émolument villa (232 m2 = 24 « U » x 50).

9) Le 4 juin 2021, le Grand Conseil a pris acte du rapport du Conseil d'État du 28 mars 2018 sur la M 2'350. Le Conseil d'État n'entendait pas y donner suite.

10) Par acte du 21 juin 2021, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du département du 21 mai 2021 et contre le bordereau de facture du 19 mai 2021, concluant principalement à leur annulation et à ce qu'il soit ordonné au département de délivrer l'autorisation de construire APA 2______.

Le PL 10'843 avait été déposé par le Conseil d'État le 23 juin 2011, soit plus de dix ans auparavant. Cette durée démontrait l'absence de chances de succès de la réalisation de la planification envisagée. Par ailleurs, depuis plusieurs années, les autorités cantonales n'avaient plus manifesté la volonté de poursuivre ce projet. D'une part, il n'y avait plus eu d'action le concernant depuis le troisième renvoi du PL 10'843 en commission le 19 février 2015, ledit projet étant ainsi bloqué depuis plus de six ans au niveau de la commission d'aménagement. D'autre part, alors que la motion M 2'350 votée par le Grand Conseil le 24 février 2017 aurait pu inciter le Conseil d'État ou le département à réactiver ses projets dans ce secteur, il ne s'était rien passé depuis plus de quatre ans. Enfin, l'adoption de la M 2'350 – qui était incompatible avec le PL 10'843 – démontrait qu'une majorité du Grand Conseil avait décidé d'abandonner le projet prévu par le PL 10'843. Dans ces conditions, l'autorité intimée ne pouvait fonder sa décision de refus conservatoire sur le fait que la parcelle concernée était située dans un périmètre qui ferait l'objet aujourd'hui d'un projet de loi en vue de son classement en ZD 3. Un tel refus était manifestement abusif.

Durant cette période, le seul acte de l'État de Genève avait été de laisser la parcelle concernée en rouge sur le programme de densification des quartiers en zone 5 selon la fiche A03 du plan directeur cantonal du 18 octobre 2015, ce qui n'était pas suffisant au regard de l'art. 13B LaLAT. À défaut, toutes les zones susceptibles d'être densifiées dans la canton de Genève devraient faire l'objet de refus conservatoires, ce qui rendrait sans objet les mesures dont l'État estimait avoir besoin, comme les zones réservées. De facto, le seul fait pour une zone d'être densifiable à un horizon de quinze à trente ans n'était pas suffisant.

Invoquer un projet matériellement abandonné pour bloquer l'usage ordinaire de la parcelle concernée était non seulement abusif, mais également constitutif d'une atteinte à la garantie de la propriété.

11) Le 23 août 2021, le département a conclu au rejet du recours.

La parcelle concernée se situait dans un périmètre pour lequel le plan directeur cantonal 2030 (PDCn 2030), adopté par le Grand Conseil le 20 septembre 2013 et approuvé par la Conseil fédéral le 29 avril 2015, prévoyait une extension de la densification de la zone villa par modification de zone (fiche A03). Selon la carte n o 1 qui illustrait les principes de densification, cette parcelle était comprise dans un périmètre de densification modérée à intermédiaire de la zone villa, avec un indice de densité minimal de 1 à 1,8. La mise à jour du PDCn 2030, adoptée le 10 avril 2019 par le Grand Conseil et approuvée le 18 janvier 2021 par la Confédération n'avait pas entraîné de modification.

Cette parcelle se situait dans un périmètre qui faisait l'objet du PL 10'843, visant incontestablement à mettre en œuvre la planification cantonale et les objectifs d'urbanisme précités. Il était manifeste que le projet de A______ n'était pas conforme aux intentions du planificateur. Sa réalisation rendrait indubitablement plus difficile la densification du périmètre concerné lorsque la zone serait modifiée et, en particulier, lorsqu'il serait soumis au régime d'une ZD. Au demeurant, les possibilités constructives liées à la zone précitée étaient plus importantes que celles du projet litigieux dont la densité était nettement inférieure à celle, minimale, prévue par le PDCn 2030. Le projet refusé était donc de nature à contrecarrer des objectifs d'urbanisme clairement définis et mis en œuvre par le PL précité, ce que la recourante non seulement n'ignorait pas mais surtout ne contestait pas. L'application de l'art. 13B LaLAT était fondée.

Les intentions du planificateur étaient toujours aussi concrètes et actuelles puisqu'elles n'avaient pas été modifiées lors de la mise à jour du PDCn 2030. Le refus conservatoire litigieux avait été prononcé dans l'objectif de garantir la planification prévue par le PDCn 2030. Cette ligne directrice avait été concrétisée dans un projet de loi qui visait précisément à modifier la zone. Ces circonstances permettaient de constater que la révision de la réglementation existante était largement plus avancée que les études préliminaires qui devaient à tout le moins être effectuées selon la jurisprudence du Tribunal fédéral. Les chances de réalisation du PL 10'843 étaient intactes, celui-ci n'ayant pas été retiré ni refusé. Par ailleurs, la mise à jour du PDCn 2030 et le fait que l'office de l'urbanisme, instance de préavis spécialisée en matière d'aménagement du territoire, avait préconisé l'application de l'art. 13B LaLAT en raison de la modification de zone déposée au Grand Conseil (préavis du 20 avril 2021) confirmaient que cette volonté était toujours d'actualité. Le temps écoulé depuis le dépôt du projet de loi n'avait pas porté atteinte aux droits de A______, préservés par la durée limitée prévue par l'art. 13B al. 2 LaLAT.

12) Dans sa réplique du 30 septembre 2021, A______ a relevé que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il découlait du principe de l'intérêt public que l'autorité invoquant des objectifs d'urbanisme pour justifier un refus conservatoire devait démontrer une certaine matérialité de ses objectifs, au regard de ses chances de réalisation, en les exprimant de manière concrète, et une volonté devant se poursuivre avec diligence et s'exprimer dans le temps.

De plus, le préavis du SPI avait pour seule motivation l'existence d'un PL 10'843 abandonné depuis plusieurs années et sans pertinence. Il était dès lors abusif d'invoquer ce dernier pour bloquer l'usage ordinaire de sa parcelle, même pour une période de deux ans.

13) Dans une duplique du 20 octobre 2021, le département a relevé que l'adoption de la M 2'350 ne signifiait aucunement que le PL 10'843 avait été abandonné. Cette motion visait uniquement à modifier le projet de modification de zone.

Le SPI était le mieux à même d'informer sur les objectifs de planification.

14) Le TAPI a, par jugement du 9 décembre 2021, rejeté le recours.

Le département était en droit de refuser de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

La parcelle n° 3'183 se situait dans un périmètre pour lequel le PDCn 2030 prévoyait une extension de la densification de la zone villa par modification de zone (fiche A03) et, selon la carte n o 1 qui illustrait les principes de densification, dans un périmètre de densification modérée à intermédiaire de la zone villa, avec un indice de densité minimal de 1 à 1,8. La mise à jour du PDCn 2030 n'avait entraîné aucune modification à cet égard.

Le périmètre concerné faisait l'objet du PL 10'843 en vue de son classement en ZD 3, étant relevé que le plan n° 1______ modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune avait été approuvé par le Grand Conseil. Ce processus visait à mettre en œuvre la planification cantonale et les objectifs précités. Ainsi, la planification du législateur étaient toujours d'actualité. Le préavis du SPI du 20 avril 2021 préconisant l'application de l'art. 13B LaLAT confirmait que cette volonté perdurait. Le PL 10'843 n'ayant à ce jour pas été rejeté ni retiré, il devait être admis que ses chances de réalisation restaient entières. La motion M 2'350 n'apparaissait pas incompatible avec le PL 10'843 et ne démontrait pas que ce dernier aurait été abandonné. L'adaptation qu'elle proposait comprenait la parcelle de A______ et visait les même objectifs d'urbanisme que le PL 10'843. Enfin, la révision de la réglementation existante était bien plus avancée que les études préliminaires encore à effectuer, selon la jurisprudence citée par A______. Il apparaissait ainsi que le projet de loi en question était toujours d'actualité.

Le projet de A______ n'apparaissait pas conforme aux intentions du planificateur ni au projet de ce dernier de soumettre la zone concernée au régime d'une ZD 3 et donc de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme concrets. Le département était partant en droit de refuser l'autorisation sollicitée.

S'il était exact que le PL 10'843 avait été déposé il y avait plus de dix ans, le temps écoulé n'avait pas porté atteinte aux droits de A______, préservés par la durée limitée de deux ans prévue par l'art. 13B al. 2 LaLAT. Conformément à une jurisprudence constante, il y avait lieu d'admettre que cette restriction à la garantie de propriété reposait, conformément à l'art. 36 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), sur une base légale formelle, à savoir l'art. 13B LaLAT.

15) A______ a formé recours contre ce jugement par acte déposé le 28 janvier 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l'annulation dudit jugement, de même qu'à celle des décisions des 21 et 19 mai 2021 de l'OAC et à ce qu'il soit ordonné au département de lui délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

Le 9 février 2020, le peuple genevois avait refusé à une large majorité un déclassement dans le même secteur, sur le territoire de la commune de Meyrin, soit la loi 12136 du 10 avril 2019. Aucun projet d'aménagement n'avait été engagé par le canton dans ce secteur depuis cette date.

Aucune des exigences requises en matière d'objectifs d'urbanisme pour fonder un refus conservatoire n'était réalisée en l'espèce.

Le TAPI fondait à tort son jugement sur la motion M 2'278 pour préserver le potentiel de densification prévu par le PDCn 2030 pour certains secteurs de la zone villa votée le 5 juin 2015. Celle-ci ne se rapportait toutefois qu'à la volonté du département de contrôler l'application de l'art. 59 al. 4 LCI, dans sa version antérieure au 28 novembre 2020. Ces éléments étaient devenus sans objet depuis l'adoption de la loi 12'566 et l'entrée en vigueur le 28 novembre 2020 des nouveaux al. 3bis et 4bis de l'art. 59 LCI. La décision de refus conservatoire ne faisait d'ailleurs aucune référence à ces éléments.

Le TAPI concluait ensuite à tort que l'existence du PL 10'843 démontrait que la planification du législateur étaient toutes d'actualité. Il ignorait ce faisant totalement le processus législatif suivi par ce projet de loi, dont elle rappelait l'historique, y compris la votation par le Grand Conseil le 24 février 2017 de la motion M 2'350 marquant l'abandon définitif dudit projet de loi dans sa teneur invoquée par le département. Sa parcelle devait, selon ladite mention, être déclassée en zone ordinaire. Or, le Conseil d'État n'avait pas donné suite à cette motion, en violation de l'art. 148 al. 1 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01). Il n'avait pas respecté l'obligation de rendre un rapport écrit dans les six mois à compter de la date de la motion. Il avait ce faisant implicitement marqué son refus de scinder le PL 10'843 en deux et de procéder à un classement en zone ordinaire du secteur concerné par sa parcelle. Ce faisant, le Conseil d'État avait également bloqué le traitement du PL 10'843 par le Grand Conseil, dès lors que celui-ci avait demandé une modification du plan de modification de zone, avec une scission de la zone de développement initialement prévue en une zone ordinaire et une zone de développement. En conséquence, par l'effet de cette inaction volontaire, le déclassement du secteur litigieux était abandonné. Si le Conseil d'État exécutait la motion M 2'350, il devrait préparer un nouveau projet avec un déclassement partiel en zone ordinaire et en zone de développement, ce qui impliquerait une reprise de toute la procédure depuis le début. Partant, le PL 10'843 était « mort » et ne pouvait être réactivé.

Le préavis du SPI, contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI de manière abusive, n'avait aucune portée juridique. Il n'avait d'ailleurs été suivi par aucune action. Ce préavis se limitait en réalité au renvoi à un projet de loi abandonné depuis plusieurs années et sans pertinence.

La première condition cumulative de l'art. 13B LaLAT n'était ainsi pas réalisée. Il s'ensuivait qu'elle était privée de son droit de propriété par une application illégale de cette disposition. De plus, le principe de proportionnalité avait été violé, dès lors que l'autorité intimée se fondait sur un projet de loi déposé plus de dix ans auparavant et figé en commission de l'aménagement depuis 2015, pour bloquer pendant deux ans supplémentaires son projet de construction.

16) Le département a conclu, le 28 février 2022, au rejet du recours.

La lecture du jugement querellé permettait de constater que si le TAPI s'était référé à la M 2'278 dont se prévalait A______, ce n'était que dans le cadre de l'exposé des faits, ce qui était corroboré par la position des premiers juges fondée sur le constat de non-conformité du projet à l'intention du planificateur exprimée dans le PL 10'843 de soumettre la zone concernée au régime d'une ZD 3. C'était donc davantage le grief de A______ que l'argumentation des juges précédents qui était hors sujet.

A______ n'apportait toujours aucun élément de nature à démontrer que les chances de réalisation dudit PL ne demeuraient pas entières. L'inaction volontaire du Conseil d'État qui n'aurait pas donné suite à la M 2'350 n'était pas déterminante, étant donné qu'il n'était pas l'autorité compétente pour un projet de loi qui modifiait la zone (art. 16 al. 7 LaLAT). À cela s'ajoutait le fait qu'un projet de loi soit bloqué, quelle qu'en soit la raison, ne signifiait pas encore qu'il était abandonné.

Le SPI était le mieux à même de se prononcer sur les objectifs de planification et leur actualité, puisqu'il avait pour tâche notamment de gérer les procédures d'adoption des plans d'aménagement. La jurisprudence avait reconnu qu'il n'était pas abusif de se fonder sur le préavis de cette instance. S'y ajoutait que le TAPI ne s'était pas fondé uniquement sur cet élément, mais sur l'ensemble des circonstances qui, d'ailleurs, allaient dans le même sens que le contenu dudit préavis.

C'était à juste titre que le TAPI avait rappelé que le temps écoulé depuis le dépôt du projet de loi n'avait pas porté atteinte à la garantie de la propriété, dans la mesure où ce droit était préservé par la durée limitée fixée par l'art. 13B LaLAT.

17) Dans sa réplique du 4 avril 2022, A______ a tenu à relever qu'aucune action relative à l'aménagement du secteur litigieux n'était en cours ou n'avait été engagée par le canton depuis le début de la procédure. L'invocation du plan directeur modifié supposait que le département lance une procédure d'aménagement. Or, environ un mois et demi avant l'échéance d'une année pour le lancement de l'enquête publique exigée par l'art. 13 LaLAT, il n'avait rien entrepris. Il ne pourrait donc pas respecter cette échéance. La décision de refus conservatoire deviendrait donc d'office sans objet.

Sa parcelle était en réalité bloquée au moins depuis le 23 juin 2011, date du PL 10'843, soit donc depuis dix ans au moment de la décision de refus conservatoire litigieuse. S'y ajoutaient deux années, soit un total de douze ans, dont il devait être tenu compte pour constater une violation de la garantie de la propriété.

18) Les parties ont été informées, le 5 avril 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI rejetant le recours de la requérante contre le refus du 21 mai 2021 de lui accorder une autorisation de construire une villa mitoyenne HPE avec garage mitoyen sur sa parcelle.

3) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4) a. Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

b. Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 8c ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4c ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées).

5) a. Selon l'art. 13B LaLAT, lorsque l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol paraît nécessaire, à l'effet de prévenir une construction qui serait de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics, le département peut refuser une autorisation de construire sollicitée en vertu de l'art. 1 LCI (al. 1 1ère phr.). Il ne peut s'écouler plus de deux années entre la décision de refus et l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol, la mise à l'enquête du projet devant intervenir dans les douze mois à compter de la décision de refus. À défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d'affectation du sol en vigueur, soit, dans les zones de développement, selon les normes de la zone ordinaire ou selon le plan d'affectation spécial en force (al. 2). Le délai cité à l'al. 2 est suspendu en cas de recours contre une décision prise dans le cadre de la procédure d'adoption du plan d'affectation ; il en est de même en cas de référendum municipal ou cantonal (al. 4).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l'art. 13B LaLAT – en substance équivalent à l'art. 17 de l'ancienne LaLAT – est une mesure provisionnelle individuelle tendant à protéger un processus de révision des plans d'affectation en paralysant l'application du plan en vigueur par l'effet anticipé du plan en gestation. La mesure assure le travail de révision contre les risques représentés par les projets de construction soumis à autorisation qui pourraient le menacer. Le refus vise à maintenir la liberté d'action de l'autorité chargée de l'établissement du plan d'affectation (ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 7b ; ATA/1087/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4d ; ATA/231/2014 du 8 avril 2014 consid. 3b et 3c et les arrêts cités).

L'art. 13B LaLAT ne suppose pas que le processus législatif soit déjà engagé. Il suffit, d'après le texte légal, qu'une modification du régime des zones paraisse nécessaire. Dès lors que cette nécessité est constatée, et sans qu'il soit nécessaire que les intentions se soient déjà concrétisées dans un texte, une intervention est possible sur la base du refus conservatoire (ATA/45/2008 précité consid. 4c). L'application de cette disposition ne nécessite pas l'existence d'un plan d'affectation, mais uniquement son projet lié à des objectifs d'urbanisme (ATA/45/2008 du 5 février 2008 consid. 5a). Il suffit que la construction envisagée paraisse de nature à contrecarrer les objectifs visés (ATA/1087/2020 précité consid. 4d ; ATA/146/2021 précité consid. 7b).

L'ancien Tribunal administratif a confirmé le refus d'une autorisation de construire fondé sur l'art. 13B LaLAT, notamment au motif que la possibilité de mettre en œuvre la densification et la mixité prévues par l'étude d'aménagement dans le secteur incluant la parcelle litigieuse était susceptible d'être compromise par le projet de construire de nouvelles halles d'exposition, celles-ci limitant le choix laissé aux concepteurs du futur plan d'affectation (ATA/45/2008 précité consid. 6b). Dans une autre affaire concernant la construction d'un bâtiment comportant deux logements, la chambre administrative a donné raison au département qui n'avait pas fait usage de l'art. 13B LaLAT. Au vu des pièces du dossier, il n'existait aucun projet lié à des objectifs d'urbanisme. Le périmètre concerné était destiné à des logements et le projet initial avait été modifié en tenant compte du plan de site en cours d'élaboration (ATA/156/2011 du 8 mars 2011 consid. 7). En outre, examinant les conditions de restriction à la garantie de la propriété, le Tribunal fédéral a jugé, dans une affaire vaudoise concernant une disposition similaire à l'art. 13B LaLAT, que le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) exigeait, d'une part, qu'une mesure fondée sur une telle disposition ne s'étende pas dans le temps au-delà de ce qui était nécessaire. D'autre part, il impliquait qu'une interdiction de bâtir ne devait pas paralyser un projet qui ne compromettait pas la planification envisagée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_528/2011 du 27 avril 2012 consid. 2.2).

c. Plus récemment, la chambre de céans a, concernant une parcelle d'une surface de plus de 29'000 m2, située en zone 5 sur la commune de Chêne-Bougeries, confirmé le refus conservatoire de délivrance d'une autorisation préalable de construire portant sur la construction d'habitats groupés de très haute performance énergétique (ci-après : THPE), comportant 94 logements, et d'un garage commun. Le SPI avait émis un préavis défavorable pour la raison que le secteur concerné par le projet faisait l'objet d'une modification des limites de zones (MZ n° 29'851-511) visant un déclassement en zone de développement 4A et d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ n° 29'845-511). Cette MZ et ce PLQ étaient conformes aux objectifs et aux principes d'aménagement du territoire définis dans la fiche A03 du plan directeur cantonal, qui prévoyait pour ce secteur, une densification par une MZ. Le projet n'était donc pas conforme à la planification en cours sur ce secteur qui prévoyait la réalisation d'environ 280 logements, avec une attention particulière apportée à la perméabilité du secteur, avec des servitudes de passage public, le traitement des espaces libres, des zones de plantage et d'importants espaces libres laissés entre les bâtiments. La demande d'autorisation préalable de construire était de nature à compromettre les objectifs d'urbanisme. Il convenait par conséquent de refuser cette autorisation de construire en application de l'art. 13B LaLAT.

La chambre administrative a retenu qu'il n'était pas contesté que la parcelle concernée par le projet litigieux se trouvait au moment de la décision attaquée dans un périmètre inscrit dans le PDCn 2030 et que le schéma directeur cantonal du PDCn 2030 renvoyait pour ce périmètre à la fiche A03 qui prévoyait une densification de la zone villa par MZ. La parcelle litigieuse y figurait encore à la suite de la mise à jour le 14 juillet 2020 du programme de densification des quartiers en zone 5 selon la fiche A03 du plan directeur cantonal. Il était constant que la MZ n° 29'851 et le PLQ n° 29'845 avaient été refusés en votations référendaires le 4 mars 2018. La recourante considérait toutefois que le département n'avait pas manifesté son intention de poursuivre lesdits projets. Or et contrairement à ce qu'elle soutenait, le fait que sa parcelle figure en rouge sur le programme de densification des quartiers en zone 5 selon la fiche A03 du plan directeur cantonal, mise à jour encore récemment, illustrait bien que la problématique d'une MZ de sa parcelle était toujours d'actualité. En outre, le résultat d'une votation n'avait pas d'effet contraignant pour les autorités cantonales (arrêt du Tribunal fédéral 1P.515/2000 du 14 mai 2001 consid. 1a) et n'était pas remis en cause par la recourante.

Il ressortait par ailleurs d'un document intitulé « Projet, Plan directeur communal, Plan directeur des chemins pour piétons » émis par la commune le 28 septembre 2020 cité par la recourante et consulté le 27 janvier 2021, que depuis les votations référendaires en 2018, le département avait, à deux reprises, rencontré la commune et les propriétaires. Le département n'était ainsi pas resté inactif dans ce dossier. Enfin, le fait que le conseil communal de la commune ait, en date du 24 septembre 2020, demandé par voie de résolution l'ouverture de modifications des limites de zones en application de l'art. 15A al. 3 LaLAT ne remettait pas en cause le maintien de la parcelle concernée sur ledit programme de densification en juillet 2020. Au vu de ces éléments, le TAPI n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le département n'avait pas abandonné le projet de modification des limites de zones.

Les mesures provisionnelles fondées sur l'art. 13B LaLAT avaient leur raison d'être tant que le changement d'affectation n'était pas encore décidé. À cause de leur nature provisoire et accessoire, elles cessaient en principe de déployer leurs effets quand la procédure principale prenait elle-même fin ; on ne pouvait ainsi concevoir un tel « effet anticipé négatif » après l'approbation du nouveau plan, ou le cas échéant, après une décision de l'autorité de planification renonçant à la modification du plan précédent. En outre, la législation cantonale prévoyait généralement que ces mesures provisionnelles prennent fin par l'écoulement du temps si la procédure de planification n'était pas achevée suffisamment rapidement.

Le TAPI était en droit de se fonder sur le préavis du SPI pour retenir que les projets MZ n° 29'851 et PLQ n° 29'845 étaient toujours d'actualité ou à tout le moins n'avaient pas été abandonnés. Par ailleurs, un nombre de logements nettement plus élevé était prévu que celui avancé par la recourante.

L'atteinte à la garantie de la propriété de la recourante se fondait sur une base légale (art. 13B LaLAT). En outre, la condition de l'intérêt public était réalisée lorsque la décision attaquée se fondait sur l’objectif de densification de la cinquième zone par MZ selon la fiche A03 du PDCn 2030 qui prévoyait de classer, notamment, la parcelle litigieuse dans des zones permettant de densifier de manière plus importante et de construire ainsi un nombre de logements plus élevé que celui prévu par le projet refusé. Or, la nécessité de construire un nombre plus important de logements en cas de pénurie dans ce domaine satisfaisait à l'exigence d'un intérêt public.

La condition de la proportionnalité était également réalisée dans la mesure où le refus de l’autorisation de construire préalable était apte à produire le résultat escompté, soit éviter que la future densification par MZ prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. Ce refus respectait en outre la règle de la nécessité, puisque l'objectif visé ne pouvait pas être atteint par une mesure moins incisive. La pesée des intérêts en présence respectait le principe de la proportionnalité au sens étroit. La recourante ne démontrait pas de manière convaincante que son projet primerait les objectifs de densification ressortant du PDCn 2030.

Enfin, il existait une limite temporelle fixée à l'horizon 2030, eu égard à la mise en œuvre du PDCn 2030. En outre, la recourante serait en droit de reprendre la disposition de son terrain après l'écoulement du délai de deux ans prévu par l'art. 13B al. 2 LaLAT, étant précisé que dans la mesure où une enquête publique avait déjà été réalisée antérieurement au dépôt de la demande d'autorisation préalable de construire, le délai de douze mois indiqué dans cette disposition ne s'appliquait pas en l'espèce (ATA/146/2021 précité et le références citées).

Le Tribunal fédéral, dans un arrêt 1C_142/2021 du 22 décembre 2021, a rejeté le recours formé contre cet ATA/146/2021. La garantie de la propriété n'était pas violée. Contestant que le délai de douze mois dans lequel le projet de planification devait être mis à l'enquête ait été respecté, la recourante faisait valoir que « les différentes exigences découlant de la jurisprudence relatives au refus conservatoire » n'avaient pas été examinées par la chambre administrative, à savoir : l'expression concrète des objectifs d'urbanisme, la poursuite avec diligence et l'expression dans le temps de la volonté de réviser la planification ; les chances de réalisation des objectifs de planification, l'arrêt attaqué ne recensant pas beaucoup d'actions concrètes en vue de l'adoption d'une nouvelle planification. Cela étant, on pouvait selon le Tribunal fédéral, comme l'alléguait le département, se référer au projet déjà élaboré et mis à l'enquête publique, suffisamment abouti pour que les exigences précitées puissent être considérées comme étant respectées. Aussi, peu nombreuses étaient les démarches restant à entreprendre. En dépit du refus de ce projet en votation populaire cantonale, celle-ci ne valant « que » préavis, on pouvait, comme l'avait constaté la chambre administrative, laisser au département le bénéfice du doute lorsqu'il affirmait avoir la volonté de poursuivre cette planification. Ceci était d'autant plus vrai que cette tâche lui incombait en vertu de la planification directrice cantonale en vigueur. Au jour de l'arrêt attaqué, le 9 février 2021, s'il ne restait certes que peu de temps jusqu'à l'échéance du délai de l'art. 13B LaLAT (en novembre 2021), une éventuelle adoption du nouveau plan restait encore envisageable. Comme l'exposait la recourante, les étapes requises par la législation cantonale (art. 16 LaLAT) impliquaient au minimum d'entendre la commune sur le refus populaire, de mettre à l'enquête publique le projet pendant trente jours, puis de soumettre celui-ci au Grand Conseil, afin que cette autorité statue au plus tard dans les quatre mois. Il n'apparaissait ainsi pas que certaines étapes indispensables à l'adoption de la planification fussent d'ores et déjà, au jour où la chambre administrative avait rendu son arrêt, rendues impossibles faute du temps nécessaire à leur réalisation. Dans ces circonstances, il n'était pas arbitraire d'avoir considéré que l'adoption d'une nouvelle planification justifiait le refus de l'octroi de l'autorisation préalable de construire.

En revanche, la seule mention de l'objectif de modification de zone au plan directeur cantonal ne saurait ensuite justifier un refus au-delà du délai de deux ans prévu par l'art. 13B al. 2 LaLAT, car une base légale ferait alors manifestement défaut et il serait en outre douteux que le principe de la proportionnalité demeure respecté.

d. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a considéré qu'au terme de la période de conservation, le propriétaire « reprend la libre disposition de son terrain » selon les normes en vigueur, sans que l'autorisation qui a été refusée ne soit délivrée automatiquement (ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c et les arrêts cités ; RDAF 2011 I p. 14-15), la délivrance d'autorisations de construire demeurant de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/278/2022 du 15 mars 2022 consid. 4 b).

e. L'art. 13B LaLAT accorde au département une grande marge d'appréciation que le juge ne peut revoir qu'en cas d'excès ou d'abus (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1273/2017 précité consid. 6d).

6) Le PDCn 2030 adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil genevois et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015, prévoit la densification par modification des limites de zones de certains secteurs de la zone 5. Sa première mise à jour a été adoptée par le Grand Conseil le 10 avril 2019 et approuvée par le Conseil fédéral le 18 janvier 2021.

Le plan directeur cantonal a force obligatoire pour les communes et le Conseil d'État, mais ne produit en revanche aucun effet direct à l'égard des particuliers (art. 9 al. 1 LAT ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_423/2016 du 3 avril 2017).

7) Le 26 mars 2014, le Conseil d'État a déposé un projet de loi PL 11'411 modifiant l'art. 13B al. 2 LaLAT. Le texte proposé visait à porter de deux à cinq ans le délai au terme duquel, en l'absence d'adoption ou de modification d'un plan d'affectation, le propriétaire qui s'était vu opposer un refus conservatoire pouvait reprendre le plein usage de son terrain. Le délai d'une année imparti à l'État entre le refus conservatoire et la mise à l'enquête publique du plan d'affectation était quant à lui porté à 48 mois.

Comme l'exprime le rapport de majorité de la commission d'aménagement du Grand Conseil qui a étudié le PL 11'411, celui-ci visait à éviter que l'État doive procéder à des modifications de zone dans la précipitation et permettre ainsi la concertation et l’élaboration des projets en lien avec les communes et les riverains.

En cours de discussion, il a été convenu du retrait du PL 11'411 en faveur d'une motion 2'278 invitant le Conseil d’État à :

- appliquer les dispositions du droit fédéral, le cas échéant, par voie réglementaire, en vue de permettre l’adoption par le Conseil d’État pour une durée provisoire de cinq ans au plus, de zones réservées dans les secteurs de la zone villa destinées à une densification, selon la fiche A03 du PDCn 2030, et pour lesquels une modification de zone est prévue dans un délai de cinq ans ;

- faire une application restrictive de l’art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villa destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans ;

- adopter une pratique administrative qui permette néanmoins aux propriétaires de terrains, sis dans des secteurs de la zone villa voués à faire l’objet de mesures de densification au titre de la fiche A03 du PDCn 2030 et qui ne font pas l’objet de refus conservatoire au sens de l’art. 13B LaLAT, des agrandissements modérés de constructions existantes ou des nouvelles constructions de peu d’importance, ne créant aucun nouveau logement.

Le Conseil d'État a déposé son rapport concernant la motion susmentionnée le 9 décembre 2015. Il y expose qu'il a fait siennes les injonctions données par les auteurs de la motion. Il avait d'ores et déjà entrepris toute une série de mesures afin de permettre une densification des périmètres concernés. Ainsi, une zone réservée, au sens de l'art. 27 LAT, avait été introduite à l'art. 10 du règlement d’application de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 1er juillet 1992 (RaLAT - L 1 30.01), lequel était entré en vigueur le 24 juin 2015.

8) Le 14 juillet 2015, le département a présenté sur son site internet une carte du canton intitulée « Programme de densification des quartiers de villas », adoptée le 18 octobre 2015, laquelle désignait les périmètres de la zone villa faisant l'objet de MZ en cours. Cette carte a fait l'objet de plusieurs mises à jour, la dernière le 14 juillet 2020.

La pratique administrative, fiche A03 du PDCn 2030, établie en lien avec la carte précitée, dans ses versions du 26 avril 2018 et 14 juillet 2020, indique, concernant les parcelles dont une MZ est en cours, que la dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI ne s'applique pas. De surcroît, toute requête créant un nouveau logement est refusée selon l'art. 13B LaLAT. L'administration dispose d'un délai de deux ans à compter du refus pour adopter une MZ.

9) a. Il ressort du PL 10'843 déposé le 23 juin 2011 qu'il avait pour objectif d'étendre la ZD 3 à l'ensemble des parcelles comprises dans le périmètre du plan N° 29172A-540, conformément aux dispositions contenues dans le plan directeur cantonal dans sa version mise à jour en juin 2006, approuvée par le Conseil d'État le 28 mars 2007 et par le département fédéral des transports, de l'énergie et de la communication, le 28 juin 2007.

La situation de crise du logement à Genève impliquait des mesures urgentes pour mettre à disposition des périmètres constructibles et destinés à accueillir des logements subventionnés et des logements d'utilité publique au sens de la nouvelle loi LUP : celles qui — comme cela était le cas pour le présent projet de loi — visaient à densifier la 5ème zone et celles qui proposaient des déclassements limités de la zone agricole en continuité de la zone à bâtir.

Le plan directeur communal de C______, adopté par le Conseil communal le 3 avril 2007, puis approuvé par le Conseil d'État le 27 juin 2007, préconisait qu'une étude d'urbanisation soit conduite sur l'ensemble du secteur (de Casaï à Corbillettes) tout en posant l'hypothèse d'une densité différenciée. Les immeubles les plus importants, dédiés aux activités devraient prendre place le long de l'avenue Casaï tandis que le logement se situerait à l’arrière dans des immeubles de plus petit gabarit. Depuis lors, les récentes conclusions des études conduites dans le cadre du projet d'agglomération confirmaient l'intérêt du développement du secteur devenu partie intégrante du cœur d'agglomération. Ces conclusions rejoignaient globalement les principes développés par la commune dans son plan directeur.

Situé au nord de la cité des Avanchets, le périmètre concerné était principalement occupé par des villas qui ne présentaient pas de valeur architecturale particulière, ainsi que par une église, un garage et un restaurant. Il était compris entre deux secteurs sis en ZD 3. Le premier, à l’ouest, sur le territoire de la commune de Meyrin, avait fait l’objet d’un développement matérialisé sous la forme du PLQ n° 26'917 datant de 1978, partiellement remplacé par le PLQ n° 29'594, adopté par le Conseil d’État en mars 2010. Deux requêtes en PL 10'843 8/9 autorisation de construire définitives, conformes à ce dernier, étaient en cours d’instruction. Le second, à l’est, concernait une partie de l'ancienne pépinière Boccard, déclassée en ZD 3, le 16 mars 2000 et au bénéfice du PLQ n° 28'939 en force depuis 2001. Ce quartier était entièrement réalisé. Très bien desservi par les transports publics, ce périmètre était également facilement accessible aux transports individuels, vu la présence d'un réseau de rues principales et secondaires important. D'autre part, les équipements urbains nécessaires (écoles, cycle d'orientation des Coudriers, centre commercial de Balexert) ainsi que des espaces verts existants comme le parc de l'Étang, celui du Marais (zone de verdure adoptée le 28 janvier 2011) ou le parc du cycle d'orientation des Coudriers étaient présents en nombre à proximité du périmètre.

S'agissant du périmètre de Casaï / Corbillettes, un premier projet portant le N° 29'172-526-540, visant la création d’une ZD 3 avait été mis à l’enquête publique du 2 mai au 2 juin 2001. Sa surface était alors de 129'680 m2, il s'étendait jusqu’au chemin des Corbillettes et jusqu’au chemin Terroux, empiétant ainsi sur le territoire de la commune de Meyrin. L'enquête publique avait suscité environ 315 observations et le Conseil municipal de la commune de Meyrin avait voté un préavis défavorable (16 non, 10 oui et 2 abstentions) le 11 septembre 2001. Le Conseil municipal de C______ avait préavisé défavorablement le projet modifié (29 contre, 1 abstention) en date du 18 décembre 2001. D'un commun accord entre le Conseiller d'État chargé de l'aménagement du territoire et la commune de C______, le projet de MZ avait alors été mis en suspens dans l'attente du projet de développement du site de Villars, qui finalement n'avait pas abouti. En août 2010, le Conseil d'État avait auditionné le Conseil administratif de C______, en application de l'art. 16 al. 4 LaLAT et avait confirmé sa volonté de poursuivre le déclassement de ce périmètre dont la superficie avait été très légèrement réduite afin de se limiter au territoire de la commune de C______. En effet, un autre projet de modification des limites de zones (plan N° 29'528) portait sur la partie de Cointrin située sur le territoire de la commune de Meyrin. Lors de cette séance, il avait été convenu que les propriétaires et la commune seraient étroitement associés à l'élaboration des PLQ.

b. Selon la Proposition de motion 2'350, pour donner un coup d’accélérateur à la MZ le long de l’avenue Louis-Casaï, déposée le 10 janvier 2017, le Grand Conseil : « considérant le PL 10'843 ; le plan n° 29'172A-540 dressé par le département, modifié le 16 septembre 2010, modifiant les limites de zones sur le territoire de la Commune de C______ ; la conformité aux planifications directrices cantonales et communales ; la détermination de la commune de C______ ; la spécificité du périmètre totalement construit sous forme de maisons individuelles occupées soit par leurs propriétaires soit par des locataires ; l’opposition déterminée des habitants et des propriétaires ; la volonté de quelques propriétaires qui bordent l’avenue Louis-Casaï de rapidement développer des projets de construction conformes à l’image directrice proposée par le département ; les difficultés rencontrées par le département pour proposer des mesures d’accompagnement suffisantes en faveur des habitants et des propriétaires visés, soit, notamment, des conditions d’échange entre les parcelles et des appartements à bâtir plus souples, des propositions concrètes d’échange possible avec d’autres parcelles sises en zone villa et non visées par de futurs déclassements ou encore des incitations fiscales ; la possibilité de procéder rapidement à une MZ pour le périmètre dans lequel certains propriétaires souhaitent adhérer au développement prévu et de réserver, pour un temps ultérieur, la modification de zones envisagée sur le solde du périmètre du plan n° 29'172A-540 pour permettre que les obstacles ci-dessus évoqués puissent être discutés et trouvent des solutions acceptables pour tous, invite le Conseil d’État : à modifier le PL 10'843 et partant le plan n° 29'172A-540 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de C______ selon le schéma ci-dessous intégré qui pourrait être, le cas échéant, modifié en tant que besoin en fonction des études techniques déjà réalisées ; à modifier le PL 10'843 modifiant les limites de zones sur le territoire de la Commune de C______ en vue de créer une zone 3 le long de l’avenue Louis-Casaï (en vert sur le schéma) ; à reprendre la procédure du PL 10'843 au stade de l’art. 16 al. 4 LaLAT pour procéder à une nouvelle enquête publique et une nouvelle procédure relative aux oppositions ; à procéder avec diligence à ces opérations afin de permettre au Grand Conseil de statuer rapidement sur les oppositions et de procéder au vote du projet de loi ».

c. Selon l'art. 16 al. 4 LaLAT, simultanément à l’ouverture de l’enquête publique, le département transmet le projet à la commune pour qu’il soit porté à l’ordre du jour du Conseil municipal. À l’issue de l’enquête, le département transmet, en principe dans un délai de quarante-cinq jours, à la commune les observations reçues. L’autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations. Son silence vaut approbation sans réserve.

d. Il ressort de l'art. 148 LRGC que si, après avoir été adoptée, une motion est renvoyée au Conseil d’État, ce dernier doit présenter au Grand Conseil un rapport écrit, dans un délai de six mois à compter de la date de la décision de celui-ci, en motivant son refus s’il n’adhère pas à la proposition (al. 1). Le Grand Conseil prend acte de ce rapport (al. 2). Toutefois, si le rapport est incomplet, le Grand Conseil peut demander au Conseil d’État de lui fournir un rapport complémentaire (al. 3).

10) En l'occurrence, il n'est pas contesté que la parcelle concernée par le projet litigieux se trouvait au moment de la décision attaquée dans un périmètre inscrit dans le PDCn 2030 et que le schéma directeur cantonal du PDCn 2030 renvoyait pour ce périmètre à la fiche A03 qui prévoyait une densification de la zone villa par MZ. La parcelle litigieuse y figure encore à la suite de la mise à jour le 14 juillet 2020 du programme de densification des quartiers en zone 5 selon la fiche A03 du plan directeur cantonal.

Le département ne conteste nullement que le PL 10'843, datant de juin 2011, soit de bientôt douze ans, est bloqué en commission depuis son troisième renvoi le 19 février 2015 et n'a connu aucune évolution depuis le dépôt de la motion M 2'350 le 10 janvier 2017 et son vote par le Grand Conseil le 24 février 2017, soit désormais depuis plus de cinq ans. Il ne remet pas davantage en cause le fait que le Conseil d'État a déposé son rapport écrit prescrit à l'art. 148 al. 1 LRGC, daté du 28 mars 2018, motivé, refusant de donner suite à la M 2'350 et que le Grand Conseil en a pris acte le 4 juin 2021. Ainsi, depuis plus de cinq ans désormais, il apparaît que le PL 10'843 doit être considéré comme « au point mort ». La recourante ne peut qu'être suivie lorsqu'elle soutient que le département, notamment et y compris après le début de la présente procédure, n'a pas démontré une intention du législateur de poursuivre le projet de MZ qui fait obstacle à son projet de construction.

Le fait que la parcelle de la recourante figure en rouge sur le programme de densification des quartiers en zone 5 selon la fiche A03 du PDCn, mis à jour encore récemment, illustre certes que la problématique d'une MZ comprenant sa parcelle est toujours d'actualité, mais pas que le processus législatif se poursuive avec diligence.

Aussi, la chambre de céans n'est pas à même de retenir une quelconque action objective du legislateur depuis février 2017 en vue de la concrétisation du PL opposé à la recourante pour lui refuser la construction de la villa projetée. Cette situation, en application des critères récemment retenus par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 1C_142/2021 précité, conduit à retenir qu'en l'état, le département ne démontre nullement d'expression concrète des objectifs d'urbanisme du législateur pour le périmètre concerné, ni la poursuite avec diligence et l'expression dans le temps de la volonté de réviser la planification, ni encore les chances de réalisation des objectifs de planification en cause. Le projet de MZ n'est ainsi à teneur des éléments actuels pas suffisamment abouti pour que les exigences précitées puissent être considérées comme étant respectées. Au contraire, de nombreuses démarches restent à entreprendre.

Au vu de ces éléments, s'il ne peut être dit que le législateur a abandonné le projet de MZ, celui-ci étant toujours en suspens devant la commission d'aménagement, il ne l'a en revanche pas mené activement, compte tenu des apparentes divergences entre, pour ce qui concerne le périmètre dans lequel est incluse la parcelle du recourant, le passage en zone 3 ou ZD 3.

Compte tenu de ce constat, le préavis du SPI, le seul défavorable au projet de construction ayant fait l'objet du refus conservatoire querellé, quand bien même selon la jurisprudence cantonale, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, ne suffit pas à renverser ce constat et à retenir que les conditions des al. 1 et 2 de l'art. 13B LaLAT d'un refus conservatoire étaient réunies. Le département a, au vu de ce qui précède, abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant le contraire.

Dans la mesure où l'une des conditions cumulatives de l'art. 13 LaLAT n'est pas réalisée en l'espèce, le recours est fondé. Le jugement du TAPI sera annulé.

Il en sera de même des deux décisions querellées, soit de refus d'autorisation de construire et le bordereau de facture fixant la taxe d'enregistrement et l'émolument.

Conformément à la jurisprudence précitée, la cause sera renvoyée au département pour examen des conditions de délivrance de l'APA et nouvelle décision.

11) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l'État (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 janvier 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 décembre 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 décembre 2021 ;

annule la décision du département du territoire du 21 mai 2021 ;

annule le bordereau de facture du 19 mai 2021 ;

renvoie la cause au département du territoire pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______, à la charge du département du territoire ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, au département du territoire-OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :