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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1023/2020

ATA/871/2020 du 08.09.2020 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 14.10.2020, rendu le 15.10.2020, IRRECEVABLE, 2C_850/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1023/2020-EXPLOI ATA/871/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 septembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1) En septembre 2018, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a reçu, dans le cadre de l'opération « Papyrus » de régularisation des travailleurs au noir, le dossier de Madame B______, dont il ressortait qu'elle avait travaillé au service de Madame A______ en qualité d'employée domestique depuis octobre 2008 à raison de 45 à 50 heures par semaine. Ces indications ressortaient de la demande d'autorisation de séjour cosignée par l'employée et l'employeuse le 9 mars 2017.

2) L'OCIRT a alors initié une procédure de contrôle des conditions de travail, en requérant de l'employeuse le 9 novembre 2018 la liste des personnes à son service depuis le 1er janvier 2013, leur rémunération, copie de leurs fiches de salaire et les attestations de salaire déclarés à l'AVS pour les années 2013 à 2017.

3) Ce courrier étant demeuré sans réponse, l'OCIRT a réitéré sa demande le 14 décembre 2018, rappelant à l'employeuse son obligation de collaborer au contrôle, le refus étant passible d'une contravention pénale.

4) Le 8 janvier 2019, Mme A______ a sollicité une prolongation de délai, précisant n'avoir pas encore pu rassembler les documents réclamés.

5) Par courriel du 15 janvier 2019, l'intéressée a informé l'OCIRT qu'elle lui avait envoyé lesdits documents, ajoutant qu'elle était dans l'attente d'autres pièces.

6) Le 22 janvier 2019, Mme A______ a déposé à l'OCIRT les attestations de salaires déclarés pour les années 2008 à 2016, les certificats de salaire 2014, 2015 et 2016, la déclaration de salaire LAA 2014, les fiches de salaire 2015 mentionnant un salaire mensuel brut de CHF 2'977.25 et net de CHF 2'700.-, le contrat de travail du 2 janvier 2017 de Mme B______ prévoyant un salaire mensuel de CHF 2'890.-, le formulaire M du 9 mars 2017 mentionnant un salaire annuel brut de CHF 35'727.- et une durée hebdomadaire de 40 à 45 heures de travail, le formulaire de l'OCIRT du 9 mars 2017 mentionnant un salaire annuel brut de CHF 34'680.- et une durée de travail hebdomadaire de 40 à 45 heures et le formulaire K du 5 décembre 2018 faisant état d'un salaire mensuel brut de CHF 1'634.80 et d'une durée de travail hebdomadaire de 20 heures.

7) Différents documents manquant, l'OCIRT a fixé un nouveau délai à l'administrée pour les produire. Sans réponse de cette dernière, l'OCIRT lui a adressé un nouveau rappel, assorti d'un avertissement.

8) Expliquant être souvent en voyage, l'intéressée s'est, par courriel du 11 mars 2019, engagée à produire les pièces manquantes au plus tard à la fin de la semaine suivante. Dès lors qu'à la fin de ladite semaine l'OCIRT n'avait rien reçu, il a informé l'employeuse le 26 mars 2019 de l'ouverture d'une procédure pénale en raison de la violation de l'obligation de renseigner. Si elle donnait suite à la demande de pièces avant le 15 avril 2019, la procédure pénale serait cependant classée.

9) Le 27 mars 2019, l'administrée a transmis par courriel les certificats de salaire, les listes d'imposition à la source et les décomptes de salaires se rapportant aux années 2013 à 2018, tous datés des 13 ou 14 mars 2019.

Manquaient cependant encore les attestations des salaires déclarés à l'AVS pour 2017 et 2018 et les décomptes annuels des salaires annoncés à l'assurance de prévoyance professionnelle (ci-après : LPP) de 2013 à 2018. L'employeuse précisait que Mme B______ avait travaillé 40 heures par semaine jusqu'en mai 2017, puis 20 heures par semaine après son congé maternité.

10) Constatant des contradictions entre les différents documents transmis, notamment relatives aux salaires versés et aux heures de travail effectuées, l'OCIRT a procédé, le 10 décembre 2019, à l'audition de Mme B______. Celle-ci a déclaré qu'elle avait travaillé, d'octobre 2008 à fin octobre 2019, d'abord à raison de 40 heures par semaine pour un salaire mensuel net de CHF 2'900.-, puis, après son congé maternité, à raison de 29 heures par semaine pour un salaire mensuel net de CHF 1'500.-. À partir du 24 novembre 2018, ses horaires avaient été modifiés, passant de 29 à 30 heures, sans modification de salaire. Elle n'avait pas perçu de salaire en nature. Elle n'avait pas reçu de contrat de travail, de fiche de salaire ni de certificat de salaire. Les seuls documents reçus avaient été les attestations de salaire 2008 à 2016 produites avec la demande de régularisation. Elle a produit des échanges de message Whatsapp avec son employeuse.

11) L'OCIRT a transmis le 17 décembre 2019 ces déclarations à Mme A______ en l'informant que selon les informations en sa possession, il apparaissait qu'elle n'avait pas respecté le salaire minimum prévu dans le contrat-type de travail de l'économie domestique du 1er janvier 2012 (ci-après : CTT). L'intéressée était invitée à faire part de ses observations et à produire tout document utile à l'établissement des faits.

12) Celle-ci ne s'est pas manifestée dans le délai imparti.

13) Par courrier recommandé du 30 janvier 2020, l'OCIRT a maintenu son constat d'une violation des prescriptions relatives aux salaires minimaux pendant la période allant du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2019. Mme B______ avait été rémunérée mensuellement à hauteur de CHF 2'900.- net au lieu de CHF 3'467.- brut en 2013, de CHF 3'528.- en 2014 et 2015 et de CHF 3'581.- en 2016 et 2017. Dès septembre 2017, son salaire avait été de CHF 1'500.- net au lieu de CHF 2'596.- en 2017, de CHF 2'627.- de janvier à novembre 2018 et de CHF 2'718.- de décembre 2018 à octobre 2019. Le montant de la sous-enchère salariale s'élevait à CHF 63'299.-.

L'OCIRT a informé Mme A______ qu'une sanction serait prononcée à son encontre. Il serait toutefois tenu compte de toute régularisation qui interviendrait jusqu'au 17 février 2020, notamment la déclaration complète à l'AVS et la LPP pour le salaire corrigé pour les années 2013 à 2019 et la preuve du paiement du rattrapage salarial. Elle pouvait faire valoir ses observations dans le même délai.

14) Mme A______ ne s'est pas manifestée dans ce délai.

15) Par décision du 27 février 2020, l'OCIRT lui a infligé une amende de CHF 11'400.- pour non-respect des salaires minimaux impératifs. Le montant de l'amende était fixé au regard de celui de la sous-enchère salariale et de l'absence, voire de la faible collaboration de l'intéressée.

16) Par acte expédié le 26 mars 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette amende. Les horaires et salaires de son employée avaient toujours été « dans la norme ». Elle avait commencé à rassembler les documents nécessaires à son recours, mais ses enfants et elle étaient malades depuis trois semaines et son médecin lui avait conseillé de rester à la maison jusqu'à la disparition complète des symptômes, ce qui n'était pas encore le cas. Elle faisait son possible pour envoyer un dossier complet dès que possible.

17) Par courrier du 27 mars 2020, la chambre administrative a accordé à Mme A______ un délai au 15 mai 2020 pour compléter son recours.

18) Dans le délai imparti, Mme A______ a précisé que Mme B______ avait travaillé pour elle jusqu'au 31 octobre 2019. Jusqu'à la naissance de son enfant en mai 2020, celle-ci avait travaillé 40 heures par semaine. Ensuite, son employée avait repris son activité à 50%. Elle contestait donc les heures de travail retenues. Mme B______ avait même exercé, après son accouchement, une activité pour une autre famille.

Elle produisait en annexe les documents manquants selon la décision attaquée, à savoir les attestations de salaire AVS 2017 et 2018, les listes des prestations et décomptes de cotisations LPP 2013 à 2019 et le plan de prévoyance. Elle avait pris en charge l'ensemble des cotisations LPP pour Mme B______.

La différence entre les certificats de salaire de 2014 et 2016, transmis en janvier 2019, et ceux transmis pour la même période en mars 2019, s'expliquait par le fait qu'elle n'avait pas intégré dans les premiers les déductions forfaitaires pour les repas de midi et du soir.

Mme B______ faisait partie de la famille, et elles avaient eu des relations amicales. Elle l'avait inscrite au SIT, avait loué à son nom un appartement afin que celle-ci puisse le sous-louer, pris un abonnement téléphonique et conclu un contrat avec les SIG pour elle et l'avait inscrite à l'assurance-maladie.

En sus de ses quatre semaines de vacances, Mme B______ bénéficiait de vacances lorsque la famille était en vacances. Ainsi, en 2018 et 2019, Mme B______ avait pu partir six semaines aux Philippines. Elle avait régularisé son employée dans le cadre de l'opération « Papyrus », payé toutes les primes d'assurance-maladie, avancé de l'argent pour Mme B______ lorsqu'elle avait du retard dans le paiement du loyer, de la facture d'électricité ou de téléphone ; parfois, elle avait payé ces montants. Enfin, sa mère avait souvent donné des montants de CHF 100.- à CHF 300.- à Mme B______ et lui avait même accordé un prêt de CHF 2'000.- dont elle n'avait pas demandé le remboursement.

19) L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Il n'était pas contesté que Mme B______ avait travaillé 40 heures par semaine jusqu'à son accouchement. Le nombre d'heures de travail effectué après celui-ci avait été établi sur la base des déclarations de Mme B______ et d'échanges de messages Whatsapp entre celle-ci et la recourante. L'OCIRT l'avait interpellée à huit reprises à ce sujet, sans recevoir toujours de réponse ou alors en recevant des réponses incomplètes.

Les pièces produites avec le recours ne démontraient pas que les cotisations LPP avaient été acquittées. Par ailleurs, le contrat de travail conclu le 6 janvier 2017 excluait la prise en compte des repas.

20) Dans sa réplique, la recourante a insisté sur le fait qu'après son accouchement, l'employée commençait tard le mercredi matin et finissait son travail plus tôt. Les autres jours de la semaine, celle-ci travaillait entre 14h et 19h. Elle arrivait d'habitude à 14h30 et pouvait partir à 18h30. L'employée était rémunérée séparément CHF 25.-/heure pour le babysitting. Elle pourrait, le cas échéant, retrouver des preuves des vacances prolongées de son employée et des dettes acquittées par elle pour cette dernière.

Il était très probable qu'elle n'ait pas toujours effectué les démarches administratives correctement, mais ce n'était jamais dans l'intention de nuire à Mme B______. En tant que le contrat de travail n'incluait pas les repas, elle entendait par là que le salaire net perçu par l'employée ne comportait pas de montant pour les repas. Mme B______ avait à disposition une carte bancaire qu'elle lui avait remise et qu'elle pouvait utiliser pour les repas et le supermarché.

Enfin, elle reconnaissait que l'OCIRT avait cherché à la joindre à trois reprises, mais c'était pendant une période où sa mère avait été très malade et où elle n'avait, de ce fait, pas pu donner suite aux courriers de l'OCIRT.

21) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conteste tant le principe que le montant de l'amende administrative qui lui a été infligée par l'intimé.

a. Selon la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), l'OCIRT, en tant qu'autorité cantonale compétente, est en droit, en cas d'infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d'un contrat type de travail au sens de l'art. 360a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) par l'employeur qui engage des travailleurs en Suisse, de prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d'un montant de CHF 30'000.- au plus (art. 9 al. 2 let. f LDét).

b. À Genève, le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDét est du ressort de l'OCIRT (art. 35 al. 3 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05).

c. Les amendes administratives cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. Leur quotité doit être fixée en tenant compte des principes généraux du droit pénal (ATA/1190/2018 du 6 novembre 2018 consid. 11b).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/ Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1493). Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi, et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La chambre de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus dudit pouvoir d'appréciation. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/319/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017).

d. La prescription est une question de droit matériel qu'il y a lieu d'examiner d'office lorsqu'elle joue en faveur de l'administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/478/2018 du 15 mai 2018).

Selon l'art. 98 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), la prescription court, notamment, dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée. En vertu de l'art. 97 al. 3 CP, elle ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu.

La LDét ne contenant pas de disposition réglant la question de la prescription, il y a lieu de faire application, par analogie, de l'art. 109 CP, à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans pour les contraventions, soit les infractions passibles d'une amende (art. 103 CP ; ATA/319/2018 du 10  avril 2018).

e. En l'espèce, la recourante doit se voir reprocher une faute. L'OCIRT a constaté qu'elle avait employé Mme B______ du 1er janvier 2013 à fin octobre 2019 en qualité d'employée domestique, agissant également comme nounou. Les rapports de travail étaient soumis à un contrat-type de travail au sens de l'art. 360a CO, à savoir le CTT prescrivant des salaires minimaux impératifs. L'employée était ainsi protégée par le CTT, et la recourante devait respecter les conditions salariales qui y étaient fixées.

Cependant, les salaires versés à l'employée étaient inférieurs au minimum impératif. La recourante ne peut être suivie lorsqu'elle soutient qu'il convenait d'ajouter au salaire versé en espèces celui versé en nature pour les repas de midi et du soir lorsque Mme B______ travaillait à temps plein et du soir quand elle a réduit son temps de travail. En effet, le contrat de travail du 2 janvier 2017 exclut expressément la prise en compte, dans la rémunération, des repas pris sur place. Il stipule que le salaire convenu n'incluait pas le petit-déjeuner, le déjeuner et les encas mis à disposition par l'employeur lorsque cela était nécessaire (« This salary does not include breakfast, lunch and snacks which are made available by the Employer if and when required »). Cette formulation exclut donc la prise en compte, à titre d'élément du salaire, des éventuels repas consommés, si nécessaire, sur place. Les décomptes de salaire produits par la recourante dans un premier temps ne mentionnaient d'ailleurs pas non plus une part de salaire versée en nature. En outre, le salaire de CHF 2'900.- payé jusqu'en avril 2017 ne correspond pas à celui ressortant du contrat de travail signé en janvier 2017 ni aux fiches de salaires produites en mars 2019 (faisant état d'un salaire mensuel de CHF 2'890.-) ni encore à celui ressortant des fiches de salaire produites en janvier 2019, faisant état d'un salaire de CHF 2'700.-. Dans ces circonstances, il convient de retenir qu'il n'est pas établi que la recourante a versé du salaire en nature à son employée.

En outre, il ressort des indications fournies par l'ancienne employée et des messages Whatsapp échangés entre celle-ci et la recourante qu'au retour du congé maternité, l'employée avait exercé son activité du lundi au vendredi de 14h00 à 19h00 et quatre heures le mercredi matin et qu'à compter du 24 novembre 2018, le mercredi matin avait été remplacé par du baby-sitting le mercredi de 19h00 à 24h00. Partant, l'employée a travaillé, après son accouchement, 29 heures, puis 30 heures par semaine. Ce n'est, certes, pas le nombre d'heures de travail qui figure sur les formulaires adressés à l'OCPM, notamment celui signé le 5 décembre 2018 par l'employée et la recourante. Toutefois, d'autres indications figurant sur ces formulaires n'apparaissent pas exactes, comme par exemple le salaire brut versé (CHF 1'634.80), qui ne correspond à aucun autre document produit par la recourante (fiche de salaire, certificat de salaire, attestation de salaires AVS, qui font état d'un salaire brut de CHF 2'057.-). Ces éléments ne permettent donc pas de s'écarter du nombre d'heures de travail précité.

L'OCIRT a établi un tableau comportant le salaire versé, le salaire minimal auquel l'employée aurait eu droit selon le CTT en fonction d'un horaire de 40 heures de travail, puis de respectivement 29 heures et 30 heures hebdomadaires, ainsi que le montant de la sous-enchère salariale pour chaque année. Les montants retenus sont conformes aux salaires minimaux ressortant du CTT, ce que la recourante ne conteste pas en tant que tel. Elle ne conteste pas non plus les montants retenus dans ledit tableau qu'elle a versés à l'employée. Compte tenu de la date de l'arrêt de ce jour, la prescription pénale est cependant acquise pour la sous-enchère salariale précédant le mois de septembre 2017. Selon le tableau précité, la sous-enchère salariale s'est élevée à CHF 4'386.- de septembre à décembre 2017, à CHF 13'619.- en 2018 et à CHF 12'180.- en 2019. Par conséquent, la sous-enchère pertinente pour l'examen du bien-fondé de l'amende s'élève à CHF 30'185.- (CHF 4'386.- + CHF 13'619.- + CHF 12'180.-).

Au vu de ce qui précède, les manquements reprochés à la recourante sont réalisés et constituent des fautes passibles d'une amende administrative. Celle-ci est donc fondée dans son principe.

3) Reste à examiner si le montant de l'amende respecte le principe de la proportionnalité.

a. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur, et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1447/2017 du 31 octobre 2017 consid. 7 ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015).

b. Dans une affaire dans laquelle un employeur n'avait, pendant près d'une année, pas respecté les salaires minimaux impératifs prévus par le CTT, impliquant un rattrapage salarial brut de CHF 19'750.-, la chambre administrative a confirmé l'amende de CHF 2'000.- (ATA/1057/2017 du 4 juillet 2017).

Elle en a fait de même dans une affaire où l'OCIRT avait fixé l'amende au maximum d'alors, soit CHF 5'000.-, compte tenu du montant considérable de la sous-enchère salariale (CHF 329'120.60), de la durée de celle-ci (plus de deux ans et demi) et du nombre de collaborateurs concernés (septante-neuf), soit la totalité des employés (ATA/647/2016 26 juillet 2016).

Elle a en revanche réduit à CHF 3'500.- l'amende initialement fixée à CHF 5'000.-, infligée à un employeur n'ayant pas respecté les salaires minimaux impératifs pour deux employées et pendant plusieurs mois, entraînant un rattrapage de CHF 10'175.84. La chambre administrative a notamment retenu qu'il s'agissait de la première infraction commise par l'employeur en cette matière et qu'il avait collaboré à l'établissement des faits (ATA/126/2016 du 9 février 2016).

Dans le même domaine, elle a également ramené à CHF 3'000.- une amende s'élevant à CHF 5'000.-, soit le maximum légal d'alors, dans le cas d'une entreprise qui n'avait pas respecté les salaires minimaux pour quatre de ses employés pour une durée de trois mois et pour un montant total de CHF 4'865.80.- (ATA/1305/2015 précité).

Une amende fixée à CHF 2'500.- a en revanche été confirmée. Il s'agissait également de la violation des salaires minimaux impératifs prévus par le CTT applicable, pendant une durée de moins d'une année, concernant une seule employée, une sous-enchère salariale évaluée entre CHF 10'000.- et CHF 15'000.- et l'employeur avait déjà fait l'objet, par le passé, d'un rattrapage salarial (ATA/1447/2017 du 31 octobre 2017).

Dans une cause récemment jugée, la violation des salaires minimaux s'était étendue sur la totalité de la durée du contrat de travail des employés concernés, soit pendant une période de plus d'un an pour deux des employés et neuf mois pour les deux autres, pour un montant total de CHF 23'518.-. Il n'y avait pas eu de rattrapage salarial en faveur des employés et l'employeur avait fait preuve d'une mauvaise collaboration. L'amende de CHF 7'250.- infligée à la société avait été confirmée (ATA/220/2020 du 25 février 2020).

c. En l'espèce, l'OCIRT a déterminé le montant total de l'amende en fonction de l'importance de la sous-enchère salariale et de la collaboration déficiente de la recourante.

Comme exposé ci-dessus, une partie des faits est prescrite. La prescription était déjà acquise pour les faits antérieurs au mois de février 2017 au moment où la décision querellée a été rendue. Il ne pouvait ainsi, dans la fixation de l'amende, être tenu compte de la sous-enchère salariale relative aux années 2013 à février 2017, qui se montait à environ CHF 32'000.-. En définitive, le montant de la sous-enchère salariale dont il convient de tenir compte pour la fixation de l'amende est donc de CHF 30'185.-.

Il s'agit de la première infraction commise par la recourante. La violation s'est cependant étendue sur la totalité de la durée du contrat de travail de l'employée concernée. Par ailleurs, la recourante n'a pas prouvé avoir procédé à un quelconque rattrapage salarial en faveur de son ancienne employée, alors que l'OCIRT l'y a expressément invitée. En outre, elle n'a collaboré que médiocrement lors de la procédure, ne donnant pas toujours suite aux courriers des autorités ou n'y répondant que partiellement. Elle a dans un premier temps expliqué son manque de collaboration par le fait qu'elle était souvent en voyage et, dans son recours, que sa mère était malade. Or, quand bien même tel aurait été le cas, la recourante ne démontre pas que la maladie de sa mère l'aurait empêchée de répondre aux demandes de l'OCIRT, ne serait-ce que pour solliciter une prolongation du délai imparti par celui-ci.

Pour le surplus, la recourante, qui n'a fait état d'aucun élément susceptible d'être pris en compte et n'a produit aucun de ses états financiers à l'appui de son recours, n'invoque pas que le paiement de l'amende infligée la mettrait dans une situation financière délicate.

Au vu de ces éléments, le montant de l'amende sera réduit à CHF 5'000.-, étant rappelé qu'il se situe loin du maximum actuel en la matière, fixé par l'art. 9 al. 2 let. f LDét à CHF 30'000.-, que la faute commise est grave et que la réduction n'intervient qu'en raison de la prescription partielle des faits répréhensibles.

Le recours sera donc partiellement admis dans ce sens.

4) Un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2020 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 27 février 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

réduit l'amende infligée à Madame A______ à CHF 5'000.- ;

confirme la décision précitée pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :



 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :