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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3320/2016

ATA/1052/2017 du 04.07.2017 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3320/2016-FPUBL ATA/1052/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juillet 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1983, a intégré la police genevoise en qualité de stagiaire au mois de mars 2003.

2) Par arrêté du Conseil d’État du 19 novembre 2003, il a été nommé à la fonction de gendarme dès le 1er janvier 2004. Il a été confirmé dans ses fonctions de gendarme dès le 1er janvier 2005 par arrêté du Conseil d’État du 23 février 2005.

3) Entre le mois d’avril 2006 et le mois de novembre 2008, M. A______ a obtenu huit félicitations de la part de ses supérieurs en lien avec diverses interventions auxquelles il avait participé en se démarquant par son initiative et sa collaboration.

4) Le 24 novembre 2008, possédant les aptitudes et les qualifications requises, il a été nommé appointé de gendarmerie à compter du 1er janvier 2009.

5) Entre les mois de mars 2009 et mars 2011, M. A______ a à nouveau obtenu neuf félicitations et mentions positives de la part de ses supérieurs pour certaines de ses interventions.

6) Le 1er février 2011, M. A______ a fait l’objet d’un entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP). L’évaluation était très bonne, faisant état d’un collègue très apprécié, intensément investi et très intéressé par la profession et ses spécificités. Il devait toutefois arriver à canaliser d’une manière optimale son trop-plein d’énergie au moyen d’un travail personnel sur lui-même.

7) Les 15 avril et 26 mai 2011, des mesures organisationnelles suite à deux accidents avec un véhicule de service ont été prononcées à l’encontre de M. A______.

Il avait, le 16 février 2011, dans le cadre de ses activités professionnelles, fait subir à la voiture de service qu’il conduisait des dégâts estimés à CHF 15'000.-. Par ailleurs, le 9 mars 2011, lors d’une manœuvre, il avait dérapé avec la voiture de service, occasionnant des dégâts estimés à CHF 3'500.-.

Tant le 15 avril que le 26 mai 2011, un manquement de sa part était relevé, mais aucune sanction disciplinaire n’était prononcée. M. A______ était enjoint de développer sa conscience professionnelle de manière à prévenir toute commission d’une faute disciplinaire.

8) Entre avril et novembre 2011, M. A______ a, à nouveau, obtenu six félicitations et mentions positives en lien avec l’accomplissement de son travail.

9) Le 23 septembre 2011, M. A______ et le brigadier chef de groupe B______ ont adressé une note de service à leur hiérarchie relative à une intervention effectuée dans la nuit du 2 septembre 2011.

Leur intervention avait été sollicitée en lien avec une femme qui criait « au viol » depuis le sous-sol d’un immeuble. Arrivés sur les lieux, ils avaient fait face à un homme de grande taille qui tenait une femme par le col et qui tentait de la frapper au visage. Ceux-ci vociféraient et semblaient alcoolisés. L’homme n’ayant pas obtempéré à leur injonction de se mettre à genoux, ils l’avaient saisi par le bras. Afin de pouvoir lui passer les menottes, M. A______ avait effectué une clé dite « aile de poulet » avec le bras gauche de l’homme. Il avait alors senti un blocage, puis un craquement dans ce bras, et avait immédiatement relâché la clé. Il avait tout de suite fait appel aux secours. À l’arrivée de l’ambulance, l’homme avait indiqué qu’on lui avait vraisemblablement cassé le bras.

10) Par courrier du 30 novembre 2011, Monsieur C______ a déposé plainte pénale contre inconnu.

Dans la nuit du 2 septembre 2011, il était sorti de son immeuble après avoir constaté qu’une personne dessinait un graffiti sur le mur extérieur. Celle-ci n’ayant pas réagi à son injonction, il l’avait saisie par l’avant-bras et l’avait immobilisée au sol, constatant avec étonnement qu’il s’agissait d’une femme. Soudain, une personne s’était ruée sur lui, sans dire mot. Il avait tenté de se défendre et était tombé en arrière. Il avait essayé de se dégager au moyen de son bras gauche, puis avait reçu des coups de pieds dans le visage de la part d’un deuxième homme. Il n’avait compris que plus tard qu’il s’agissait en réalité d’agents de police. Il avait repris conscience dans l’ambulance, où on lui avait expliqué qu’il avait été trouvé gisant au sol, le bras gauche tourné à 180°.

Il a joint à sa plainte son dossier médical, aux termes duquel il avait subi une fracture ouverte de type « Gustilo I » (antéro-externe) diaphysaire de l’humérus gauche, ce qui avait nécessité une intervention chirurgicale et la pose d’une plaque.

11) Le lendemain, le Ministère public a ouvert une procédure n° P/1______ en lien avec ces faits.

12) Le 23 décembre 2011, le Procureur général a transmis à la cheffe de la police copie de la plainte pénale de M. C______, dirigée contre inconnu, et indiqué qu’il s’imposait d’ordonner une enquête qui devrait notamment comprendre l’identification des policiers mis en cause.

13) Le 5 janvier 2012, la cheffe de la police a pris connaissance des faits s’étant déroulés le 2 septembre 2011.

14) Le 23 janvier 2012, M. A______ a été félicité pour l’interception, avec un collègue, de trois individus impliqués dans divers délits et recherchés.

15) Le 12 mars 2012, Madame D______ a déposé plainte pénale pour lésions corporelles contre les gendarmes qui avaient procédé à un contrôle de circulation le 25 décembre 2011, pour avoir agi avec brutalité à son encontre et lui avoir occasionné diverses lésions.

À l'appui de sa plainte, Mme D______ a produit trois certificats médicaux, faisant état de diverses douleurs et lésions et d’une nette dégradation de son état psychique depuis son interpellation par la police.

16) Un entretien de service s’est tenu le 2 avril 2012.

M. A______ avait contesté une mesure organisationnelle suite à des dégâts commis sur son téléphone de service. Par ailleurs, lors d’un contrôle, il avait tenu des propos désobligeants et contraires à l’éthique à l’encontre de deux personnes se trouvant à bord d’une voiture dans la nuit du 10 au 11 mars 2012. Il avait enfin publié sur Facebook des informations en relation avec la sécurité d’un match de football du 18 mars 2012.

La mesure organisationnelle suite aux dégâts sur son téléphone de service était maintenue. S’agissant des propos inadéquats qu’il avait tenus, M. A______ devait apprendre à se contenir. L’affaire était cependant gardée au niveau du commandant, eu égard aux explications fournies lors de la médiation et de l’entretien de service. Concernant enfin sa publication sur Facebook, l’affaire était également gardée au niveau du commandant. Des propositions devaient être faites à la cheffe de la police afin que soit conduite une réflexion globale autour de l’utilisation des réseaux sociaux par des membres de la police.

17) Par décision du 13 août 2012, la cheffe de la police a ordonné l’ouverture d’une enquête disciplinaire en lien avec les faits survenus le 2 septembre 2011, le comportement de M. A______ dans cette affaire constituant un manquement susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire. L’enquête était toutefois suspendue jusqu’à droit connu au pénal, procédure dirigée à l’encontre des deux gendarmes concernés par les événements du 2 septembre 2011, à savoir M. A______ et Monsieur B______, brigadier-chef de groupe.

18) Le 23 août 2012, la brigade de la sécurité routière a dressé un rapport sur un accident de la circulation s’étant déroulé le 11 août 2012 et impliquant M. A______.

Alors qu’il se trouvait au volant d’un fourgon de police sur les quais fermés à la circulation en raison des fêtes de Genève, M. A______ avait reçu pour mission de se rendre à la prison de Champ-Dollon en raison d’une émeute. Se trouvant sur le pont du Mont-Blanc en direction de la rue de Chantepoulet, M. A______ devait faire demi-tour afin de se rendre à la prison. Il avait alors klaxonné à plusieurs reprises afin de sensibiliser les gens à sa présence. Alors qu’il entamait sa manœuvre, il avait roulé sur le pied droit d’un piéton.

Malgré l’infraction à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), M. A______ était mis au bénéfice de l’art. 100 LCR. Aucune faute de circulation n’était donc retenue à son encontre.

19) Ce rapport a été transmis à la cheffe de la police le 28 août 2012.

20) Par courrier du 17 septembre 2012, la cheffe de la police a transmis au Ministère public genevois une plainte pénale que Monsieur E______ avait adressé à la police bernoise le 19 août 2012 et qui lui avait été transmise pour raisons de compétence.

M. E______ y décrivait les faits suivants : le 11 août 2012, vers 19h30, il se trouvait sur le pont du Mont-Blanc, fermé à la circulation automobile. Une grande voiture de police avait roulé en direction du pont à une vitesse excessive, compte tenu de la situation. Au moment d’effectuer un virage sur la gauche, cette voiture avait heurté un homme et l’avait fait tomber. De sa roue avant gauche, il avait roulé sur le pied d’un piéton avant de s’arrêter. Ne remarquant pas les signes qui lui étaient faits, le conducteur du véhicule avait continué à avancer un peu avant de reculer. Avant de se rendre vers le blessé, le conducteur avait déplacé son véhicule vingt mètres plus loin et son attitude après les faits avait témoigné d’une certaine indifférence pour le sort de la personne renversée.

21) Le 26 septembre 2012, Monsieur F______, sourd de naissance, a déposé plainte pénale pour ces mêmes faits.

Le 11 août 2012, il se trouvait sur le pont du Mont-Blanc fermé à la circulation en raison des fêtes de Genève, en compagnie de plusieurs connaissances sourdes. À proximité de l'horloge fleurie, il avait soudainement été heurté par un fourgon de police blanc dont les feux bleus n'étaient pas allumés. Il s'était retrouvé au sol, le pied coincé sous une des roues du fourgon. Le conducteur de ce véhicule avait finalement fait marche arrière et avait poursuivi sa route sur plusieurs mètres avant de sortir du véhicule.

Selon le constat médical établi par le Docteur G______ du Service de chirurgie orthopédique le 16 août 2012, M. F______ présentait des fractures des deuxième, troisième et quatrième métatarses du pied droit, un arrachement au niveau de la face médiale de la base du premier métatarse, une dermabrasion, une tuméfaction et un hématome du pied droit, une ecchymose au coude droit ainsi qu'un hématome hallux gauche.

22) Le 10 mars 2013, le comité de la manifestation « Toutes en moto » a adressé une lettre de félicitations à la commandante de la police pour l’efficacité, le
sang-froid et la gentillesse des gendarmes engagés, dont faisait partie M. A______.

23) Le 22 avril 2013, s’est tenu un EEDP.

L’évaluation était positive, tous les critères d’évaluation étant atteints, excepté le critère de la communication et celui de la gestion des conflits, qui étaient à développer. Son dynamisme, ses très bonnes connaissances du métier et son investissement étaient soulignés. Cependant, il était primordial qu’il puisse à tout prix et au plus vite canaliser son énergie et faire « le poing dans la poche » lors de certaines situations ou missions qui ne lui plaisaient pas, puis revenir plus calmement obtenir des explications.

24) Le même jour, M. A______ a fait l’objet d’un entretien de service. Il avait fait une annotation au stylo feutre noir sur son gilet pare-balles et avait tenu des propos irrespectueux à l’égard d’un supérieur.

Lors de l’entretien, M. A______ s’est engagé à améliorer son comportement général et en particulier vis-à-vis de ses supérieurs. Parmi les objectifs qui lui étaient fixés, il devait accepter les remarques qui lui étaient faites dans un esprit constructif et avoir la retenue nécessaire et le professionnalisme qui seyaient au métier de gendarme. Un EEDP serait réalisé six mois plus tard.

25) Le 22 juin 2013 a été relevé le « professionnalisme sur un homicide » des agents, dont M. A______, ayant effectué un travail systématique et de qualité, étant ainsi la cheville ouvrière de la résolution d’un homicide.

26) Le 9 juillet 2013, M. A______ a fait l’objet d’un entretien de service avec l’état-major de la gendarmerie pour avoir, le 30 juin 2013, à 01h12, avec un véhicule de service, commis un dépassement de la vitesse prescrite de 70km/h, marge de sécurité déduite (contrôlé par un radar fixe à 126 km/h à un endroit limité à 50 km/h), ce qui, selon les normes « Via Sicura », constituait un délit de chauffard. Cet excès de vitesse était motivé par une réquisition suite à des appels au secours d’une femme âgée. La situation décrite laissait penser à un cas grave. M. A______ a précisé que la circulation était très faible et la visibilité très bonne.

Sa hiérarchie lui a rappelé le respect des principes applicables en matière de conduite des véhicules lors de courses urgentes (légalité, proportionnalité, opportunité), ainsi que les risques de l’effet « tunnel », à savoir que le champ visuel diminuait proportionnellement à l’augmentation de la vitesse.

27) Les 12 août et 23 octobre 2013, M. A______ et l’un de ses collègues se sont démarqués dans leur travail ayant permis l’arrestation de trafiquants de stupéfiants et de quatre voleurs de cuivre.

28) Par ordonnance pénale du 29 octobre 2013, M. A______ a été déclaré coupable d’abus d’autorité et de lésions corporelles simples par négligence et a été condamné à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amende, celui-ci étant fixé à CHF 150.-. Il a été mis au bénéfice du sursis et le délai d’épreuve a été fixé à trois ans. Il a été condamné à une amende de CHF 5'625.-.

Il lui était reproché d’avoir, à Genève :

- le 2 septembre 2011, lors d’une intervention policière, occasionné à M. C______ une fracture ouverte de l’humérus gauche en lui appliquant une clef de bras pour le maîtriser ;

- le 25 décembre 2011, lors d’une intervention policière, occasionné diverses lésions corporelles à Mme D______, en l’ayant poussé d’un revers de main, ce qui avait eu pour effet de la faire reculer, puis chuter sur ses fesses ;

- le 11 août 2012, au volant d’un fourgon de police, roulé sur le pied droit de M. F______, entraînant plusieurs fractures au pied droit de ce dernier.

29) Le 29 octobre 2013, Monsieur H______ a déposé plainte pénale après avoir reçu, dans la nuit, dans le quartier des J______, un coup de béquille au visage asséné par un policier en civil accompagné d’un collègue.

30) Le même jour, le Ministère public a ouvert une procédure pénale n° P/2______ à l’encontre de M. A______ et Monsieur I______, gendarme, en relation avec ces faits.

Dans le cadre de l’enquête menée par l’inspection générale des services
(ci-après : IGS) et de la procédure pénale, les personnes suivantes ont notamment été entendues.

a. M. H______, en tant que personne appelée à donner des renseignements. Alors qu’il se trouvait dans une rue des K______ avec un ami, deux personnes s’étaient approchées de lui. Le plus grand des deux avait donné une claque à son ami, et le plus petit, qu’il reconnaissait en la personne de M. A______, tenait une canne à la main et l’avait levée en l’air. Avec son ami, ils avaient alors couru et les deux agresseurs les avaient suivis. Par la suite, M. A______ lui avait donné un coup au visage avec une béquille. Il n’avait jamais proposé de drogue à ce dernier, ni à son collègue.

b. M. A______, à titre de prévenu. Il avait bu plusieurs verres dans le quartier des J______ avec M. I______ après s'être tous deux rendus à une sortie de groupe de leur équipe. S’étant fait une entorse à la cheville et portant une attelle de type « Aircast », ses déplacements étaient limités. Avec M. I______, ils avaient ensuite décidé de se rendre au poste des J______ pour y utiliser les toilettes. Le chef de groupe du poste leur avait alors proposé de boire une bière dans la cuisine. Alors que tous deux avaient décidé de rentrer chez eux, ils avaient entendu une réquisition d’intervention à la rue N______. À ce moment, « son instinct de flic » lui avait donné l’envie d’aller voir sur place ce qui se passait. En sortant du poste avec M. I______ pour se rendre sur les lieux de la réquisition, il avait pris une béquille qui se trouvait devant la porte afin de soulager son entorse à la cheville. Il ne se souvenait pas si le chef de groupe leur avait ordonné de rester. Arrivé sur place, il avait « mis » un coup de béquille dans le ventre de M. H______ pour repousser ce dernier qui insistait pour lui vendre de la drogue. Il l’avait simplement repoussé et ne l’avait pas vu tomber. Ils avaient alors vu une ou deux patrouilles arriver dans la rue, sans penser qu’elles venaient pour « leur histoire ». En chemin, il avait téléphoné au poste des J______ et, sur ordre du chef de groupe, y était retourné, accompagné de M. I______.

c. M. I______, également entendu à titre de prévenu, n’avait pas vu son collègue porter de coup à M. H______. Lui-même n’avait frappé personne le soir en question.

d. Entendu en tant que personne appelée à donner des renseignements, Monsieur L______, chef de groupe du poste des J______, avait ordonné à MM. A______ et I______ de ne pas se rendre sur les lieux de la réquisition. Ceux-ci avaient quitté le poste alors qu’il avait le dos tourné. La patrouille qu’il avait envoyée pour traiter ladite réquisition était revenue avec une personne saignant abondamment de l’arcade sourcilière, et les gendarmes lui avaient expliqué que le videur du bar adjacent au lieu de l’intervention avait désigné l’agresseur qui quittait les lieux et qui était M. A______. M. L______ avait alors demandé à MM. A______ et I______ de revenir au poste pour s’expliquer. M. A______ n’avait pas pu donner d’explications concernant ladite blessure. Son alcoolémie était de 0.99 ‰ à 6h00, et celle de M. I______ à 0.88 ‰. Tous deux semblaient excités d’aller sur les lieux de la réquisition. Pour lui, ils voulaient aller « casser du black », ils voulaient se faire plaisir.

e. Monsieur U______, gendarme présent au poste des J______ au moment des faits, auditionné en tant que témoin, a confirmé la version de M. L______.

f. Les gendarmes envoyés par ce dernier sur les lieux de la réquisition, également auditionnés en tant que témoins, n’avaient pas vu les circonstances dans lesquels M. H______ avait été blessé. Sur place, le videur du bar adjacent au lieu de l’intervention leur avait désigné une personne quittant les lieux comme étant l’agresseur, et tous avaient reconnu M. A______.

g. Monsieur M______, entendu en qualité de témoin, a expliqué que, durant la nuit du 29 octobre 2013, il se trouvait à l’angle des rues N______ et O______, lorsqu’il avait aperçu deux hommes, qu’il a par la suite formellement identifiés comme étant MM. I______ et A______, ce dernier portant une béquille, se diriger vers deux individus d’origine africaine. M. A______ avait d’emblée donné des coups de canne, de haut en bas, à l’un de ceux-ci, puis, alors qu’ils tentaient de s’enfuir, les avait poursuivis quelques mètres pour les frapper, puis une patrouille de police était intervenue. Après avoir constaté qu’il n’avait pas été inquiété par les autres gendarmes, il avait compris que M. A______ et son collègue étaient des policiers en civil. Ceux-ci étaient alors repartis en marchant et en rigolant. Il avait eu l’impression qu’ils avaient pris du plaisir. Les deux « blacks » en question étaient connus dans le quartier comme étant des dealers.

31) Les documents suivants ont été joints à ladite procédure pénale :

a.              Un certificat médical établi par le Docteur P______ le 29 octobre 2013, attestant avoir consulté en urgence M. A______ à son domicile, et avoir constaté que ce dernier présentait une entorse à la cheville gauche, rendant peu probable qu’il se déplace rapidement lors de son altercation du matin même.

b.             Un rapport d’expertise établi sur mandat du Ministère public par le centre universitaire romand de médecine légale le 16 décembre 2013, à teneur duquel l’état de la cheville de M. A______, examinée le 30 octobre 2013, était compatible avec une entorse datant de quelques jours. Selon l’expert, le jour des faits, l’aptitude à la marche de l’intéressé était conservée, avec une légère boiterie à gauche, augmentée à la marche rapide, et l’aptitude à la course abolie.

c.              Un rapport d’expertise établi par le Docteur Q______ le 16 décembre 2013 concernant M. H______, et à teneur duquel ce dernier, examiné l’après-midi du 29 octobre 2013, présentait une plaie linéaire aux bords irréguliers au niveau du sourcil gauche, refermée par un point de suture, et une dermabrasion linéaire sur le côté gauche du front. La plaie au niveau du sourcil avait pu être provoquée par un objet contondant, tel un coup porté avec une béquille, et la blessure au front était associable à une chute au sol.

d.             Un enregistrement vidéo du poste de police des J______ du 29 octobre 2013, sur lequel apparaissaient MM. A______ et I______ à leur arrivée à 02h17 et à leur départ à 04h58. M. A______ était remonté vingt secondes après son départ, sans se tenir aux mains courantes de l’escalier, puis avait saisi une béquille posée sur une table et l’avait essayée, se rendant compte qu’elle était trop petite, sans toutefois la régler. Tous deux étaient sortis par la porte de service de manière rapide et sans hésitation. Ils étaient revenus à 05h20, M. A______ n’ayant plus la canne.

32) Le 31 octobre 2013, M. A______ a formé opposition à l’encontre de l’ordonnance pénale du 29 octobre 2013.

33) Par décision du 5 novembre 2013, la cheffe de la police a ordonné la reprise de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre de M. A______ et sa clôture, transmettant le dossier au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le DSE) pour raison de compétence.

34) Par arrêté du 18 décembre 2013, le DSE a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______, immédiatement suspendue dans l’attente du résultat de la procédure pénale.

Il lui était reproché d’avoir gravement enfreint les ordres de service au vu de l’ordonnance pénale rendue le 29 octobre 2013 et des faits s’étant déroulés le 29 octobre 2013. S’ils se vérifiaient, les manquements reprochés à M. A______ pourraient justifier une sanction disciplinaire, voire une révocation.

35) Par arrêté du même jour, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a suspendu provisoirement M. A______ de ses fonctions et maintenu les prestations à charge de l’État.

Certains faits reprochés à M. A______ n’étant pas encore établis, la suspension provisoire n’était pas assortie de la suppression du traitement de l’intéressé, mais celle-ci demeurait réservée en fonction des faits pouvant encore apparaître en cours d’enquête.

36) M. A______ a recouru à l’encontre de cet arrêté par acte du 27 septembre 2013, concluant à son annulation.

37) Par acte d’accusation du 1er avril 2014, le Ministère public a reproché à M. A______ d’avoir, le 29 octobre 2013, de concert avec M. I______, occasionné une lésion à l’arcade sourcilière gauche de M. H______ en lui ayant asséné un coup au visage au moyen d’une béquille, avant de le poursuivre, de le rattraper et d’être interrompu par l’arrivée de la police, faits qualifiés de lésions corporelles simples avec un objet dangereux.

38) Par arrêt du 23 septembre 2014 (ATA/746/2014), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours formé par M. A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 18 décembre 2013, à défaut de préjudice irréparable occasionné à l’intéressé au vu du maintien des prestations de l’État en sa faveur.

39) Par jugement du Tribunal de police du 5 novembre 2014, M. A______ a été reconnu coupable :

a) de lésions corporelles simples aggravées et d’agression – cette deuxième infraction étant englobée dans la première – en lien avec les faits s’étant déroulés le 29 octobre 2013.

Il ressortait de l’instruction que MM. A______ et I______, malgré les injonctions de leurs supérieurs, s’étaient intentionnellement rendus, alors qu’ils n’étaient pas en service, sur les lieux d’une réquisition en ayant pour but de s’en prendre aux personnes concernées. M. A______ s’était emparé d’une béquille. Conformément aux déclarations des témoins, il n’y avait pas eu de provocation de la part de la victime, qui s’était retrouvée confrontée aux deux prévenus, ceux-ci venant vers elle et ayant immédiatement adopté un comportement agressif. M. H______ avait formellement identifié M. A______ comme étant l’auteur de sa blessure au visage, effectuée au moyen d’une béquille, ce que deux témoins directs de la scène avaient également confirmé.

b) de lésions corporelles simples par négligence et d’abus d’autorité en lien avec les faits s’étant déroulés le 2 septembre 2011.

Le Tribunal de police a en particulier retenu qu’au vu de la résistance opposée par M. C______, les gendarmes avaient entrepris de le maîtriser, M. B______ lui ayant saisi le bras droit et M. A______ le bras gauche, que ce dernier avait toutefois relâché lors de sa mise au sol. Après s’être à nouveau saisi du bras gauche de la partie plaignante, qu’il tenait par le coude pour effectuer une clé dite « aile de poulet », M. A______ avait senti un blocage. Bien qu’il eût interprété les vociférations de M. C______ comme une opposition, il n’avait pas pour autant relâché son bras et avait alors senti un craquement. Dans la mesure où M. C______ avait été maintenu au sol par M. B______ et qu’il ne représentait plus une menace, il ne se justifiait pas, de la part de M. A______, de poursuivre sa prise, faisant de la sorte un usage disproportionné de la force.

c) de lésions corporelles simples par négligence en lien avec les faits s’étant déroulés le 11 août 2012.

Il avait été établi durant la procédure qu’alors qu’il roulait au volant de son véhicule de service au milieu d’une foule de piétons sur une route fermée à la circulation, respectant ce faisant les ordres qui lui avaient été donnés, l’intéressé avait violé ses devoirs de prudence en augmentant sa vitesse pendant quelques secondes à 11 km/h, puis en heurtant une personne qu’il n’avait pas remarquée à défaut de vouer l’attention suffisante aux circonstances très particulières auxquelles il était confronté. Ce faisant, il avait roulé sur le pied de la victime qui avait subi des lésions corporelles importantes.

Au vu des infractions susmentionnées, M. A______ a été condamné à une peine privative de liberté de quatorze mois, sous déduction d’un jour de détention avant jugement, et mis au bénéfice du sursis avec délai d’épreuve de trois ans.

Par ailleurs, il a été acquitté d’abus d’autorité et de lésions corporelles simples pour les faits relatifs à la plainte de Mme D______.

M. I______, pour sa part, a été reconnu coupable d’agression en lien avec les faits s’étant déroulés le 29 octobre 2013, et condamné à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de deux ans.

40) Le 22 décembre 2014, M. A______ a écrit au conseiller d’État en charge du DSE, lui faisant part de la situation difficile qu’il avait vécue en 2013 suite à d’importants problèmes conjugaux et de sa situation professionnelle inconfortable depuis lors. Après les événements du 29 octobre 2013, intervenue à une semaine du jour de son divorce, il avait pris conscience de ses erreurs, ayant entrepris une thérapie et une remise en question. Il avait à présent espoir que cette mauvaise passe ne condamne pas sa vie professionnelle. En effet, il ne se passait pas un jour où il n’avait pas l’envie, comme ces dix dernières années, de pouvoir reprendre le chemin du travail pour exercer sa vocation de gendarme.

41) Par courrier du 15 décembre 2014, le commandant de la gendarmerie a informé M. A______ du préavis négatif de la cheffe de la police concernant l’obtention du grade de sous-brigadier. Il ne remplissait plus les critères de promotion en raison des procédures pénale et administrative ouvertes à son encontre. Dès l’instant où ces conditions seraient à nouveau remplies, sa candidature à un grade supérieur serait automatiquement soumise.

42) Également au mois de décembre 2014, M. A______ a formé appel à l’encontre du jugement du Tribunal de police du 5 novembre 2014, concluant à son acquittement et au rejet des conclusions civiles des parties plaignantes.

43) Par arrêt du 4 août 2015 (AARP/340/2015), la chambre pénale d’appel et de révision (ci-après : chambre pénale) a confirmé le jugement du Tribunal de police du 5 novembre 2014, rejetant l’appel de M. A______.

La chambre pénale s’est ralliée à l’état de fait retenu par les premiers juges, précisant qu’au vu des éléments du dossier, jusqu’au moment où les deux gendarmes avaient couché M. C______ au sol, le bras de celui-ci n’était pas encore cassé. Ce n’était que lorsque M. A______ lui avait fait une clef de bras et qu’un craquement s’était fait entendre que la rupture de l’humérus gauche de la partie plaignante pouvait avoir eu lieu, scénario d’autant plus plausible que c’était à cet instant que le bras de ce dernier était devenu souple et sans force, comme désarticulé, n’opposant plus aucune résistance.

Il ressortait des déclarations de deux témoins, dont M. M______, que l’un des deux gendarmes, clairement identifié comme étant M. A______, avait asséné des coups de béquille, de haut en bas, au visage de M. H______. Malgré les dénégations constantes de M. A______, lequel avait au demeurant varié dans ses explications en cours de procédure, les déclarations des témoins étaient crédibles car sans équivoque et concordantes en tous points, la seule incertitude tenant au nombre de coups assénés. Par ailleurs, selon le rapport d’expertise, la blessure subie par M. H______ était pleinement compatible avec un coup porté au moyen d’une béquille. Un faisceau d’indices convergents ne laissait ainsi planer aucun doute quant au fait que la partie plaignante avait bien été frappée au visage par M. A______ au moyen d’une canne.

44) Par arrêté du 9 septembre 2015, le DSE a ordonné la reprise de l’enquête administrative dirigée contre M. A______, confiant sa conduite à
Monsieur R______, ancien juge à la Cour de justice.

45) Le 14 septembre 2015, M. A______ a recouru auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt de la chambre pénale du 4 août 2015.

46) Entre les mois de novembre 2015 et de janvier 2016, M. R______ a procédé à plusieurs audiences d’instruction, entendant notamment les personnes suivantes.

a.              Le 4 novembre 2015, M. A______ a confirmé toutes les déclarations qu’il avait faites tant à la police que dans le cadre de la procédure pénale. Il a précisé s’être engagé dans la gendarmerie par vocation et investi pleinement dans sa profession. Sa suspension avait été un choc, car il aimait son travail et cette procédure l’en avait privé. Celle-ci avait de surcroît été difficile à supporter car elle était intervenue dans la même période que son divorce. Il avait du reste immédiatement consulté un psychiatre après les événements du 29 octobre 2013 et consultait toujours ce dernier. Il avait décidé de consulter tant en lien avec ses événements que pour tenter de surmonter son divorce. Il voulait également se remettre en question. Au cours de sa carrière, il avait reçu de sa hiérarchie plusieurs félicitations et notations favorables qu’il produirait.

Il produisait également une attestation établie par le Docteur S______ le 20 octobre 2015, indiquant qu’il était venu consulter en novembre 2013 dans le contexte de difficultés rencontrées dans l’exercice de sa profession de gendarme, et avait effectué un suivi thérapeutique de trente-cinq séances au total, jusqu’en août 2015, au cours duquel il avait fait preuve d’un engagement et d’une remise en question sincères, prenant conscience de certains traits de sa personnalité.

b.             M. C______ a été entendu le 18 janvier 2016, confirmant les déclarations qu’il avait faites dans le cadre de la procédure pénale.

c.              Le 19 janvier 2016 a été entendu Monsieur T______, inspecteur principal, qui n’avait pas été entendu dans le cadre de la procédure pénale initiée suite aux événements du 11 août 2012. Le jour en question, il se trouvait en fonction au poste de police temporaire des fêtes de Genève. La hiérarchie ayant réquisitionné des forces supplémentaires dans le cadre d’une émeute à Champ-Dollon, il avait ouvert une barrière permettant à M. A______ de passer. Il avait suivi le fourgon des yeux jusqu’à ce qu’il s’arrête. Pour lui, M. A______ roulait au pas et n’importe quel autre collègue aurait roulé de la même manière, en klaxonnant. Il ne voyait pas quelle autre mesure de sécurité aurait pu prendre M. A______. Ce genre d’accident pouvait arriver à tout le monde, plus précisément à tout policier dans le cadre d’une mission.

d.             Le même jour, M. U______ a confirmé les déclarations qu’il avait faites dans le cadre de la procédure pénale initiée suite aux événements du 29 octobre 2013.

M. A______ était une très bonne connaissance professionnelle, mais pas un ami. Il le connaissait depuis 2012, soit l’année où il était arrivé au poste de police de V______ comme stagiaire. C’était un excellent maître de stage dont il avait beaucoup appris, qui était toujours disponible et ne refusait jamais le travail. C’était du reste un des seuls qui était à jour. En mission, c’était quelqu’un de clair, net et précis. Il était fait pour ce métier. C’était quelqu’un de très entier, ce qui pouvait ne pas plaire à tout le monde. M. A______ n’avait aucune aversion contre les personnes de couleur et était respectueux des lois et règles.

e.              Le 22 janvier 2016 a été entendue Madame W______, assistante sociale. Elle était une amie proche de M. A______ qu’elle connaissait depuis environ neuf ans. Elle avait été surprise d’apprendre son divorce. Pour elle, ses problèmes conjugaux avaient précédé ses difficultés professionnelles. Elle savait qu’il avait consulté un « psy », et qu’il avait entrepris tout un travail pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Depuis lors, il avait pris du recul et semblait plus posé. Il s’agissait de quelqu’un de très attaché à son travail, qui en parlait avec beaucoup de passion. Par ailleurs, elle avait une totale confiance en lui.

f.              Le même jour a été entendu Monsieur X______, gendarme. Il connaissait M. A______ depuis sept ou huit ans, soit lorsque ce dernier était arrivé au poste de V______ où il travaillait également. Il était hiérarchiquement supérieur à M. A______. Ce dernier était un des policiers avec lequel il lui avait été donné de travailler de la façon la plus professionnelle. Il s’était toujours senti en sécurité avec lui et avait même beaucoup appris de sa façon de travailler. Il avait apprécié chez M. A______ sa connaissance sans faille des procédures et sa grande motivation. Sa très grande énergie pouvait toutefois l’amener parfois à déborder verbalement du cadre. Ainsi, pour lui, 99 % de ses interventions étaient parfaites et le 1 % restant était sujet à caution. Il n’avait cependant jamais constaté de débordement physique de la part de M. A______. Ce dernier lui avait fait part du poids que représentaient les procédures dont il faisait l’objet et qu’il ressentait comme injustes, n’ayant pas le sentiment d’être entendu. Il ne comprenait notamment pas pourquoi certains actes de procédure n’avaient pas été pris en compte, comme notamment l’expertise attestant qu’il ne pouvait pas courir la nuit du 29 octobre 2013.

47) Par courrier du 22 janvier 2016, M. A______ a sollicité de M. R______ des actes d’instruction complémentaires. Une expertise devait être ordonnée afin de déterminer si la fracture de l’humérus de M. C______ avait été causée par la clef de bras ou avait une autre origine, en particulier sa chute préalable. Par ailleurs, M. M______ devait être entendu, dans la mesure où il avait fait état, lors de son audition devant le Ministère public, d’une seconde altercation avec M. H______, à laquelle le porteur de canne n’avait pas participé.

48) Le 27 janvier 2016, M. R______ a refusé les actes d’instruction complémentaires sollicités par M. A______.

49) Par courrier du 2 février 2016, M. A______ a sollicité du DSE la récusation de M. R______.

En refusant les actes d’instruction sollicités et en renvoyant aux faits établis par le juge pénal, M. R______ avait pris position sur le fond de la cause, alors qu’il devait rester impartial et neutre dans l’établissement de son rapport d’enquête.

50) Par arrêté du 10 février 2016, déclaré exécutoire nonobstant recours, le DSE a rejeté la demande de récusation de M. A______.

51) Par acte du 17 février 2016, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cet arrêté.

52) Les 26 et 29 février 2016, M. R______ a procédé à de nouvelles mesures d’instruction et auditionné, en présence des parties, deux témoins ainsi que M. A______. Un délai au 8 mars 2016 a été imparti à M. A______ pour déposer ses éventuelles observations finales.

a.              Le 26 février 2016 a été entendu Monsieur Y______, gendarme. Il avait connu M. A______ durant l’été 2012, ce dernier ayant été son maître de stage. Il lui devait une grande partie de ses connaissances. M. A______ était passionné par sa profession et il s’investissait totalement dans son travail. Lors des interventions sur le terrain, il trouvait toujours une solution lorsque la situation s’était dégradée et il recourait de manière adaptée à la contrainte physique ou verbale si celle-ci était nécessaire. M. A______ vivait très mal sa situation actuelle et il n’avait qu’une envie, soit de retourner exercer sa profession. Entre octobre 2013 et aujourd’hui, M. A______ avait fait un gros travail sur
lui-même et il n’était plus la même personne : il était apaisé et avait gommé peut-être certains traits de caractère qu’il avait auparavant.

b.             Le même jour a été entendu M. B______, brigadier-chef de groupe. Ce dernier a confirmé les déclarations qu’il avait faites lors de la procédure pénale concernant le cas de M. C______. Il avait été le chef de groupe de M. A______ pendant trois ou quatre ans et ce dernier était un bon « bosseur », investi à deux cents pourcents dans son travail, qui avait sorti plusieurs affaires. Il était fait pour ce métier. Il lui était même arrivé de voir des éléments dans une affaire qui lui avaient échappé. M. A______ était parfois « un peu fougueux comme tous les jeunes », mais intervenait généralement de manière calme, ferme et polie, étant précisé que tous les gens n’appréciaient pas la fermeté et l’assimilaient à de l’agressivité.

c.              M. A______ a été auditionné une seconde fois, à sa demande, le 29 février 2016. Il voulait faire part de sa situation personnelle et de ce qu’il avait vécu depuis sa suspension, voire depuis la première plainte déposée contre lui en décembre 2011.

S’agissant du cas de M. C______, il voulait s’assurer qu’il soit compris que son collègue et lui-même avaient été appelés pour une réquisition de tentative de viol et qu’ils s’étaient retrouvés en présence d’un homme qui frappait une femme au visage. Ce dernier ne respectant pas les sommations, ils avaient été obligés d’utiliser la force pour le maîtriser d’une manière proportionnée à sa résistance. Il n’avait jamais eu l’intention de blesser M. C______. Il avait un profond sentiment d’injustice par rapport à cette affaire, ayant été condamné pénalement alors qu’il n’accomplissait que son devoir et que l’intéressé n’avait lui-même pas été poursuivi pour s’être opposé à leur intervention.

En ce qui concernant l’affaire de M. H______, il avait également un extrême sentiment d’injustice à propos de la condamnation dont il avait fait l’objet pour, selon la plainte, avoir donné un coup de béquille au visage de l’intéressé en lui courant après. Il était vrai qu’il était à ce moment alcoolisé, mais il était incapable de courir en raison de son entorse. À ce propos, il ne comprenait pas que le rapport attestant de son incapacité à courir n’ait pas été pris en considération tant par le Ministère public que par les instances judiciaires. Avec l’aide de son psychiatre, il avait compris que le comportement qu’il avait eu ce soir-là était regrettable et il s’en excusait. Il tenait à préciser que c’était M. H______ qui était venu lui proposer de la drogue, même si cela n’excusait pas qu’il l’ait repoussé avec sa béquille en lui tapant dans le ventre.

53) Par courrier du 8 mars 2016 adressé à l’enquêteur, M. A______ a conclu, sous réserve de la requête en récusation pendante à la chambre administrative, à ce qu’aucun fait relevant du droit disciplinaire ne soit retenu à son encontre.

54) Le 15 avril 2016, l’enquêteur a rendu son rapport.

Il n’y avait pas lieu que l’enquête administrative s’écarte des faits, qu’elle faisait siens, établis par la chambre pénale. Lors de la procédure pénale, des investigations approfondies avaient eu lieu, tous les protagonistes et parties de ces trois affaires ayant en outre été entendus, à un moment ou à un autre, contradictoirement et assistés de leurs conseils, par une autorité judiciaire. Par ailleurs, c’était en vain que M. A______ essayait de remettre en cause, au demeurant par le biais d’un élément très secondaire, soit sa prétendue incapacité de courir au moment des faits, la véracité des déclarations des témoins l’ayant clairement désigné comme ayant frappé, le 29 octobre 2013, M. H______ au visage au moyen d’une béquille qu’il avait prise au poste de police des J______. S’agissant de l’affaire C______, comme cela résultait clairement du dossier et avait été relevé par la chambre pénale, l’existence d’une fracture de l’humérus gauche de ce dernier était incompatible avec la très vive résistance que l’intéressé avait opposée auxdits gendarmes lors de son interpellation.

En agissant comme il l’avait fait dans les cas C______, F______ et H______, M. A______ s’était rendu coupable d’abus d’autorité (art. 312 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), de lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 1 et 2, al. 2 CP) et de lésions corporelles simples par négligence (art. 125 al. 1 CP). Il avait également contrevenu au code de déontologie de la police genevoise, à une directive relative au comportement des policiers, à un ordre de service relatif à la discipline en service et hors service, et au règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). L’enquêteur soulignait la jurisprudence du Tribunal fédéral, à teneur de laquelle les exigences de comportement d’un policier excédaient celles imposées aux autres fonctionnaires. Les policiers exerçaient une part importante de la puissance publique et devaient eux-mêmes être irréprochables.

En conclusion, « les graves et réitérées violations de M. A______ aux règles de sa profession, qui s’étend[ai]ent sur une période de trois ans, l’absence de prise de conscience de ses agissements répréhensibles et son refus d’en assumer la responsabilité et les conséquences, ainsi que la persistance à ce jour des traits de son caractère qui l’[avaie]nt conduit à commettre de tels actes et à ne pas s’amender, de même que son rejet des ordres qui lui déplais[ai]ent ne paraiss[ai]ent malheureusement pas compatibles avec les qualités fondamentales (…) que l’on est en droit d’attendre et d’exiger d’un fonctionnaire de police tout au long de sa carrière. »

Les autres éléments ressortant du rapport seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

55) Par courrier du 27 avril 2016, le Conseiller d’État en charge du DSE a transmis à M. A______ le rapport établi par l’enquêteur et lui a indiqué qu’il envisageait de proposer au Conseil d’État sa révocation. Il serait préalablement entendu au secrétariat général de son département.

56) Par arrêt du 24 mai 2016 (6B_955/2015), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par M. A______ contre l’arrêt de la chambre pénale du 4 août 2015.

57) Le 13 juin 2016, M. A______ a transmis au DSE ses observations sur le rapport d’enquête administrative.

Il réitérait ses réserves en lien avec la procédure de récusation de l’enquêteur qui n’était pas encore tranchée.

La lecture du rapport confirmait que l’enquêteur n’avait pas été impartial, dressant un véritable réquisitoire à son encontre. Pour exemple, confronté à l’obstacle qu’était l’expertise médicale du 16 décembre 2013 (indiquant que M. A______ ne pouvait pas courir le 29 octobre 2013), l’enquêteur avait émis l’hypothèse que l’intéressé aurait triché avec les experts, simulant qu’il n’était pas en mesure de courir. Par ailleurs, l’enquêteur avait consacré moins de deux pages aux vingt-sept félicitations et mentions positives reçues par M. A______ entre 2006 et 2013, en omettant certaines et en les décrivant très sommairement, alors qu’il développait, sur le même nombre de pages, les six notations qu’il qualifiait de défavorables. De surcroît, l’enquêteur s’était employé à décrédibiliser les témoins de personnalité et avait outrepassé son rôle en affirmant que la psychothérapie n’avait pas amélioré significativement les côtés négatifs du caractère et de la personnalité de M. A______. Dans la même veine, l’enquêteur avait très fortement relativisé les problèmes conjugaux de M. A______, alors que les souffrances endurées à l’époque permettaient d’expliquer, sans le justifier, son comportement à l’encontre de M. H______ le 29 octobre 2013.

Quant à la sanction envisagée, elle était excessive et ne respectait pas le principe de la proportionnalité, ne prenant pas en considération ses qualités professionnelles et sa grande motivation, son absence de sanction disciplinaire préalable, son absence de mesures organisationnelles ou d’entretiens de service entre 2003 et 2011, ses problèmes conjugaux, la prescription intervenue pour tous les faits lui étant reprochés, sauf l’affaire concernant M. H______, ses regrets exprimés, ses trente-cinq séances de psychothérapie qui avaient amené de bons résultats et la suspension provisoire qu’il subissait depuis trois ans et demi.

58) Le 22 juin 2016, M. A______ a été entendu par le chef du DSE.

L’intéressé adorait son métier et avait très peur de la sanction envisagée. Il exprimait ses regrets et réitérait ses excuses au sujet des affaires C______ et F______. À aucun moment, il n’avait pour intention de blesser quelqu’un. Sur interpellation du conseiller d’État au sujet de la troisième affaire (concernant M. H______), M. A______ indiquait être sincèrement désolé et regretter son geste. Il aurait dû passer son chemin, mais c’était la troisième personne qui lui proposait de la drogue, il vivait une période difficile dans sa vie privée et était très irrité. Il avait depuis fait un grand travail sur lui-même, sur son impulsivité et aimerait montrer qu’il avait évolué et changé. Il espérait pouvoir regagner la confiance de l’État.

59) Par arrêt du 19 juillet 2016 (ATA/622/2016), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______ portant sur la récusation de l’enquêteur.

Au vu des éléments contenus dans la procédure pénale, il paraissait exclu qu’une autre cause soit à l’origine de la fracture de l’humérus de M. C______. Le rejet de la demande d’expertise ne pouvait ainsi être interprétée comme une prévention de partialité de la part de l’enquêteur, ce d’autant que le recourant n’avait pas requis une telle mesure devant les autorités pénales.

Il en allait de même du refus d’une nouvelle audition de M. M______ en lien avec les événements du 29 octobre 2013, ce d’autant plus que M. A______ n’avait pas sollicité son audition devant les instances pénales. Ce témoin avait été entendu à deux reprises durant la procédure, de manière contradictoire, à charge pour M. A______ de lui poser alors les questions qu’il jugeait utiles s’il estimait ses déclarations empreintes de contradictions.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’enquêteur, en refusant de donner suite aux réquisitions de preuves du recourant, n’avait pas préjugé du fond de la cause ni n’avait fait montre de partialité ou commis des erreurs de procédure ou d’appréciation graves et répétées, de sorte que sa récusation ne devait pas être ordonnée, comme l’avait retenu à juste titre le département.

60) Le 27 juillet 2016, la cheffe de la police a transmis au conseiller d’État en charge du DSE sa détermination sur la suite à donner au cas de M. A______.

Le complexe de faits concernant M. C______ échappait à toute possibilité de sanction pour raison de prescription. Par ailleurs, s’agissant de la plainte déposée par Mme D______, faits pour lesquels M. A______ avait été acquitté, elle considérait également que ces faits – sur lesquels l’enquêteur ne s’était pas étendu – échappaient à toute possibilité de sanction.

Par contre, tant les faits relatifs à la plainte de M. F______ que ceux relatifs à la plainte de M. H______ – pour lesquels M. A______ avait été condamné par le Tribunal de police – n’étaient pas prescrits et devaient donner lieu à une sanction disciplinaire.

La gratuité et la violence de l’agression du 29 octobre 2013, mises en lien avec le non-respect des injonctions clairement données par un supérieur hiérarchique, posaient, à elles seules déjà, la question d’une éventuelle révocation. Le comportement reproché dénotait un certain irrespect de la personne d’autrui, ainsi que le mépris des ordres particuliers reçus. Par ailleurs, les faits dont M. F______ avait été la victime devaient également être sanctionnés, ce même s’ils étaient objectivement moins graves, s’agissant de lésions corporelles simples par négligence. En effet, M. A______ avait gravement mis en danger la sécurité d’autrui, sans aucune raison valable, alors qu’il était engagé pour veiller à celle-ci.

De surcroît, il convenait de prendre en considération le fait que l’intéressé, tant au cours de la procédure pénale que durant l’enquête administrative, n’avait pas manifesté de regrets suffisamment sincères et ne semblait pas avoir saisi l’ampleur du caractère répréhensible de ses agissements, alors qu’il y aurait eu matière à remise en question et à une prise de conscience.

Par ailleurs, et quand bien même ces faits ne faisaient pas l’objet de l’enquête administrative, les incidents répétés commis par l’intéressé en matière de circulation routière, ayant donné lieu à des mesures organisationnelles ou à des entretiens de service, démontraient un certain mépris de la sécurité d’autrui (notamment la course urgente du 30 juin 2013), ainsi que du matériel mis à disposition par son employeur.

Ainsi, compte tenu de la gravité objective avérée des faits qu’il convenait de sanctionner, du contexte dans lequel ces faits devaient être placés, du constat qu’il fallait également effectuer sous l’angle subjectif, de l’irrespect d’autrui, des institutions et de l’employeur, de l’absence de remise en question constatée, seule une révocation au sens de l’art. 36 al. 1 let. a de l’ancienne loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol - F 1 05), ainsi que de l’art. 36 al. 1 let. e de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) était envisageable, à l’exclusion de toute autre sanction disciplinaire.

61) Le lendemain, suite à sa demande, M. A______ a été entendu par une délégation de trois membres du Conseil d'État.

L’intéressé est revenu sur les faits lui étant reprochés, a réitéré ses regrets et indiqué que le rapport de l’enquêteur ne reflétait pas qui il était. Il était éméché le soir du 29 octobre 2013, et M. H______ était la troisième personne qui lui avait proposé de la drogue ce soir-là. Il lui avait alors donné un coup de béquille dans le ventre. Son comportement était inapproprié et il avait émis ses regrets tout au long de la procédure. Sur question d’un conseiller d’État, M. A______ a indiqué ne pas être raciste.

Avec le travail fait avec son psychiatre et le temps écoulé, il espérait pouvoir regagner la confiance de son employeur. La police était sa vie, il avait « grandi » auprès de l’État et aurait beaucoup de difficultés à se recycler.

62) Par arrêté du 31 août 2016, le Conseil d’État a révoqué M. A______ dans ses fonctions avec effet au 31 novembre 2016. La décision était exécutoire nonobstant recours.

L’intéressé avait très gravement violé ses devoirs professionnels de par ses agissements du 29 octobre 2013. Il avait adopté un comportement délictueux inadmissible de tous points de vue. Par ailleurs, par son comportement du 11 août 2012, il avait gravement violé ses devoirs professionnels. Antérieurement, le 2 septembre 2011, il avait déjà eu un comportement irrespectueux de la personne humaine en raison des blessures infligées à M. C______. Déjà à cette époque, il avait manqué à ses devoirs professionnels et sa faute était grave.

Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative, la prescription de la responsabilité disciplinaire n’était pas acquise pour les faits du 2 septembre 2011 et du 11 août 2012.

Quand bien même on devait considérer que les faits du 2 septembre 2011 et du 11 août 2012 étaient atteints par la prescription, objectivement et hors de tout contexte, la gratuité et la violence de l’agression du 29 octobre 2013, mise en lien avec le non-respect des injonctions clairement données par un supérieur hiérarchique, posaient à elles seules la question de la révocation du collaborateur.

Au surplus, les faits de 2011 et 2012 avaient été établis dans le cadre de la procédure pénale et pouvaient donc à tout le moins être pris en compte dans l’appréciation globale du comportement de M. A______ dans l’exercice de sa profession.

À cela s’ajoutait le comportement adopté par le collaborateur dans le cadre de l’enquête administrative, lequel n’avait, comme l’avait relevé l’enquêteur, visiblement toujours pas pris conscience des fautes qu’il avait commises, notamment sur le plan éthique et professionnel. Cette appréciation pouvait être tempérée, au vu de l’attestation médicale du 29 juin 2016, ainsi que des excuses et regrets exprimés par M. A______ lors de ses auditions des 22 juin et 28 juillet 2016.

Les félicitations, les appréciations positives, l’attestation médicale, les excuses et les regrets précités n’atténuaient en rien la gravité objective des faits reprochés à M. A______, ainsi que la gravité subjective de sa faute pour ses manquements professionnels.

Compte tenu de la gravité objective avérée des faits qu’il convenait de sanctionner, du contexte dans lequel ils devaient être examinés, de l’irrespect d’autrui et de l’employeur, de la faute respectivement grave et très grave de M. A______ ainsi que de la rupture définitive du lien de confiance avec celui-ci, la révocation constituait la seule sanction envisageable.

63) Par acte du 30 septembre 2016, M. A______ a interjeté recours contre l’arrêté précité auprès de la chambre administrative, concluant à l’annulation dudit arrêté, à ce que sa réintégration dans ses fonctions soit ordonnée et à ce qu’une équitable indemnité pour ses frais indispensables au recours lui soit allouée.

Préalablement, il devait être ordonné au Conseil d’État de produire l’arrêté du département rendu à l’encontre de M. I______ et l’effet suspensif devait être restitué au recours.

Il n’avait jamais été sanctionné sur les plans disciplinaire ou pénal. Jusqu’en avril 2011, il n’avait fait l’objet d’aucune mesure organisationnelle ni entretien de service. Par la suite, il avait fait l’objet de trois mesures organisationnelles, deux entretiens de service et deux notes de service. Il était passionné par son travail, ce que différents témoins avaient confirmé. Depuis sa nomination, il avait obtenu vingt-huit félicitations et mentions positives, lesquelles ne se trouvaient curieusement pas dans son dossier administratif transmis à l’enquêteur, qui n’avait pas pris la peine de les demander. Il avait dû les produire spontanément et les listait, y compris toutes celles délivrées après les événements du 2 septembre 2011, du 11 août 2012 ou du 29 octobre 2013.

Lors du dernier EEDP du 22 avril 2013, les grandes compétences de M. A______ avaient été relevées. Le supérieur hiérarchique de celui-ci avait eu des termes élogieux à son égard, à l’instar des nombreux témoins entendus pendant l’enquête administrative, dont plusieurs gendarmes. M. A______ avait par ailleurs traversé, en novembre 2012, de graves difficultés conjugales. Son épouse l’avait quitté en décembre 2012. De nombreux témoins attestaient du
mal-être de l’intéressé. Devant le conseiller d’État, puis devant la délégation du Conseil d’État, lors de ses auditions du 22 juin et 28 juillet 2016, M. A______ avait confirmé les regrets qu’il avait déjà exprimés pendant la procédure pénale et l’enquête administrative. Les faits du 29 octobre 2013 concernant M. H______ s’étaient déroulés une dizaine de jours avant son divorce. Ce dernier avait aussitôt consulté un psychiatre, le Dr S______, souhaitant se remettre en question. Le spécialiste l’avait aussi aidé à surmonter sa séparation et son divorce, et les conséquences de sa suspension professionnelle. Dans une attestation du 20 octobre 2015 et un certificat du 29 juin 2016, le praticien attestait de l’engagement et de la remise en question sincère effectués par M. A______. Il avait travaillé sur son impulsivité et sur son irritabilité. Différents témoins attestaient avoir remarqué l’évolution positive de M. A______. Enfin, le recourant revenait sur la prétendue impartialité de l’enquêteur administratif.

Sur le fond, la responsabilité disciplinaire en lien avec les événements du 2 septembre 2011 était en tous les cas prescrite. Tel était aussi le cas pour les événements du 11 août 2012.

Les agissements du recourant dans l’affaire de M. H______ ne justifiaient pas la révocation. La décision violait le principe de la proportionnalité. Elle contrevenait également au principe de l’égalité de traitement. M. I______ avait été déclaré coupable d’agression par jugement du Tribunal de police du 5 novembre 2014, confirmé par l’arrêt de la chambre pénale du 4 août 2015. Sur le plan administratif, il avait été puni, par arrêté du 23 juin 2016 du DSE, à une réduction de 6 % de son salaire sur une année, ce qui correspondait à la sanction moyenne parmi celles pouvant être infligées en application de la LPol. Même à retenir les affaires C______ et F______, la révocation restait disproportionnée.

Les arguments du recourant seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

Enfin, le Conseil d’État n’était pas cohérent en qualifiant de graves les faits relatifs à l’affaire C______, alors que l’EEDP du 22 avril 2013 était excellente, sans référence à cette affaire.

64) Par observations du 3 novembre 2016, le Conseil d’État a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif et, au fond, au rejet du recours dans la mesure où il était recevable.

L’action disciplinaire n’était pas prescrite. Les faits concernant la plainte de M. C______ n’étaient pas suffisamment établis, leur déroulement étant contesté, lors de l’ouverture de la procédure disciplinaire. Il en était de même du cas de M. F______, seule la procédure pénale ayant permis d’apporter les éléments suffisants, concrétisés par l’ordonnance pénale du 29 octobre 2013. En tout état de cause, le comportement reproché au recourant à l’égard de M. H______ était à lui seul suffisamment grave pour justifier une révocation.

Quant aux principes constitutionnels invoqués par le recourant, ils n’avaient pas été violés.

Les arguments de l’intimé seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

65) Par décision du 28 novembre 2016, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours de M. A______.

L’intérêt privé du recourant à conserver son activité professionnelle et les revenus y relatifs devait céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État. Il ne pouvait déduire aucun droit du fait que, bien que suspendu, il avait bénéficié de son traitement depuis le 18 décembre 2013. Par ailleurs, le Conseil d’État avait procédé à la révocation de l’intéressé en août 2016 pour le terme du 30 novembre 2016. Enfin, la nouvelle teneur de l’art. 31 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ne trouvait pas application, s’agissant d’un cas de sanction disciplinaire.

66) Par réplique du 6 décembre 2016, le recourant a développé la problématique de la prescription de l’action disciplinaire.

Par ailleurs, le cas de M. H______ n’était à lui seul pas suffisamment grave pour justifier une révocation. Le Conseil d’État se référait en outre à des cas de révocations confirmées, lesquels ne concernaient que des manquements de policiers en service, ce qui n’était pas le cas de M. A______ lorsqu’il avait rencontré M. H______, ce dont il devait être tenu compte.

De surcroît, l’intimé était quasiment muet sur les critiques de partialité de l’enquêteur. Il déniait aux félicitations reçues par le recourant leur valeur intrinsèque. Le certificat médical produit par le recourant n’était que positif, contrairement aux allégations du Conseil d’État. Enfin, ce dernier relativisait le contenu de l’EEDP d’avril 2013.

Il revenait enfin sur la prétendue inégalité de traitement dont il avait été victime, en lien avec la sanction infligée à M. I______.

67) Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 6 avril 2017.

a. M. A______ a indiqué avoir retrouvé un emploi temporaire à plein temps du 1er mars 2017 au 31 août 2017 en qualité d’agent de sécurité aux Nations Unies. D’entente avec le Dr S______, il ne voyait ce dernier qu’une à deux fois par année, un suivi plus rapproché n’étant plus nécessaire selon son thérapeute. Son emploi actuel avait pour but d’éviter de toucher le chômage, de lui permettre de reprendre des habitudes et de constater que son travail psychothérapeutique avait été efficace. Sa volonté de retourner servir à la police ne s’était pas modifiée, il ne se voyait pas faire carrière autre part.

Suite à son travail psychothérapeutique, il avait changé sa personnalité. Tant lui-même que ses proches l’avaient constaté. Par ailleurs, le milieu professionnel où il évoluait actuellement nécessitait de réfléchir avant d’agir et d’être très posé. Il avait ainsi pu constater qu’aujourd’hui, il maîtrisait son impulsivité. Son travail actuel ressemblait à son activité à la police : il se trouvait surtout aux portes d’entrée des Nations Unies et procédait au contrôle des véhicules et des personnes. Il portait l’uniforme, mais ne détenait pas d’arme à feu, étant engagé seulement en temporaire. Toutefois, les moyens de contrainte à sa disposition étaient similaires à ceux utilisés au sein de la police. Il avait bénéficié d’une formation supplémentaire au sein des Nations Unies sur les moyens de contrainte et l’éthique. Il arrivait que des personnes en détresse veuillent absolument entrer et qu’il faille s’en occuper et, le cas échéant, faire usage de la contrainte pour les remettre à la police internationale.

b. Le major Z______, représentant le DSE, a précisé que M. A______ avait reçu un peu plus de félicitations que les autres collaborateurs, tout à la fois en fonction du poste qu’il occupait – certains postes étant plus propices à en recevoir que d’autres –, de son chef de poste – qui stimulait son personnel par des félicitations –, de sa personnalité et de ses qualités propres. Dans le cadre de son activité, M. A______ prenait beaucoup d’initiatives et allait chercher le travail. Il avait un certain flair qui lui permettait, hors des périodes de réquisitions standard, d’intervenir sur appel et efficacement. Il « sortait du lot » au poste de V______.

c. Monsieur AA______, représentant également le DSE, a indiqué que pour le DSE, toute réintégration restait exclue, vis-à-vis de la hiérarchie, des collègues et du public.

d. M. A______ a persisté dans ses conclusions.

e. À l’issue de l’audience, la juge déléguée a imparti aux parties un délai au 12 avril 2017 pour produire, pour M. A______ des pièces en relation avec sa nouvelle situation professionnelle temporaire, et pour le DSE, les trois documents mentionnés en pages 38 et 39 du rapport d’enquête (à savoir l’ordre de service 1.A.1 relatif à la discipline, l’ordre de service 1.A.1c relatif au comportement des policiers, et le code de déontologie de la police (DERS I 1.01). Passé ce délai, la cause serait gardée à juger.

68) Les documents requis ont été transmis dans le délai imparti.

69) Par courrier du 26 avril 2017, le recourant a transmis à la chambre administrative sa première évaluation par son employeur actuel. L’évaluation était globalement positive, le recourant ayant atteint avec succès les objectifs de performance contenus dans le formulaire. Ses supérieurs hiérarchiques relevaient la participation active de M. A______, sa bonne intégration dans le groupe, sa rigueur et sa disponibilité. Ils l’encourageaient à suivre la même voie.

70) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 19 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07) ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du Conseil d’État du 31 août 2016 de révoquer le recourant avec effet au 30 novembre 2016.

3) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA).

4) En tant que policier, le recourant est notamment soumis à la LPol et à son règlement d’application. Il est également soumis au code de déontologie de la police genevoise, à l’ordre de service 1.A.1 relatif à la discipline et à l’ordre de service 1.A.1c relatif au comportement des policiers, transmis par l’autorité intimée.

Une nouvelle LPol a été adoptée le 9 septembre 2014, et est entrée en en vigueur le 1er mai 2016. De même, un nouveau règlement sur l’organisation de la police a été adopté le 16 mars 2016, et est entré en vigueur également le 1er mai 2016, abrogeant l’ancien règlement d’application de la loi sur la police du 25 juin 2008 (aRPol – F 1 05. 01).

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu’un changement de droit intervient au cours d’une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l’angle du nouveau ou de l’ancien droit se pose. En l’absence de dispositions transitoires, s’il s’agit de tirer les conséquences juridiques d’un événement passé constituant le fondement de la naissance d’un droit ou d’une obligation, le droit applicable est en principe celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.2 ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2011, n. 403 ss).

Toutefois, en matière de sanction disciplinaire, le nouveau droit s'applique s'il est plus favorable à la personne incriminée, selon le principe de la lex mitior (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013 consid. 11 et les références citées).

La LPol ne contenant pas de dispositions transitoires traitant de la question, la décision litigieuse sera donc examinée au regard des dispositions de l’aLPol, et de le l’aRPol, à moins que la LPol ne soit plus favorable. Conformément à l’art. 26 aLPol, le recourant est également soumis à la LPAC et au règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la loi.

5) Le recourant fait tout d’abord valoir la prescription de l’action disciplinaire pour les faits s’étant déroulés les 2 septembre 2011 et 11 août 2012.

a. Conformément à l’art. 37 al. 6 aLPol, la responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 37 al. 6 2ème phrase aLPol). Sauf les cas de crime ou de délit, la réduction du traitement pour une durée déterminée, la dégradation et la révocation ne peuvent être prononcées sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans qu'il ait été entendu par ce magistrat (art. 37 al. 2 aLPol). Si la révocation est envisagée, le fonctionnaire de police a le droit de demander à être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d'État (art. 37 al. 3 aLPol). La révocation doit être prononcée par le Conseil d’État (art. 36 al. 3 in fine aLPol).

Le nouveau droit prévoit un régime quelque peu différent : la prescription est suspendue pendant la durée de l’enquête administrative ou de l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol). Le nouveau droit étant moins favorable au recourant en tant que la prescription est automatiquement interrompue par l’ouverture d’une procédure pénale, il ne peut s’appliquer en tant que lex mitior et c’est donc l’ancien droit qui s’applique, comme le reconnaît l’intimé dans ses observations du 3 novembre 2016.

b. L’art. 37 al. 6 aLPol ne mentionne pas qui, au sein du corps de la police, doit avoir connaissance de la violation des devoirs de service pour faire courir le délai de prescription. La chambre de céans a déjà jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l’art. 37 al. 6 aLPol, dont la teneur est identique à l'art. 27 al. 7 LPAC, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police (ATA/652/2015 du 23 juin 2015 consid. 7 ; ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 9 ; ATA/679/2009 du 22 décembre 2009).

Par ailleurs, la chambre administrative a également établi qu’une procédure disciplinaire, ouverte par la cheffe de la police, n’interrompait pas la prescription, seule l’enquête administrative – qui est de la compétence du chef du DSE – l’interrompant conformément à l’art. 37 al. 6 2ème phrase aLPol (ATA/1222/2012 du 19 février 2013 consid. 11).

c. Se fondant sur cette jurisprudence, les parties soutiennent toutes deux que la prescription dans le cas d’espèce a commencé à courir au moment où la cheffe de la police a eu connaissance des divers faits ayant donné lieu à la sanction infligée à M. A______.

Si l’on suit cette approche, la prescription de l’action disciplinaire est intervenue avec certitude pour les faits s’étant déroulés le 2 septembre 2011 (affaire C______) ce que la cheffe de la police a elle-même constaté. Elle pourrait également être intervenue pour ceux s’étant déroulés le 11 août 2012 (affaire F______), si l’on considère que la cheffe de la police a eu connaissance des faits susceptibles de fonder une sanction disciplinaire lorsqu’elle a été en possession de toutes les informations démontrant que M. A______ avait roulé à une vitesse excessive et qu’il avait également manifesté peu d’égards pour la victime, soit au plus tard le 17 septembre 2012 (l’art. 100 al. 4 LCR ne trouvant alors plus application), alors que l’enquête administrative n’a été ouverte que le 18 décembre 2013. Concernant l’affaire H______, l’action disciplinaire n’est pas prescrite, ce que le recourant reconnaît lui-même.

d. Cette manière de calculer le dies a quo du délai de prescription par les parties va cependant à l’encontre d’un arrêt récemment rendu par la chambre administrative, dans lequel la LPol ne trouvait pas application et qui est actuellement contesté par-devant le Tribunal fédéral (ATA/215/2017 du 21 février 2017 consid. 10e). À teneur de cet arrêt, le délai de prescription de l’action disciplinaire commençait à courir au moment où l’autorité compétente pour sanctionner avait eu connaissance des faits. Ainsi, en cas de révocation, c’était au moment où le Conseil d’État, en tant qu'autorité disciplinaire, avait eu connaissance de la violation des devoirs de service que le délai de prescription avait commencé à courir.

La question de savoir si c’est la connaissance par la cheffe de la police ou par le Conseil d’État qui fait partir le délai de prescription peut toutefois demeurer ouverte en l’espèce, au regard de ce qui suit, et du fait que la procédure disciplinaire est en partie modifiée sous la nouvelle LPol, laquelle prévoit dorénavant que la prescription est suspendue tant pendant la durée de l’enquête administrative que pendant l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol), et que l’enquête administrative peut être ouverte tant par le chef du DSE que par le commandant (art. 38 al. 1 LPol).

6) Considérant que seuls les faits s’étant déroulés le 29 octobre 2013 peuvent fonder la sanction disciplinaire querellée, le recourant fait valoir une violation du principe de proportionnalité. Selon lui, l’affaire H______ n’est en tant que telle pas assez grave pour justifier sa révocation.

a. À teneur de l'art 36 al. 1 aLPol, qui correspond en substance à l’art. 36 al. 1 LPol, les peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux fonctionnaires mentionnées à l'art. 6 al. 1 let. a à j sont, suivant la gravité du cas :

a) le blâme ;

b) les services hors tour ;

c) la réduction de traitement pour une durée déterminée ;

d) la dégradation ;

e) la révocation.

Le chef de la police est compétent pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 aLPol). Le chef du département est compétent pour prononcer la réduction de traitement pour une durée déterminée ; la dégradation et la révocation sont prononcées par le Conseil d'État (art. 36 al. 3 aLPol).

b. Comme précédemment mentionné, le recourant est soumis à l’aLPol et à son règlement d’application. Il est également soumis au code de déontologie de la police genevoise, à l’ordre de service 1.A.1 relatif à la discipline et à l’ordre de service 1.A.1c relatif au comportement des policiers. Le recourant est aussi soumis à la LPAC et au RPAC, sous réserve des dispositions particulières de la loi.

Aux termes de l’art. 20 RPAC, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Ils se doivent, de par leur attitude, de justifier et de renfoncer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21
let. c RPAC).

Aux termes de l’art. 6 aRPol, les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

Le code de déontologie de la police genevoise du 1er août 1997, mis à jour le 1er janvier 2013 (ci-après : le code de déontologie) vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. Selon son art. 1, la police est le bras armé de l'État. En axant son action sur le respect des normes juridiques démocratiquement acceptées, la police contribue à l'affirmation de la souveraineté de l'État et au respect des libertés et droits fondamentaux des citoyens. Aux termes de l’art. 3 du code de déontologie, en qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens (par. 1). Par ailleurs, hors service, le policier agit spontanément, dans la mesure de ses possibilités, pour prévenir la commission d’une infraction ou contribuer à l’interpellation de son auteur. De la même manière, il est également prêt à porter secours aux personnes en danger (art. 2 par. 4 du code de déontologie).

L’ordre de service 1.A.1c relatif au comportement des policiers prévoit que les fonctionnaires de police doivent se comporter avec honneur, tact et honnêteté, non seulement dans l’exercice de leurs fonctions, mais aussi dans leur vie privée (art. 1). Par ailleurs, lorsque les fonctionnaires de police interviennent en dehors de leur service, ils doivent le faire en conformité avec tous les ordres de service (art. 3 OS 1.A.1c).

Quant à l’ordre de service 1.A.1 relatif à la discipline, il prescrit que le respect mutuel et l’esprit de discipline font la force de la gendarmerie. Le subordonné doit respecter son chef et lui obéir. L’indiscipline, sous toutes ses formes, ne doit pas être tolérée (art. 4 OS 1.A.1). En l’absence d’ordres précis, on agit dans l’esprit des obligations de la police, des nécessités du service et dans l’idée du chef ou de l’intérêt de l’État (art. 12 OS 1.A.1). Commet une faute de discipline celui qui contrevient aux ordres de ses chefs, aux prescriptions de service ou, d’une manière générale, à l’ordre et à la discipline militaire. Tout manquement à la discipline sera puni conformément à la LPol (art. 36 ss), sans préjudice de poursuite pénale en cas d’infraction (art. 17 OS 1.A.1). Enfin, sont notamment des fautes de discipline la mauvaise conduite en ou hors service, la participation à des rixes, l’ivresse en service ou non (art. 20 let. h OS 1.A.1).

c. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6a).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (MGC 2005-2006/XI A - 10423 et 10436 ; ATA/118/2016 précité consid. 3b ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6b ; ATA/820/2010 du 23 novembre 2010 consid. 6 ; ATA/618/2010 du 7 septembre 2010).

d. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans s'est notamment prononcée comme suit s'agissant de cas de révocation :

- confirmation de la révocation d’une fonctionnaire d’un EMS au vu de la répétition de comportements inacceptables envers les collègues durant dix ans, malgré de nombreux avertissements et rappels à l’ordre et nonobstant l’excellence du travail effectué (ATA/21/2010 du 19 janvier 2010) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire auquel étaient reprochées des violations de devoirs de service et d’autres comportements, notamment des relations intimes entretenues avec des fonctionnaires du service, comportements de nature à déstabiliser un service lorsque ces derniers impliquaient comme en l’espèce une relation de travail extrêmement étroite (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire consultant fréquemment et régulièrement des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ;

- confirmation de la révocation d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013) ;

- confirmation de la révocation d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d’un établissement hospitalier (ATA/118/2016 précité) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire ayant giflé un collègue et ne se trouvant pas dans un état de légitime défense ou dans un état de légitime défense putative, et ayant déjà reçu un avertissement par le passé (ATA/301/2016 du 12 avril 2016, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_355/2016 du 22 mars 2017) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire, gardien principal adjoint d’une prison, condamné définitivement au pénal pour abus d'autorité pour avoir donné un coup de pied dans la partie basse du corps d'un détenu, et ayant déjà été, par le passé, sanctionné pour avoir frappé un détenu (ATA/987/2016 du 22 novembre 2016).

La chambre administrative est en revanche revenue sur la sanction prononcée par l’autorité d’engagement dans quelques cas, notamment :

- retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée d’un an en lieu et place de deux ans prononcés par l’autorité d’engagement pour un fonctionnaire ayant adopté une attitude peu adéquate face à sa hiérarchie, les reproches faits au recourant devant être largement relativisés en fonction des dysfonctionnements structurels et organisationnels du service (ATA/619/2010 du 7 septembre 2010) ;

- annulation d’un arrêté du Conseil d’État dégradant le chef des opérations de la police de lieutenant-colonel à major pour une période de quatre ans, avec réduction de son traitement, l’intéressé n’ayant pas enfreint ses devoirs de service au sens de la législation applicable et ses éventuelles omissions ne justifiant pas une sanction disciplinaire (ATA/631/2017 du 6 juin 2017) ;

- révocation considérée comme contraire au droit dans le cadre d’une altercation verbale, puis physique entre collègues. Le comportement de l’intéressé devait être remis dans son contexte, soit un problème comptable important et difficile à régler, l’absence de lien hiérarchique entre les protagonistes, la présence d’un autre collègue uniquement et l’état de légitime défense putative établi par le juge pénal, dont il n’y avait pas lieu de s’écarter. Il n’était ainsi pas de nature à justifier une révocation, laquelle était disproportionnée (ATA/258/2014 du 15 avril 2014) ;

- révocation jugée contraire au droit et réintégration imposée en raison d'une absence de violation des devoirs de service, l’autorité d’engagement n’ayant pas pu établir que la recourante s’était rendue coupable de faux, seul fait à la base de la décision de révocation (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015).

e. En l’espèce, il a été établi, tant dans la procédure pénale que lors de l’enquête administrative, que le 29 octobre 2013, M. A______ s’est rendu sur les lieux d’une intervention alors que le chef de poste des J______ le lui avait formellement interdit, qu’il a agressé M. H______ au prétexte que ce dernier lui avait proposé de la drogue et qu’il l’a frappé au visage au moyen d’une béquille, lui causant des blessures ayant nécessité des points de suture. Comme l’a à juste titre retenu l’enquêteur, la prétendue inaptitude à la course de M. A______ ce soir-là ne permet pas de remettre en cause ces faits, qui ressortent clairement des déclarations des divers témoins l’ayant désigné comme ayant frappé M. H______ au visage.

Ce faisant, M. A______ a enfreint tous les devoirs de service d’un policier susmentionnés. Son comportement délibéré, irrespectueux de la personne d’autrui et inadmissible en tous points de vue, est indigne d’un policier, qui se doit d'avoir un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens.

Le fait qu’il n’était, comme il le soutient, pas en service au moment des faits n’a pas d’incidence. En effet, en tant que policier, bras armé de l’État, il se doit d’avoir un comportement irréprochable en tout temps et ne peut ainsi gratuitement porter atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui. Par ailleurs, il a appris l’existence de l’intervention alors qu’il se trouvait au poste de police et il s’y est rendu alors même que son supérieur lui avait ordonné de ne pas y aller. Lui-même indique que c’est son « instinct de flic » qui l’a poussé à se rendre sur les lieux de la réquisition. Ainsi, le fait qu’il n’ait pas été formellement en service au moment des faits n’est pas déterminant dans l’appréciation de son comportement. De surcroît, même si M. A______ était habillé en civil, le plaignant a compris déjà le jour de son agression qu’il avait été attaqué par un policier. Véhiculer une telle image de la police n’est pas acceptable.

Ce comportement est grave et justifie une révocation même en l’absence de sanctions disciplinaires antérieures. À ce propos, il sied de relever que, même s’il n’a pas été sanctionné par le passé, sa hiérarchie a, à plusieurs reprises, relevé qu’il devait apprendre à se contenir, à canaliser son énergie et qu’il devait améliorer son comportement général et vis-à-vis de ses supérieurs. Par ailleurs, même si la révocation ne pouvait se fonder sur les événements des 2 septembre 2011 et 12 août 2012 pour des raisons de prescription, M. A______ a été condamné pénalement pour ces faits, qui constituent dès lors des antécédents pénaux incompatibles avec les devoirs d’un policier, comme l’a à juste titre relevé l’intimé dans ses écritures.

Quant au bon parcours professionnel du recourant, aux nombreuses félicitations et mentions positives qu’il a reçues tout au long de sa carrière et à sa grande motivation pour son métier, ils ne permettent pas d’apprécier différemment son comportement, au vu de la gravité des actes qui lui sont reprochés. Il en est de même du travail qu’il a accompli sur lui-même et de sa remise en question, même si celle-ci semble sincère.

Enfin, la période difficile sur le plan privé qu’il indique avoir vécue lors des faits ne peut aucunement justifier un tel comportement, ni même l’expliquer, et ne peut avoir pour conséquence d’amoindrir la gravité de son acte.

f. Compte tenu de ces considérations, il faut admettre qu’au vu des fautes commises par le recourant, la sanction prononcée est proportionnée aux buts d'intérêt public visés, soit la protection des personnes se trouvant sous l'autorité des policiers, le bon fonctionnement du corps de police et la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans les représentants de l'ordre. Aucune autre mesure moins incisive ne permettrait d'atteindre les objectifs visés.

Ce grief sera dès lors écarté.

7) Le recourant soutient enfin que la décision de révocation contrevient au principe d’égalité de traitement, eu égard à la sanction prononcée à l’encontre de M. I______, qui n’a été puni, sur le plan administratif, que d’une réduction de 6 % de son salaire sur une année. Le recourant relève notamment que son ancien collègue avait été déclaré coupable d’agression, selon l’art. 134 CP, dont la peine menace était de cinq ans, alors que lui-même avait été condamné pour lésions corporelles simples, en vertu de l’art. 123 CP, qui prescrit une peine menace de trois ans.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6 ss ; ATA/200/2015 du 24 février 2015 consid. 6a).

b. En l’espèce, comme l’a à juste titre relevé l’intimé, le recourant perd de vue que M. I______ n’a pas porté atteinte à l’intégrité physique de M. H______. Sa faute est dès lors manifestement moins grave et justifie une sanction disciplinaire moins lourde. Par ailleurs, le fait que la peine-menace de l’agression est moins importante que celle des lésions corporelles simples n’a aucune incidence. En effet, les autorités pénales ont considéré que M. A______ était coupable de lésions corporelles simples et d’agression, mais ne l’ont condamné que pour lésions corporelles simples, cette infraction absorbant celle d’agression (AARP/340/2015 p. 50).

Mal fondé, ce grief sera également écarté.

8) En conséquence, le recours sera rejeté, et la révocation du recourant confirmée. Il n’y a dès lors pas lieu d’entrer en matière sur les conclusions en réintégration de ce dernier.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2016 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d'État du 31 août 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

A.    Piguet Maystre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :