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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2497/2012

ATA/267/2013 du 30.04.2013 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2497/2012-FPUBL ATA/267/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2013

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Alain Berger, avocat

contre

LA CHEFFE DE LA POLICE

 



EN FAIT

Monsieur X______ exerce la fonction de gendarme au sein de la police genevoise. Il a été engagé par l’Etat de Genève le 1er septembre 2006.

Le 21 juillet 2011, il a fait l’objet d’un entretien de service avec son supérieur hiérarchique direct, l’adjudant U______, et le lieutenant C______.

a. M. X______ a signé le compte-rendu de cet entretien, à teneur duquel les faits en cause étaient les suivants :

Au mois de juin 2011, alors qu’il effectuait le transfert d’une personne interpellée, M. X______ s’était retrouvé derrière ce prévenu dans les escaliers du nouvel Hôtel de police (ci-après : NHP). Estimant qu’il n’avançait pas assez vite, il lui avait volontairement donné des coups de pieds dans les mollets. Selon les collègues présents, des marques étaient visibles sur cette partie du corps de l’intéressé.

Le vendredi 15 juillet 2011, il avait donné des coups de pied et saisi par une oreille un individu qui dormait dans un parc. Il avait ensuite reconnu devant sa hiérarchie avoir ainsi voulu humilier ce dormeur.

M. X______ s’était vanté dans les couloirs de la brigade de sécurité publique (ci-après : BSP) d’avoir, au début du mois de juillet 2011, forcé un joueur de bonneteau à avaler une boulette de papier. Il avait plus tard reconnu ces faits devant les cadres de la BSP.

b. Pendant l’entretien de service, M. X______ a confirmé avoir asséné des coups de pieds dans les mollets d’un prévenu pas très coopératif pour le faire avancer plus vite dans les escaliers. Des rougeurs et des éraflures étaient visibles, mais à aucun moment l’individu ne s’était plaint. Un de ses collègues l’avait prié de ne plus recommencer. Il était d’accord avec ce point de vue et reconnaissait qu’il n’aurait pas dû agir de la sorte.

Il avait effectivement donné de très légers coups de pieds dans le dos d’un individu qui faisait semblant de dormir dans le parc St-Jean. Il l’avait attrapé par une oreille, puis levé. Il n’avait pas voulu l’humilier mais « le rendre ridicule et lui faire changer d’état d’esprit ». Son collègue de patrouille lui avait ensuite fait part de son désaccord. Il admettait qu’il n’aurait pas dû procéder de la sorte.

Lors de « l’opération Mousquetaires », il avait avec son groupe interpellé et conduit au poste des joueurs de bonneteau. L’individu dont il s’était occupé avait dans un premier temps nié en être un. Lors de sa fouille, il avait pourtant trouvé sur lui une boulette de papier servant à ce jeu. Il lui avait tendu la boulette en lui disant que comme il avait menti, il devait l’avaler. L’individu avait alors ingurgité la boulette « de la taille d’une bille ». Au moment des faits, il était seul dans la salle d’audition, mais il en avait ensuite parlé à des collègues de la brigade. Il se rendait bien compte, avec le recul, qu’il n’était pas meilleur que la personne interpellée en ayant agi de cette manière.

D’habitude discret et poli, il ne se reconnaissait plus depuis quelques mois. Mal intégré, il ne se sentait pas à place à la BSP où le travail ne lui convenait pas. Il avait de la peine avec les horaires et était fatigué physiquement et moralement. En outre, il faisait face à des problèmes familiaux dont il ne souhaitait pas parler mais qui pesaient énormément sur son équilibre. Après un entretien avec les cadres du service, il avait fait un travail sur lui-même et il était prêt à poursuivre son activité dans la brigade.

Il avait pleinement pris conscience de ses erreurs et comptait se remettre en selle car il était très motivé par son métier.

Ce même 21 juillet 2011, MM. U______ et C______ ont transmis une note à la cheffe de la police. L’entretien de service y était joint. Ils proposaient que le service social de la police prenne contact avec M. X______ afin de s’assurer qu’il était apte à travailler, la consignation de l’entretien de service dans son dossier et le prononcé d’une mesure administrative légère au vu de son repentir sincère.

M. X______ n’avait pas cherché à masquer la vérité. Il regrettait en tous points les faits qui lui étaient reprochés et avait pris conscience de ses erreurs qu’il s’était engagé à ne plus commettre. Il était mal dans sa peau mais avait fait un travail sur lui-même afin de mieux appréhender son passage à la BSP après des problèmes d’intégration dans cette équipe.

Par décision du 2 septembre 2011, la cheffe de la police a ordonné l’ouverture d’une enquête disciplinaire, confiée à l’inspection générale des services (ci-après : IGS).

Le 26 septembre 2011, le Ministère public a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale contre M. X______ pour abus d’autorité (art. 312 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), pour les faits survenus dans les escaliers du NHP, dans le parc St-Jean et avec le joueur de bonneteau.

Le 31 octobre 2011, M. X______ a été entendu par le Ministère public en qualité de personne prévenue d’abus d’autorité. Il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés. S’agissant du 15 juillet 2011, il a contesté avoir asséné des coups de pied à la personne qui faisait semblant de dormir. Il l’avait poussée du pied pour la faire réagir, mais sans violence. Il regrettait ses actes, en avait honte et s’engageait à ne plus jamais les commettre. Il avait pris contact avec le service social de la police qui lui avait été d’un grand secours.

Le maréchal I______, supérieur hiérarchique de M. X______ en charge de la BSP, a également été entendu le 31 octobre 2011. Depuis les événements de juin et juillet, le travail de M. X______ était exemplaire.

Le 8 novembre 2011, l’IGS a rendu un rapport « d’enquête administrative ». M. X______ avait enfreint plusieurs ordres de service (ci-après : OS), le code de déontologie de la police genevoise et la charte éthique de l’administration cantonale.

M. X______ avait été entendu ce même 8 novembre 2011. Il avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés mais contestait avoir donné des coups de pied à la personne qui dormait dans le parc. Il l’avait légèrement bougée avec son pied « comme on le fait pour réveiller quelqu’un ».

Par ordonnance pénale du 15 novembre 2011, le Ministère public a déclaré M. X______ coupable d’abus d’autorité, le condamnant à un travail d’intérêt général de 20 heures, avec sursis pendant deux ans.

Cette ordonnance pénale ne fait pas mention des faits survenus avec le joueur de bonneteau.

Dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte contre lui, M. X______ a été entendu par la cheffe de la police le 22 mai 2012.

A cette occasion, il a confirmé les déclarations qu’il avait faites devant l’IGS et le Ministère public ou pendant l’entretien de service.

Par décision du 16 juillet 2012, la cheffe de la police a infligé à M. X______ neuf services hors tours.

En juin 2011, il avait porté plusieurs coups de pied dans les mollets d’un prévenu. En juillet 2011, il avait fait avaler une boulette de papier à un bonneteur. Le 15 juillet 2011, il avait porté de légers coups de pied et tiré l’oreille à un individu qui dormait dans un parc. Il avait ainsi contrevenu au code de déontologie de la police genevoise en son point 3, aux OS DERS I 2.02, chiffre 20 let. h, DERS I 2.03, chiffre 2.1 et DERS I 1.02, chiffres 1 et 2.

La faute objective de M. X______ revêtait une gravité élevée car elle consacrait un abus d’autorité et une atteinte à l’intégrité physique de prévenus placés sous protection policière. Cette atteinte devait être nuancée « dans la mesure où le résultat a consisté en des lésions corporelles simples, voire des voies de fait ».

Sur le plan subjectif, l’attitude de M. X______ relevait plus d’un contexte socioprofessionnel délétère ayant influé négativement sur sa personne, que d’un esprit méchant ou chicanier.

Une fois les faits dénoncés, il les avait reconnus spontanément, sans chercher à les minimiser. Il n’avait pas d’antécédents et avait exprimé ses regrets, lesquels pouvaient être tenus pour sincères. Il avait pris la pleine mesure des ses agissements et entrepris de ne plus les répéter. Monsieur X______ s’était ouvert auprès de sa nouvelle hiérarchie de sa situation afin de repartir sur des bases saines. En conséquence, la sanction était modérée.

Par acte posté le 15 août 2012, M. X______ a recouru contre la décision de la cheffe de la police auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu, « sous suite de dépens », préalablement à ce qu’elle ordonne « à l’autorité intimée de justifier de sa pratique en matière d’infractions disciplinaires analogues à celle du cas d’espèce, en produisant ses dix précédents » et principalement à l’annulation de la décision attaquée.

a. Par ordonnance pénale du 15 novembre 2011, M. X______ avait été déclaré coupable d’abus d’autorité mais pas d’atteintes à l’intégrité corporelle ou à la santé ou encore de voies de faits. Dès lors, la cheffe de la police, qui devait se limiter à cette ordonnance pénale, ne pouvait pas retenir contre lui la commission de ces autres infractions.

b. La sanction était disproportionnée au regard des circonstances du cas d’espèce et de la pratique de l’autorité intimée. En outre, en lui infligeant
neuf services hors tour, soit l’équivalent de trente-six heures de travail supplémentaire, la cheffe de police avait condamné M. X______ à près du double du nombre d’heures de travail d’intérêt général infligé avec sursis par le Ministère public.

M. X______ n’avait pas d’antécédents. Il avait immédiatement admis ses erreurs et fait part de ses remords sincères. Il s’était ouvert de ses problèmes auprès de sa hiérarchie, s’était fait assister par le service social de la police et s’était engagé à ne plus recommencer. Le maréchal I______ avait indiqué que le travail de M. X______ était maintenant exemplaire, son dossier de suivi personnel ne contenant que des félicitations.

c. M. X______ était déjà sanctionné pénalement et administrativement puisque sa nomination au grade d’appointé était retardée jusqu’à l’échéance du délai d’épreuve de deux ans fixé dans l’ordonnance pénale.

Dans ses observations du 14 septembre 2012, la cheffe de la police a conclu au rejet du recours.

Il n’existait aucun motif fondé qui s’opposait à ce que la cheffe de la police puisse tenir compte, dans le cadre de son appréciation, des lésions corporelles infligées par M. X______. Le jugement pénal ne liait en principe pas l’autorité administrative. Cependant, afin d’éviter des décisions contradictoires, cette autorité ne devait pas s’écarter sans raison sérieuse des faits constatés par le juge pénal ni de ses appréciations juridiques qui dépendaient fortement de l’établissement des faits, en particulier lorsque le jugement pénal avait été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties avaient été entendues et des témoins interrogés. L’autorité administrative ne pouvait dès lors s’écarter des constatations de fait du juge pénal que si elle était en mesure de fonder sa décision sur des constatations inconnues du juge pénal ou que celui-ci n’avait pas prises en considération, s’il existait des preuves nouvelles dont l’appréciation conduisait à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’était livré le juge pénal se heurtait clairement aux faits constatés ou si ce dernier n’avait pas élucidé toutes les questions de droit.

La condamnation à vingt heures de travail d’intérêt général n’avait pas été rendue dans le cadre d’une procédure ordinaire, faute d’avoir été rendue par un juge ordinaire au terme d’une procédure contradictoire avec audition de témoins.

L’absence de plaintes avait conduit l’autorité pénale à ne pas retenir la commission de lésions corporelles sous sa composante voies de fait ou lésions corporelles simples et l’autorité administrative se devait de retenir les manquements que M. X______ avait reconnus.

Au vu des fautes commises par M. X______, de sa position au sein de la gendarmerie ainsi que de ses bons états de service et de l’absence d’antécédents disciplinaires, la sanction prononcée était proportionnée aux buts d’intérêt public visés, soit la protection des personnes se trouvant sous l’autorité des policiers, le bon fonctionnement du corps de police et la confiance que les citoyens devaient pouvoir placer dans les représentants de l’ordre. Aucune mesure moins incisive ne permettait d’atteindre les objectifs visés.

Le 15 octobre 2012, M. X______ a persisté dans ses conclusions.

Les faits retenus par la cheffe de la police étaient identiques à ceux retenus par le Ministère public et il était inexact de prétendre que l’autorité pénale ne les avait pas pris en compte. La décision prise par la cheffe de la police différait de l’ordonnance pénale non pas en raison des faits retenus mais en raison de leur qualification juridique. Or, selon la jurisprudence de la chambre administrative, l’administration ne pouvait s’écarter sans motif pertinent du jugement pénal sur les questions touchant à l’établissement des faits, et même à leur qualification juridique si celle-ci dépend de l’appréciation de faits que le juge pénal connaît mieux que l’autorité administrative.

Le 12 novembre 2012, la cheffe de la police a transmis au juge délégué le code de déontologie de la police genevoise (DERS I 1.01), l’OS DERS I 1.02 (1A1c, comportement des policiers), l’OS DERS I 2.02 (1A1, discipline) et l’OS DERS I 2.03 (sanctions disciplinaires à l’encontre des policiers et du personnel doté d’un pouvoir d’autorité).

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Sans spécifier en quoi cela serait pertinent pour l’issue du litige, le recourant conclut préalablement à ce qu’il soit ordonné à la cheffe de la police de justifier de sa pratique en matière d’infractions disciplinaires analogues à celle du cas d’espèce, en produisant ses dix derniers précédents.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b).

En l’espèce, la chambre de céans dispose d’un dossier complet qui lui permet de trancher le litige et de se prononcer sur les griefs soulevés en toute connaissance de cause. Les faits sont clairement établis et ils sont admis tant par le recourant que par l’intimée, de sorte qu’il ne sera pas donné suite à la requête de M. X______.

3. a. M. X______ est gendarme. Il est dès lors soumis à la loi sur la police (art. 6 al. 1 let. g de la loi sur la police du 27 octobre 1957 - LPol - F 1 05). Sous réserve des dispositions particulières de la LPol, il est également soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) (art. 26 LPol).

b. Selon l’art. 6 du règlement d’application de la LPol du 25 juin 2008 (RPol - F 1 05.01), les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

c. Les membres du personnel de l’administration cantonale se doivent, par leur attitude, d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art 21 let. b et c du règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01).

d. Le code de déontologie de la police genevoise (DERS I 1.01) prévoit que le policier se doit d’avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens (ch. 3, 1er paragraphe). L’usage des pouvoirs conférés par la loi s’effectue toujours avec pondération et mesure, de manière opportune et adaptée aux circonstances (ch. 3, 2ème paragraphe). Les personnes interpellées sont sous la protection de la police et doivent être traitées avec décence, conformément aux droits fondamentaux reconnus à tout homme (ch. 3, 5ème paragraphe). La disponibilité et la courtoisie caractérisent tout policier (ch. 3, 8ème paragraphe).

e. Selon l’OS DERS I 1.02 (1A1c, comportement des policiers), les fonctionnaires de police doivent se comporter avec honneur, tact et honnêteté
(ch. 1).

f. L’OS DERS I 2.02 (1A1, discipline) prévoit que la mauvaise conduite en ou hors service est une faute de discipline (ch. 20 let. h)

g. D'après l’OS DERS I 2.03 (sanctions disciplinaires à l’encontre des policiers et du personnel doté d’un pouvoir d’autorité), tout manquement d’un collaborateur peut entraîner une sanction disciplinaire. On entend par manquement, un comportement qui viole un ordre de service ou des dispositions légales. Il peut également s’agir d’un agissement contraire à l’éthique ou préjudiciable au bon fonctionnement du service (ch. 2.1).

4. Le recourant conclut à l’annulation de la décision de la cheffe de la police au motif qu’elle n’aurait pas dû retenir à son encontre la commission d’autres infractions que celle visée par l’ordonnance pénale.

Le jugement pénal ne lie en principe pas l’autorité administrative. Afin d’éviter dans la mesure du possible des décisions contradictoires, la jurisprudence a admis, s’agissant de se prononcer sur l’existence d’une infraction, que l’autorité administrative ne devait pas s’écarter sans raison sérieuse des faits constatés par le juge pénal ni de ses appréciations juridiques qui dépendent fortement de l’établissement des faits, en particulier lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés. L’autorité administrative ne peut dès lors s’écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne connaissait pas ou qu’il n’a pas pris en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si dernier n’a pas élucidé toutes les questions de droit. Cette dernière hypothèse recouvre notamment le cas où le juge pénal a rendu sa décision sur la seule base du dossier, sans procéder lui-même à des débats (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1 et les références citées ; SJ 2010 I pp 8 ss).

Dans le cas d’espèce, M. X______ a fait l’objet d’une ordonnance pénale rendue par le Ministère public dans le cadre d’une procédure spéciale et non d’une procédure ordinaire (art. 352 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0). Le Ministère public s’est appuyé uniquement sur le dossier et il n’a entendu que le recourant et le Maréchal I______, sans procéder à des investigations plus amples que celles effectuées par la cheffe de la police et sans entendre de témoins. En outre, et contrairement à ce que prétend le recourant, le Ministère public et l’autorité administrative n’ont pas retenu les mêmes faits, l’ordonnance pénale ne faisant pas référence à l’épisode du joueur de bonneteau. L’appréciation juridique du Ministère public ne dépendait donc pas étroitement de faits qu’il connaissait de manière plus approfondie que la cheffe de la police, laquelle était libre de procéder à sa propre appréciation juridique des faits pertinents, qui ont d’ailleurs tous été reconnus par le recourant. Ce grief sera dès lors écarté.

5. Reste à examiner si, comme l’estime le recourant, la décision de la cheffe de la police viole le principe de la proportionnalité et si seul un blâme aurait dû lui être infligé.

a. Selon l’art 36 LPol, les fonctionnaires de police peuvent se voir infliger, selon la gravité du cas, un blâme, des services hors tour, une réduction de leur traitement pour une durée déterminée, une dégradation ou être révoqué (al.1). Les sanctions les moins graves, soit le blâme et les services hors tours, sont de la compétence de la cheffe de la police (al.2).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/238/2012 du 24 avril 2012 et les références citées).

c. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (Arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2 ; 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. A cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c.bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/605/2011 du
27 septembre 2011).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/94/2013 précité
consid. 16 et les références citées).

6. Dans le cas d’espèce, il est établi et non contesté que M. X______ a porté plusieurs coups de pied à un prévenu placé sous sa protection, coups qui ont laissé des rougeurs et des éraflures. Il a également forcé un joueur de bonneteau à avaler une boulette de papier, le menaçant de la lui faire avaler s’il ne le faisait pas lui-même. Il a enfin donné de légers coups de pied, puis tiré l’oreille d’un individu qui dormait dans un parc. Ces actes, qui n’ont rien d’exemplaire, ont porté atteinte à la dignité humaine de même qu’à l’image de la police et du service public. Le recourant les a commis en violation du RPAC, du code de déontologie de la police genevoise et des OS DERS I 1.02, DERS I 2.02 et DERS I 2.03. Il s’agit de fautes qui revêtent une gravité élevée, comme l’a retenu la cheffe de la police.

Il n’est pas contesté que M. X______ a connu des moments difficiles, tant sur le plan privé que professionnel. Il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et pris des mesures pour éviter de les commettre à nouveau. Il n’a pas d’antécédents et a plusieurs fois exprimé des regrets. La cheffe de la police a tenu compte de l’ensemble de ces éléments avant d’infliger neuf services hors tours, sanction la moins sévère après le blâme. La chambre de céans, liée par l’interdiction de la reformatio in pejus (ATA/332/2011 du 24 mai 2011 consid. 18 et la jurisprudence citée), relèvera néanmoins que cette sanction clémente aurait pu être plus sévère. Elle constatera donc, au vu de l’ensemble du dossier, que la cheffe de la police n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant cette sanction et non un blâme à l’encontre du recourant.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 août 2012 par Monsieur X______ contre la décision de la cheffe de la police du 16 juillet 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge du recourant ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Berger, avocat du recourant, ainsi qu'à la cheffe de la police.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :