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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2768/2024

JTAPI/15/2025 du 08.01.2025 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/707/2025

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2768/2024

JTAPI/15/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mourad SEKKIOU, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1968, est ressortissant du Kosovo.

2.             Par ordonnance pénale du 18 décembre 2013, M. A______ a été condamné par le Ministère public de Genève (ci-après : le Ministère public) pour faux dans les certificats (passeport, Carte d'identité et permis de conduire slovène contrefaits), entrée illégale, séjour illégal et, activité lucrative sans autorisation, à une peine pécuniaire de 90 jours amende à CHF 30.-.

Il ressort notamment de son audition dans ce cadre qu’il était à Genève depuis 2001 mais faisait des allers retours. Il voulait retourner au Kosovo auprès de ses enfants. Il avait travaillé ici pour pouvoir construire sa maison au Kosovo.

3.             Le 10 octobre 2018, M. A______, sous la plume d’un mandataire, a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour, dans le cadre de l’opération Papyrus, indiquant résider en Suisse depuis 2001 et travailler pour l'entreprise B______ S.A. Il était en train de régler ses dettes.

A l'appui de sa demande, il a fourni divers documents dont une copie de son passeport, son casier judiciaire vierge, une attestation de non-assistance de l'Hospice général, un extrait des poursuites faisant état de poursuites et actes de défaut de biens pour un montant de CHF 11'004.45, une attestation de niveau A2 à l'oral du CECR, des fiches de salaire émanant de l'entreprise C______ et D______ SA, un extrait de son compte AVS (duquel il ressort qu’il avait cotisé en 1992 puis de 2008 à 2017 pour des périodes de 1 à 10 mois) et un relevé d'abonnements TPG.

4.             Par courrier du 2 novembre 2021, constatant notamment des irrégularités dans les fiches de salaire établies par l'entreprise C______ et D______ SA remises dans le cadre de la demande d'autorisation de séjour de M. A______, lesquelles n'apparaissaient pas sur le relevé AVS remis, l’OCPM a dénoncé ces faits au Ministère public du canton de Genève.

5.             Par ordonnance pénale du 7 septembre 2022, le Ministère public a condamné M. A______ pour faux dans les certificats, comportement frauduleux à l'égard des autorités, entrée illégale, exercice d'une activité lucrative sans autorisation et séjour illégal à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 80.- avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans.

6.             Selon un décompte de l’office des poursuites du 29 février 2024, M. A______ était redevable, à cette date, d’actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 11'000.-.

7.             Par courrier A+ du 16 avril 2024, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande de régularisation, notamment en raison de sa condamnation pénale de 2022 et de ses dettes, de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre ses actes ultérieurement au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) afin que cette autorité juge de l'opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse à son encontre. Un délai de trente jours lui était imparti pour faire valoir ses observations écrites.

8.             M. A______ s’est déterminé le 21 mai 2024, sous la plume d’un conseil, invitant l’OCPM à reconsidérer sa décision.

Il séjournait en Suisse depuis 2001. Dans toutes les hypothèses, il remplissait les critères relatifs à un cas d’extrême gravité dès lors qu’il ressortait de son dossier qu’il vivait en Suisse au moins depuis le 18 décembre 2013, date de sa condamnation par le Ministère public pour séjour illégal.

9.             Par décision du 25 juin 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande de régularisation de M. A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 25 septembre 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen. L’exécution de cette mesure apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.

Au vu de son comportement, notamment sa condamnation du 7 septembre 2022, sa situation ne répondait pas aux critères de l'opération Papyrus.

Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), vu, en particulier ses actes de défaut de biens pour un montant de CHF 11'074.65 et l’absence de plan de désendettement y relatif. Il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ni qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Bien qu’il indiquait vivre en Suisse depuis 2001, il avait déclaré dans le rapport d'arrestation de décembre 2013 faire des allers retours entre la Suisse et le Kosovo et travailler en Suisse pour pouvoir faire construire une maison dans son pays d’origine. Il ressortait enfin des formulaires de demande de visa qu’il y avait encore des attaches familiales.

10.         Par acte du 27 août 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation, à la délivrance d’un permis de séjour en sa faveur, soit subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCPM afin qu’il lui octroie un tel permis, sous suite de frais et dépens.

Il se trouvait dans un cas individuel d’extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA, séjournant en Suisse depuis au moins 16 ans (2008), y étant parfaitement intégré socio-économiquement et n’ayant plus de lien social avec le Kosovo, en dehors de sa proche famille. Agé de 56 ans, il lui serait impossible de s’y réinsérer socialement et professionnellement. Hormis ses condamnations pour séjours irréguliers en Suisse et la production de documents falsifiés motivée par son désir de régulariser sa situation, il avait toujours été respectueux de l’ordre juridique suisse.

Il a joint un chargé de pièces.

11.         Dans ses observations du 21 octobre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Les conditions présidant l’opération Papyrus n’étaient pas réalisées en l’espèce, ni d’ailleurs celles relatives à la reconnaissance d’un cas de rigueur. L’intéressé n’avait en particulier pas démontré un séjour continu en Suisse de dix ans sans interruption et qu’il serait exposé, en cas de retour au Kosovo, à des conditions socioéconomiques ou sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles était confrontée la plupart de ses compatriotes restés au pays. Par ailleurs, sa condamnation pénale du 7 septembre 2022 démontrait un mépris certain envers les autorités suisses. Son intégration en Suisse ne revêtait enfin pas une importance suffisante permettant de retenir qu’elle aurait pour conséquence, en cas de retour, de le placer dans une situation personnelle d’extrême gravité, étant rappelé qu’il avait requis et obtenu plusieurs visas afin de se rendre au Kosovo.

12.         Par réplique du 15 novembre 2024, le recourant a encore produit diverses pièces aux fins d’attester son séjour continu de près de 16 ans en Suisse ainsi, notamment, une attestation d’achat d’abonnements TPG, un extrait de compte individuel de l’OCAS au 4 septembre 2024 et la copie des bordereaux pour le paiement de la taxe personnelle du canton de Genève pour les années 2015 à 2021.

13.         Invité à dupliqué par courrier du tribunal du 21 novembre 2024, l’OCPM a indiqué n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).

5.             Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

6.             En l'occurrence, le recourant a déposé sa requête le 10 octobre 2018. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au présent litige.

7.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

8.             Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

9.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c).

10.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées ; ATA/353/2019 précité consid. 5d ; ATA/38/2019 précité consid. 4d).). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e et les références citées).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

11.         L'impact de l'endettement dans l'appréciation de l'intégration d'une personne dépend du montant des dettes, de leurs causes et du point de savoir si la personne les a remboursées ou s'y emploie de manière constante et efficace (arrêts du Tribunal fédéral 2C_364/2017 du 25 juillet 2017 consid. 6.2 ; 2C_895/2015 du 29 février 2016 consid. 3.2). Par ailleurs, le fait que certaines dettes soient des dettes fiscales ou des montants dus à l'assurance-maladie, soit des obligations légales qui incombent à toute personne vivant en Suisse parle en défaveur du recourant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.5).

12.         L'opération « Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).

Enfin, il convient de préciser que les critères appliqués dans le cadre de l’opération « Papyrus » étaient les critères prévus dans les dispositions légales en matière de régularisation des cas de rigueur (cf. ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 10b).

13.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

14.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d'un droit à l'autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l'inverse aurait pour effet de déduire de l'art. 96 LEI un droit à l'obtention ou au renouvellement de l'autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

15.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'opération « Papyrus », étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

Ayant déposé sa demande de régularisation et d'autorisation de séjour pour cas de rigueur le 10 octobre 2018, c'est à juste titre que l'autorité intimée l’a d’abord examinée sous l'angle des critères de l'opération Papyrus. Toutefois, pour bénéficier de ce programme, l’intéressé devait notamment pouvoir démontrer un séjour continu d’une durée de dix ans au jour du dépôt de sa requête, une indépendance financière complète, l’absence de condamnation pénale (pour des faits autres que le séjour illégal et le travail sans autorisation) et ne pas avoir de dettes. Or, force est de constater concernant ces deux dernières conditions que, d’une part, le recourant a fait l’objet de condamnations pénales en 2013 et 2022 pour, notamment, faux dans les certificats et comportement frauduleux à l'égard des autorités et que, d’autre part, il avait, le 24 février 2024, des actes de défaut de biens à hauteur de CHF 11'000.-, qu’il n’a pas démontré avoir ou être en train de rembourser, depuis lors. Partant, le recourant ne peut obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de cette opération, puisque deux conditions pour ce faire ne sont pas réalisées.

Sous l’angle du cas de rigueur, si l’on retient que le recourant réside en Suisse depuis 2001, soit il y a 23/24 ans, il doit également être relevé qu’il n'a jamais bénéficié d'un quelconque titre de séjour et que depuis le dépôt de sa demande de régularisation, le 10 octobre 2018, son séjour se poursuit au bénéfice d'une simple tolérance. De plus, la continuité de son séjour depuis 2001 n’est pas valablement démontrée, au vu, en particulier, du faible montant des cotisations AVS certaines années qui tend à démontrer qu’il faisait en réalité des allers retour entre la Suisse et le Kosovo. Il ne peut dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l'occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d’admission. Il doit en outre être relevé qu’arrivé en Suisse à l’âge de 33 ans, le recourant a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d’adulte. Il a en outre manifestement gardé des attaches avec sa patrie, dont il connait parfaitement les us et coutumes, puisqu’y vit notamment toujours l’un de ses 4 enfants, selon ses déclarations à la police du 7 septembre 2022. Il y est d’ailleurs régulièrement retourné, au vu des visas au dossier.

Son intégration socio-professionnelle ne justifie également pas, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le tribunal se contentera d’insister sur le fait qu’au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d’avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l’aide sociale, peut permettre dans certains cas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration pourrait être qualifiée de moyenne sous l’angle socio-professionnel, étant rappelé qu’il fait l’objet d’actes de défaut de bien pour des montants non négligeables, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut. En outre, les activités professionnelles qu’il a exercées en Suisse ne sont pas spécifiquement liée à ce pays de sorte qu’il sera en mesure d’utiliser au Kosovo les compétences et l’expérience professionnelles acquises en Suisse. Le recourant ne démontre pas non plus l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il convient aussi de relever qu’il a fait l’objet de deux condamnations pénales depuis qu’il est en Suisse, ce qui dénote un mépris certain pour l’ordre juridique suisse et ses valeurs, preuve supplémentaire de son manque d’intégration.

Enfin, bien que l'on puisse imaginer que la réintégration du recourant dans son pays d'origine ne sera pas simple, cette circonstance n'apparaît pas, à teneur du recours, liée à des circonstances personnelles, mais bien davantage aux conditions socio-économiques prévalant au Kosovo. Le recourant y a de plus toujours des attaches, puisqu’y vit notamment l’un de ses enfants. Partant, il n'apparaît pas que sa réintégration dans son pays d'origine soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi. Par ailleurs, les diverses expériences professionnelles acquises en Suisse par le recourant ainsi que ses connaissances en langue française pourront constituer des atouts susceptibles de favoriser sa réintégration sur le marché du travail de son pays. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la LEI ni excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

16.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

17.         Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

18.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 août 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 25 juin 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière