Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1023/2024 du 18.10.2024 ( MC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 18 octobre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Madjid LAVASSANI, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1991, est ressortissant du Togo.
2. Entre 2001 et 2015, M. A______ a été au bénéfice d'un permis C.
Par décision du 22 mai 2018, le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES ou le département) a révoqué l'autorisation d'établissement de l'intéressé et prononcé son renvoi de Suisse en l'enjoignant de quitter le territoire helvétique dès qu'il aurait donné satisfaction à la justice pénale. Il avait fait l'objet de dix condamnations pénales en l'espace de huit ans - dont l'avant-dernière à quatre ans de privation de liberté, pour brigandage commis à réitérées reprises et délit à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) – totalisant une peine cumulée de plus de dix ans de privation de liberté et il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle réussie en Suisse, n'ayant jamais acquis de formation, ni intégré de manière stable et durable le marché de l'emploi et ayant été assisté par l'aide sociale. Cette décision a été confirmée tant par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) que par la chambre administrative de la Cour de justice, le Tribunal fédéral ayant, quant à lui, déclaré le recours irrecevable.
Il ressort par ailleurs de l'extrait de son casier judiciaire que l'intéressé, outre pour brigandage (au sens de l'art. 140 ch. 1 et 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), a également été condamné pour les crimes d'abus de confiance et de vol, au sens des art. 138 ch. 1 et 139 ch. 1 CP.
3. Demeuré en Suisse en dépit de la décision révoquant son permis C et prononçant son renvoi de Suisse, M. A______ a été, à nouveau, interpellé, le 11 octobre 2022, par les forces de l'ordre genevoises. Il a été prévenu d'injure, d'agression, de lésions corporelles simples et graves ainsi que de séjour illégal, et maintenu en arrestation provisoire.
4. Par jugement du 27 septembre 2023, le Tribunal correctionnel a reconnu M. A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 5 CP), de voies de fait (art. 126 ch. 1 et 2 let. c CP), d'injure ainsi que d'infraction à l'art. 115 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l'a condamné à une peine privative de liberté de 2 ans (sous déduction de 352 jours de détention avant jugement) et a ordonné qu'il soit soumis à un traitement psychothérapeutique ambulatoire, au sens de l'art. 63 CP – le rapport d'expertise psychiatrique établi par le CURML le 28 mars 2023 ayant diagnostiqué M. A______ comme souffrant d'un trouble léger de la personnalité avec traits dyssociaux prédominants et relevé que l'intéressé présentait un risque faible à moyen de récidive d'infractions violentes générales mais un risque moyen à élevé de commettre des infractions contre l'intégrité corporelle de sa compagne. Simultanément, le Tribunal correctionnel a ordonné l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter.
5. Durant sa détention pénale, le 5 janvier 2024, M. A______ a été entendu par la Cellule entretien aux départs de la Police, laquelle a rappelé à l'intéressé que les autorités suisses étaient chargées de l'exécution de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre et qu'à cette fin, un vol à destination de son pays d'origine serait réservé pour sa sortie de prison. Lors de cet entretien, l'intéressé a notamment indiqué qu'il "compte, dans un premier temps essayer de réussir [sa] vie en France et par la suite s'[il peut] le faire, [s]'établir avec sa compagne qui vit actuellement à Genève". S'agissant de son retour dans son pays d'origine, il a déclaré: "[…] je n'arrive pas mentalement à concevoir ce voyage. […] je préfère même mourir que de retourner là-bas". Pour ce qui est de ses moyens de subsistance, l'intéressé a indiqué n'avoir "que [son] dépôt". Tout en indiquant savoir n'être au bénéfice d'aucun titre de séjour, ni en Suisse, ni en France, il a ajouté vouloir "obtenir un délai de 24 heures à [sa] sortie pour pouvoir [s]'organiser et se rendre en France".
Lors de cet entretien, M. A______ a par ailleurs allégué avoir un fils de deux ans, B______. Sa prétendue paternité n'était pas attestée par la base de données cantonale.
6. Par ordonnance du 29 février 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle à M. A______. À cet égard, la juridiction précitée a, notamment, retenu ce qui suit: " […] par rapport à son projet de retourner en France, le cité n'a aucune garantie de pouvoir séjourner légalement dans ce pays, dès lors qu'il ne bénéficie d'aucune autorisation de séjour. Sans compter que les promesses d'embauche produites ne semblent pas crédibles : l'une émane prétendument d'une société parisienne mais est établie sur une page vierge sans logo ni mention du numéro du registre du commerce et des sociétés (RSC), sans désignation de la personne signant au nom de l'"employeur" et orthographiant mal le nom du cité qui est raturé, et la seconde, émanant prétendument du salon de coiffure C______, établie à la main, sur une page vierge sans logo, sans date ni mention de l'entrée en vigueur du contrat et du salaire convenu. De plus, de manière inexpliquée, le cité fournit non pas une seule mais deux attestations d'hébergement, ce qui rend peu crédible la véracité desdites attestations. En l'état, rien n'indique que le cité saurait mettre davantage à profit une nouvelle libération conditionnelle, les fruits du suivi psychothérapeutique étant trop récents, et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque porte sur des infractions graves, telles que des brigandages".
7. Le 2 avril 2024, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a adressé à l'intéressé – lequel est démuni de document de voyage en cours de validité – un courrier afin de lui indiquer que, faute de démontrer pouvoir se rendre légalement en France, son refoulement serait exécuté à destination de son pays d'origine, de l'encourager à effectuer des démarches auprès de sa représentation diplomatique en vue de la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur et de l'informer de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une détention administrative à l'issue de sa détention pénale.
8. À la connaissance des autorités chargées de l'exécution de son refoulement, M. A______ n'a entrepris aucune démarche en vue de la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur.
9. M. A______ ayant indiqué, lors de son audition par la Cellule entretien aux départs, être également originaire de Côte d'Ivoire, il a été présenté, le 4 juin 2024, à une délégation ivoirienne dans le cadre d'auditions centralisées, délégation qui ne l'a pas identifié comme étant un ressortissant de cet État.
Il restait donc devoir être présenté, en vue de la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur, aux prochaines auditions centralisées qui seraient menées par une délégation du Togo. Selon les dernières informations transmises à cet égard par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), ces auditions devraient avoir lieu fin novembre ou début décembre 2024.
10. À sa sortie de prison, le 14 octobre 2024, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.
11. Le 14 octobre 2024, à 14h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 - renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEI -, 3 et 4 LEI.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Togo et souhaitait être placé à Frambois.
Selon le procès-verbal, la détention administrative de M. A______ pour des motifs de droit des étrangers avait débuté le même jour à 14h10.
12. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
13. Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il s’opposait à son renvoi au Togo. En effet, il n’y était pas né, il n’avait jamais vécu dans ce pays et n'y avait aucune famille. Il n’avait entrepris aucune démarche auprès de l'ambassade du Togo à Genève. Sa mère qui était décédée, était ivoirienne. Son père, d'origine togolaise, était suisse, mais leurs relations étaient très chaotiques.
Il avait été présenté à une délégation de la Côte d'Ivoire qui ne l’avait pas reconnu comme étant l'un de leurs ressortissants. Il avait de la famille en France, il y avait un logement et du travail et il aurait souhaité régulariser sa situation dans ce pays. Durant son incarcération, il avait essayé d'entreprendre des démarches avec la France, mais sa présence physique était nécessaire et il n’avait rien pu concrétiser.
Il avait un fils, qui s'appelait B______, né le ______ 2022. Il n’avait pas eu la possibilité de le reconnaître, car il lui fallait des documents provenant de son pays d'origine. Son fils habitait à Genève avec sa mère, Madame D______, originaire de Madagascar, au bénéfice d'un permis C. Ils étaient toujours en couple et leurs relations étaient très bonnes. Sa compagne et son fils étaient régulièrement venus lui rendre visite en prison. Il leur versait également ce qu’il pouvait, soit environ CHF 200.- par mois, pour les aider. Sa compagne serait d'accord de vivre en France avec lui et leur enfant. Une grande partie de sa famille habitait en Suisse, à savoir son père, son frère, sa sœur, ses tantes, oncles, cousins et neveux. Ils habitaient entre Genève, E______ (VD), F______ (VD), etc. Il avait aussi des oncles et des tantes qui habitaient en France en région parisienne, également à G______ (France), à H______ (France) et à I______ (France). Sur question de son conseil, il a indiqué qu’il n’avait pas reçu le courrier d'avertissement de l'OCPM l'informant qu’il risquait de voir son permis C être révoqué.
Le conseil de l’intéressé a remis au tribunal une attestation de suivi psychothérapeutique délivrée par les HUG le 10 octobre 2024.
La représentante du commissaire de police a confirmé qu'il était prévu de présenter M. A______ à une délégation togolaise en vue de la délivrance de son laissez-passer. En effet, s'il était volontaire à son renvoi dans ce pays, il suffirait alors d'organiser, par l'intermédiaire du SEM, un rendez-vous avec son ambassade pour la délivrance du laissez-passer nécessaire qui pourrait avoir lieu très rapidement. Selon les informations du SEM, une délégation togolaise ne devrait pas venir en Suisse avant la fin novembre, voire le début du mois de décembre 2024.
M. A______ a indiqué qu’aujourd’hui, il ne s'opposait pas à faire des démarches auprès de l'ambassade du Togo pour un renvoi dans ce pays dans la mesure où la durée de sa détention s'en trouverait abrégée et si le laissez-passer lui était bien délivré.
La représentante du commissaire de police a relevé que M. A______ n'avait pas donné suite à leur correspondance du 2 avril 2024 qui mentionnait qu'il lui appartenait de faire des démarches auprès de son ambassade. Concernant sa présentation à la délégation ivoirienne, dès lors que M. A______ avait mentionné la possibilité qu'il soit ressortissant de cet État et compte tenu de la rareté de la présence de ces délégations en Suisse, il avait été jugé opportun de présenter M. A______ à cette délégation qui se trouvait à Berne pendant la période de détention de l'intéressé. Cette démarche avait été entreprise précisément dans le but de faire avancer les démarches.
M. A______ a indiqué s’être mal exprimé et qu'il ne souhaitait pas repartir au Togo.
Sur question de la représentante du commissaire de police, il a indiqué qu’il avait été condamné par le Tribunal correctionnel pour des voies de fait qui concernaient notamment, mais pas seulement, la mère de son enfant. Il a précisé qu’il avait une adresse à Genève, que ce soit chez un membre de sa famille ou auprès de sa compagne, peu importait.
La représentante du commissaire de police a remis au tribunal une copie des documents d'identité togolais de M. A______, lesquels étaient périmés.
Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois.
Le conseil de l’intéressé a conclu à titre principal, à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé à l'encontre de M. A______ et au prononcé d'une mesure d'assignation à résidence jusqu'à l'exécution du renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, subsidiairement à la réduction de la durée de la détention administrative à trois mois.
1. Le tribunal est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 LEI ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 14 octobre 2024 à 14h10.
3. Si l'étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l'autorité compétente peut le renvoyer ou l'expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose toutefois que l'étranger ait la possibilité de se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela implique qu'il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport soit garanti (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; ATA/324/2013 du 24 mai 2013 ; ATA/157/2013 du 7 mars 2013 ; ATA/58/2013 du 31 janvier 2013). Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté (« peut ») de l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; cf. également arrêts 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4). Le renvoi ou l'expulsion dans le pays souhaité par la personne concernée doit être non seulement légalement possible, mais encore concrètement réalisable en temps utile. S'il est déjà possible de renvoyer ou d'expulser l'intéressé vers un État déterminé, il n'y a pas lieu d'attendre de l'autorité qu'elle procède à des démarches supplémentaires relatives à une autre destination (cf. Danièle REVEY in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 11 p. 698).
4. En l'espèce, M. A______, qui est démuni de tout document d'identité en cours de validité, ne démontre pas qu'il serait, d'une façon ou d'une autre, légitimé à se rendre valablement ailleurs - notamment en France - que dans son pays d'origine. Partant, il n'est pas fondé à formuler un choix quant à son lieu de destination. La préparation de l'exécution de son expulsion à destination du Togo, seul pays dans lequel il est autorisé à se rendre, ne prête donc pas le flanc à la critique en l'état du dossier. Il ne saurait donc être remis sans autre en liberté pour quitter la Suisse par ses propres moyens et en choisissant lui-même son lieu de destination. Les autorités suisses doivent au contraire s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le pays vers son pays d'origine (cf. not. art. 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281).
5. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).
6. L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP ; cf. ATA/295/2011 du 12 mai 2011, consid. 4).
7. La détention administrative est aussi possible si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).
Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).
Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).
Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1)
8. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
9. Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
10. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).
11. Pour l'exécution du renvoi, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) assiste l'autorité cantonale d'exécution (art. 71 LEI ; art. 1 OERE). C'est lui qui se charge d'obtenir des documents de voyage pour les étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 71 let. a LEI ; art. 2 al. 1 OERE). C'est lui qui est l'interlocuteur des autorités des pays d'origine, en particulier des représentations diplomatiques ou consulaires des États d'origine ou de provenance des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion, pour autant que d'autres dispositions n'aient pas été prises dans le cadre d'un accord de réadmission ou après entente avec les cantons (art. 2 al. 2 OERE).
12. En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision cantonale de renvoi prononcée le 22 mai 2018, à laquelle il n'a jamais donné suite et d'une mesure d'expulsion judiciaire ordonnée par le Tribunal correctionnel, le 27 septembre 2023 pour une durée de cinq ans, lesquelles n'apparaissent ni nulles ni arbitraires.
Il a été condamné le 27 septembre 2023 à une peine privative de liberté de deux ans, à une peine pécuniaire de 35 jours-amende ainsi qu'à une amende de CHF 1'000.- pour s'être rendu coupable de lésions corporelles simples contre le partenaire enregistré, de voies de fait commises à réitérées reprises contre le partenaire, d'injure et d'infractions à la LEI. Entre 2012 et 2017, il a également fait l'objet de quatre autres condamnations, pour dommages à la propriété commis à réitérées reprises, brigandage, vol, violation de domicile, tentative inachevée de vol, menaces, abus de confiance, voies de fait, induire la justice en erreur, délit contre la LStup, brigandage avec armes dangereuses commis à réitérées reprises et conduite d'un véhicule sans le permis de conduire requis, étant précisé que le vol, le brigandage et l'abus de confiance, sont des infractions constitutives de crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Sa détention administrative se justifie donc déjà en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI.
Par ailleurs, M. A______ n'a jamais entrepris la moindre démarche en vue de son départ de Suisse bien qu'il ait été dûment averti qu'il risquait de faire l'objet de mesure de contrainte. Devant le commissaire de police le 14 octobre 2024, il a encore souligné qu'il s'opposait à son renvoi. Lors de l'audience de ce jour, après avoir brièvement mentionné qu'il était d'accord de repartir au Togo, M. A______ a répété qu'il refusait d'être renvoyé au Togo, préférant se rendre en France. En l’état, M. A______ a ainsi clairement démontré, tant par ses déclarations que par son comportement, qu’il n’est pas du tout disposé à partir et qu’ainsi le risque de fuite et de soustraction à son renvoi est avéré.
Par conséquent, les conditions posées par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont également réunies.
Le principe de la légalité est ainsi respecté.
L’assurance de son départ de Suisse répond de surcroît à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où M. A______ devra monter dans l’avion devant le reconduire dans son pays d’origine. En effet, l'intéressé n'établit nullement la réalité d'une relation stable avec sa compagne, d'une part et d'autre part, le lien de filiation qu'il invoque avec l'enfant B______ n'est à ce jour pas prouvé. Dans ces conditions, une mesure moins incisive, telle qu'une assignation à résidence au domicile commun de l'enfant et de sa mère, n'entre pas en ligne de compte.
Le fait qu’il ait pour projet de vivre avec la mère de son enfant et de reconnaître ce dernier, ou encore qu’il souhaite effectuer en France des démarches en vue de l'obtention d'une autorisation de séjour, n’est pas propre à relativiser la nécessité d’exécuter un renvoi et expulsion prononcés par des jugements entrés en force.
Par ailleurs, les autorités compétentes ont agi avec diligence, entreprenant immédiatement les démarches en vue de son renvoi, d’abord auprès des autorités ivoiriennes, alors qu'une délégation de ce pays se trouvait en Suisse et que l'intéressé s'était prévalu de cette origine, puis en vue d’un refoulement au Togo. L’intéressé – dont les documents d'identité et le passeport togolais sont échus et qui n’a à ce jour rien entrepris auprès de l'ambassade de ce pays en vue de les renouveler ou de solliciter un laissez-passer - est ainsi d’ores et déjà inscrit aux prochaines auditions centralisées de la délégation togolaise - préalable nécessaire à l’obtention d’un laissez-passer en vue de la réservation d’un vol -, lesquelles devraient avoir lieu d’ici la fin du mois de novembre, voire du début du mois de décembre 2024.
Quant à la durée de la détention requise, de quatre mois, elle n'apparaît pas d'emblée disproportionnée, au vu des démarches en cours et encore à entreprendre et de l’opposition, confirmée ce jour encore, de M. A______ à son renvoi au Togo. Cas échéant, la police disposera ainsi du temps nécessaire pour organiser un renvoi par un vol de degré supérieur. Cela étant, si l’intéressé faisait le nécessaire en vue de l'obtention d'un laissez-passer par une démarche auprès de son ambassade, la durée des démarches en vue de son refoulement en serait fortement réduite. Son renvoi pourrait ainsi être exécuté rapidement, de sorte que sa détention prendrait fin à bref délai.
En l’état, et au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois.
13. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 14 octobre 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 13 février 2024 inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
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Genève, le |
| La greffière |