Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/972/2024 du 01.10.2024 ( OCPM ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 1er octobre 2024
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dans la cause
Madame A______, représentée par Mes Emma LIDEN et Olivier PETER, avocats, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 1974, est ressortissante des Philippines.
2. Le 29 décembre 2021, elle a porté plainte pour agression contre Monsieur B______ et son épouse, Madame C______, qui lui louaient une chambre.
À teneur d’un constat médical établi le 28 décembre 2021, par la doctoresse D______, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), elle souffrait de stress post-traumatique et d’une contracture para-vertébrale droite T4-T7.
3. Lors de son audition par la police, le 29 décembre 2021, Mme A______ a indiqué qu'elle séjournait en Suisse depuis le 3 février 2018 sans autorisation de séjour. Elle n'y avait aucune famille mais vivait chez un ami qui l'hébergeait actuellement. Elle travaillait dans le domaine de l'économie domestique. Elle était célibataire et sans enfants. Elle était retournée aux Philippines durant l'épidémie de coronavirus. Son père était décédé. Sa mère qui avait eu une opération du cœur, sa sœur et ses frères vivaient aux Philippines.
4. Le même jour également, elle a été entendue par le service protection, asile et retour de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) au sujet d’une mesure d’éloignement qui était susceptible d'être prononcée à son encontre. Dans ce cadre, elle a déclaré qu’elle n’avait pas d’objection à formuler quant à son renvoi ou au prononcé d’une interdiction d’entrée.
5. Par décision du 19 avril 2023, l’OCPM a prononcé le renvoi de Mme A______, pour le motif qu’elle séjournait en Suisse depuis le 3 février 2019 et qu’elle exerçait une activité lucrative sans autorisation. Ce prononcé précisait en outre qu’un recours ne serait pas assorti de l’effet suspensif.
6. Par acte du 26 avril 2023, Mme A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision précitée en concluant à la restitution de l’effet suspensif et à l’annulation de la décision du 19 avril précédent, le tout sous suite de dépens.
Un renvoi léserait gravement ses intérêts. Elle résidait depuis longtemps en Suisse et sa présence se justifiait afin de permettre la reconnaissance de la violation de ses droits fondamentaux dans le cadre de procédures pendantes devant le Ministère public. En conséquence, le tribunal devait accorder l’effet suspensif à son recours.
La procédure pénale intentée contre elle, qui avait abouti à renseigner l’OCPM sur sa situation administrative, résultait de son choix de dénoncer les infractions dont elle avait été victime et de solliciter l’aide des autorités. La position adoptée par la Police, consistant à poursuivre une victime d’agression pour séjour illégal, ainsi que le renvoi prononcé par l’OCPM, enfreignaient plusieurs droits fondamentaux à savoir : le droit de toute victime d’accéder à la justice, l’obligation incombant aux autorités de lui permettre de dénoncer les actes de violence et l’interdiction des pratiques discriminatoires.
7. Dans ses observations du 3 mai 2023, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif, respectivement à l’octroi de mesures provisionnelles.
8. Par décision du 12 mai 2023 (DITAI/217/2023), le tribunal a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.
9. Le 3 octobre 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté son recours contre la décision du 12 mai 2023 (ATA/1091/2023)
10. En date du 4 octobre 2023, le tribunal a rejeté son recours contre la décision du 19 avril 2023 (JTAPI/1075/2023).
11. Par acte du 6 novembre 2023, Mme A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative.
12. En date du 10 novembre 2023, elle a interpellé la Conseillère d'État en charge du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN), en déposant une demande de reconsidération de la décision de renvoi et une demande de permis de séjour.
Elle a notamment rappelé sa situation, les procédures pénales et administratives en cours, la violation de ses droits fondamentaux et demandé réparation sous la forme de l'octroi d'un permis au sens de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
13. Le 13 décembre 2023, la Conseillère d'État en charge du DIN lui a répondu que sa situation lui était connue depuis son intervention auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et des autres organisations internationales à Genève. La Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève avait répondu aux préoccupations du Haut-Commissariat lui rappelant les bases légales fédérales régissant les échanges d'informations entre autorités de même que les mesures prises au plan national et cantonal pour lutter contre la traite d'êtres humains. Le Ministère public et le Conseil d'État avaient également pu faire part de leurs observations sur son cas particulier. Il ressortait de ces différents courriers que les autorités précitées considéraient que ses droits fondamentaux n'avaient pas été violés. Dès lors, sa demande de « protection et de réparation sous la forme de l'octroi d'un permis au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI» en raison de la violation de ses « droits fondamentaux, notamment en entravant son droit d'accès à la justice sur la base de son statut administratif, ce qui constituait un traitement discriminatoire » était sans objet.
Pour le surplus, elle transmettait sa demande d'autorisation de séjour à l'OCPM.
14. Le 24 novembre 2023, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Il lui a accordé un délai de 30 jours pour exercer son droit d'être entendu.
15. En date du 27 novembre 2023, l'OCPM a annulé sa décision de renvoi du 19 avril 2023.
16. En date du 18 décembre 2023, la chambre administrative a rendu une décision précisant que vu l'annulation de la décision litigieuse, le recours était devenu sans objet et la cause était rayée du rôle.
17. Par courrier du 22 janvier 2024, Mme A______ a exercé son droit d'être entendue suite au courrier du 24 novembre 2023 de l'OCPM.
18. Par décision du 23 février 2024, l'OCPM a refusé d'accéder à sa requête du 10 novembre 2023 et, par conséquent de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM). Il a en outre prononcé son renvoi de Suisse dans un délai fixé au 23 mai 2024.
L'intéressée résidait en Suisse depuis le 3 février 2018 et avait travaillé dans le domaine de l'économie domestique. Elle avait été agressée par ses logeurs en décembre 2021 et avait souffert ou souffrait d'un stress post-traumatique ainsi que de lombalgies. Elle était partie à une procédure de recours auprès du Tribunal fédéral pour l'aspect pénal de son affaire.
Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. En effet, elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Elle n'avait pas non plus démontré avoir de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d'urgence indisponibles dans son pays d'origine. De plus, elle n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place, d'autant que sa mère ainsi que ses frères et sœur y résidaient.
Comme cela avait été indiqué dans les observations du Conseil d'État du 11 septembre 2023, elle n'avait jamais fourni de documents d'un tribunal pénal attestant que sa présence était nécessaire en Suisse durant le temps de la procédure pénale ce qui aurait permis à l'OCPM de lui délivrer un titre de séjour temporaire en application des art. 31 et 32 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Enfin, l'argumentation en lien avec l'accès à la justice n'était pas un élément permettant à lui seul de reconnaître l'existence d'un cas de rigueur.
Par ailleurs, elle n'invoquait ni n'avait démontré l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé au sens de l'art. 83 LEI.
19. Par acte du 27 mars 2024, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du tribunal. Elle a conclu principalement à ce que le tribunal constate une violation du droit d'accès à la justice, conjointement avec le droit de ne pas être victime d'un traitement discriminatoire ; qu'elle « tombait dans un cas individuel d'extrême gravité et/ou sous un intérêt public majeur » ; à l'annulation de la décision du 23 février 2024 ; cela fait au renvoi du dossier à l'OCPM afin qu'il rende un préavis positif à l'intention du SEM, le tout, sous suite de frais et dépens.
Dans sa décision, l'OCPM avait omis les faits relatifs aux violations de ses droits fondamentaux tant dans la procédure pénale que dans la procédure administrative, lesquels étaient centraux à l'appréciation de sa demande de permis.
En ignorant le courrier des experts de l'ONU, l'OCPM n'avait pas apprécié les faits dans leur ensemble, et ce faisant, n'appréciait de toute évidence pas la singularité de la situation dans laquelle elle se trouvait, de sorte qu'il était arrivé à une conclusion erronée.
L'OCPM s'était reposé sur les conclusions inexactes de la Conseillère d'État.
Pourtant, elle présentait de multiples vulnérabilités en raison de son statut de femme, migrante, en situation d'irrégularité, de précarité financière, ne parlant pas le français, et victime de violences, souffrant de ce fait d'un traumatisme durable.
L'OCPM avait ignoré sa volonté de participer activement à la procédure pénale la concernant. Toutes ces inexactitudes et omissions factuelles avaient contribué à une appréciation fallacieuse de sa demande de permis, de sorte que pour ces raisons déjà la décision devait être annulée.
L'OCPM avait fait abstraction des complexités de sa situation, soit le fait qu'elle était une femme, migrante, indigente, sans statut légal et victime de violences. Or c'était à ce titre qu'elle s'était adressée aux autorités cantonales, pour que sa qualité de victime soit constatée, que les auteurs soient sanctionnés, qu'une réparation pour les dommages subis lui soit octroyée et que la garantie de non-répétition lui soit offerte. Son statut était interprété de manière arbitraire par les autorités genevoises, puisqu’il constituait un obstacle à l’accès à la justice.
Les questions posées par la police au sujet de son séjour en Suisse, l’ouverture d’une instruction pour infraction à la LEI, la communication de ces informations par le Ministère public à l’OCPM, avant la clôture de la procédure pénale, le prononcé d’une décision de renvoi sur la base d’un état de fait lacunaire, ainsi que le refus du tribunal d’octroyer l’effet suspensif à son recours constituaient un enchaînement de violations sérieuses et graves à l’obligation de la protéger. Ces mesures avaient eu pour effet de la traumatiser à nouveau, de la dissuader de poursuivre ses démarches pour obtenir la reconnaissance de ses droits, ainsi que de l’empêcher de prendre part aux audiences qui devraient être convoquées, afin qu’elle puisse être confrontée à ses agresseurs. En outre, son renvoi aboutirait à la rupture du lien avec ses thérapeutes, entravant ainsi la réparation du dommage subi. Elle serait en outre désavantagée par rapport aux autres parties, soit M. B______ et Mme C______, le Ministère public et l’OCPM.
Le refus de l'autorisation de séjour et son renvoi impliquaient une violation de son droit à pouvoir présenter ses prétentions civiles dans des conditions équitables, ainsi que celui de faire procéder à une enquête effective sur ses violences subies. Il en résultait une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), ainsi que de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul - RS 0.311.35).
20. En date du 30 mai 2024, l'OCPM a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours.
Les arguments invoqués par la recourante n'étaient pas de nature à modifier sa position. Celle-ci ne satisfaisait pas aux conditions nécessaires à l'octroi d'un permis humanitaire. En effet, la durée de son séjour en Suisse - depuis 2019 - et son intégration ne permettaient pas la réalisation des conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, la recourante n'ayant en outre pas démontré que son retour dans son pays d'origine la mettrait dans une situation d'extrême détresse dans le sens de la jurisprudence.
En l'absence par ailleurs d'attaches significatives avec la Suisse et la possibilité de retourner dans son d'origine, il confirmait la décision querellée.
S'agissant des allégations de violation du droit d'accès à la justice (art. 6 CEDH), conjointement avec le droit de ne pas être victime d'un traitement discriminatoire (art. 14 CEDH), ces griefs avaient fait l'objet de plusieurs examens, interventions de la part de la recourante auprès d'autorités internationales et nationales. Il ressortait des différents courriers de réponse de ces autorités que les droits fondamentaux de la recourante n'avaient pas été violés. Dans cette même perspective, la recourante se prévalait également d'une violation de l'art. 5 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul). Cet argumentaire ne lui était d'aucun secours dès lors que cette convention ne créait pas de droits subjectifs en faveur des particuliers mais seulement des obligations à l'égard des États parties. Tel que par ailleurs exposés par la Chambre pénale de recours dans son arrêt du 21 mars 2023 impliquant l'intéressée (P/______/2022) en tout état de cause, l'argumentation en lien avec la procédure pénale en cours n'était pas du ressort de l'OCPM. Pour finir, aucun document au dossier n'attestait que sa présence serait nécessaire sur le plan pénal.
21. Le 10 juillet 2024, la recourante a répliqué. Reprenant en substance son argumentation, elle a souligné que criminaliser et expulser une femme dans sa situation était manifestement contraire à l'intérêt public, aux obligations internationales de la Suisse et constituait une violation de ses droits fondamentaux.
22. En date du 22 juillet 2024, l'OCPM a indiqué au tribunal qu'il n'avait pas d'observation complémentaire à formuler.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).
6. En l’occurrence, la décision attaquée porte sur le refus de l'OCPM d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
7. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants des Philippines.
8. Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.
Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.
9. L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).
Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).
10. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1).
11. Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).
La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).
12. La reconnaissance de l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité implique que les conditions de vie et d’existence de l’étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d’autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l’on ne puisse exiger qu’il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage qu’il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3).
13. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4 ; F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).
14. Doit également être pris en compte l'existence d'une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse ou le fait que l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; ATA/645/2013 du 1er octobre 2013). Il sied de rappeler à cet égard que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi et qu'une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (cf. notamment les arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1; C-770/2015 du 16 octobre 2015 consid. 5.3, C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4 et C-5560/2015 du 6 janvier 2016 et références citées).
15. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée, soit une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).
16. S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).
17. En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge de l'intéressé lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).
Il est parfaitement normal qu’une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).
L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).
18. Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).
Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).
19. En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal doit parvenir à la conclusion que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que la recourante ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI, 31 et 32 OASA pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.
En effet, l’intéressée est arrivée en Suisse, selon ses propres déclarations, le 3 février 2018. Elle y séjourne ainsi depuis un peu plus de six ans, durée insuffisante pour justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, ce d’autant plus que ce séjour s’est déroulé dans l’illégalité, puis à la faveur d’une simple tolérance des autorités.
La recourante ne peut pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable. Active dans l’économie domestique, elle ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’elle ne pourrait les utiliser dans sa patrie. Elle n’a pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse.
À cela s’ajoute le fait qu’elle n’a pas démontré disposer du niveau requis en français, ni qu’elle se serait créée des attaches particulières avec la Suisse.
En outre, arrivée en Suisse à l’âge de 44 ans, elle a vécu dans son pays d’origine toute son enfance et son adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité, ainsi que la majeure partie de sa vie d’adulte. Elle en maîtrise ainsi la langue et les codes culturels et y a par ailleurs conservé des attaches familiales, notamment du fait de la présence de sa mère, sa sœur et ses frères qui y vivent. Elle est d'ailleurs apparemment retournée dans son pays lors de l'épidémie de COVID. Actuellement âgée de 50 ans, sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît au surplus pas gravement compromise en soi.
S’agissant de l’état de santé de la recourante, il sied de rappeler à cet égard que, comme indiqué supra, les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi et qu'une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie. Dans le cas présent, il ressort du dossier que la recourante souffrirait d'un syndrome de stress post-traumatique suite à une altercation entre elle, M. B______ et Mme C______ au mois de décembre 2021. Excepté le constat médical établi le 28 décembre 2021, la recourante qui se contente d'évoquer un suivi thérapeutique, ne démontre aucunement suivre un traitement médical particulier qui ne pourrait être prodigué qu'en Suisse. Partant, il sera constaté que, conformément à la jurisprudence, la problématique médicale de la recourante ne saurait fonder, à elle seule, l'octroi d’un titre de séjour pour cas de rigueur, et sera traitée dans le cadre de l’examen de l’exécutabilité de son renvoi.
20. La recourante se prévaut également de l'art. 30 al. 1 let. b LEI à teneur duquel il est possible de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte d’intérêts publics majeurs.
Cette disposition est précisée notamment par l’art. 32 OASA qui dispose qu’une autorisation de courte durée ou une autorisation de séjour peut être accordée en vue de préserver des intérêts publics majeurs. Lors de l’appréciation, il convient en particulier de tenir compte : (let. d) de la nécessité de la présence d’un étranger dans une procédure pénale.
21. L’expression « intérêts publics majeurs » au sens des dispositions précitées constitue une notion juridique indéterminée. Une application trop large serait incompatible avec la LEI et l’OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4838/2020 du 1er décembre 2022 consid. 6.2 ; directives et commentaires du secrétariat d’État aux migrations, domaine des étrangers, p. 91 ch. 5.5, état au 1er septembre 2023).
22. Les cantons n'appliquent cette réglementation d'exception qu'avec une grande retenue - par comparaison avec l'admission ordinaire. Ces facilités d'admission avaient été explicitement souhaitées à l'époque par le législateur et les cantons et correspondent à une pratique précédant l'entrée en vigueur de la LEI. Dans les faits, il est très rare que des autorisations de séjour de courte durée soient accordées en application de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l'art. 32 al. 1 OASA. La compétence d'accorder une autorisation de séjour sur la base d'intérêts publics majeurs revient aux cantons. Ce sont eux qui décident, de leur propre initiative, de faire une demande en ce sens auprès du SEM, qui prend la décision finale. L’autorité cantonale doit cependant démontrer qu’elle a un intérêt particulièrement important. Il s'agit toujours de décisions au cas par cas (JTAPI/912/2015 du 17 août 2015 consid. 10).
23. En l’occurrence, et comme le tribunal l'a déjà relevé dans son jugement précité du 4 octobre 2024 : selon la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2021 du 19 août 2021 consid. 2.3 et 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.5.7), la Convention d’Istanbul ne crée pas de droits subjectifs en faveur des particuliers, mais seulement des obligations à l'égard des États parties. En conséquence, la recourante ne peut tirer aucun droit de cet accord.
C’est également en vain qu’elle se prévaut d’une violation du droit d’accès au juge (art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), du droit à une enquête effective et qu’elle prétend que sa présence en Suisse est nécessaire.
En effet, assistée d’un avocat, elle a été à même de contester les ordonnances de non-entrée en matière rendues à l’encontre de chacun des époux B______ et C______. Elle a également pu saisir efficacement la chambre pénale de recours et le Tribunal fédéral et a été à même de former opposition à l’ordonnance pénale du 7 décembre 2022, la condamnant pour séjour illégal et injure. D’ailleurs, ladite chambre, par arrêt du 21 mars 2023, a partiellement fait droit à ses conclusions, puisqu’elle a renvoyé la cause au Ministère public pour qu’il instruise la question des menaces qu’elle reprochait à M. B______.
En outre, la recourante n’a produit aucune pièce apte à démontrer que sa présence en Suisse se révèle indispensable pour faire valoir ses droits dans le cadre des procédures pénales auxquelles elle est partie. Ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, elle est représentée par un avocat. Par ailleurs, elle ne se trouve pas dans la situation visée par l’art. 336 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), qui concerne l’obligation de comparaître en personne. Ainsi, il n’existe aucun intérêt public majeur, justifiant que la recourante demeure en Suisse durant les procédures pénales.
24. Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande formulée par la recourante. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.
25. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel une autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.
Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d’une autorisation de séjour, l’autorité ne disposant à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).
26. En l’espèce, dès lors que l’autorité intimée a refusé de soumettre le cas de la recourante au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour, c’est à juste titre que le renvoi de cette dernière a été prononcé.
27. Reste toutefois à déterminer si l’exécution du renvoi est conforme à l’art. 83 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de l’exigibilité.
28. Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6776/2023 du 15 décembre 2023).
29. L’admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L’art. 83 al. 6 LEI vise avant tout la situation dans laquelle des autorités cantonales constatent des obstacles liés à l’exécution d’un renvoi. Elle n’est pas conditionnée à une demande de l’intéressé, ni à ce qu’un membre de la famille se trouve déjà au bénéfice d’une admission provisoire. Cette disposition a un caractère facultatif et implique que le SEM n’est saisi que si l’avis de l’autorité cantonale s’avère positif. Les intéressés n’ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande au SEM une admission provisoire en leur faveur sur la base de l’art. 83 al. 6 LEI (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3). Néanmoins, l’existence même de l’art. 83 LEI implique que l’autorité cantonale de police des étrangers, lorsqu’elle entend exécuter la décision de renvoi, statue sur la question de son exigibilité (ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7c).
30. Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.
31. Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949).
En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5549/2020 du 17 octobre 2022 consid. 7.1 ; ATA/14/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3).
S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires ne peuvent pas être assurés dans le pays d’origine de l’étranger concerné, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d).
32. L’art. 83 al. 4 LEI ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.1 et 7.2).
33. En l’occurrence, rien au dossier ne permet de retenir que les problèmes médicaux de la recourante présentent une gravité telle que l’exécution de son renvoi aux Philippines la mettrait de manière imminente, sérieusement et concrètement en danger.
Partant, il convient de retenir que l’exécution de son renvoi est raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer son admission provisoire au SEM.
34. Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.
35. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.-.
La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
36. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 27 mars 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 23 février 2024 ;
2. le rejette;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 600.-;
4. le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |