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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4233/2023

JTAPI/844/2024 du 27.08.2024 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : NOTION DE FORÊT;FONCTION DE LA FORÊT
Normes : Cst; OFo.12; OFo.10; LFo.2.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4233/2023 AMENAG

JTAPI/844/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Monsieur B______, représentés par Me Cédric LENOIR, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après: la commune).

2.             Monsieur B______ est propriétaire des parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______ de la commune.

3.             Ces parcelles, sises en zone agricole, comportent un boisement inscrit au cadastre forestier ainsi que dans le Plan directeur forestier (ci-après: PDF) depuis l'année 2000, avec une fonction « Conservation de la nature et des structures paysagères ». Elles sont également comprises dans les périmètres de protection fédéraux du réseau Emeraude, de l'ordonnance sur les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale du 21 janvier 1991 (OROEM – RS 922.32) et de l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels IFP D______ (ci-après: IFP D______).

4.             Par courriers des 13 et 23 septembre 2022, le service du paysage et des forêts de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN) a adressé à M. B______ un ordre d'ouverture de procédure de constatation de la nature forestière. Cet ordre faisait suite à l'ouverture d'une procédure d'infraction à son encontre en raison de dépôts de matériaux terreux et/ou d'excavation en forêt sur les parcelles nos 2______, 3______ et 4______ dont il était propriétaire, issus du remblayage du bas de ces parcelles viticoles.

Le courrier du 13 septembre précité précisait que ce constat de la nature forestière avait pour but de délimiter précisément la lisière de la forêt et, indirectement, la surface agricole utile, afin de permettre d'évaluer la surface forestière à laquelle les dépôts avaient porté atteinte et de définir la remise en état du milieu forestier. Ce constat serait confié à un géomètre officiel par l'OCAN, à ses frais conformément à ce que prévoyait l'art. 4 al. 5 loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts – M 5 10). M. B______ serait tenu informé du montant de l'offre et de la date du relevé de terrain pendant laquelle il pourrait être présent, puis de la décision prononcée.

5.             Une séance a eu lieu le 19 avril 2023 entre les représentants de l'OCAN et le fils de M. B______ qui le représentait, Monsieur E______. Lors de cette séance, les représentants de l'OCAN ont notamment à nouveau expliqué l'objectif de la procédure de constatation de la nature forestière. Le procès-verbal de la séance du 28 avril 2023 mentionnait une rencontre sur place en date du 29 juin 2022 en présence de M. B______ et de représentants de l'OCAN.

6.             Le 24 juillet 2023, l'OCAN a informé M. B______ qu'il poursuivait la procédure de constatation de la nature forestière de l'ensemble du boisé comprenant ces parcelles et celles qui les jouxtaient. L'offre et la date de l'intervention du géomètre lui ont également été transmis.

7.             Par courriers du même jour, l'OCAN a informé les propriétaires des parcelles voisines, dont M. A______, de l'ouverture d'une procédure de constatation de la nature forestière des masses boisées.

8.             La requête en constatation de la nature forestière a été publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) du ______ 2023. Un courrier en ce sens a également été adressé personnellement à chacun des propriétaires concernés.

9.             Par courriers séparés des 19, 20 et 23 octobre 2023, MM. E______ et B______, M. A______ et Monsieur F______, un autre propriétaire, ont formulé des observations identiques. Ils étaient surpris de la modification de zone projetée par l'OCAN, qui était en contradiction avec l'esprit de la dernière révision de la LForêts. Le passage de la zone agricole à la zone forêt avait pour conséquence une forte dévaluation financière de leur patrimoine foncier et ils demandaient une pleine compensation de la perte de valeur de leurs biens, faute de quoi, ils s'opposeraient à cette modification de zone en faisant usage de toute voie de droit utile.

10.         Par courrier du 15 novembre 2023, l'OCAN a répondu à ces observations. La constatation de la nature forestière ne modifiait pas les zones d'affectation, mais avait pour objectif de déterminer si un peuplement boisé présentait les caractéristiques quantitatives et qualitatives nécessaires pour être considéré comme de la forêt, sans pondération des intérêts publics ou privés. La perte de valeur alléguée n'était ainsi pas prise en considération. La conception dynamique de la forêt était toujours la règle : la forêt ne perdait son caractère dynamique que pour autant que sa délimitation ne soit pas inscrite dans un plan d'affectation du sol à la suite d'une procédure formelle de constatation de la nature forestière. En l'occurrence, le massif boisé en cause répondait pleinement à la définition de la forêt.

La décision de constatation de la nature forestière du ______ 2023 n° 6______, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour, le protocole en constatation de la nature forestière ou non forestière n° 6______ (ci-après: protocole n° 6______) ainsi qu'un plan cadastral étaient joints.

11.         Le protocole n° 6______ retenait que le peuplement boisé en question était constitué à 95% d'espèces d'arbres indigènes (chêne, peuplier, frêne, saule) et à 5% d'espèces d'arbres non-indigènes (robinier). Son âge était supérieur à 50 ans. Sous l'angle de sa structure, le peuplement boisé présentait un degré de couvert de 95%, sans étage intermédiaire, avec un sous-bois naturel et avec une clôture pour le bétail.

Concernant les fonctions forestières, le protocole retenait que la fonction « structure paysagère » était très importante (note 3 sur une échelle de 3), que les fonctions de « biodiversité » et de « protection » étaient significatives (note 2 sur une échelle de 3) et que les fonctions de « récréation » et de « production » étaient de peu d'intérêt (note 1 sur une échelle de 3).

Dans la partie « commentaire », il était indiqué qu'il s'agissait d'un massif forestier (forêt de pente) accompagnant le Nant G______.

12.         Par acte du 15 décembre 2023, sous la plume de leur conseil, MM. E______, B______ et A______ (ci-après: les recourants) ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) contre la décision précitée, concluant à son annulation, subsidiairement au renvoi du dossier à l'OCAN pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

La décision querellée était lacunaire et insuffisamment motivée. Le seul élément qu'ils pouvaient critiquer en l'état du dossier était que la forêt dont la lisière était constatée, respectivement les arbres qui la composaient, n'avaient de loin pas 50 ans, ce que démontraient les photographies aériennes historiques. Les arbres en lisières avaient même moins de 15 ans et ne répondaient pas à la qualification de forêt, quantitativement parlant. Le protocole 6______ ne contenait aucune indication sur l'âge des arbres en lisère.

Le dossier ne comportait que des informations en lien avec l'âge – erroné – des arbres, le type d'espèces d'arbres, des notes de 1 à 3 sur les fonctions de la forêt, un commentaire et un plan sans cotes ni désignation de la surface que constituerait la forêt. Le dossier ne comprenait ainsi pas d'informations sur la surface recouverte par la forêt exprimée en m2, le périmètre de la forêt en question, puisque le plan ne désignait que sa lisière nord, sans aucune indication sur l'endroit où se situait la forêt dans son ensemble, en particulier sur sa limite sud située sur la parcelle de l'État de Genève (parcelle n° 7______), la largeur de la forêt, lisière comprise, exprimée en mètres, une description précise des fonctions et caractéristiques de la forêt, l'âge de la lisière et la raison pour laquelle la procédure en constatation avait été lancée, sachant qu'aucune requête n'avait été formulée par les propriétaires du périmètre. La décision querellée ne contenait ainsi aucune indication sur les critères quantitatifs de la forêt. Il n'y avait également aucune description permettant de comprendre en quoi les notes attribuées aux fonctions forestières du périmètre seraient justifiées, ni aucune photo. Aucun piquetage n'avait été réalisé par le géomètre permettant de matérialiser le périmètre de la forêt de sa lisière sur les terrains concernés. Il ressortait de la jurisprudence que les décisions en constatation de la nature forestière étaient en principe beaucoup plus circonstanciées s'agissant des fonctions forestières. Ce manque d'information les avait empêchés de s'exprimer avant le prononcé de la décision querellée.

Le tribunal de céans ne pouvait s'en remettre systématiquement à l'avis de l'inspecteur de l'OCAN. Un tel raisonnement reviendrait à consacrer le caractère inattaquable d'une décision rendue par l'OCAN en la matière.

13.         Le 4 mars 2024, l'OCAN a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

La procédure de mise à l'enquête public prévue par le règlement d'application de la loi sur les forêts du 22 août 2000 (RForêt - M 5 10.01) permettait aux propriétaires touchés d'exercer leur droit d'être entendu en formulant des observations, en requérant des actes d'instruction ou des explications complémentaires de la part de l'autorité, voire en produisant une expertise privée. Les recourants avaient fait usage de ce droit, sans toutefois remettre en cause l'existence de la forêt en tant que telle, mais plutôt des conséquences qu'elle aurait sur la valeur de leur bien-fonds.

Les éléments que devait contenir une décision en constatation de la nature forestière étaient précisés à l'art. 12 de l’ordonnance sur les forêts du 30 novembre 1992
(OFo - RS 921.01). A contrario, l'indication de la surface et de la largeur du boisement n'étaient pas requis, ni celle de l'âge des arbres, même si ces critères quantitatifs étaient examinés par l'autorité en charge de l'instruction de la procédure. La décision querellée comportait ainsi l'ensemble des éléments requis. Elle allait même au-delà des exigences légales puisqu'elle précisait l'évaluation des caractéristiques et fonctions retenues.

Le degré de détail du commentaire dépendait des spécificités du cas et celui-ci n'avait pas pour objectif de décrire l'ensemble des caractéristiques et fonctions des peuplements examinés, mais de mettre en exergue un ou plusieurs éléments saillants qui explicitaient la décision. En l'occurrence, le commentaire soulignait le lien entre le massif forestier et le Nant G______, cet élément étant important dans l'appréciation des fonctions forestières retenues.

Avec les éléments du protocole et le plan de levé des boisés, il n'était pas difficile de comprendre l'appréciation du service spécialisé quant à la nature du boisement examiné, l'étendue de la forêt et les bien-fonds touchés et, partant, la motivation de la décision. Au surplus, un grief similaire avait déjà été soulevé par devant le tribunal, lequel l'avait rejeté.

Si dans le cas d'espèce les recourants n'avaient certes pas saisi l'autorité forestière d'une demande, la procédure avait été initiée sur la base de l'art. 4 al. 5 LForêts, ce dont M. B______ avait été informé par courrier du 13 septembre 2022. L'OCAN avait profité de cette occasion pour mettre à jour le cadastre des forêts sur les parcelles avoisinantes, comme le permettait l'art. 5 al. 2 RForêts. L'ouverture de la procédure, tant sous l'angle de l'art. 4 al. 5 LForêts que sous celui de l'art. 5 al. 2 RForêts, ne nécessitait pas de requête, celle-ci étant engagée d'office.

La portée de la décision découlait des circonstances particulières qui avaient provoqué l'ouverture de la procédure – décrites dans le courrier du 13 septembre 2022 précité – à savoir délimiter la lisière forestière et par la même occasion la surface agricole utile sur les parcelles concernées.

La procédure entreprise était ainsi conforme aux disposition de la législation forestière et la décision suffisamment motivée. Les recourants avaient été informés du déroulement de la procédure et ils avaient pu s'exprimer préalablement au prononcé de la décision litigieuse.

S'agissant des critères de définition de la forêt, le massif concerné était composé de jeunes et vieux arbres, l'OCAN n'ayant jamais prétendu que l'ensemble du peuplement poussant sur les parcelles aurait plus de 50 ans. Il avait en revanche constaté que l'âge moyen de celui-ci était supérieur à 50 ans, ce qui excédait largement le seuil minimal fixé par la loi. La photographie aérienne du secteur prise en 1972, sur laquelle le boisement était visible, confirmait la présence d'arbres de plus de 50 ans. Concernant l'âge de la lisière, la ceinture buissonnante débordant des troncs principaux constituait la lisière appropriée et délimitait la forêt; en cas d'absence de cet élément biologique, la limite de la forêt (lisière appropriée) se situait à 2 m au moins en avant des troncs principaux formant le peuplement. Lors de l'inspection locale, le technicien de l'OCAN n'avait pas constaté la présence d'une ceinture buissonnante débordant des troncs principaux, de sorte qu'il n'y avait pas d'âge de la lisière à reporter dans le protocole. La limite de la forêt était alors fixée à 2 m en avant des troncs principaux du peuplement, dont l'âge moyen avait été évalué à plus de 50 ans.

Concernant les fonctions du peuplement boisé, l'évaluation effectuée par l'inspecteur cantonal, laquelle n'était pas sérieusement remise en cause par les recourants, confirmait la grande importance de la fonction de structure paysagère qui avait déjà été relevée lors de l'élaboration du PDF en 2000. Elle affirmait par ailleurs, s'agissant d'une forêt de pente reliée à un cours d'eau, le caractère significatif de ses fonctions protectrices et écologique. Le peuplement en cause remplissait tant les critères quantitatifs que qualitatifs de la définition de la forêt.

14.         Le 4 avril 2024, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur argumentation. Ils sollicitaient la tenue d'un transport sur place, l'audition du géomètre ayant établi le dossier, la réalisation d'une expertise judiciaire sur les fonctions paysagères, de biodiversité, de protection, de récréation et de production du boisement concerné et à ce que le tribunal ordonne à l'OCAN de produire l'intégralité du dossier.

Les mesures d'instruction sollicitées étaient indispensables pour établir les faits pertinents, ce que montraient l'ensemble de la jurisprudence fédérale traitant de cas similaires.

Seul l'art. 8 RForêts avait trait au droit d'être entendu, mais aucune mention de la possibilité de requérir des actes d'instruction, des explications complémentaires ou de produire une expertise privée n'était mentionnée. Il ne pouvait pas être raisonnablement attendu d'un administré, non représenté, de penser de lui-même à solliciter ce genre de mesures. S'ils n'avaient pas contesté l'existence de la forêt dans leurs observations, c'était précisément parce que le dossier était lacunaire et ne contenait aucune indication matérielle sur la qualité de forêt. À cela s'ajoutait qu'aucun courrier de l'OCAN ne faisait mention des dispositions légales applicable à cette procédure ni aux conditions matérielles devant être réunies. L'OCAN avait produit 32 pièces à l'appui de ses observations pour pouvoir expliquer le fondement de sa décision et tenter de la justifier matériellement.

Toujours sous l'angle de la motivation, l'OCAN faisait fi du fait que l'art. 12 OFo mentionnait expressément « les dimensions de la forêt », élément qui ne ressortait pas de la décision querellée, tout comme les coordonnées ou une échelle du plan. Ce dernier document ne comprenait que la limite nord de la forêt et sa lisière, mais ne permettait pas de savoir où s'étendait la forêt, en particulier sa limite sud, située sur une parcelle appartenant à l'État de Genève.

Les surfaces et dimensions alléguées ressortaient d'un calcul approximatif sur un outil informatique (SITG) et non du constat établi par le géomètre mandaté pour établir le relevé. Ces informations n'avaient ainsi aucune force probante, dès lors qu'elles avaient été produites uniquement au stade des observations de l'autorité intimée.

Aucune réparation du droit d'être entendu n'était possible, compte tenu du très large pouvoir d'appréciation dont disposait l'autorité intimée en matière de constatation de nature forestière.

Si la jurisprudence exigeait une réelle motivation quant à la nature non-forestière d'un boisement, il en était logiquement de même en cas de constatation de nature forestière. Or, la décision querellée ne contenait aucune indication quantitative sur la surface du boisement et sa largeur. S'agissant de l'appréciation qualitative, l'OCAN se contentait de citer les notes attribuées dans son protocole. Aucune explication matérielle n'était donnée sur les raisons d'une telle évaluation du boisement concerné. L'OCAN n'avait renseigné que sur trois champs d'évaluation avec des notes dans un formulaire, sans donner d'autres explications, ce qui était insuffisant aux yeux de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Par ailleurs, le boisement considéré était enclavé entre une voie de chemin de fer à deux voies, des vignes cultivées et un hameau, le tout surplombé par une ligne électrique à très haute tension. Il se situait juste en face d'une usine d'incinération. L'existence du Nant G______ était contestée, dès lors qu'il était traversé par une ligne de chemin de fer à deux voies. On pouvait dès lors fortement douter des propriétés biologiques et de la présence d'une faune importante dans de telles conditions.

15.         Le 6 mai 2024, l'OCAN a dupliqué, maintenant ses conclusions et son argumentation.

Il s'en rapportait à justice concernant les mesures d'instruction sollicitées. L'audition du géomètre et la production de son dossier n'étaient pas nécessaires, puisqu'un relevé de géomètre n'était pas exigé par la loi. La date de son déplacement était mentionnée sur le plan établi (16 août 2023). Le géomètre avait pour mission d'attester de la précision géométrique du piquetage, mais il ne positionnait pas
lui-même les piquets marquant la limite de la forêt, cette compétence étant dévolue à l'autorité administrative compétente. En outre, à l'appui de la duplique, il produisait une expertise du service milieux et espèces de l'OCAN relative à la valeur biologique du boisement concerné daté du 24 avril 2024, laquelle concluait que ce boisement exerçait assurément une fonction biologique significative. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'y avait pas besoin de rechercher si le peuplement était apte à exercer d'autres fonctions forestière. La réalisation d'une expertise supplémentaire était ainsi superflue.

Il était faux de prétendre que le Tribunal fédéral avait jugé, de manière générale, que la motivation contenue dans le formulaire de l'OCAN était insuffisante. L'arrêt cité par les recourants faisait référence au contexte précis du litige en question. Le Tribunal fédéral n'avait pas trouvé dans le dossier l'élément qui lui aurait permis de comprendre pourquoi le tribunal cantonal avait retenu que, malgré la réalisation du critère quantitatif de la surface minimale emportant présomption de la nature forestière d'un boisement, la présence d'essences typiquement forestière et la reconnaissance d'une fonction paysagère par l'OCAN, ladite fonction ne suffisant pas à le faire reconnaitre comme forêt. Ce contexte était différent de celui du présent litige, où les critères quantitatifs et qualitatifs convergaient en faveur de la reconnaissance d'une forêt.

Les parcelles nos 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______ étaient intégrées dans les périmètres de protection fédéraux du réseau Emeraude, de l'OROEM et de l'IFP D______.

Les dimensions du boisement litigieux n'avaient pas besoin d'être établies par un géomètre officiel, car cela n'était nécessaire que lorsque la forêt confinait à la zone à bâtir et aux endroits, hors de la zone à bâtir où le canton souhaitait empêcher une croissance de la surface forestière.

Outre l'expertise du 24 avril 2024 confirmant la valeur biologique significative des boisements litigieux, leur grande valeur paysagère était notamment attestée par leur inscription à l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance national en tant que cordon boisé bordant un paysage fluvial. Les critères quantitatifs étant par ailleurs remplis, il y avait lui de retenir la qualité de forêt.

16.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante sollicite la réalisation de plusieurs actes d’instructions, soit la tenue d’un transport sur place, la comparution personnelle du géomètre ayant procédé au relevé, la réalisation d'une expertise judiciaire s'agissant des fonctions paysagères, de biodiversité, de protection, de récréation et de production du boisement concerné ainsi que la production de l'intégralité du dossier.

4.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1).

5.             Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

6.             Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit à la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale imposant une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

7.             En l’occurrence, s’agissant tout d’abord du transport sur place sollicité, les pièces et écritures versées à la procédure et celles figurant au dossier de l’autorité intimée ainsi que les informations et les outils disponibles sur le SITG permettent d’appréhender la situation des parcelles et du secteur concerné. Il faut également prendre en compte que l'objet du présent litige a trait à l'accroissement naturel d'une forêt déjà préexistante, de sorte qu'il convient d'examiner uniquement si c'est à tort ou à raison que l'autorité a considéré que la forêt s'était étendue. Il sera également relevé qu'une visite sur place a déjà été effectuée le 29 juin 2022 en présence de M. B______ afin qu'il puisse faire valoir son point de vue à l'autorité. Ainsi, le tribunal considère, par le biais d’une appréciation anticipée des preuves, qu’il n’apparaît pas que la tenue d’un transport sur place serait susceptible de fournir des informations pertinentes supplémentaires.

La requête d'expertise des recourants se fonde en substance sur l'idée selon laquelle l'autorité intimée ne pourrait pas, s'agissant de sa propre décision, se mettre en position d'experte. Cette affirmation contredit cependant l'idée de base de la procédure administrative non contentieuse, qui confie aux autorités compétentes, cas échéant avec l'appui de spécialistes, le soin de faire une application correcte de la loi, notamment en tenant compte de ses aspects techniques. On ne peut donc pas simplement affirmer ou sous-entendre la partialité de l'autorité administrative pour prétendre que les avis techniques sur lesquels elle se fonde seraient eux-mêmes biaisés ou dénués de pertinence. Pour remettre en cause une décision administrative sous l'angle de ses aspects techniques, il faut au moins être en mesure d'expliquer en quoi ces derniers paraissent contenir des erreurs. Pour le surplus, il aurait été loisible pour les recourants, assistés d’un conseil, de produire une éventuelle expertise privée ou de fournir un reportage photographique - en sus des orthophotos aériennes issues du SITG produites - accompagné d’un plan indiquant clairement l’emplacement photographié s’agissant des éléments retenus par l’OCAN qu’ils contestent, s’ils l’avaient estimé utile. En outre, à l'appui de sa duplique, l'OCAN a produit une expertise du service milieux et espèces indiquant la haute valeur biologique des boisés concernés. Les recourants se contentent ainsi de substituer leur propre appréciation, d'ailleurs toute générale, à celles d'un collaborateur spécialisé de l'autorité intimée, sans démontrer en quoi l'appréciation de ce dernier paraîtrait particulièrement critiquable. Dans cette mesure, il n'y a pas lieu de prononcer une expertise judiciaire.

Quant à la demande d'audition du géomètre, il convient de retenir que les recourants ont eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer leur point de vue et de produire toutes les pièces qu’ils estimaient utiles, par le biais des écritures usuelles. Dès lors, il n’a pas été démontré que l’audition de ce dernier permettrait d’apporter des informations supplémentaires par rapport à celles indiquées dans les écritures des recourants. Ainsi, la comparution personnelle des parties et du géomètre n’apparaît pas nécessaire. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. Pour ces mêmes raisons, il n'apparait enfin pas pertinent de requérir de l'OCAN la production de l'entier du dossier, dès lors que les pièces accompagnant ses écritures sont amplement suffisantes pour trancher le litige.

Partant, il ne sera pas donné suite aux mesures d’instruction sollicitées, en soi non obligatoires.

8.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

9.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

10.         L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a).

11.         Dans un grief formel qu'il convient d'aborder en premier lieu, les recourants se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendu sous l’angle d’une prétendue motivation insuffisante de la décision attaquée ainsi que de l'absence d'accès à l'ensemble des éléments pertinents du dossier.

12.         Le droit d'être entendu, dont les fondements juridiques ont été exposés ci-dessus, implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que l'autorité ou le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 51 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1 ; ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1).

Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2021 du 21 février 2023 consid. 3.1 ; ATA/991/2023 du 12 septembre 2023 consid. 2.1).

13.         Selon l'art. 12 OFo, la décision de constatation de la nature forestière indique si une surface boisée ou non boisée est considérée comme forêt et en donne les coordonnées (al. 1). Elle indique sur un plan la situation et les dimensions de la forêt ainsi que la situation des immeubles touchés (al. 2).

14.         En l’espèce, il convient de constater que le protocole en constatation de la nature forestière du ______ 2023 relatif à la décision querellée mentionne explicitement les motifs l’ayant fondée. En effet, il précise notamment la composition du peuplement concerné ainsi que son âge et son degré de couvert. Sont également indiquées ses fonctions forestières, lesquelles font en outre l’objet d’une qualification et d’une notation sur une échelle de zéro à trois. De plus, la rubrique « Commentaire » de ce protocole précise que ce boisement fait partie d'un massif forestier existant, accompagnant le Nant G______. Enfin, ce boisement et ses limites sont clairement définis sur le relevé des boisés selon l'état des lieux du 16 août 2023 qui fait, pour rappel, partie intégrante de la décision litigieuse. Contrairement à ce qu'affirment les recourants, le texte de l'art. 12 OFo n'exige pas la présence de dimensions chiffrées, mais uniquement que le plan de relevé du boisé concerné indique sa localisation et ses limites. Partant, force est de constater que les recourants ont été en mesure de se rendre compte de la portée de la décision ainsi que des motifs sur lesquels elle reposait. Ils ont d’ailleurs pu recourir utilement contre celle-ci en faisant valoir leurs arguments s’agissant des différents éléments retenus par l’OCAN. Dès lors, ils n’ont subi aucun préjudice procédural. Il sera rappelé, pour le surplus, que, conformément à la jurisprudence précitée, l'autorité intimée n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits mais peut se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents, ce qu’elle a fait in casu. La question de savoir si la motivation présentée est correcte étant une question distincte de celle du droit à une décision motivée, elle sera examinée sur le fond du litige.

Partant, infondé, le grief de violation du droit d’être entendu tombe à faux.

15.         Les recourants font valoir qu'en l'absence de requête en constatation de la nature forestière de leur part, l'OCAN n'avait pas de raison d'entamer d'office une telle procédure.

16.         Quiconque prouve un intérêt digne d’être protégé peut demander au canton de décider si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non (art. 10 al. 1 LFo). Lors de l’édiction et de la révision des plans d’affectation au sens de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire, une constatation de la nature forestière doit être ordonnée là où des zones à bâtir confinent ou confineront à la forêt; et là où, en dehors des zones à bâtir, le canton veut empêcher une croissance de la surface forestière (art. 10 al. 2 let. a et b LFo).

17.         L'art. 4 LForêts prévoit que quiconque prouve un intérêt digne d'être protégé peut demander à l'inspecteur cantonal des forêts de décider si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non. Les communes et les associations d'importance cantonale, qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à la protection des monuments, de la nature et des sites, ainsi qu'à la protection de l'environnement, ont également qualité pour déposer une telle demande (al. 1). Il appartient à l’inspecteur de procéder à la constatation de la nature forestière afin de déterminer si un bien-fonds doit être considéré comme forêt, de façon à dresser le cadastre des forêts; à permettre à l'autorité compétente de délimiter la zone des bois et forêts; et à délimiter les forêts lors de l'édiction et de la révision des plans d'affectation au sens de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, du 22 juin 1979 là où des zones â bâtir confinent ou confineront à la forêt; et là où, en dehors des zones à bâtir, le canton veut empêcher une croissance de la surface forestière (al. 2). Un réexamen des limites de forêts est toutefois réservé lors de la révision de plans d'affectation si les conditions effectives se sont sensiblement modifiées (al. 4). Outre les cas prévus par les al.1 et 2 qui sont à la charge du canton, l'inspecteur peut ordonner une procédure de constatation de la nature forestière, aux frais des propriétaires, lorsque la conservation de la forêt l'exige, en cas de situation illicite (al. 5)

18.         En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucun des recourants n'a engagé une procédure formelle tendant à la délimitation de la forêt ou à la constatation de la nature forestière de leurs parcelles respectives, par une demande à l'inspecteur cantonal.

Le droit fédéral prévoit par ailleurs que la constatation doit être ordonnée d'office dans certaines situations, « lors de l'édiction et de la révision des plans d'affectation » (art. 10 al. 2 LFo). Il est manifeste que l'on ne se trouve pas, en l'occurrence, dans cette situation dès lors que le régime des zones à cet endroit n'est pas en voie de révision.

Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que cette procédure a été intentée à l'origine dans le cadre de la procédure d'infraction visant M. B______, vu la situation illicite qui se déroulait sur sa parcelle. Dans cette mesure, il se justifiait pour l'OCAN d'ordonner d'office l'ouverture d'une procédure de constatation de la nature forestière du boisement concerné sur la base de l'art. 4 al. 5 LForêts. Si certes M. A______ est étranger à cette situation illicite, dès lors que le boisement concerné s'étend également sur ses parcelles du côté du boisement où la lisière doit être actualisée, il est cohérent que l'OCAN révise l'ensemble de celle-ci dès lors que ce boisement forme un tout.

Partant, le grief des recourants doit lui aussi être écarté.

19.         Les recourants prétendent que les critères quantitatifs et qualitatifs permettant de déterminer l'existence d'une forêt feraient ici défaut.

La LFo a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1 et 3 LFo).

20.         Par « forêt », on entend toutes surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d'exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents (art. 2 al. 1 LFo).

Ne sont pas considérés comme forêts les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo)
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A_232/2006 du 10 avril 2007, considérant 2.2).

21.         Dans le cadre fixé par le Conseil fédéral, les cantons peuvent préciser la largeur, la surface et l'âge minimaux que doit avoir un peuplement sur une surface conquise par la forêt ainsi que la largeur et la surface minimales que doit avoir un autre peuplement pour être considérés comme forêt. Si le peuplement en question exerce une fonction sociale ou protectrice particulièrement importante, les critères cantonaux ne sont pas applicables (art. 2 al. 4 LFo).

22.         Selon l'art. 1 OFo, les cantons précisent les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, dans les limites suivantes : a. surface comprenant une lisière appropriée : 200 à 800 m2 ; b. largeur comprenant une lisière appropriée : 10 à 12 m ; c. âge du peuplement sur une surface conquise par la forêt : 10 à 20 ans.

Les critères quantitatifs que les cantons peuvent fixer, dans les limites de l'art. 1 al. 1 OFo, servent à clarifier la notion qualitative de forêt posée par le droit fédéral. Sauf circonstances particulières, la nature forestière doit être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils minimaux. On ne peut cependant nier la qualité de forêt du simple fait que ces seuils ne sont pas atteints (ATF 125 II 440 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.13/2005 du 24 juin 2005 consid. 4.2). A l'inverse, même en présence de ces critères quantitatifs, les critères qualitatifs peuvent être décisifs pour la qualification de forêt (arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 du 20 mars 2002 consid. 4.1 publié in ZBl 104/2003 p. 380 et résumé in RDAF 2004 I 734; 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 6.3). Dans cette appréciation, il n'y a pas lieu de procéder à une pondération des intérêts privés ou publics (ATF 124 II 85 consid. 3 et les références citées).

23.         À Genève, la législation sur les forêts précise que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d'une forêt, exerçant une fonction forestière qui sont, en principe, âgés d'au moins quinze ans, s'étendent sur une surface d'au moins 500 m² et ont une largeur minimale de 12 m, lisière appropriée comprise (art. 2 al. 1 LForêts).

24.         La ceinture buissonnante débordant des troncs principaux constitue la lisière appropriée mentionnée à l’art. 2 al. 1 let. c LForêts et délimite la forêt. En cas d’absence de cet élément biologique, la limite de la forêt (lisière appropriée) se situe à 2 mètres au moins en avant des troncs principaux formant le peuplement. Toutefois, en cas de changement de la nature du sol ou de démarcation distincte (limite marquante), telle que mur, route, limite de propriété, limite de culture ou cassure de terrain naturelle, à l'intérieur de la lisière appropriée, cette dernière peut être adaptée à la limite marquante (art. 3 al. 1 RForêts).

25.         La LFo et la LForêts n'énumèrent pas les caractéristiques nécessaires pour pouvoir qualifier une aire boisée de forêt. Selon l'exposé des motifs relatif à l'art. 2 al. 3 let. a LForêts, sont exclus du régime forestier les éléments de paysage ne présentant pas une structure marquée par la présence de diverses strates ou étages, caractérisant un peuplement forestier (Mémorial du Grand Conseil, 1997, p. 606 ss).

Du point de vue qualitatif, les fonctions de la forêt sont au nombre de trois, d'importance équivalente : la fonction protectrice, sociale et économique. Pour être qualifié de forêt, il suffit que le peuplement concerné apparaisse apte à assumer une ou quelques-unes des tâches de l'aire forestière (JdT 1998 I 501, consid. 3d.cc).

Une forêt exerce une fonction protectrice lorsqu'elle protège la population ou des valeurs matérielles contre des catastrophes naturelles. Elle exerce une fonction économique lorsque la matière première que représente le bois est exploitée (FF 1988 III pp. 157 ss, 172). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un peuplement remplit une fonction sociale lorsqu'en raison de sa structure, de sa nature et de sa configuration, il offre à l'homme une zone de délassement, lorsque, par sa forme, il structure le paysage, lorsqu'il offre une protection contre les influences nuisibles telles que le bruit ou les immissions, lorsqu'il assure des réserves en eau d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif, ou encore lorsqu'il procure un milieu vital irremplaçable aux animaux sauvages ainsi qu'aux plantes de l'endroit (arrêt du Tribunal fédéral 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 et les références citées).

L'énumération de ces fonctions n'est pas exhaustive et ne reflète pas non plus un ordre de valeur ; la loi ne fixe pas de hiérarchie des fonctions, celle-ci dépend au contraire des conditions concrètes déterminantes pour chaque surface de forêt (Hans-Peter JENNI, Pour que les arbres ne cachent pas la forêt : un guide à travers la nouvelle législation sur les forêts, in cahier de l'environnement, n° 210, OFEFP 1994, ad art. 2 al. 3, p. 31).

Il suffit généralement que le boisement revête l'une des fonctions forestières pour que lui soit reconnu la valeur qualitative d'une forêt (ATF 124 II 85 consid. 3d/cc ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_118/2019 du 19 juillet 2019 consid. 9 ; 1A.30/2004 du 11 août 2004 consid. 4). Ainsi la seule fonction paysagère peut-elle suffire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_517/2022 et 1C_522/2022 du 18 août 2022 consid. 5.2).

Sont également considérées comme forêt, les surfaces ne répondant pas aux critères quantitatifs définis à l'art. 2 al. 1 LForêts, pour autant qu'elles remplissent des fonctions forestières importantes (art. 2 al. 2 let. a LForêts).

26.         Selon le Tribunal fédéral, en principe, l'autorité forestière compétente pour procéder à une constatation de la nature forestière au sens de l'art. 10 LFo doit se fonder sur la situation effective du terrain au moment où elle statue. Dans certaines circonstances, l'existence d'une forêt peut toutefois être admise malgré l'absence de boisement, en particulier lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation ; en effet, la suppression du couvert forestier sans autorisation de défricher ne modifie pas le caractère forestier du terrain concerné ; le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n'est alors plus celui de la décision de première instance. L'intérêt à la conservation de la forêt est reconnu de plein droit pour les surfaces d'où la forêt a été éliminée sans autorisation ; celles-ci sont assujetties à l'obligation de reboiser où elle compte et elles continuent ainsi d'appartenir à l'aire forestière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_228/2019 du 29 avril 2020 consid. 2.1.1 et les références citées). Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral a confirmé que la manière de fixer la limite de la forêt par l'autorité administrative était conforme à la législation et la jurisprudence en la matière alors qu'elle avait tenu compte tant de la situation antérieure pour s'écarter de la nature de gazon du sol que de la situation actuelle en se référant aux arbres d'essences forestières encore présents dans le secteur litigieux (ibidem, consid. 2.2.2 in fine).

27.         La nature forestière est « dynamique, et seul le constat de terrain permet de décider où se situe la vraie limite forestière » (Groupement des ingénieurs forestiers de Genève, Forêts genevoises : évocation d'un passé récent, Lausanne 2011, p. 45).

28.         La nature forestière est constatée dans le cadre d'une procédure formelle. En application de l'art. 4 LForêts, il appartient à l'inspecteur des forêts de décider si un bien-fonds doit être ou non considéré comme forêt. La procédure est détaillée par le règlement d'application de la loi sur les forêts du 22 août 2000 (RForêt - M 5 10.01). Les décisions de constatation de la nature forestière sont publiées dans la FAO et comportent l'indication des délais et voies de recours (art. 9 al. 1 RForêts).

La décision de constatation de la nature forestière indique si une surface boisée ou non boisée est considérée comme forêt et en donne les coordonnées (art. 12 al. 1 OFo). Elle indique sur un plan la situation et les dimensions de la forêt ainsi que la situation des immeubles touchés (art. 12 al. 2 OFo).

29.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elles se limite à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e ; ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7d ; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

30.         En l’espèce, selon l’OCAN, composé de spécialistes, le peuplement boisé concerné est composé, conformément au protocole n° 6______, à 95 % d’essences indigènes, soit de chêne, de peuplier, de frêne et de saule, et à 5 % seulement d’essences étrangères, soit de robinier. De plus, toutes les espèces précitées sont âgées de plus cinquante ans, étant précisé que la nature forestière d'un boisement ne nécessite pas que tous les arbres aient atteint l'âge fixé par la loi et que pour déterminer cet âge, il convient de se baser sur la situation des sujets présents sur l'ensemble du boisé concerné et d'en tirer une moyenne et non uniquement ou principalement sur les sujets présents uniquement sur la partie du boisé concerné issue d'un accroissement de la forêt (Roland NORER, in Thomas ABT/Roland NORER/Florian WILD/Nicolas WISARD (édit.), Commentaire de la LFo, 2022 ad. art 2 LFo p. 93 n° 62 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.242/2002 du 19 novembre 2003, consid. 3.5). En outre, le degré de couvert de cette zone est de 95 %, de sorte qu’il peut être retenu qu’il est relativement conséquent. Le boisement concerné comporte, pour le surplus, un sous-bois naturel. Selon les données librement accessibles et les outils informatiques disponibles au SITG, ce boisement présente une largeur qui oscille entre 19 m et 42 m. Il couvre plus de 4'000 m2 sur la parcelle n° 1______ et plus de 2000 m2 sur les parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______. De telles surfaces peuvent ainsi par conséquent être qualifiées d’importantes. Ainsi, il convient de retenir que les critères quantitatifs de dimension, d’âge et de surface fixés par la LForêts sont in casu remplis. Les photographies aériennes historiques disponibles sur le SITG montrent également que la forêt s'est passablement étendue et densifiée au niveau des parcelles des recourants depuis 1972. Sous cet angle aérien, l'accroissement naturel de la forêt sur les parcelles des recourants présente une certaine homogénéité avec la forêt déjà cadastrée. S'agissant de la remarque des recourants au sujet de l'absence de force probante des données librement accessibles sur la plateforme du SITG et les outils informatiques disponibles, elle n'est pas convaincante, étant précisé que ces informations sont constituées d'après les géodonnées de la mensuration officielle (art. 4 du règlement sur la mensuration officielle et les cadastres des restrictions de droit public à la propriété foncière, du sous-sol et 3D du 24 juin 2015; RMOC – E 1 46.03) et qu'elles sont fréquemment utilisées tant pas les autorités que par les juridictions administratives à l'appui de leurs décisions respectives.

En ce qui concerne les critères qualitatifs, il convient de ne pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi. Si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle du département, dans la détermination du rôle paysager, de la biodiversité, de protection, de récréation et de production que peuvent assumer les groupements d'arbres faisant partie d'une procédure en constatation de la nature forestière, si cette appréciation n'emporte pas une violation manifeste de la loi.

Le protocole retient que la structure paysagère du boisement est « très importante » et que ses fonctions de biodiversité et de protection sont « significatives ». À cela s'ajoute le reste du peuplement boisé concerné est déjà inscrit au PDF, avec une fonction « Conservation de la nature et des structures paysagères ». En outre, les parcelles concernées sont comprises dans le périmètre de protection du réseau Emeraude, soit un réseau de sites protégés au niveau européen concrétisant la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe du 19 septembre 1979 (Convention de Berne – RS 0.455), entrée en vigueur pour la Suisse le 1er juin 1982. Le réseau Émeraude a pour vocation de protéger les espèces et les milieux naturels de valeur écologique particulièrement élevée en Europe, laissant aux États contractants une importante marge de manœuvre dans sa mise en œuvre, hormis s'agissant d'espèces directement mentionnées dans l'une des annexes de la Convention de Berne (Astrid EPINEY/Markus KERN, in Peter M. KELLER/Jean-Baptiste ZUFFEREY/Karl-Ludwig FAHRLÄNDER, Commentaire LPN, 2e éd. 2019, chap. 3, partie générale n. 42 s., p. 146 s. ; Karin SIDI-ALI, La protection des biotopes en droit suisse – Étude de droit matériel, 2008 n. 83 s.). En Suisse, la mise en œuvre des sites Émeraude se fait par le biais des inventaires fédéraux (ATF 146 II 347 consid. 3.4, JdT 2021 I p. 280 ; Astrid EPINEY/Markus KERN, op. cit., n. 46 ss, p. 148 ss). Or, comme déjà indiqué, les parcelles des recourants sont comprises dans le périmètre de l'objet IFP D______, lequel identifie le périmètre comme une réserve d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importances internationales, raison pour laquelle les parcelles sont également soumises à l'OROEM, dont le but est de définir les réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs vivant toute l’année en Suisse, d’importance internationale et nationale et d'assurer leur protection et leur conservation (art. 1 OROEM et art. 2 al. 1 cum annexe 1 item n° 9 « Rade et Rhône genevois »). Ces éléments, pris dans leur ensemble, viennent ainsi confirmer la haute valeur paysagère et biologique du boisement concerné. Par ailleurs, la valeur biologique significative a une nouvelle fois été confirmée par l'expertise du service milieux et espèces de l'OCAN du 24 avril 2024, laquelle retient que les grandes surfaces boisées comprises dans le périmètre de l'objet IFP D______ contribuent à l'habitat de la grande faune, mais permettent également d'assurer des corridors biologiques de qualité. En outre, la présence du Nant G______ ajoute une qualité des milieux naturels présents. La présence de certaines espèces, notamment le troglodyte mignon, du pouillot véloce, de la grive musicienne et du rossignol philomèle démontrent aussi une qualité de milieux forestiers diversifiés et riches. Compte tenu de ce qui précède, la valeur biologique significative de ce boisement est indéniable, quoiqu'en disent les recourants. En effet, selon la jurisprudence précitée (arrêts du Tribunal fédéral 1C_517/2022 et 1C_522/2022; ATA/237/2024 du 27 février 2024 consid. 2.7.2), il suffit, pour qualifier un boisé de forêt, qu’un critère qualitatif soit rempli, ce qui est le cas en l’espèce pour les peuplements boisés des parcelles des recourants avec la reconnaissance d’une fonction de structure paysagère qualifiée de très importante.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCAN a qualifié les boisés présents sur les parcelles des recourants de forêts, tant les critères quantitatifs que qualitatifs étant remplis pour celles-ci. Aucun élément ne permet de remettre en cause l’appréciation de l’inspecteur de forêts sur laquelle le département s’est fondé pour rendre sa décision - spécialiste en la matière - concernant le peuplement boisé qu’il a considéré comme forêt, étant encore rappelé que la constatation se fait à un moment spécifique et de manière objective sur des critères prédéterminés, ne laissant pas place à une pesée des intérêts en présence, notamment financiers.

31.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

32.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2023 par Messieurs B______ et A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

Le greffier