Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3963/2023

JTAPI/643/2024 du 26.06.2024 ( OCPM ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.64
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3963/2023

JTAPI/643/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1984, est ressortissante de Libye.

2.             Mme A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études valable du 27 octobre 1994 au 3 novembre 2003 et a ensuite quitté le territoire.

3.             Sa sœur, Madame B______, née le ______ 1997, est arrivée en Suisse en septembre 2019 munie d’un visa de touriste et a déposé le 4 décembre 2019 auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour études. Elle précisait être prise en charge financièrement pas son père.

Elle a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour formation en date du 30 janvier 2020. Mme B______ a ensuite été rejointe en Suisse par Mme A______ a une date inconnue.

4.             En date du 7 février 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______ a formulé une demande d'admission provisoire auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) au motif qu'un renvoi en Libye n'était pas exigible, subsidiairement, à ce que l'existence d'un cas de rigueur fut constatée. Une copie de son passeport était jointe, limitée à la partie identitaire de ce document.

5.             Par courrier du 23 mars 2023, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa requête et de refuser de proposer son admission provisoire au Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM).

6.             Par courrier du 19 mai 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______ a transmis ses observations. Son père ne disposait pas d'un titre de séjour valable aux Emirats Arabes Unis (ci-après: EAU), mais ce document était en cours de renouvellement. Son renvoi dans un pays où son père ne disposait d'aucune autorisation de séjour et pour lequel elle n'avait aucun droit à un tel titre n'était pas possible.

7.             Par courrier du 1er juin 2023, puis par courriel de rappel du 12 juillet 2023, l'OCPM a sollicité des informations complémentaires en lien avec la demande de prolongation du titre de séjour aux EAU de son père, échu depuis le 4 janvier 2021.

8.             Aucune réponse n'a été donnée.

9.             Par décision du 24 octobre 2023, l'OCPM a refusé la demande d'octroi d'autorisation de séjour pour cas de rigueur de Mme A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

La durée de son séjour devait être relativisée. Elle était arrivée en Suisse dans le cadre d'un séjour touristique, a priori alors âgée de 39 ans. Hormis un séjour pour études à Genève 20 ans auparavant, elle n'avait pas démontré avoir des attaches particulières avec la Suisse. La durée de son séjour en Suisse était limitée à la durée de validité du visa qui lui avait été octroyé.

Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée en Suisse. Elle n'avait pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables pour qu'elle ne put plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d'origine ou aux EAU, où résidait l'ensemble de sa famille. Elle n'avait pas acquis de connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait plus les mettre en pratique aux EAU.

Sa situation personnelle ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités.

Son renvoi était exigible dans la mesure où elle n'avait pas démontré l'existence d'obstacles à son retour aux EAU, où elle résidait avant son arrivée en Suisse dans le cadre d'un séjour touristique. Sa famille vivait toujours à C______ (EAU) et aucun élément du dossier ne permettait de constater qu'elle faisait l'objet d'un refus d'octroi d'une autorisation de séjour des autorités compétentes de ce pays. À ce sujet, son père pouvait demander un visa de résidence en sa faveur, dans la mesure où il n'y avait pas de limite d'âge pour les filles tant qu'elles n'étaient pas mariées. Son père ne faisait pas état d'une décision de renvoi prononcée par les autorités des EAU. En tout état, même dans une telle situation, il serait amené à retourner en Libye, dont il était originaire. Il serait dès lors attendu de l'intéressée qu'elle l'y rejoigne pour y vivre en famille, comme l'avaient relevé les autorités judiciaires qui s'étaient penchées sur le dossier de sa sœur (cause n° A/1856/2021).

10.         Par acte du 24 novembre 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) contre la décision précitée, concluant, à titre préalable, à la jonction de la procédure avec celle concernant sa sœur, Mme B______ (cause n° A/3959/2023), ainsi qu'à l'octroi d'un délai pour compléter le recours, à titre principal, à l'annulation de la décision, à constater son droit au séjour et à l'octroi d'autorisation de séjour pour elle et sa sœur, subsidiairement au renvoi du dossier à l'OCPM, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle et sa sœur avaient déposé une demande d'autorisation de séjour afin d'obtenir un permis F. Elles avaient quitté la Libye dix ans auparavant et n'y étaient jamais retournées pour des raisons d'insécurité depuis le changement de régime. Sa sœur était arrivée en Suisse en février 2020 afin de suivre un Bachelor en D______ (ci-après: D______). Le 9 avril 2021, l'OCPM avait refusé la prolongation de l'autorisation de séjour pour études de sa soeur. Sur recours, cette décision avait été confirmée d'abord par jugement du 18 novembre 2021 du tribunal de céans (JTAPI/1162/2021), puis par arrêt du 12 avril 2022 de la chambre administrative de la Cour de justice ([ci-après: chambre administrative] ; ATA/397/2022). Cela étant, depuis une année environ, il était notoire que la Libye était replongée dans un chaos institutionnel, traversant un conflit armé interne entre deux groupes. Elle et sa sœur seraient ainsi mises en danger de mort et de torture en cas de renvoi, les personnes ayant eu des relations avec le régime précédent étant activement pourchassées. Les maisons familiales qu'elles avaient occupées avec leur famille avaient été saccagées et occupées par les révolutionnaires, ce qui avait été traumatisant.

Elle et sa sœur vivaient à Genève. Seul leur père habitait à C______ (EAU). La source de l'OCPM pour appuyer son affirmation relative à la possibilité du père d'obtenir un visa de résidence n'était pas une source officielle mais un site privé de compagnie promettant des visas d'investisseurs aux EAU. Leur père n'y séjournait que provisoirement et elles avaient à l'origine pour projet de l'y rejoindre après leur séjour en Suisse. Cependant, leur droit de séjour n'était pas assuré, car l'autorisation de séjour de leur père était échue depuis le 4 janvier 2021 et n'avait pas renouvelée à ce jour. Il était en « séjour excédé » et payait des amendes pour ce motif.

De plus, l'OCPM n'avait pas établi son droit de séjour dans ce pays. Une expulsion vers n'importe quel pays tiers sans clarifier si l'étranger y disposait d'un droit de séjour était inadmissible. De plus, les États membres de l'Union européenne avaient débattu d'une nouvelle politique d'asile et de migration en juin 2023, de sorte à réformer le système actuel après diverses années d'impasse. Elle ne pouvait pas être renvoyée actuellement vers un pays tiers.

Depuis l'arrêt de la chambre administrative concernant sa sœur, la Libye était replongée dans une situation grave et très dangereuse. Un départ vers son pays d'origine était impossible, en raison du danger pour leur vie, leur intégrité physique et leur liberté. Ce pays n'était pas considéré comme sûr. Elle n'émargeait pas à l'aide sociale et subvenait à ses besoins. Par ailleurs, le manque de lien avec le pays d'origine, l'absence de famille y séjournant, l'absence de possibilités de survie, le danger qu'elle encourait, la situation du pays ainsi que les récents affrontements empêchaient un retour en sécurité dans son pays d'origine. L'exécution du renvoi n'était pas possible, pas licite et n'était pas raisonnablement exigible.

A l'appui de son recours, elle a notamment produit une série de photographies de leur résidence familiale en Libye ainsi qu'un Certificate for Entry or Exit du 24 mai 2023 émanant des autorités des EAU au nom de leur père, indiquant que son autorisation de séjour dans ce pays était échue depuis le 4 janvier 2021.

11.         Le 7 décembre 2023, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

Les deux sœurs faisaient valoir les mêmes arguments en lien avec leur demande d'admission provisoire, de sorte qu'il ne s'opposait pas à la jonction des causes.

La recourante avait été titulaire d'une autorisation de séjour temporaire pour études valable du 17 septembre 1994 au 3 novembre 2003. Elle était arrivée en Suisse avec un visa touristique, échu le 18 août 2021. Le 23 novembre 2022 [sic], elle avait sollicité le prononcé d'une admission provisoire, subsidiairement à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Dans le cadre de son recours, elle semblait avoir renoncé à sa demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur pour ne solliciter désormais qu'une admission provisoire, relevant que l'exécution du renvoi vers la Libye n'était pas possible, licite ou raisonnablement exigible en raison du conflit armé interne et du danger de mort et de torture auxquels elle serait confrontée. Les éléments avancés pour s'opposer à l'exécution de son renvoi dans son pays d'origine constituaient des motifs d'asile, dont l'examen relevait de la seule compétence du SEM. Il invitait la recourante à déposer une demande d'asile auprès d'un centre fédéral pour requérants d'asile.

12.         Invitée à formuler une réplique, la recourante n'y a pas donné suite dans le délai prolongé imparti par le tribunal à cet effet.

13.         Par pli du 13 mars 2024, le tribunal a sollicité des informations supplémentaires sur l'état de l'avancement de la procédure de renouvellement de l'autorisation de séjour du père de la recourante, délivrée par les autorités compétentes aux EAU, échue depuis le 4 janvier 2021, ainsi que sur l'invitation de l'OCPM à formuler une demande d'asile auprès du SEM, et le cas échéant, si une telle demande avait été déposée.

14.         Aucune suite n'y a été donnée dans le délai imparti par le tribunal.

15.         Le 7 mai 2024, le tribunal a procédé à l'audition de la recourante ainsi que de sa sœur, Mme B______ (cause n° A/3959/2023).

a.              La recourante et sa sœur ont déclaré que le recours portait tant sur le refus de délivrance d'une autorisation de séjour que sur l'impossibilité du renvoi. Elles estimaient que l'OCPM aurait pu transmettre leurs dossiers au SEM. Elles souhaitaient bénéficier d'une autorisation de séjour avec activité lucrative.

Leur père avait obtenu le renouvellement de son autorisation de séjour à C______ (EAU). Il devrait cependant régulièrement demander ce renouvellement, notamment en fonction de ses activités professionnelles. Il leur était possible de demander une copie de l'autorisation de séjour de leur père et de la transmettre au tribunal. Elles n'avaient entrepris aucune démarche en vue d'obtenir l'asile.

Leur père était actuellement hospitalisé à C______ (EAU) et devait subir deux fois par semaine des dialyses. Il aurait souhaité venir se faire soigner en Suisse mais son état ne le permettait pas. A long terme, il lui serait possible de venir en Suisse. Elles pouvaient déposer des certificats médicaux attestant de cette situation.

La sœur de la recourante a déclaré que si elle pouvait rester en Suisse, elle souhaiterait ouvrir une petite entreprise mais réfléchissait encore au domaine d'activité. Dans l'intervalle, son père subvenait à ses besoins. Elle souhaiterait travailler avec sa sœur et leur père était d'accord de financer n'importe quel type d'entreprise. Il souhaitait qu'elles pussent subvenir seules à leurs besoins en raison de son état de santé actuel.

Leur mère avait obtenu une autorisation de séjour à C______ (EAU) également découlant de l'autorisation de séjour délivrée à leur père. Sans être mariée ou avec leur père, il serait difficile de débuter une activité indépendante à C______ (EAU) et d'y vivre de manière indépendante en tant que femmes.

Leur père avait beaucoup travaillé en Suisse dans le cadre de son activité professionnelle. Il avait notamment eu des sociétés dans le domaine médical et avait également eu des contrats avec la société E______. C'était avant le changement de régime libyen.

Des membres de leur famille étaient en prison en Lybie, mais elles n'y avaient pas de famille proche, seulement des oncles et des tantes.

Elles étaient toutes les deux musulmanes pratiquantes, priaient cinq fois par jour, mais ne portaient pas le voile. Elles portaient des habits occidentaux.

Dans l'hypothèse d'un retour à C______ (EAU), elles n'y avaient rien, ayant passé toute leur enfance et leurs études en Suisse. Elles ne parlaient pas couramment le français.

b.             L'OCPM maintenait sa position. Il n'avait pas d'éléments pour proposer au SEM une admission provisoire. Par contre, par le biais d'une demande d'asile, le SEM pourrait analyser la situation car les arguments avancés entraient clairement dans le cadre de l'asile et, cas échéant, statuer sur une admission provisoire. Il ne pouvait pas obliger la recourante et sa soeur à se rendre à C______ (EAU) et, à son niveau, il n'avait pas d'éléments permettant de retenir que le renvoi en Lybie était impossible.

Un délai a été imparti par le tribunal à la recourante et sa sœur pour transmettre une preuve du renouvellement de l'autorisation de leur père.

16.         Aucune preuve en ce sens n'a été transmise dans le délai imparti.

17.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À titre préalable, la recourante sollicite la jonction de la procédure avec celle concernant sa sœur (A/3959/2023).

4.             En vertu de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), le tribunal peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (art. 70 al. 2 LPA).

5.             En l'espèce, le tribunal considère que la jonction de la présente cause avec celle concernant sa soeur ne se justifie pas dès lors qu'il s'agit de situation certes similaires, mais qui concernent deux personnes juridiques distinctes avec des parcours différents, ce qui est susceptible d'influer sur la solution de chaque cas d'espèce.

6.             Partant, la requête de la recourante sera rejetée.

7.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

10.         La recourante conclu à l'annulation du refus de délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur et sollicite le prononcé d'une admission provisoire. D'emblée, compte tenu du refus de jonction des causes A/3963/2023 et A/3959/2023, la conclusion de la recourante au sujet de la délivrance d'une autorisation de séjour pour sa sœur est manifestement irrecevable.

11.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas des ressortissants de Lybie.

12.         Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g ; art. 31 al. 1 OASA).

Pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d ; art. 58a al. 1 LEI).

13.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

Ainsi, les critères énumérés par l'art. 31 al. 1 OASA, qui doivent impérativement être respectés, ne sont pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er septembre 2023, n. 5.6.10 ; ATA/179/2024 du 6 février 2024 consid. 3.3).

14.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

15.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du TAF C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C- 6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

16.         La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du TAF 7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du TAF C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

17.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 5b).

18.         La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

19.         En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139II 185 consid. 9.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/ 2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

20.         De manière plus particulière, en droit des étrangers, l’étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la LEI doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application (art. 90 LEI).

Faute d’apporter, dans la mesure où cela peut raisonnablement être exigé de lui, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, l’étranger risque de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (ATA/1010/2015 du 29 octobre 2015 consid. 13 et les références citées). Il incombe en effet à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu’ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2020 du 15 octobre 2020 consid. 9.2.2 ; ATA/1228/2022 du 6 décembre 2022 consid. 8 et les références citées).

21.         En l'espèce, dans son recours, la recourante se contente d'argumenter au sujet de l'impossibilité de son renvoi tant vers la Lybie que vers les EAU et au prononcé de son admission provisoire.

Si lors de l'audience du 7 mai 2024 elle a déclaré qu'elle contestait le refus d'autorisation de séjour, force est de constater qu'elle n'argumente pas ou très peu sa position à ce sujet. En effet, elle ne fournit aucun élément permettant d'attester de la durée de son séjour actuel en Suisse. Elle n'a fait qu'indiquer qu'elle avait quitté la Lybie avec sa sœur dix ans auparavant. À cet égard, il convient de préciser que son premier séjour pour études effectués entre 1994 et 2003 ne saurait être pris en compte, puisqu'elle est manifestement retournée en Lybie, avant de revenir ultérieurement en Suisse pour rejoindre sa sœur, à une date inconnue, mais durant la validité de l'autorisation de séjour pour étude de cette dernière. On peut ainsi admettre, dans l'hypothèse qui lui est la plus favorable, qu'elle est revenue en Suisse durant l'année 2020, de sorte que la durée de son séjour déterminante ne saurait au mieux qu'être de quatre ans, soit une durée relativement faible eu égard aux exigences posées par la jurisprudence. Quoiqu'il en soit, de jurisprudence constante, la durée de séjour n'est pas un élément suffisant à lui seul pour qu'une autorisation de séjour pour cas de rigueur soit délivrée, en l'absence d'intégration particulière de la part de l'étranger. Or, il ressort de ses déclarations que la recourante n'a actuellement que de vagues plans professionnels en cas de séjour en Suisse, qu'elle n'exerce manifestement aucune activité professionnelle et vit en Suisse grâce au soutien financier de son père. En outre, elle ne dispose pas d'un niveau de français suffisant. Elle ne peut ainsi pas se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence précitée et prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Partant, c'est à bon droit que l'autorité intimée a refusé la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur à la recourante.

22.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b).

23.         En l'espèce, la recourante n’obtenant pas d’autorisation de séjour, c’est à bon droit que l’autorité intimée a prononcé son renvoi.

24.         Reste à examiner si l’exécution de cette mesure est conforme à l’art. 83 al. 1 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de la licéité et de l’exigibilité, ce que la recourante conteste.

25.         Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement un étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5624/2017 du 11 août 2020 consid. 6.2).

26.         L’exécution du renvoi n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Cette disposition vise notamment l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou l’art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités).

Pour apprécier l’existence d’un risque réel de mauvais traitements, il convient d’appliquer des critères rigoureux. Il s’agit de rechercher si, eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

27.         L'exécution du renvoi est illicite lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit notamment de l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore l'art. 3 Conv. torture (ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités). A cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme a précisé, dans sa jurisprudence, que l'art. 3 CEDH trouvait également application lorsqu'un danger émanait d'individus ou de groupes qui ne sont pas agents dudit Etat. En ce qui concerne la preuve d'un tel danger en cas d'exécution de la mesure de renvoi et le degré de cette preuve, elle a souligné que la personne invoquant l'art. 3 CEDH doit démontrer à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Elle estime qu'une simple possibilité de mauvais traitements n'entraîne pas en soi une infraction à l'art. 3 CEDH et exigent une preuve « au-delà de tout doute raisonnable », fondée sur un faisceau d'indices ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants, sans qu'il faille toutefois exiger une certitude absolue. Ces dispositions conventionnelles ont la même portée que l’art. 10 al. 3 Cst., selon lequel la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et l’art. 25 al. 3 Cst., d’après lequel nul ne peut être refoulé sur le territoire d’un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains (cf. ATF 139 II 65 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1). D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le renvoi dans un État tiers nécessite qu'un tel renvoi soit possible, c'est-à-dire que l'étranger y dispose d'un droit de séjour (arrêt du Tribunal fédéral 6B_627/2022 du 6 mars 2023, consid. 2.4).

28.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

29.         Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié, parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée. Elle vaut aussi pour les personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet, et ainsi exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. ATAF 2014/26 consid. 7).

30.         Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF), il y a lieu de considérer qu'une situation de violence généralisée règne dans la majeure partie du territoire libyen et que l'exécution du renvoi dans ce pays est par conséquent, en principe, inexigible (cf. arrêt du TAF E-2269/2019 du 6 mars 2019 consid. 10.3 ; D-6946/2013 du 28 mars 2018 [publié comme arrêt de référence] consid. 6.5.2). S'agissant plus particulièrement de la situation à Tripoli, le TAF a retenu, dans un arrêt de principe, qu'en raison de la précarité ainsi que de l'instabilité de la situation sécuritaire dans cette ville, mais également du risque de flambées de violence et des problèmes d'approvisionnement, l'exécution du renvoi vers la capitale - uniquement de jure - de la Libye devait également être considérée comme étant en principe inexigible, sous réserve de facteurs particulièrement favorables (cf. arrêt de référence du Tribunal D-6946/2013 précité consid. 6.5.3). La situation sécuritaire, humanitaire et économique dans cette ville demeure très volatile et précaire (cf. notamment Bertelsmann Stiftung, BTI 2022 Country Report - Libya, 2022, disponible sur https://bti-project.org/en/reports/country-report/LBY ; Security Council, United Nations Support Mission in Libya - Report of the Secretary-General, S/2022/932, 9 décembre 2022, p. 1, 5, 8 s., 11, 15 s., disponible sur <https://reliefweb.int/report/libya/united-nations-support-mission-libya-report-secretary-general-s2022932-enar> ; Human Rights Council, Report of the Independent Fact-Finding Mission on Libya, A/HRC/50/63, 27 juin 2022, p. 5 s., 9, 14, disponible sur <https://reliefweb.int/report/libya/report-independent-fact-finding-mission-libya-ahrc5063-advance-unedited-version-enar> ; Al Monitor, Power struggle continues in Libya, 8 septembre 2022, disponible sur <https://www.al-monitor.com/originals/2022/09/power-struggle-continues-libya> ; Carnegie Endowment for International Peace, Libya: Tough Choices After Bashagha's Failure, 3 octobre 2022, disponible sur <https://carnegieendowment.org/sada/88078> ; ONU Info, La situation en Libye demeure « très volatile », explique l'ONU au Conseil de sécurité, 25 juillet 2022, disponible sur <https://news.un.org/fr/story/2022/07/1124402 , tous consultés le 23 avril 2024). Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence précitée, l'exigibilité d'un renvoi vers Tripoli ne peut être admise qu'exceptionnellement, en présence de circonstances particulièrement favorables. Cette jurisprudence est encore d'actualité (cf. notamment arrêt du TAF E-1936/2024 du 2 mai 2024 consid. 8.2)

31.         En l'espèce, la question de l'admission provisoire d'un étranger est liée à celle de l'exécutabilité de son renvoi. À cet égard, le fait que l'argumentation du recours serait limitée à des questions d'asile n'est pas en soi déterminant, dès lors que la décision querellée prononce le renvoi de la recourante sous l'angle de la LEI et que le tribunal de céans dispose d'une pleine cognition, sans être limité par l'argumentation de la recourante, mais uniquement par ses conclusions.

La recourante prétend que son renvoi à destination des EAU serait impossible, dès lors que son père n'y aurait plus d'autorisation de séjour valable. À teneur des éléments en mains du tribunal, soit le Certificate for Entry or Exit du 24 mai 2023 émanant des autorités des EAU, l'autorisation de séjour de son père est échue depuis le 4 janvier 2021, sans que ce dernier ait manifestement quitté le pays, puisqu'aucune date de sortie n'y est indiquée. Si lors de l'audience du 7 mai 2024, la recourante a déclaré au tribunal de céans que son père avait obtenu la reconduction de son autorisation de séjour, aucun élément probant à ce sujet n'a cependant été transmis au tribunal. Or, les déclarations non-démontrées ne sauraient être suffisantes à elles-seules pour que le tribunal admette le droit de séjour de la recourante aux EAU. Dans ces circonstances, il n'est en l'état pas certain qu'elle puisse être renvoyée vers ce pays tiers dont elle n'a pas la nationalité, de sorte que le tribunal de céans ne peut pas confirmer la décision querellée sur ce point.

S'agissant de son renvoi à destination de la Libye, la jurisprudence du TAF au sujet du caractère exceptionnel de l'exigibilité d'un renvoi vers Tripoli est encore d'actualité. Si la chambre administrative a certes jugé, au sujet de la sœur de la recourante, que le renvoi était exigible le 12 avril 2022 (ATA/397/2022), il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agissait du refus de renouvellement d'une autorisation de séjour pour études, soit une situation différente de celle d'une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur. En outre, il ressort des différents éléments du dossier, notamment les actes de recours produits par devant le tribunal et la chambre administrative dans le cadre de cette précédente procédure qu'aucun obstacle au renvoi n'avait été invoqué, ce qui justifiait ainsi d'admettre que les circonstances étaient favorables par rapport à la situation de la recourante à cette époque. Cela étant, dans le cadre de la présente procédure, la recourante allègue aujourd'hui que la situation de violence généralisée existante en Lybie, plus particulièrement à Tripoli, se serait aggravée depuis le prononcé de l'arrêt de la chambre administrative du 12 avril 2022, de sorte que les circonstances ne seraient a priori plus aussi favorables qu'avant, ce qui justifie en soi que l'autorité se repenche sur la question. Or, dans la décision querellée, l'OCPM n'a manifestement pas examiné s'il existait aujourd'hui des conditions favorables à son renvoi à destination de la Lybie, se contentant d'affirmer que, le cas échéant, la recourante pourrait y retourner si son père était lui aussi amené à y retourner si son autorisation de séjour aux EAU n'était pas renouvelée. Il apparait ainsi que la décision est lacunaire sur ce point et que des compléments d'instruction sont nécessaires.

Il sera néanmoins rappelé à la recourante qu'en vertu de l'art. 90 LEI, celle-ci est tenue de collaborer à l'établissement des faits et ne peut se contenter de ne pas répondre aux sollicitations de l'autorité intimée.

32.         Au vu de ce qui précède, le recours est admis partiellement et le dossier renvoyé à l'OCPM pour complément d'instruction, afin qu'il examine si le renvoi tant à destination des EAU que de la Lybie est aujourd'hui exigible.

33.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et l'avance de frais de CHF 500.- sera restituée à la recourante.

34.         Une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'OCPM, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 novembre 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 24 octobre 2023 ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour qu'il reprenne l'instruction du dossier au sens des considérants ;

4.             renonce à percevoir un émolument ;

5.             ordonne la restitution à Madame A______ de l’avance de frais de CHF 500.- ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal de la population et des migrations, à verser à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière