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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2007/2021

JTAPI/665/2022 du 23.06.2022 ( AMENAG ) , ADMIS PARTIELLEMENT

PARTIELMNT ADMIS par ATA/142/2023

Descripteurs : AMENDE;DÉCHET DE CHANTIER;ÉMOLUMENT
Normes : LaLPE.18.al1; LALPE.18.al2; LGD.43.al1; LGD.43.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2007/2021 AMENAG

JTAPI/665/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 juin 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Marc BALAVOINE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DEPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEV

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après: la SA ou la recourante) est une société qui a notamment pour but l'exploitation et la gestion de centres de tri des déchets de chantier et est assimilé. Elle exploite plusieurs centres de tri et de recyclage des déchets en Suisse romande, dont trois à Genève qui sont situés à B______, C______ et D______.

2.             Elle exploite le site de C______ depuis 2011 (initialement sous le nom d'une autre société qu'elle a reprise depuis lors). Elle y réceptionne principalement des déchets spécifiques des entreprises.

3.             Souhaitant y développer un centre de tri de haute performance, elle a déposé le 6 septembre 2016 auprès du service de géologie, sols et déchets (GESDEC) une requête en autorisation d'exploiter une installation d'élimination des déchets.

4.             Suite à certains compléments et adaptations demandées notamment par le service de l'environnement et des risques majeurs (SERMA), elle a déposé le 19 juin 2017 une nouvelle requête en autorisation d'exploiter une installation d'élimination des déchets.

5.             En parallèle à ces démarches, la SA a déposé une demande d'autorisation de construire, laquelle a été enregistrée sous n° DD 1______.

6.             Le 21 juin 2017, par l'intermédiaire de E______ SA, elle a déposé un rapport d'impact sur l'environnement dont le contenu sera évoqué ci-après en droit dans la mesure utile.

7.             Elle a également signé et produit le 19 juin 2017, un document établi par E______ SA, intitulé « Règlement d'exploitation – pièce n° 3 de la demande d'autorisation d'exploiter », dont le contenu sera également évoqué ci-après en droit dans la mesure utile.

8.             Le ______ janvier 2018, sous n° 2______, la direction générale de l'environnement au sein du département de l'environnement, des transports et de l'agriculture, a délivré à la SA l'autorisation qu'elle avait sollicitée. Récapitulant brièvement les faits conduisant à cette décision et motivant en droit les raisons de l'octroi de l'autorisation, cette décision contient un dispositif en 18 points. Son point 3 indique que « l'installation comprend les équipements et fonctionne de la manière décrite dans le dossier de requête en autorisation du 21 juin 2017 (sic) ». Pour le surplus, le contenu de cette décision sera évoqué ci-après en droit dans la mesure utile.

9.             Le 17 décembre 2019, l'office cantonal de l'environnement (OCE) au sein du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a adressé à la SA un courrier l'informant en substance que lors de contrôles de livraison effectués à l'usine des F______, il avait été constaté une baisse significative des déchets incinérables livrés par les centres de tri de la recourante depuis le début de l'année 2019. Le respect de la zone d'apport des F______ pour les déchets incinérables de la recourante était une charge liée à ses autorisations d'exploiter. En cas de non-respect de ces autorisations, la loi permettait le retrait de ces dernières ainsi que le prononcé d'une amende administrative. Par ailleurs, l'usine des F______ avait informé l'autorité de l'augmentation significative des déchets livrés par la SA au tarif « code 40 », ainsi que de la qualité insuffisante de ceux-ci. Comme déjà mentionné précédemment, le recours au tarif préférentiel « code 40 » ne s'appliquait qu'à des déchets triés dont la qualité était jugée suffisante. Dans ce cadre, les services industriels de Genève (SIG) effectuaient des contrôles de livraison et déclassaient systématiquement en « code 10 » chaque livraison non conforme. Si les livraisons non conformes persistaient, la sanction, outre une amende, pourrait être la décision d'interdire de livrer des déchets au tarif « code 40 » durant une période déterminée.

10.         Suite à ce courrier, la SA et le GESDEC ont échangé une correspondance fournie durant l'année 2020, en campant sur leurs positions respectives. La SA a notamment produit à la demande du département, le 25 février 2020, une clé USB contenant un fichier Excel sous forme de tableaux récapitulant toutes les entrées de déchets pour les six mois précédant dans ses centres de B______ et de C______. Par la suite, la SA a encore fourni d'autres documents.

11.         Par courrier du 6 octobre 2020, le GESDEC a informé la SA de son intention de prononcer une amende à son encontre au motif qu'elle avait livré des déchets incinérables dans d'autres cantons depuis son centre de C______. Elle pouvait exercer son droit d'être entendue. Par ailleurs, le GESDEC sommait la SA de respecter son autorisation d'exploiter en lui indiquant qu'en cas de récidive, une amende administrative, voit le retrait de l'autorisation d'exploiter, pourrait être prononcé.

12.         Suite à deux courriers ultérieurs de la SA faisant part de son incompréhension quant à la portée de la lettre du 6 octobre 2020, le GESDEC a répondu le 30 novembre 2020 qu'il avait effectivement commis une erreur et qu'il s'agissait d'un rappel au respect de l'autorisation d'exploiter n° 2______, et non pas l'ouverture d'un droit d'être entendu avant le prononcé d'une amende.

13.         Le 8 décembre 2020, sous la plume de son conseil, la SA a réitéré qu'elle respectait scrupuleusement les charges de son autorisation d'exploiter.

14.         Par courrier du 25 février 2021, le GESDEC a rappelé à nouveau sa position selon laquelle, en substance, l'ensemble des déchets incinérables traités par la SA sur le site de C______ devaient être acheminés à l'usine des F______. Ce courrier se termine comme suit : « Compte tenu de ce qui précède, le DT enjoint votre mandante à respecter l'obligation d'acheminer ses déchets incinérables non urbains aux F______. En cas de persistance de [la SA] à violer son autorisation, le DT se réserve le droit de prononcer une ou plusieurs amendes administratives qui tiendront compte de la récidive (art. 43 al. 1 LGD), ou/et une potentielle interdiction, sur le site de [la SA] C______, de toute activité générant des déchets incinérables non urbains (art. 38 let. d LGD) ».

15.         Par courrier du 24 mars 2021, la SA, sous la plume de son conseil, a pris note de la clôture de la procédure et relevé qu'après 15 mois d'instruction, le GESDEC n'avait pas été en mesure de donner de la consistance à ses reproches. Elle réitérait le fait qu'elle ne partageait pas d'appréciation du GESDEC concernant l'étendue de la zone d'apport, tout en confirmant respecter les conditions de son autorisation d'exploiter.

16.         Le 31 mars 2021, le GESDEC a adressé à la SA un courrier intitulé « Droit d'être entendu avant amende », mentionnant d'une part les échanges de courrier intervenus depuis décembre 2019 et, d'autre part, le fait qu'il avait été à nouveau constaté, le 26 mars 2021, une livraison d'incinérables non urbains à l'usine d'incinération de G______ SA à H______.

17.         Par courrier du 19 avril 2021, la SA a indiqué qu'elle n'était pas en mesure de se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés. Elle n'avait en effet pas eu accès aux pièces du dossier, s'agissant notamment du constat relatif à la livraison du 26 mars 2021 à l'usine G______ SA. Elle invitait dès lors le GESDEC à lui remettre tous les éléments justifiant de prononcer une amende à son encontre.

18.         Le 7 mai 2021, le GESDEC a adressé à la SA une amende administrative pour « Violations répétées de l'autorisation d'exploiter n° 2______ ». Il était précisé que l'ultime violation du 26 mars 2021 n'était pas prise en compte dans le cadre de la présente amende, laquelle était prononcée en raison du fait que la recourante « à violer à de très nombreuses reprise son autorisation d'exploiter ( ), en éliminant des déchets incinérables dans d'autres installations que celle prévue par l'autorisation d'exploiter précitée, à savoir l'usine des F______ ». L'amende était fixée à CHF 20'000.- et un émolument de décision de CHF 7'965.- était mis à la charge de la SA. Pour le surplus et dans la mesure utile, les motifs de la décision seront évoqués ci-après dans la partie en droit.

19.         Par acte du 9 juin 2021, la SA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation.

20.         Outre les faits mentionnés ci-dessus, elle a indiqué que jusqu'en 2019, elle avait fait le choix d'acheminer la majeure partie des déchets incinérables issus de ses sites de B______ et de C______ à l'usine des F______, compte tenu du rabais sur le tarif d'incinération (« code 40 ») dont elle bénéficiait. Cependant, par courrier du 12 juillet 2018, les SIG lui avaient indiqué qu'ils avaient décidé de supprimer dès le 1er septembre 2018 le rabais accordé selon ce code. Il était expliqué à ce sujet que ce rabais avait été accordé jusque-là au vu de la quantité importante de déchets livrés, qui avaient permis aux SIG de produire une quantité d'énergie appréciable. En préparation du chantier des F______ IV, les SIG avaient néanmoins été forcés d'arrêter l'une des deux turbines produisant l'énergie électrique, de sorte que le bénéfice obtenu par la valorisation de cette énergie avait fortement diminuée. Les SIG n'étaient ainsi plus en mesure de répercuter celui-ci sur le tarif de prise en charge des déchets. La SA avait ainsi été contrainte de former recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, mais les SIG avaient finalement révoqué leurs décisions et la SA avait ainsi continué à bénéficier du rabais prévu par le « code 40 ». La suppression de ce rabais était finalement intervenue à l'initiative des SIG en octobre 2019, par le biais d'une modification du règlement sur la gestion des déchets, entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Suite à cela, la SA avait été contrainte de rechercher de nouvelles filières d'incinération au vu des tarifs prohibitifs pratiqués par l'usine des F______ la différence avec le « code 40 » engendrait des coûts supplémentaires annuels se chiffrant en plusieurs centaines de milliers de francs.

21.         Sur le plan juridique, la SA considère tout d'abord que ni le droit fédéral, ni le droit cantonal n'impose l'usine des F______ comme zone d'apport pour d'autres déchets incinérables que les déchets urbains.

22.         Ensuite, l'autorisation d'exploiter n° 2______ ne pourrait être interprétée comme étant assortie d'une charge qui l'obligerait à livrer tous ses déchets incinérables à l'usine des F______. En outre, quand bien même une telle charge existerait, elle ne serait pas valide sur le plan légal et ne respecterait pas non plus les principes constitutionnels.

23.         Quant à l'amende, elle ne reposerait sur aucune base légale claire.

24.         Elle consacrerait également une violation du principe de l'autorité de chose décidée et du principe de la bonne foi, compte tenu de la décision prise par le GESDEC le 25 février 2021, clôturant la procédure sans prononcer d'amende.

25.         La décision litigieuse consacrerait en outre une violation du droit d'être entendu, dès lors qu'elle n'avait pas eu accès aux documents relatifs à la prétendue infraction commise le 26 mars 2021.

26.         L'amende serait par ailleurs manifestement excessive.

27.         Enfin, l'émolument prononcé dans la décision litigieuse violerait le principe de couverture des frais et de l'équivalence.

28.         Le département a répondu recours par écritures du 25 août 2021, qu'il a corrigé par une nouvelle écriture du 27 septembre 2021. Ses arguments seront examinés ci-après en droit dans la mesure utile.

29.         La SA a répliqué par écritures du 1er novembre 2021, reprenant en substance ses arguments précédents. Il sera fait mention de l'argumentation de la réplique ci-après en droit dans la mesure utile.

30.         Le département a dupliqué le 7 décembre 2021.

31.         Il a ensuite produit le 14 décembre 2021 une pièce supplémentaire, à savoir un rapport de surveillance établi le 7 décembre 2019, suite à la demande formulée par le GESDEC le 12 novembre 2019, par la société I______ SA, concernant une surveillance et une filature de poids lourds quittant le site de la SA à C______ dans la période du 2 au 6 décembre 2019. Ce document établi le voyage de plusieurs poids-lourds à destination d'usines d'incinération notamment à J______ et à K______.

32.         Le département a encore produit d'autres pièces par courrier du 21 décembre 2021.

33.         Enfin, la SA a produit une ultime détermination le 3 février 2021, développant à nouveau les griefs de son recours.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par la destinataire de la décision attaquée, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Sans en prendre formellement la conclusion, la recourante sollicite dans ses développements l'audition des parties.

4.             Le droit d’être entendu, garanti expressément par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant à sa situation juridique, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d’en produire, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 mars 2003 consid. 2.1 ; ATA/404/2007 du 28 août 2007 ; ATA/384/2005 du 24 mai 2005). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.212/2008 du 3 septembre 2008 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/489 2008 du 23 septembre 2008 consid. 9). L'audition des parties ne s'avère nécessaire que dans la mesure où l'instruction écrite révèle des lacunes auxquelles seule cette mesure permettrait de remédier (ATF précité du 8 juillet 2003, consid. 4.2).

5.             En l'espèce, comme on le verra ci-dessous, le dossier contient sous la forme de documents écrits l'ensemble des éléments nécessaires pour trancher le litige, de sorte que l'audition des parties apparaît superflue et qu'il ne sera donc pas donné suite à cette demande d'instruction.

6.             La recourante se plaint tout d'abord de la violation de son droit d'être entendu, grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier. Cette violation découlerait du fait que malgré sa demande, elle n'aurait jamais eu accès au constat relatif à une livraison de déchets incinérables non urbains à l'usine d'incinération de G______ SA le 26 mars 2021.

7.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'administré de prendre connaissance de son dossier et de s'exprimer à ce sujet avant qu'une décision ne soit prise à son égard.

8.             En l'espèce, le grief de la recourante tombe à faux, dès lors que la décision litigieuse indique expressément ne pas prendre en considération la prétendue infraction du 26 mars 2021. En effet, le fait que la recourante n'ait pas eu accès aux documents relatifs à cette infraction demeure sans conséquence dans le cadre d'une procédure qui ne l'incluait pas.

9.             Le grief de violation du droit d'être entendu sera par conséquent rejeté.

10.         La recourante soutient que la décision attaquée violerait l'autorité de la chose décidée ainsi que le principe de la bonne foi, au motif que l'autorité intimée aurait dans un premier temps clôturé la procédure ouverte contre elle par une simple injonction de respecter son autorisation d'exploiter, prononcée le 25 février 2021, avant d'ouvrir une nouvelle procédure quelques semaines plus tard en raison d'une nouvelle violation prétendument commise le 26 mars 2021. Finalement, l'autorité intimée aurait expressément renoncé à tenir compte de cette dernière et aurait prononcé la décision litigieuse en se basant exclusivement sur les mêmes faits que ceux qui l'avaient conduite à clôturer la procédure par décision du 25 février 2021.

11.         Ces griefs doivent être examinés en premier, car, à supposer qu'il faille donner raison à la recourante, toute la problématique de fond n'aurait pas à être examinée.

12.         Avant d'examiner les aspects juridiques de ces griefs, il convient tout d'abord de déterminer si l'autorité intimée a effectivement rendu deux décisions sur le même objet et adopté deux positions différentes.

13.         Les écritures adressées par l'autorité intimée à la recourante le 25 février 2021 rappellent les échanges de correspondance qui ont eu lieu précédemment entre les parties, puis la position de l'autorité intimée, maintenant que la recourante était tenue d'incinérer à l'usine des F______ les déchets incinérables non urbains résultant de ses activités. Au terme de ces écritures, il est indiqué que « Compte tenu de ce qui précède, le DT enjoint [la recourante] à respecter l'obligation d'acheminer ses déchets incinérables non urbains aux F______. En cas de persistance de [la recourante] à violer son autorisation, le DT se réserve le droit de prononcer une ou plusieurs amendes administratives qui tiendront compte de la récidive (art. 43 al. LGD), ou/et une potentielle interdiction, sur le site de [la recourante] C______, de toute activité générant des déchets incinérables non urbains (art. 38 let. d LGD) ».

14.         Il convient donc de déterminer s'il s'agissait là d'une décision.

15.         Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Quant aux décisions fondées sur l’art. 4A LPA, elles portent sur des actes illicites de l’autorité compétente, qui sont fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et qui touchent les droits ou obligations d’une personne ayant un intérêt digne de protection (art. 4A al. 1 LPA).

16.         En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu'elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l'adoption d'une mesure plus restrictive à l'égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement ne possède pas un tel caractère, il n'est pas sujet à recours (ATA/715/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3 ; ATA/537/2014 du 17 juillet 2014 consid. 2 ; ATA/104/2013 du 19 février 2013 consid. 2).

17.         Selon l'art. 43 al. 1 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) , est passible d’une amende administrative de 200 francs à 400 000 francs tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b) et aux ordres donnés par l’autorité compétente dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes physiques (al. 2). Le délai de prescription est de 7 ans (al. 3).

18.         Ainsi que cela résulte de cette disposition légale, la LGD ne prévoit pas expressément la possibilité pour l'autorité d'exécution de la loi de prononcer un avertissement avant d'infliger une amende et, surtout, ne conditionne pas une telle sanction au prononcé préalable d'un avertissement.

19.         En l'espèce, le courrier de l'autorité intimée du 25 février 2021 doit être clairement compris comme un avertissement adressé à la recourante : enjointe à respecter désormais ses obligations, celle-ci se voit informée du fait qu'une amende pourrait être prononcé à son encontre en cas de persistance à violer son autorisation d'exploitation. Conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, dans la mesure où un tel avertissement n'est pas nécessaire avant qu'une amende ne soit prononcée au sens de la LGD, le courrier de l'autorité intimée du 25 février 2021 ne peut pas être considéré comme une décision sujette à recours.

20.         Cela permet d'écarter la question de savoir si la décision litigieuse constituerait une reconsidération d'une décision antérieure et si elle respecterait les conditions légales d'une telle reconsidération, ce que la recourante mettait en cause au motif d'une prétendue violation de l'autorité de chose décidée.

21.         Reste à examiner si le courrier du 25 février 2021 a pour conséquence que la décision litigieuse violerait le principe de la bonne foi.

22.         Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/ F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430, n. 5.3.2.1).

23.         Si les conditions qui précèdent sont remplies, l'autorité doit honorer la promesse donnée, malgré la dérogation à la loi, sauf si un intérêt public ou privé (d'un tiers) particulièrement important l'emporte sur la protection de la bonne foi (T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 197 n. 579).

24.         En l'espèce, la question de savoir si le courrier du 25 février 2021 peut être considéré comme une promesse concrète à l'égard de la recourante et donc si la première des cinq conditions susmentionnées est réalisée, peut rester ouverte, car la quatrième de ces conditions n'est manifestement pas remplie (la personne a pris des dispositions qu'elle ne peut modifier sans subir de préjudice). En effet, la recourante n'indique pas quelle disposition, prise en se fondant sur le courrier du 25 février 2021, lui ferait désormais subir un préjudice en raison de la décision litigieuse. Il apparaît au contraire que la recourante, pourtant avertie du fait que la persistance de son comportement pourrait conduire au prononcé d'une amende à son encontre, a maintenu la pratique qu'elle défendait déjà avant le courrier du 25 février 2021 et qu'elle défend encore dans le cadre de la présente procédure.

25.         Dans ce cadre, le courrier adressé par l'autorité intimée à la recourante le 31 mars 2021 ne modifie en rien les développements qui précèdent : dès lors que le courrier du 25 février 2021 ne peut être considéré comme une première décision ni comme une promesse quelconque à la suite de laquelle la recourante aurait pris des dispositions préjudiciables à ses intérêts, il est sans pertinence que l'autorité intimée ait tout d'abord annoncé vouloir étendre la sanction à une prétendue nouvelle infraction commise le 26 mars 2021, puis ait finalement renoncé à inclure cette dernière dans la décision litigieuse.

26.         Le tribunal relèvera encore que le courrier de l'autorité intimée du 25 février 2021 et sa décision litigieuse n'ont pas le caractère contradictoire que leur prête la recourante. En réalité, même si l'avertissement prononcé par l'autorité intimée le 25 février 2021 s'explique, comme elle l'a clairement exprimé dans ses écritures, par son souci d'éviter si possible de s'engager dans une procédure judiciaire, on comprend qu'il s'agissait d'une ultime invitation faite à la recourante de modifier sa pratique. La réponse que cette dernière a apporté à ce sujet dans son courrier du 24 mars 2021 est allé exactement en sens opposé, en insistant implicitement sur le fait qu'elle entendait continuer à faire incinérer ailleurs qu'aux F______ une certaine partie de ses déchets. Dans ces conditions, l'autorité intimée n'avait d'autre choix que de prononcer la sanction qu'elle avait encore espéré pouvoir éviter jusque-là.

27.         Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le grief de violation de l'autorité de chose décidée et du principe de la bonne foi.

28.         Il reste à présent à examiner si la recourante a l'obligation d'amener à l'usine des F______ non seulement ses déchets incinérables urbains (ce qu'elle ne conteste pas), mais également ses déchets incinérables non urbains, étant précisé qu'il est établi par le dossier qu'elle a régulièrement amené des déchets de son site de C______ dans d'autres usines d'incinération en Suisse, voire à l'étranger.

29.         À cet égard, l'autorité intimée soutient tout d'abord que sur le plan légal, l'usine des F______ est une zone d'apport obligatoire pour tous les déchets incinérables, urbains ou non urbains, comme le prévoient selon elle les PGD dans leurs versions successives. Par ailleurs, elle fait également valoir, en substance, que le mode d'exploitation de la recourante a pour conséquence que des déchets incinérables urbains se retrouvent mélangés à des déchets incinérables non urbains, de sorte que l'ensemble doit être considéré comme des déchets incinérables urbains. Enfin, elle soutient que l'autorisation d'exploiter implique l'obligation d'amener à l'usine des F______ l'ensemble des déchets incinérables issus de l'activité de la recourante, sans qu'il importe finalement de déterminer s'il s'agit de déchets urbains ou non urbains.

30.         Il suffirait que l'un de ces arguments soit juridiquement fondé pour que l'on puisse retenir que le fait d'amener des déchets à d'autres centres d'incinération que l'usine des F______ constitue une infraction, dont il conviendrait ensuite d'examiner si elle peut être sanctionnée d'une amende.

31.         Le tribunal se contentera ci-après d'examiner et de confirmer le bien-fondé du troisième de ces arguments (à savoir que l'autorisation d'exploiter implique d'amener tous les déchets incinérables à l'usine des F______), puisque cela permet de s'en tenir au cas particulier de la recourante, sans avoir à trancher des questions de principe relatives à la portée de la législation en matière de déchets ou des PGD.

32.         Dans un ATF 137 II 257 du 4 juillet 2011, le Tribunal fédéral a retenu que « Le chapitre 4 de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (loi sur la protection de l'environnement, LPE; RS 814.0) règle le sort des déchets, par quoi l'on entend les choses meubles dont le détenteur se défait ou dont l'élimination est commandée par l'intérêt public (art. 7 al. 6 LPE; cf. sur la notion de déchets: ATF 123 II 359 ainsi qu'ALEXANDRE FLÜCKIGER, La distinction juridique entre déchets et non déchets, DEP 1999 p. 90 ss et les références citées). C'est aux cantons que revient le devoir de planifier la gestion de leurs déchets (art. 31 al. 1 LPE). L'art. 30 LPE fixe les principes généraux en la matière: non seulement la production de déchets doit être limitée et ces derniers valorisés dans la mesure du possible (al. 1 et 2), mais encore les déchets doivent être éliminés (cf. art. 7 al. 6bis LPE) d'une manière respectueuse de l'environnement et, pour autant que ce soit possible et approprié, sur le territoire national (al. 3). Il est par conséquent interdit d'incinérer les déchets ailleurs que dans une installation (cf. art. 7 al. 7 et art. 30h LPE), à l'exception des déchets naturels, provenant des forêts, des champs et des jardins, si leur incinération n'entraîne pas d'immissions excessives (art. 30c al. 2 LPE). Les art. 30 ss et 31 ss LPE réglementent l'élimination des déchets. Lorsqu'elle désigne celui à qui revient le devoir d'éliminer les déchets, la loi sur l'environnement instaure deux catégories: elle distingue les déchets urbains (art. 31b LPE) des autres déchets (art. 31c LPE). Les déchets urbains, par quoi l'on entend les déchets provenant des ménages ainsi que les autres déchets de composition analogue (art. 3 al. 1 de l'ordonnance du 10 décembre 1990 sur le traitement des déchets [OTD; RS 814.600] [devenue depuis lors l'ordonnance sur la limitation et l'élimination des déchets du 4 décembre 2015 – OLED – RS 814.600] ; cf. ATF 125 II 508 consid. 6 p. 512 s.), auxquels s'ajoutent les déchets de la voirie et des stations publiques d'épuration des eaux usées ainsi que les déchets dont le détenteur ne peut être identifié ou est insolvable, sont éliminés par le canton (art. 31b al. 1 1re phrase LPE), sous réserve des déchets régis par des prescriptions fédérales particulières mentionnées par l'art. 31b al. 1 2e phrase LPE dont l'élimination est réglée par l'art. 31c LPE. En raison de l'obligation imposée au détenteur par l'art. 31b al. 3 LPE, la jurisprudence a précisé qu'il s'agit d'un véritable monopole d'élimination des déchets en faveur des cantons institué par le droit fédéral et conforme à la liberté économique (ATF 123 II 359 consid. 5b p. 368). Le canton peut déléguer cette tâche aux communes (ATF 125 II 508 consid. 5a p. 511; ATF 123 II 359 consid. 5a p. 367) » (c. 3.1 et ss p. 260).

33.         Dans un très récent arrêt destiné à la publication (1C_177/2021 du 10 mars 2022), le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence sur le monopole dont disposent les cantons s'agissant de l'élimination des déchets urbains, tout en rappelant qu'en revanche, « il existe en principe une liberté d'action de l'économie privée pour l'élimination des autres déchets (cf. art. 31c LPE ; ATF 131 II 271 consid. 9.2.1 ; 126 II 26 consid. 3b) ».

34.         La recourante se sert de cette distinction entre les autorisations soumises à la clause du besoin et celles qui, dites de police, relèvent de la liberté économique et doivent être délivrées par l'autorité compétente lorsque les conditions en sont remplies, pour soutenir qu'une clause accessoire ne peut être inscrite dans une décision que si la loi le permet. Par conséquent, toujours selon la recourante, ce n'est que lorsque l'autorité dispose d'une marge d'appréciation pour accorder ou refuser une prestation qu'une charge peut être imposée sans base légale formelle, à condition toutefois de respecter les autres principes constitutionnels et que la charge entretienne un certain rapport avec l'objet de la décision.

35.         La question du bien-fondé théorique de ce point de vue peut cependant rester en suspens, car la recourante perd de vue que son autorisation d'exploiter, ainsi que la clause qui, selon l'autorité intimée, doit être interprétée comme obligeant la recourante à amener tous ses déchets incinérables à l'usine des F______, est entrée en force de chose décidée, faute d'avoir fait l'objet d'un recours lors de sa délivrance. Comme dans l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 que la recourante cite elle-même, l'autorité de chose décidée de l'autorisation d'exploiter n° 2______ du ______ janvier 2018 ne permet plus de remettre en question la légalité de la charge imposée à la recourante, mais seulement d'examiner si cette dernière serait frappée d'une nullité absolue, nullité qui peut être invoquée et constatée en tout temps. Or, comme dans l'arrêt du Tribunal fédéral qui vient d'être cité, il y a lieu de constater en l'espèce que l'autorisation d'exploiter assortie de la charge litigieuse a été délivrée par l'autorité compétente et que cette charge ne sort pas du domaine de compétence générale de cette autorité. Par conséquent, l'autorité n'a pas outrepassé ses compétences de manière manifeste. Dès lors, le grief de violation du principe de la légalité soulevé par la recourante se confond avec celui lié à l'incompétence matérielle de l'autorité et aurait pu donner lieu à un contrôle juridictionnel dans le cadre de la voie ordinaire du recours contre cette charge. Le système d'annulabilité institué par la loi offrait ainsi à la recourante la protection nécessaire pour contester cette charge, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'écarter du principe de la validité de l'autorisation entrée en force.

36.         Il résulte de ceci que seule se pose la question de savoir si l'autorisation d'exploiter du ______ janvier 2018 contient bel et bien une condition ou une charge obligeant la recourante à amener tous ses déchets incinérables à l'usine des F______. C'est ce qu'il convient d'examiner à la lumière des éléments qui suivent.

37.         Dans sa requête en autorisation d'exploiter une installation d'élimination des déchets, signée à la date du 6 septembre 2016, la recourante a indiqué quels seraient les types de déchets éliminés dans son installation (point 2.1 de la requête), à savoir les déchets ménagers ; les déchets industriels ; les déchets de chantier ; les déchets spéciaux ; les appareils électriques et électroniques. Au titre des procédés d'élimination (point 3.2 de la requête), elle a indiqué qu'il s'agirait du tri/recyclage et du transfert/conditionnement. Au titre des filières d'élimination des sous-produits (point 3.4 de la requête), elle a indiqué pour chaque catégorie de sous-produits leur destination. Ainsi, les incinérables étaient destinés à l'UTVD des F______, les DCMI étaient destinés à la décharge de catégorie B, les déchets spéciaux au CTDS (centre de traitement des déchets spéciaux), la « valorisation matière » était destinée aux filières de valorisation appropriées et enfin, la ferraille était destinée au secteur de l'aciérie en Suisse et en Europe.

38.         Le rapport d'impact sur l'environnement établi par E______ le 21 juin 2017 indique notamment la nature et les quantités de déchets réceptionnés actualisées (point 4.2 du rapport). Il est renvoyé au Tableau 1 destiné à présenter « les différentes catégories et quantité de déchets dans la prise en charge est prévue sur la plate-forme de C______ après mise en exploitation de l'al de tri, avec indication des codes LMoD correspondant :

·         les types et quantité de déchets réceptionnés

·         de leur provenance et origine

·         des opérations prévues sur le site

·         des fractions et sous-produits issus des opérations effectuées sur le site avec indication des filières de valorisation, traitement ou stockage définitif envisagées ».

39.         Le Tableau 1 détaille dans la première colonne les types de déchets traités sur le site et dans la dernière colonne les « filières de valorisation, traitement final, stockage définitif ». Dans cette dernière colonne, l'UTVD des F______ est désignée pour les déchets industriels à trier, les déchets urbains d'entreprise, les déchets de chantier non triés et enfin les déchets de bois problématiques. Pour tous les autres types de déchets désignés dans ce tableau, les destinations indiquées concernent soit divers types de décharges, soit diverses filières de valorisation ou de méthanisation, soit le transfert vers la succursale de la recourante à D______, soit l'évacuation vers une installation adaptée pour la séparation des métaux, soit le négoce, soit encore le centre de traitement des déchets spéciaux.

40.         Le rapport d'impact met également en avant la « synthèse des mesures pour la phase d'exploitation » (point 8.2 du rapport) et indique à ce titre que « les déchets transférés sur le site devront être envoyés à la filière d'élimination ou de valorisation appropriée définie par le règlement d'exploitation ».

41.         Le « règlement d'exploitation – pièce n° 3 de la demande d'autorisation d'exploiter », signé par la recourante le 19 juin 2017, ne contient cependant aucune indication spécifique concernant les filières d'élimination des déchets, comme en convient la recourante dans la présente procédure.

42.         Le 24 octobre 2017, le SERMA a préavisé favorablement, mais sous conditions et avec souhaits, la demande d'autorisation de construire qui se rattachait à la construction de la nouvelle halle de tri

43.         le ______ janvier 2018, l'autorité intimée a délivré l'autorisation d'exploiter n° 2______. Cette autorisation relève notamment, dans sa partie en fait, qu'en date du 9 (sic) septembre 2016, « la requérante a déposé un dossier complet de requête en autorisation de construire et d'exploiter une installation de traitement de déchets auprès de l'office des autorisations de construire ( ). Ce dossier inclut ( ) la création d'une nouvelle halle de tri de déchets. Le dossier remis reprend l'ensemble des activités développées sur le site ». Dans sa partie en droit, cette autorisation retient qu'en l'espèce, « la requérante a produit tous les documents utiles au sens de l'art. 40 RGD. Le 24 octobre 2017, le SERMA a préavisé le dossier favorablement sous conditions ; les conditions et charges contenues dans le rapport d'impact sur l'environnement daté du 21 juin 2017 peuvent ainsi être complétées dans la présente décision ». Enfin, le dispositif de cette autorisation, décliné en 18 points, prévoit notamment que « l'installation comprend les équipements et fonctionne de la manière décrite dans le dossier de requête en autorisation du 21 juin 2017 (sic) » (point 3 du dispositif).

44.         En regard des différents éléments rappelés jusqu'ici, la recourante soutient que l'autorisation d'exploiter n° 2______ ne contiendrait aucune charge qui l'obligerait à livrer l'intégralité des déchets incinérables issus de son centre de tri à l'usine des F______. La recourante souligne tout d'abord l'attitude selon elle contradictoire de l'autorité intimée, qui aurait tout d'abord reproché de violer la zone d'apport obligatoire puis de violer son autorisation concernant le centre de B______, avant de se raccrocher au régime de la charge dont serait assortie l'autorisation relative au site de C______. Cette argumentation n'aurait ainsi été développée que pour les besoins de la cause. Quoi qu'il en soit, il n'était pas possible de soutenir que le point 3 du dispositif de l'autorisation d'exploiter imposent l'obligation de remettre l'intégralité des déchets incinérables bal usine des F______. Le dossier de requête en autorisation faisait référence au rapport d'impact sur l'environnement de plus d'une centaine de pages, décrivant de manière détaillée le fonctionnement du centre de tri, chaque étape de la chaîne, etc. Le point 3 du dispositif de l'autorisation devrait être compris comme référence à ce fonctionnement et la simple mention, dans un tableau figurant dans le rapport d'impact, que les déchets incinérables seraient acheminés à l'exutoire des F______ ne signifierait pas que ceci équivaudrait à une charge. La recourante cite à cet égard le rapport d'impact sur l'environnement (sans en indiquer la page), sur lequel « [la] zone d'apport qui s'applique à la fraction incinérable des déchets urbains (déchets encombrants communaux et déchets urbains d'entreprises de moins de 250 postes selon l'OLED) et des déchets de chantier est respectée puisque de résidu de tri de cette fraction sera intégralement acheminé à l'usine de valorisation et de traitement des déchets (UTVD) des F______ ». Ainsi, il serait tout à fait clair que l'obligation de livrer la fraction incinérables de des déchets issus du centre de tri porterait uniquement sur les déchets urbains. Enfin, il fallait relever que le dispositif de l'autorisation d'exploiter ne faisait aucune référence au formulaire de la requête d'autorisation du 19 juin 2017. Enfin, la recourante avait mentionné dans le formulaire de requête d'autorisation d'exploitation l'usine des F______ comme exutoire pour les déchets incinérables à une époque où les tarifs pratiqués par cette dernière étaient moins élevés, dans la mesure où elle bénéficiait d'un rabais sur le code 40.

45.         Tout d'abord, le tribunal relèvera que le point 3 du dispositif de l'autorisation d'exploiter n° 2______ contient une simple erreur de plume et qu'il y a lieu de la considérer ainsi. Il n'existe en effet pas de « dossier de requête en autorisation du 21 juin 2017 », mais bien une requête en autorisation du 6 septembre 2016, laquelle a donné lieu à la constitution d'un dossier qui contient notamment le rapport d'impact sur l'environnement établi le 21 juin 2017. D'ailleurs, la mention de la requête en autorisation est également faite dans la partie en fait de l'autorisation d'exploiter, avec le renvoi à la date du 9 (sic) septembre 2016, elle aussi affectée d'une erreur de plume. La simple erreur de date concernant la requête en autorisation ne saurait en aucune façon affecter la validité du point 3 du dispositif de l'autorisation d'exploiter, sous peine de tomber dans un formalisme excessif, lequel est prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst.

46.         En outre, la partie en droit de l'autorisation d'exploiter n° 2______ indique que « les conditions et charges contenues dans le rapport d'impact sur l'environnement daté du 21 juin 2017 peuvent ainsi être complétées dans la présente décision ». Même si cette formulation est discutable du point de vue rédactionnel, on comprend néanmoins clairement que les conditions et charges contenues dans le rapport d'impact sur l'environnement sont intégrées à l'autorisation en question et font partie des conditions de cette dernière.

47.         Comme l'a relevé l'autorité intimée dans la présente procédure, il est d'usage qu'une autorisation renvoie aux documents constitués durant l'instruction lorsqu'ils contiennent des conditions, ce qui se justifie d'autant plus que le dossier d'autorisation se révèle complexe et contient de nombreux aspects. Ces documents peuvent par exemple correspondre à des plans, à des préavis, mais encore à des engagements pris par le requérant de l'autorisation. À plus forte raison, lorsque le dossier d'autorisation se fonde sur un cahier des charges ou sur la description minutieuse du fonctionnement d'une installation, comme en l'espèce, il tombe sous le sens que l'autorisation peut simplement, plutôt que de reprendre point par point chaque élément du dossier (et devenir elle-même aussi volumineuse que ce dernier), se contenter de préciser de manière générale qu'elle est soumise au respect des éléments contenus dans le dossier.

48.         Force est par conséquent de constater que le point 3 du dispositif de l'autorisation d'exploiter n° 2______ conditionne valablement cette dernière au respect du fonctionnement de l'installation de tri dans toutes ses dimensions. Or, ainsi que cela ressort sans ambiguïté du formulaire de requête d'autorisation lui-même, ainsi que du rapport d'impact sur l'environnement du 21 juin 2017, il n'existe pour les déchets incinérables, indépendamment du type de déchets dont il s'agit, qu'une seule destination d'incinération, à savoir l'usine des F______. Sous la rubrique « filières de valorisation, traitement final, stockage définitif », pas un seul des autres types de déchets traités sur le site de C______ n'est désigné en vue d'une élimination par incinération ; ils ne sont concernés que par les filières de valorisation, les décharges, etc. Le fait que le rapport d'impact sur l'environnement, dans le passage cité par la recourante (sans en donner la référence précise), désigne les déchets urbains et les déchets de chantier comme étant destinés à l'incinération à l'usine des F______ ne modifie en rien le fait que par ailleurs, ce document, tout comme la requête en autorisation d'exploiter elle-même, sépare clairement l'élimination des déchets par incinération (uniquement à l'usine des F______) et les autres filières. Ainsi, si la recourante, en cours d'exploitation, produit finalement d'autres déchets incinérables que ceux qu'elle avait initialement envisagés, ils entrent simplement dans la catégorie des déchets incinérables pour lesquels seule l'usine des F______ était prévue et acceptée.

49.         La recourante l'admet d'ailleurs à demi-mot, quand elle soutient que lorsque, dans le formulaire de requête, elle avait mentionné l'usine des F______ comme exutoire pour les déchets incinérables, c'était à une époque où elle bénéficiait d'un rabais. Le fait que les conditions financières de son exploitation ont changé ne la dispense pas du respect de l'autorisation y relative. Tout au plus, cette circonstance peut justifier de tenter de renégocier les conditions de l'autorisation, mais non pas de mettre l'autorité devant le fait accompli.

50.         À partir de cette conclusion, le grief de la recourante au sujet du fait que l'autorité intimée chercherait simplement à protéger les intérêts de l'État et en particulier de l'usine des F______, dont le fonctionnement et l'exploitation économique dépend du fait qu'elle reçoive suffisamment de déchets incinérés, est hors de propos. Quand bien même cela serait vrai, il n'en demeure pas moins qu'il existe à la charge de la recourante une obligation juridique à laquelle elle ne peut se soustraire.

51.         S'agissant toujours de savoir si son autorisation d'exploiter lui impose l'usine des F______ pour tous ses déchets incinérables, la recourante fait encore valoir que l'autorisation d'exploiter qui a été renouvelée en 2022 pour son site de B______ fait cette fois-ci expressément mention d'une charge selon laquelle tous les déchets incinérables doivent être acheminé à l'usine des F______, précision que l'autorité compétente aurait également jugé utile d'apporter désormais au PGD. Le tribunal ne saurait suivre la recourante dans cette argumentation, qui résulte d'une lecture biaisée des éléments qu'elle met en avant. En effet, le désaccord entre l'autorité intimée et la recourante dure depuis plus de trois ans et tient au fait que cette dernière conteste la portée de son autorisation d'exploiter, de sorte qu'il tout à fait logique que l'autorité intimée cherche à se prémunir à l'avenir d'un problème similaire en mettant les points sur les i.

52.         Reste encore à examiner l'amende elle-même, dont la recourante conteste tout d'abord la légalité.

53.         L'autorisation d'exploiter n° 2______ se fonde notamment sur la LGD. L'amende litigieuse se fonde quant à elle sur l'art. 18 de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70) et sur l'art. 43 LGD.

54.         Selon l'art. 18 al. 1 LaLPE, est passible d’une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400'000.- tout contrevenant :

a) à la présente loi;

b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi;

c) aux ordres donnés par l’autorité compétente dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

Selon l'al. 2 de la même disposition, les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes physiques.

Les al. 1 et 2 de l'art. 43 al. 1 LGD ont une teneur rigoureusement identique.

55.         La recourante soutient qu'aucune de ces deux dispositions ne prévoit qu'en cas de violation de son autorisation d'exploiter, l'exploitant s'expose à une amende. L'art. 26 LGD prévoirait uniquement qu'en cas de violations graves ou réitérées de la loi ou de décision, le département pourrait retirer l'autorisation d'exploiter en tout temps et sans indemnité.

56.         En soutenant cette argumentation, la recourante fait mine d'ignorer que de larges parties de la jurisprudence rendue en matière d'amendes administratives confirment sur le principe qu'une telle amende peut être prononcée en contrepartie de la violation d'une décision ou d'une autorisation, quand bien même la loi est libellée exactement dans les mêmes termes que les art. 18 al. 1 LaLPE et 43 LGD. C'est ainsi le cas, par exemple, suite à la violation d'une autorisation de construire délivrée sur la base de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), l'amende étant prononcée sur la base de l'art. 137 al. 1 LCI, dont la lettre est strictement identique à celle des deux dispositions susmentionnées (sous réserve du montant de l'amende). Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant le grief soulevé à ce sujet par la recourante, qui doit être rejeté.

57.         La recourante soutient encore que l'amende serait manifestement excessive.

58.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

59.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité et les références citées).

60.         Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

61.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

62.         S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence précise que l'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/440/2019 précité consid. 5c ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 consid. 18).

63.         Dans le cas d'espèce, le tribunal relèvera que l'autorité intimée était au courant des agissements illégaux de la recourante déjà depuis 2019, c'est-à-dire à peine une année après la délivrance de l'autorisation d'exploiter. Si l'on ne saurait reprocher à l'autorité intimée d'avoir tenté de privilégier le dialogue et d'amener tout d'abord la recourante à respecter son autorisation d'exploiter sans la réprimer, force est d'admettre que la forte amende prononcée au bout de ce processus, plus de deux ans après le constat des infractions, semble davantage illustrer la frustration résultant de l'échec de tous ces efforts, plutôt qu'un examen mesuré de l'ensemble de la situation, tenant compte notamment du fait qu'aucune autre amende n'avait été prononcée s'agissant du site en question.

64.         Certes, la décision litigieuse motive le montant de l'amende en regard des très nombreuses violations constatées, de la volonté délictuelle de la recourante, de la « récidive » faisant fi des appels répétés à se conformer à ses obligations, des motifs financiers des infractions, du mépris des intérêts publics importants en jeu et enfin du fait que les concurrents de la recourante acheminaient des déchets similaires aux F______. Cependant, le tribunal observera qu'il ne tenait qu'à l'autorité intimée de sanctionner plus rapidement la recourante, de manière à ce que celle-ci se retrouve réellement en situation de récidive en cas de nouvelles infractions et à ce qu'une amende d'un montant plus élevé soit cette fois prononcée. Si de « très nombreuses violations » ont été constatées jusqu'à la décision litigieuse, c'est bien parce que cette dernière est intervenue tardivement. La situation n'est ainsi pas la même que lorsque l'autorité découvre subitement que de nombreuses infractions ont eu lieu. Ici, autorité intimée a assisté durant plus de deux ans aux agissements de la recourante et il convient d'en tenir compte.

65.         Par conséquent, le tribunal ramènera le montant de l'amende à CHF 10'000.-.

66.         Le recours sera partiellement admis dans ce sens.

67.         Enfin, la recourante conteste le montant de l'émolument de CHF 7'965.- mis à sa charge par la décision litigieuse.

68.         Pour financer les activités que la constitution ou la loi le chargent d'exercer, l'État perçoit des contributions publiques, venant s'ajouter à d'autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l'emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par des collectivités publiques et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en impôts, en contributions causales et en taxes d'orientation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1).

69.         Les contributions publiques de nature causale sont des contre-prestations en argent que des justiciables doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou pour des avantages déterminés qu'elles leur octroient. Elles comportent notamment les émoluments, qui se subdivisent en plusieurs catégories, dont les émoluments de chancellerie, les émoluments administratifs, les taxes de contrôle, les émoluments d'utilisation d'un établissement public, les émoluments d'utilisation du domaine public. Les émoluments de chancellerie sont des contributions modiques exigées en contrepartie d'un travail administratif ne nécessitant pas un examen approfondi, essentiellement de secrétariat (ATF 138 II 70 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_439/2014 du 22 décembre 2014 consid. 6.1 ; ACST/12/2017 précité consid. 3a et les références citées).

70.         Lorsque les émoluments qui sont prélevés ne représentent qu'une contribution au coût de fonctionnement global de l'administration en cause, il appartient en principe au législateur de déterminer le montant desdits émoluments dans une loi formelle ou, au moins, d'imposer des limites à leur détermination par le pouvoir délégataire. A minima, ces limites prendront la forme d'un cadre ou d'un plafond, voire préciseront les bases de calcul des émoluments en cause (ATF 143 I 227 consid. 4.3.2).

71.         Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions causales ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l'ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l'administration (ATF 135 I 130 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2020 du 15 octobre 2020 consid. 6.3 ; ACST/12/2017 précité consid. 3d et les références citées). Les dépenses à prendre en compte ne se limitent pas aux frais directs ou immédiats générés par l'activité administrative considérée ; elles englobent les frais généraux, en particulier ceux de port, de téléphone, les salaires du personnel, le loyer, ainsi que les intérêts et l'amortissement des capitaux investis et des équipements. La subdivision administrative concernée se définit par référence à toutes les tâches administratives matériellement liées les unes aux autres, formant un ensemble cohérent. Les émoluments perçus pour des prestations fournies dans une subdivision administrative ne doivent pas nécessairement correspondre exactement aux coûts de chacune de ces prestations. Certaines prestations, qui coûtent relativement peu cher à l'administration, peuvent être taxées plus lourdement que leur prix de revient, et inversement. La collectivité peut compenser par un émolument perçu sur des affaires importantes l'insuffisance des émoluments prélevés pour d'autres opérations qui, en raison du peu d'intérêt qu'elles présentent, ne permettent pas de réclamer des émoluments couvrant tous les frais qu'elles occasionnent. Un certain schématisme est par ailleurs inévitable, le calcul des coûts considérés ne relevant pas des sciences exactes mais comportant une part d'appréciation. Les excès que cela pourrait impliquer sont, le cas échéant, corrigés par l'application du principe de l'équivalence (ACST/12/2017 précité consid. 3d et les références citées).

72.         Le principe de l'équivalence veut que le montant de la contribution causale exigée d'une personne déterminée se trouve en adéquation avec la valeur objective de la prestation fournie qu'elle rétribue. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le montant concrètement demandé et la valeur objective de la prestation administrative (rapport d'équivalence individuelle ; ATF 143 I 227 consid. 4.2.2). Cette valeur se mesure à l'utilité (pas nécessairement économique) qu'elle apporte à l'intéressé, ou d'après les dépenses occasionnées à l'administration par la prestation concrète en rapport avec le volume total des dépenses de la branche administrative en cause. Autrement dit, il faut que les contributions causales soient répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations qui leur sont fournies ou des avantages économiques qu'ils en retirent. Le principe d'équivalence n'exclut pas une certaine schématisation ou l'usage de moyennes d'expérience, voire des tarifs forfaitaires (ACST/12/2017 précité consid. 3e et les références citées).

73.         En l'occurrence, la décision litigieuse indique que le montant de l'émolument s'explique par les contestations de la recourante, qui ont eu pour conséquence de nécessiter de nombreuses interventions de l'office cantonal de l'environnement. Elle mentionne en outre que la capacité financière de la recourante permet amplement la couverture d'une grande partie des coûts induits par son propre comportement.

74.         L'autorité intimée a indiqué dans le cadre de la présente procédure que l'émolument susmentionné correspond au temps, largement sous-estimé, consacré par les collaborateurs du département pour arriver jusqu'à l'élaboration de la décision attaquée. Elle produit à cet égard un document faisant état d'un total de 5 heures consacrées au dossier par l'inspecteur cantonal pour la rédaction de courriers et pour la coordination de la procédure, au tarif horaire de CHF 135.-, de 62 heures fournies par un ingénieur pour des courriers, pour la coordination de la procédure et pour des analyses, au tarif horaire de CHF 115.- et à 2 heures fournies par le secrétariat au tarif horaire de CHF 80.-. L'autorité intimée ajoute que les pièces produites dans la présente procédure, de même que les six classeurs fédéraux et tableaux des entrées de la recourante représentant quelques 800 pages, devraient démontrer une partie du travail fourni.

75.         À ceci, la recourante répond que l'autorité intimée avait clôturé la première procédure en renonçant à réclamer un émolument et qu'elle avait ensuite initialement fixé les émoluments litigieux en raison de la capacité financière de la recourante, critère qui n'avait pas à rentrer en ligne de compte. Enfin, la rémunération des personnes mentionnées (l'inspecteur cantonal, l'ingénieur et le secrétariat) serait largement inférieure au taux horaire indiqué. Le nombre d'heures de travail prétendument effectuées serait quant à lui surévalué.

76.         S'agissant de l'argument de la recourante relatif au fait que l'autorité intimée aurait clôturé la procédure une première fois sans prononcer d'émoluments, le tribunal renverra à ses développements concernant le fait que le courrier du 25 février 2021 ne constitue pas une décision, de sorte que l'absence d'émolument à ce moment-là s'explique de ce seul fait.

77.         Quant au fait que la décision litigieuse se réfère à la capacité financière de la recourante, cela ne signifie pas que le calcul de l'émolument dépend de cette capacité, mais suggère simplement qu'il aurait pu être renoncé à une partie de l'émolument si la capacité financière de la recourante s'était avérée insuffisante (ce qui est également sujet à discussion). Quoi qu'il en soit, cette partie de la motivation relative à l'émolument est étrangère au montant qui a été déterminé, ce qui rend sans effet le grief de la recourante.

78.         Les autres arguments de la recourante sont sans substance, dès lors qu'elle se contente d'alléguer, sans s'en expliquer davantage, que le tarif horaire des collaborateurs impliqués, de même que le temps total consacré par chacun d'eux au dossier, ont été surévalués. Au demeurant, le tribunal observera que le total d'heures de travail avancé par l'autorité intimée, tous collaborateurs confondus, est d'environ une semaine et demi à plein temps, ce qui paraît plutôt sous-évalué que surévalué compte tenu de la complexité du dossier.

79.         Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de revoir le montant de l'émolument de la décision litigieuse.

80.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis au sens des considérants.

81.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 800.- sera allouée à la recourante, à charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2021 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 7 mai 2021 ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             ramène l'amende prononcée par la décision du 7 mai 2021 au montant de CHF 10'000.- ;

4.             confirme cette décision pour le surplus ;

5.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

6.             alloue à la recourante, à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Bénédicte MONTANT et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

Genève, le

 

La greffière