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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/14467/2021

ACJC/1657/2024 du 12.12.2024 sur JTBL/644/2023 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 12.02.2025, 4A_78/2025
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14467/2021 ACJC/1657/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 12 DECEMBRE 2024

 

entre

 

A______ SA, ayant son siège ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 août 2023 et intimée, représentée par Me Mark BAROKAS, avocat, rue de l'Athénée 15, case postale 368, 1211 Genève 12.

 

et

 

Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés ______ [GE], intimés et appelants, représentés par Me Pascal PETROZ, avocat, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1,

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/644/2023 du 14 août 2023, reçu par A______ SA le 16 août 2023 et par B______ et C______ le 18 août 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré valable le congé notifié à ces derniers le 29 juin 2021 pour le 31 janvier 2022 portant sur l'appartement de 5 pièces situé dans la villa contiguë indépendante avec jardin sise 14A, rue 1______, à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), leur a accordé une unique prolongation de bail de quatre ans, échéant au 31 janvier 2026 (ch. 2), les a autorisés à résilier le bail en tout temps avant l'échéance visée sous chiffre 2, moyennant un préavis écrit d'un mois pour la fin d'un mois (ch. 3), a fixé à 17'710 fr. le loyer annuel de l’appartement pour la durée de la prolongation du bail, à compter du 1er février 2022 (ch. 4), a condamné A______ SA à restituer le trop-perçu de loyer découlant de la baisse de loyer octroyée sous chiffre 4, avec intérêts à 5% dès l'entrée en force du jugement (ch. 5), a réduit à 4'275 fr. la garantie bancaire et ordonné la libération du solde en faveur des locataires (ch. 6), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 8).

En substance, le Tribunal a considéré que les conditions d’un congé-représailles n’étaient pas remplies et, partant, a validé le congé. Sous l’angle de la prolongation de bail, il a considéré que, quand bien même les locataires n’avaient entrepris aucune démarche pour trouver un logement de remplacement, ils occupaient le bien depuis plus de 30 ans. Du point de vue de la bailleresse, il a été retenu que le besoin propre consistant dans l’intérêt du fils de l’actionnaire à habiter le logement était légitime, mais non urgent. Dans ces circonstances, les premiers juges ont retenu qu’une prolongation de bail de quatre ans, échéant au 31 janvier 2026, conciliait de manière équitable les intérêts opposés des parties. Enfin, le Tribunal a autorisé les locataires à résilier le bail moyennant un préavis d’un mois pour la fin d’un mois pendant la durée de la prolongation et a fait droit à leurs conclusions en adaptation du loyer pour la durée de la prolongation, en tenant compte tant de la baisse du taux hypothécaire de référence que de l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (ISPC), à hauteur de 40%.

B. a. Par acte déposé devant la Cour de justice le 25 août 2023, A______ SA (ci-après : l’appelante ou la bailleresse) a formé appel contre le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à l’octroi d’une prolongation de bail réduite à deux ans, échéant le 31 janvier 2024.

b. Par acte expédié à la Cour le 18 septembre 2023, B______ et C______ (ci-après : les intimés ou les locataires) ont également formé appel du jugement précité, concluant à son annulation et, cela fait, à l’annulation du congé notifié le 29 juin 2021 pour le 31 janvier 2022 et au déboutement de A______ SA de toutes autres ou contraires conclusions. Subsidiairement, ils ont conclu à ce qu’une prolongation de bail de quatre ans leur soit octroyée, à ce que le loyer annuel net soit fixé à 15'456 fr. à compter du 1er février 2022, à ce que la bailleresse soit condamnée à leur rembourser l’éventuel trop-perçu de loyer en découlant, avec intérêts à 5% l’an dès la date moyenne, à ce que la garantie locative soit adaptée en conséquence et le solde libéré en leur faveur et à ce qu’ils soient autorisés à dénoncer le contrat avec un préavis d’un mois pour la fin d’un mois pendant la durée de la prolongation du bail.

c. Dans sa réponse du 26 septembre 2023, la bailleresse a conclu au rejet de l’appel formé par les locataires.

d. Dans leur réponse du 28 septembre 2023, les locataires ont conclu au rejet de l’appel formé par la bailleresse. Ils ont produit des pièces nouvelles.

e. Par réplique du 9 octobre 2023 sur réponse des locataires, A______ SA a persisté dans les conclusions prises dans son propre mémoire d’appel, produisant une pièce complémentaire.

f. Par réplique du 30 novembre 2023 sur réponse de la bailleresse, B______ et C______ ont persisté dans leurs conclusions.

g. Dans leurs dupliques respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

h. La duplique de la bailleresse a été notifiée aux locataires le 21 mars 2024.

i. En date du 28 mars 2024, B______ et C______ ont sollicité l’octroi d’un délai au 15 avril 2024 pour faire valoir leur droit inconditionnel à la réplique. La Cour a répondu en date du 3 avril 2024 que, conformément à la jurisprudence y relative, il leur appartenait d’exercer leur droit de réplique sans qu’un délai ne leur soit fixé à cet effet.

j. Les locataires ayant précisé que leur courrier du 28 mars 2024 tendait à l’octroi d’une prolongation du délai pour répliquer, un délai échéant au 15 avril 2024 leur a finalement été imparti par la Cour pour faire valoir leur droit inconditionnel à la réplique.

k. Par pli daté du 15 avril 2024, le conseil des locataires a sollicité la prolongation au 29 avril 2024 du délai imparti, pour des motifs liés à une surcharge exceptionnelle de travail. Ladite prolongation de délai a été refusée.

l. En date du 22 avril 2024, les locataires ont déposé une écriture intitulée « réplique spontanée », produisant des pièces nouvelles en lien avec un nouveau dégât d’eau survenu le 15 avril 2024.

m. Par pli du 26 avril 2024, la Cour a retourné au conseil des locataires l’écriture du 22 avril 2024, au motif qu’elle avait été déposée tardivement.

n. Le même jour, les parties ont en outre été informées de ce que la cause était gardée à juger.

o. Par courrier du 3 mai 2024, le conseil des locataires a fait valoir que le refus de prendre en compte l’écriture du 22 avril 2024 était contraire au droit.

p. En date du 13 mai 2024, la Cour a prié le conseil des locataires de lui transmettre à nouveau l’écriture du 22 avril 2024 en vue de sa communication à la partie adverse, en précisant qu’il serait statué sur la recevabilité de cette écriture dans l’arrêt à rendre au fond.

q. L’écriture du 22 avril 2024 a été transmise à la bailleresse en date du 23 mai 2024. Celle-ci s’est déterminée à ce sujet par courrier du 29 mai 2024, auquel était joint une pièce nouvelle.

Ledit courrier et son annexe ont été communiqués aux locataires en date du 31 mai 2024, avec la précision que la transmission intervenait pour information uniquement, la cause ayant été gardée à juger le 26 avril 2024.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ et C______ sont locataires depuis 1994 d'un appartement de cinq pièces situé dans une villa contiguë indépendante avec jardin sise 14A, avenue 1______, sur la parcelle n° 2______ de la commune de D______. 

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'un an, du 1er février 1994 au 31 janvier 1995, renouvelable ensuite tacitement d'année en année sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.  

Le loyer, charges comprises, a été fixé à 24'000 fr. par année.    

b. L'appartement occupé par les locataires, comportant trois niveaux, se compose d'une cuisine et d'une chambre au rez-de-chaussée, d'un salon au premier étage et d'une salle de bains ainsi qu'une chambre au deuxième étage.

c. Plusieurs bailleurs se sont succédés, E______ ayant acquis l’immeuble le 1er mai 1999 avant de le transférer à une société dont il était l’actionnaire. En dernier lieu, le 8 juillet 2022, A______ SA, dont l'unique actionnaire est E______, est devenue propriétaire de l’immeuble.

d. La gestion du bien a été confiée à F______ (ci-après : la régie).   

e. E______ habite avec sa famille une villa sise no. ______, route 3______ à G______ [GE], dont il est le propriétaire. La villa familiale se situe à environ 900 mètres de l’immeuble sis 14A, avenue 1______.  

f. A______ SA est propriétaire de trois autres immeubles dans le canton de Genève, l’un étant situé en face de l’immeuble précité et ayant pour adresse le 10A, avenue 1______, et abritant un logement d’environ 190 m2 ; les deux autres étant situés sur la commune de H______ [GE].

g. Un premier litige a opposé les parties en 2002 à la suite de dégâts d'eau et s'est terminé par un jugement rendu le 30 novembre 2004 (JTBL/1937/2004) condamnant le bailleur de l'époque, E______, à remédier aux défauts.  

h. En 2012, estimant que les travaux auxquels avait été condamné le bailleur n'avaient pas été effectués, les locataires ont introduit une requête en validation de la consignation de loyer, en exécution de travaux et en réduction de loyer.  

i. Par jugement du 14 décembre 2012 (JTBL/1419/2012), le Tribunal a donné acte aux parties de ce qu'elles convenaient d'une diminution permanente de loyer de 5% pour tenir compte de la réduction de la surface du jardin et de ce que la bailleresse de l'époque, I______ SA, dont l'administrateur était E______, s'engageait à entreprendre à nouveau certains travaux.  

j. Depuis le 1er juin 2015, les locataires s'acquittent d'un loyer mensuel de 1'900 fr. 

k. En 2021, les nouveaux propriétaires de l’immeuble voisin sis 10B, avenue 1______ (qui appartenait précédemment à E______) ont entrepris des travaux sur leur parcelle. B______ a recouru contre l’autorisation de construire délivrée auxdits propriétaires en juillet 2021. Il a retiré son recours le 10 janvier 2022.

l. En date des 1er et 2 juin 2021, avant l'obtention de l'autorisation de construire, B______ a interpellé E______ au sujet des travaux entrepris par ses nouveaux voisins, estimant que la procédure applicable n’avait pas été correctement suivie. Il demandait à connaître les intentions du nouveau propriétaire avec lequel E______ avait pu échanger le jour même. Dans l’hypothèse où le voisin aurait l’intention de persévérer dans ses travaux, il proposait une concertation à ce sujet.  

E______ lui a répondu le 2 juin 2021 ce qui suit : « Bonjour, merci de ne pas t'en occuper! Tu as un esprit tellement vicieux que tu as besoin de te soigner. A+ ». 

m. Par avis officiel du 29 juin 2021 adressés aux deux locataires, le bail a été résilié pour le 31 janvier 2022.  

n. Sur demande des locataires formulée le 14 juillet 2021, le conseil de la bailleresse a, par courriers des 19 et 21 juillet 2021, communiqué le motif du congé, à savoir le besoin de la bailleresse, respectivement de son actionnaire. Dans un dernier courrier du 23 juillet 2021, la bailleresse s’est prévalue du fait que les locataires « n’avaient pas à connaître, à ce stade, l’identité exacte de la personne dont le besoin était invoqué ». 

o. Par requête déposée le 26 juillet 2021 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience du 24 mai 2022 et portée devant le Tribunal le 24 juin 2022, les locataires ont pris les mêmes conclusions que celles figurant dans leur appel.  

p. A la suite d’une réunion ayant eu lieu sur place le 27 août 2021 en présence des parties et de la régie, un rapport a été établi par B______ visant à constater les dégâts causés par les travaux entrepris sur la parcelle voisine.

q. Par mémoire réponse du 31 août 2022, la bailleresse a conclu, principalement, à ce que le Tribunal dise que le congé était valable et que le contrat avait pris fin le 31 janvier 2022, subsidiairement, à ce qu'il dise que le contrat était prolongé jusqu'au 31 janvier 2023 et que le loyer annuel durant la prolongation était de 17'102 fr. 40 au moins.  

r. Lors de l’audience de débats principaux du 24 mars 2023, les locataires ont allégué des faits nouveaux et déposé des pièces nouvelles. Ils ont fait valoir que le 21 mars 2023, E______, accompagné de deux personnes, était venu visiter la maison. C______, pensant que cette visite était en lien avec les défauts constatés fin 2022 concernant la rupture de l'étanchéité du toit et les dégâts conséquents dans la cage d'escalier, les avait laissés entrer. Toutefois, après discussion avec les deux personnes, elle s'était rendue compte qu'il s'agissait en réalité de potentiels acheteurs de la villa.

En réponse à ces allégués, la bailleresse, par la voix de son conseil, a reconnu qu'une visite de la villa par deux représentants de la banque J______ avait bien eu lieu le 21 mars 2023, avec pour objectif de procéder à une nouvelle évaluation de l'immeuble. Elle a en revanche affirmé que la villa n'était pas à vendre et a contesté l’existence d’un quelconque défaut d'étanchéité de la toiture.  

s. Le 27 mars 2023, la bailleresse a déposé des pièces complémentaires relatives aux travaux entrepris sur la toiture de la villa louée. Il en ressort que les locataires s'étaient plaints de dégâts provoqués par une rupture de l'étanchéité du toit en décembre 2022. Deux entreprises étaient intervenues en décembre 2022, janvier et mars 2023 et avaient entrepris les travaux nécessaires pour réparer les défauts de la toiture.  

t. Interrogé par le Tribunal lors de l’audience du 24 mars 2023, B______ a déclaré que la réduction de loyer de 5% octroyée dans le jugement de décembre 2012 n'avait jamais été appliquée, la diminution du loyer de 5% dès le 1er juin 2015 étant relative à d'autres travaux et à une baisse du taux hypothécaire. Il a ensuite confirmé qu'un dégât était survenu à la suite d'un problème d'étanchéité du toit à fin 2022, que des entreprises étaient intervenues et que la régie avait émis un bon pour réparer les dégâts causés. S’agissant des personnes ayant visité l’immeuble la semaine précédente en compagnie de E______, B______ a indiqué que sa femme leur avait ouvert en pensant qu’ils venaient constater les dégâts, mais qu’il s’était par la suite avéré qu’ils n’étaient pas entrepreneurs ni experts mais qu’ils étaient en réalité là pour effectuer une évaluation immobilière.

C______ n’a pas pu être entendue, étant hospitalisée en raison de problèmes de santé.

u. Interrogé le même jour par le Tribunal, E______ a déclaré que le motif du congé résidait dans la volonté de mettre l'appartement à disposition de son fils, K______, âgé de bientôt 24 ans, qui vivait encore dans la maison familiale à G______ et souhaitait avoir plus d'intimité et d'indépendance, tout en restant proche de ses parents. K______ « fai[sait] l'université par correspondance pour des raisons de Covid, mais a[vait] pour objectif de rejoindre les instances [de] L______. Il termin[ait] son bachelor et [voulait] faire son master à Genève (HEID) ». Comme il ne souhaitait pas apprendre à conduire, la proximité de l'appartement avec le tram était importante pour lui. 

E______ a ajouté qu'il avait à l'époque acquis deux immeubles, sis 10B et 14A, avenue 1______, avec l’intention de les donner, à terme, à ses deux enfants. Le premier, qu’il destinait à sa fille, avait en fin de compte été vendu. Pour des raisons fiscales, il lui avait été conseillé d'attendre avant de donner le deuxième immeuble à son fils. Il prévoyait d’emménager dans la maison sise 14A, avenue 1______ avec son épouse; le bail n’avait cependant pas encore été résilié.

E______ a encore affirmé que la visite du 21 mars 2023 était en lien avec un refinancement et non avec une vente de la villa. Les deux employés de la banque J______ présents lors de la visite, à savoir N______ et O______, pouvaient le confirmer. Concernant la problématique de l'étanchéité du toit, elle avait été réglée et les travaux de réparation des dégâts effectués chez les locataires. En outre, la réduction de loyer de 5% avait été appliquée car il avait instruit la régie en charge de la gestion de la villa d'agir de manière très réactive avec les locataires.

v. Entendu en qualité de témoin lors de l’audience du 24 mars 2023, K______ a confirmé qu’il détestait conduire et que la proximité du bus était importante pour lui. Il a indiqué qu’il souhaitait rester à Genève, notamment pour poursuivre ses études en politique et faire des stages à L______ ou à la M______. 

w. Entendue le même jour en qualité de témoin, P______, fille de E______, a quant à elle déclaré qu'elle avait débuté sa formation à l'Ecole Q______ en février 2022 après une année préparatoire et qu'elle envisageait de la terminer en 2025. Quand elle reviendrait à Genève, elle souhaitait vivre de manière indépendante de ses parents, si possible à la [rue] 1______, possiblement en colocation avec son frère.  

P______ et K______ ont tous deux confirmé que leur père détenait plusieurs biens immobiliers à Genève, par le biais de sociétés, sans savoir exactement lesquels.  

x. Les parties ont persisté dans leurs conclusions lors de l'audience de plaidoiries finales du 26 mai 2023, les locataires précisant que leur conclusion relative à la restitution du trop-perçu de loyer découlant de la demande de baisse pendant la prolongation s'élevait à 34'176 fr. au maximum. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de cette audience.

 

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, in Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, N 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espèce, au vu du montant annuel du loyer des locaux litigieux, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel.

L'appel de la bailleresse, tout comme celui des locataires, ont été interjetés dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables. En vertu du principe d’économie de procédure (cf. art. 125 CPC), ils seront traités dans le même arrêt.

1.3  La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4;
138 III 374 consid. 4.3.1).

Cela étant, conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, la Cour revoit la cause uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable - pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 précité loc. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Lorsque la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée, ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2023 du 24 avril 2024 consid. 4.1 et les références citées).

1.4 La présente affaire est soumise à la procédure simplifiée, dans la mesure où elle relève de la protection contre les congés abusifs (art. 271 ss CO; art. 243 al. 2 let. c CPC). La maxime inquisitoire sociale ou simple (art. 247 al. 2 let. a CPC) est par ailleurs applicable. 

2. 2.1 Il convient de trancher tout d’abord la question de la recevabilité de l’écriture spontanée déposée par les locataires en date du 22 avril 2024.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit inconditionnel à la réplique garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH peut être exercé par les parties après chaque prise de position de la partie adverse. En d'autres termes, ce droit existe indépendamment du fait que le CPC prévoie ou non l'opportunité de prendre position sur l'argumentation de la partie adverse ou que le tribunal ordonne ou non un second échange d'écritures. Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2019 du 9 décembre 2019 consid. 3.4.1 et les références citées). Le dépôt d’une réplique spontanée doit intervenir en principe dans un délai maximal de vingt jours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_398/2019 du 9 juillet 2019 consid. 2.1).

En l’occurrence, bien que la fixation d’un délai ne soit pas imposée par la jurisprudence, la Cour a consenti en l’espèce à fixer un délai aux locataires à cet effet, délai échéant au 15 avril 2024 comme sollicité par leur conseil. Cependant, le jour de l’échéance dudit délai, le conseil des locataires en a sollicité la prolongation pour des motifs liés à une surcharge exceptionnelle de travail. La demande de prolongation a été refusée par la Cour, étant rappelé que l’art. 144 al. 2 CPC ne confère pas de droit général à la prolongation, le juge disposant au contraire d’un important pouvoir d’appréciation quant à savoir si les motifs invoqués sont suffisants ou non. La « réplique spontanée » du 22 avril 2024, déposée hors délai, est dès lors irrecevable.

Il en va de même des déterminations formulées par la bailleresse à ce sujet en date du 29 mai 2024.

2.2 Doit également être tranchée la question de la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux soulevés en appel.

En vertu de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (Jeandin, op. cit., N 6 ad art. 317 CPC).

Les locataires ont produit à l’appui de leur réponse à l’appel de la bailleresse des pièces en lien avec leur état de santé. Ont ainsi été produits d’une part une « feuille de transmission » des HUG du 13 juillet 2023 concernant C______ et faisant référence à un historique médical remontant à l’été 2022, mentionnant un score d’indépendance fonctionnelle de 78 sur 126 selon mesure réalisée le 11 juillet 2023, la patiente souffrant de vertiges et se déplaçant avec un rollator; d’autre part plusieurs documents faisant référence à des interventions subies par B______, d’abord en ambulatoire (17 juillet 2023 et 10 août 2023) puis en stationnaire (entrée en clinique le 23 août 2023 pour une durée non précisée).

Ces pièces nouvelles, dont la date d’établissement est postérieure au jugement querellé, respectivement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, sont recevables et pourront donc être prises en compte dans la mesure de leur pertinence.

Les pièces produites à l’appui de l’écriture du 22 avril 2024 par les locataires et la pièce produite à l’appui des déterminations du 29 mai 2024 par la bailleresse sont quant à elles irrecevables.

3. L’appel formé par les locataires porte sur la contestation de la validité du congé notifié par la bailleresse, tandis que l’appel formé par la bailleresse porte exclusivement sur la question de la durée de la prolongation de bail.

Les griefs liés à la validité du congé seront examinés dans un premier temps, la question de la prolongation du bail étant subsidiaire et dépendant du sort de la première.

4. Les locataires invoquent des griefs liés à la constatation des faits, d’une part, et des griefs liés à l’application du droit et à l’appréciation des preuves, d’autre part.

4.1 4.1.1 Ils reprochent tout d’abord à l'instance précédente d'avoir constaté les faits de manière incomplète en ne retenant pas certains faits régulièrement allégués dans leurs écritures, à savoir le fait que « E______ se serait invité par surprise chez les locataires accompagné de deux personnes qui, selon Madame C______, qui était seule présente ce jour-là, étaient des potentiels acheteurs du logement ».

A cet égard, force est de constater que cette allégation a été dûment reprise à l’attendu O p. 4 du jugement attaqué, libellé comme suit : que « C______, pensant que cette visite était en lien avec les défauts constatés fin 2022 concernant la rupture de l'étanchéité du toit et les dégâts conséquents dans la cage d'escaliers, les a laissés entrer mais après discussion avec les deux personnes, elle s'était rendu compte qu'il s'agissait en réalité de potentiels acheteurs de la villa ».

4.1.2 Les locataires font également valoir que le Tribunal aurait mal constaté les faits en retenant que E______ avait confirmé que la réduction de loyer de 5% convenue en 2012 avait bel et bien été appliquée.

Il ressort des pièces produites, soit du jugement JTBL/1419/2012 du 14 décembre 2012, que la réduction permanente de loyer de 5% fixée d’entente entre les parties en raison de la diminution de 20% de la taille du jardin inclus dans le bail devait être appliquée sur le loyer annuel initialement fixé à 24'000 fr. (les autres réductions accordées dans le cadre de cet arrêt se rapportant à d’autres défauts), de sorte qu’en exigeant le paiement d’un loyer mensuel de 1'900 fr., la bailleresse a effectivement appliqué la réduction de loyer convenue.

C’est également à juste titre que le Tribunal a retenu que E______ avait confirmé lors de son interrogatoire que la réduction de loyer de 5% avait été appliquée, puisque cela ressort du procès-verbal.

4.1.3 En conséquence, les griefs des locataires ayant trait à la mauvaise constatation des faits tombent à faux.

4.2. Les locataires font ensuite valoir que les premiers juges auraient violé les art. 271 et 271a CO en admettant la validité du congé. Leur argumentation s’articule sous plusieurs angles. En premier lieu, ils estiment que le Tribunal aurait dû constater que le motif invoqué par la bailleresse pour justifier le congé était obscur et tardif. En deuxième lieu, ils font valoir que l’actionnaire unique de la bailleresse est propriétaire d’autres biens immobiliers dans lesquels le fils de celui-ci pourrait habiter, ce qui justifierait selon eux l’annulation du congé notifié. En troisième lieu, ils soutiennent que les premiers juges auraient dû considérer que le congé litigieux remplissait les critères d’un congé-représailles et qu’il aurait dû, à ce titre également, être annulé. Enfin, en quatrième lieu, ils argumentent que le motif invoqué à l’appui du congé, soit le souhait de la bailleresse de pouvoir céder l’usage de la chose louée au fils de son actionnaire, consacrerait une disproportion manifeste des intérêts en présence, ce qui le rendrait abusif au sens de la jurisprudence et qui justifierait également l’annulation de la résiliation.

4.2.1 Chaque partie est en principe libre de résilier un contrat de bail de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, pour la prochaine échéance contractuelle en respectant le délai de congé prévu (art. 266a al. 1 CO; ATF 148 III 215 consid. 3.1.1; 145 III 143 consid. 3.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (ATF 148 III 215 consid. 3.1.1 et les arrêts cités).

Ainsi, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien conformément à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 148 III 215 consid. 3.2; 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 4.2 et 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5 et 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

4.2.2 La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO) (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.1.2 et 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.2). Le congé est également annulable lorsqu'il est donné par le bailleur parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail (art. 271a al. 1 let. a CO).

La protection conférée par ces dispositions procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; 120 II 105 consid. 3; sur les cas typiques d'abus de droit, cf. ATF 135 III 162 consid. 3.3.1). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsqu'il consacre une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour lui (ATF 148 III 125 consid. 3.1.2; 140 III 496 consid. 4.1) ou que son intérêt au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (ATF 148 III 125 consid. 3.1.2). Sauf cas de disproportion crasse des intérêts respectifs des parties, il ne faut examiner, pour statuer sur la validité d'un congé, que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux, cette pesée des intérêts n'intervenant que dans l'examen de la prolongation du bail
(ATF 148 III 125 consid. 3.1.2).

4.2.3 La résiliation ordinaire du bail n'est pas subordonnée à l'existence d'un motif de résiliation particulier. La motivation ne doit être fournie que si l'autre partie la demande (art. 271 al. 2 CO). La motivation du congé n'est donc pas une condition de sa validité et elle n'a pas à être fournie dans le délai de 30 jours suivant la réception de celui-ci (ATF 148 III 215 consid. 3.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2022 du 28 février 2023 consid. 5.3.3). Elle a essentiellement pour but de permettre au destinataire du congé de décider en toute connaissance de cause s'il entend requérir, ou non, l'annulation du congé ou la prolongation du bail, et de soupeser ses chances de succès (ACJC/951/2024 du 24 juillet 2024 consid. 2.1).

La résiliation est la manifestation de volonté unilatérale du bailleur, soit un acte formateur. Lorsqu'il doit déterminer le motif réel d'un congé, le juge doit procéder à une appréciation de toutes les preuves qui lui sont apportées. Des faits postérieurs au congé peuvent permettre de reconstituer ce que devait être la volonté réelle du bailleur au moment déterminant (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 4A_241/2010 du 10 août 2010 consid. 2.1.6 et 4A_518/2010 du 16 décembre 2010 consid. 2.4.1). De plus, des précisions sur le motif de congé indiqué dans l'avis de résiliation peuvent toujours être apportées en complément au cours de la procédure judiciaire (ATF 138 III 59 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2; 4C.131/2003 du 6 août 2003 consid. 3.1). Le bailleur est toutefois lié par le motif de résiliation qu'il a indiqué à l'appui de sa résiliation et il ne peut pas lui substituer par la suite un autre motif qui lui serait plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.2.1; voir également ACJC/1138/2024 du 19 septembre 2024).

L'absence de motivation véridique ou complète ne signifie pas nécessairement que la résiliation est contraire aux règles de la bonne foi, mais elle peut constituer un indice de l'absence d'intérêt digne de protection à mettre un terme au bail ou du fait que le motif invoqué n'est qu'un prétexte (ATF 148 III 215 consid. 3.1.3; 143 III 344 consid. 5.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_431/2022 du 28 février 2023 consid. 5.3.3; 4A_113/2019 du 9 juillet 2019 consid. 3 et 4A_183/2017 du 24 janvier 2018 consid. 2). La doctrine et la jurisprudence admettent néanmoins que si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation alors qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (ATF 125 III 231 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_64/2010 du 29 avril 2010 consid. 2.3; Higi, Commentaire zurichois, 5e éd. 2022, N 115 ad art. 271 CO; Weber, Commentaire bâlois, Obligationenrecht I, 7e éd. 2020, N 33 ad art. 271/271a CO; Lachat, in Commentaire Romand du code des obligations I, 2021, N 11 ad art. 271; Corboz, Les congés affectés d'un vice, in 9e Séminaire sur le droit du bail, 1996, page 22; Roncoroni, Le nouveau droit du bail à loyer, in 6e Séminaire sur le droit du bail, 1990, pages 9 ss; ACJC/1410/2023 du 23 octobre 2023 consid. 5.1.4).

4.2.4 Lorsqu’il résilie le bail, le bailleur n'a pas besoin de se prévaloir d'un besoin particulier de disposer de la chose louée, étant considéré qu'il peut n'avoir pour objectif que de remettre les locaux à un autre locataire de son choix, au même loyer ou à un loyer supérieur mais non abusif. Le besoin concret du bailleur n'entre en considération que pour accorder une prolongation de bail ou pour permettre certains types de résiliation (ACJC/1410/2023 précité, consid. 5.1.2).

En principe, le congé ordinaire donné par le bailleur pour pouvoir occuper lui-même l'habitation - ou le local commercial - n'est pas contraire à la bonne foi (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 précité consid. 3.3 et 4A_300/2010 du 2 septembre 2010 consid. 5). S’agissant du besoin propre invoqué par une personne morale, le Tribunal fédéral a reconnu, en se référant à la doctrine, qu’en cas de contestation de la validité d’un congé ordinaire sous l’angle de la bonne foi, l'art. 271 al. 1 CO ne fait pas référence à un besoin « personnel » du bailleur ou de ses proches parents ou alliés, admettant ainsi qu’une société anonyme peut souhaiter attribuer les locaux à son actionnaire, ou à une autre personne liée à celui-ci, aussi bien qu'à d'autres tiers. Ainsi, sous les points de vue de la bonne foi ou de la protection contre l'abus de droit, le dessein de procurer un logement à l’actionnaire unique d’une société propriétaire et bailleresse, ne revêt aucune signification défavorable. Cette configuration particulière peut néanmoins être prise en compte sous l’angle de la pesée des intérêts à effectuer en matière de prolongation de bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_128/2019 du 3 juillet 2019 consid. 3.1, 3.2 et 3.3 et les références citées).

Dans le cadre d’un congé ordinaire, le besoin invoqué par le bailleur ne doit pas être immédiat ou urgent. On ne saurait en effet lui imposer d'attendre le moment où le besoin se concrétise, au vu du temps habituellement nécessaire pour récupérer effectivement un logement après une résiliation. Même le fait qu'un bailleur soit propriétaire de plusieurs immeubles n'implique pas nécessairement qu'une résiliation d'un contrat de bail pour ses besoins propres ou ceux de l'un de ses proches soit contraire aux règles de la bonne foi (ACJC/106/2023 du 23 janvier 2023 consid 4.3). En revanche, le besoin du bailleur d’utiliser les locaux loués doit être sérieux, concret et actuel, et ne doit apparaître ni futile, ni trop vague, faute de quoi, selon les circonstances, le juge pourra retenir une disproportion manifeste des intérêts en présence, dans des situations où la résiliation entraîne des conséquences particulièrement pénibles pour des locataires de longue date (Lachat/Grobet-Thorens/Rubli/Stastny, Le bail à loyer, 2e édition, 2019, p. 960 ; ACJC/1224/2023 du 25 septembre 2023 consid. 2.1).

4.2.5 Selon l'art. 271a al. 1 let. a CO, parmi d'autres cas spécialement énumérés par cette disposition, le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions fondées sur le bail. Cette disposition vise à permettre au locataire d'exercer librement ses droits - par exemple, réclamer la suppression de défauts de la chose louée - sans avoir à craindre un congé en représailles. 

Il incombe au locataire de prouver qu'il existe un rapport de cause à effet entre la prétention qu'il a élevée et la résiliation. Le bailleur a le droit d'apporter la contre-preuve en démontrant que le congé répond à un autre motif. Le juge constate alors le véritable motif du congé selon l'impression objective qui résulte de toutes les circonstances; le congé-représailles est d'autant plus vraisemblable qu'il survient plus rapidement après que le locataire a élevé une prétention (arrêt du Tribunal fédéral 4A_210/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1 et les références citées; ACJC/1224/2023 précité, consid. 2.2).

4.2.6 Conformément à la règle générale de l'art. 8 CC, il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi.

En matière de congé ordinaire, il n'appartient pas au bailleur de démontrer sa bonne foi car cela reviendrait à renverser le fardeau de la preuve (ATF 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 105 consid. 3c). Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée pour besoin propre et urgent (cf. art. 261 al. 2 let. a et 271a al. 3 let. a CO) – cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur, – il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 ; ACJC/1062/2024 du 3 septembre 2024).

Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en motivant, sur requête, la résiliation et, en cas de contestation, en fournissant tous les documents en sa possession nécessaires à la vérification du motif qu'il a invoqué (ATF 148 III 215 consid. 3.1.5; 142 III 568 consid. 2.1; 140 III 433 consid. 3.1.2; 120 II 105 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.2 et 4A_17/2017 du 7 septembre 2017 consid. 2).

4.2.7 Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

4.3. 4.3.1 Dans le cas d'espèce, le congé adressé aux locataires le 29 juin 2021, pour le 31 janvier 2022 (soit pour la prochaine échéance annuelle du contrat de bail), ne donnait pas le motif fondant la résiliation du bail.

Suite à la demande de motivation de congé adressée à la bailleresse le 14 juillet 2021, celle-ci a répondu le 19 juillet 2021, sous la plume de son conseil, que la résiliation du bail avait été motivée par le besoin du bailleur.

Priée de préciser ce besoin, la bailleresse a spécifié par courrier du 21 juillet 2021 que le motif du congé consistait dans le besoin de son actionnaire.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la bailleresse n’a pas tardé à communiquer le motif du congé.

4.3.2 S'agissant du motif de congé en lui-même et comme rappelé ci-avant, il incombe aux intimés de démontrer que la résiliation contrevient aux règles de la bonne foi, l'appelante devant, pour sa part, contribuer loyalement à la manifestation de la vérité.

En l’espèce, le motif invoqué à l’appui du congé n’a jamais varié. Il a toujours été question du besoin de l’actionnaire, ledit besoin ayant été ultérieurement précisé par le souhait de l’actionnaire de mettre le logement à disposition d’un membre de sa famille.

S’il est vrai que la réponse donnée le 23 juillet 2021 par le conseil de la bailleresse, à savoir que les locataires « n’avaient pas à connaître, à ce stade, l’identité exacte de la personne dont le besoin était invoqué », laisse supposer que les intentions de la bailleresse n’étaient pas nécessairement entièrement arrêtées sur ce point-là et qu’elle pouvait envisager réserver le bien à l’un ou l’autre des enfants de son actionnaire en fonction de leurs plans d’études, ce fait ne permet pas encore de conclure – à la lumière de la jurisprudence constante évoquée plus haut – que le motif avancé ne serait pas réel (à savoir qu’il ne correspondrait pas à un besoin propre de la bailleresse, respectivement de son actionnaire), qu’il serait trop vague, ou qu’il serait contraire à la bonne foi.

En effet, l’argumentaire développé par la bailleresse quant à la proximité de la chose louée avec le logement occupé par E______ et sa famille est cohérent. Compte tenu des principes énoncés ci-dessus au consid. 4.2.4, le motif invoqué n’apparaît pas comme étant un simple prétexte. En effet, les deux enfants de E______ étant âgés de 23 et 25 ans respectivement, il y a lieu d’admettre que c’est un âge auquel on envisage effectivement de quitter le cocon familial pour gagner en indépendance. Le fait que K______ ne soit pas titulaire d’un permis de conduire est également pertinent au vu de la proximité de la ligne de tram. Enfin, l’hypothèse d’une future colocation des deux enfants dans l’appartement de la [rue] 1______, évoquée par P______ lors de son audition, ne peut pas non plus être jugée improbable compte tenu du fait que le logement comporte deux chambres individuelles et deux salles de bains.

S’agissant des autres immeubles dont la bailleresse est propriétaire, il appert que ceux-ci ne présentent pas les mêmes caractéristiques que le logement loué, en termes de taille et de localisation. Le fait que E______ avait acquis certains de ces immeubles dans l’intention de les transmettre un jour à ses enfants n’est quant à lui pas pertinent pour juger du caractère contraire à la bonne foi du congé, dans la mesure où ce dernier n’a pas été motivé par le souhait de leur céder la propriété de l’immeuble en question.

Certes, le congé s’inscrit dans le cadre d’une relation pouvant être qualifiée de houleuse avec les locataires, qui ont élevé - avec succès - plusieurs prétentions à l’encontre de leurs bailleurs successifs (toujours représentés par E______) pendant la durée du bail. Cela étant, la seule existence d’un échange peu courtois entre B______ et E______ le 2 juin 2021 n’emporte pas la conviction quant au fait que le congé notifié le 29 juin 2021 aurait été motivé, non pas par le souhait de la bailleresse de récupérer les locaux pour y installer le fils de son actionnaire, mais dans le seul et unique but de se débarrasser des locataires.

Le fait que des défauts ont été signalés postérieurement au congé (notamment à l’appui du rapport du 17 août 2021 concernant la toiture) ne change rien à cette appréciation. Au contraire, il convient d’admettre avec le Tribunal que le courriel envoyé par le locataire à E______ le 2 juin 2021 ne contient aucune revendication vis-à-vis de la bailleresse. En effet, dans ce courriel, le locataire se prévaut uniquement du fait que la procédure suivie par les propriétaires voisins dans le cadre de leurs travaux ne serait pas la bonne, sans qu’il soit fait une quelconque référence à des nuisances et/ou des dégâts causés par lesdits travaux dans les locaux loués. Les locataires n’ont pas non plus prouvé qu’il existerait un lien de causalité entre les procédures ayant opposé les parties dans le passé (datant de 2004 et 2012) et la résiliation du bail.

S’agissant de l’argument des locataires selon lequel la bailleresse entendrait en réalité vendre l’immeuble dans lequel se trouve le logement litigieux, il ne repose sur aucun élément tangible. Il sera relevé à cet égard que lors de son audition, E______ a décliné l’identité des deux employés de la banque J______ qui étaient présents lors de la visite du 21 mars 2023 et qui selon lui pouvaient confirmer le but de ladite visite. Les intimés, qui supportent le fardeau de la preuve, n’ont toutefois pas exigé leur audition et doivent donc se laisser opposer l’absence de preuve contraire sur ce point.

Sur la base des considérations qui précèdent, la Cour n’a pas acquis la conviction que le motif invoqué à l’appui du congé serait faux ou que la résiliation du bail constituerait un congé-représailles, contrairement à ce que soutiennent les intimés.

4.3.3 Se pose encore la question de savoir si le congé notifié aux locataires, quand bien même il ne s’avère pas annulable en raison du motif invoqué, serait contraire à la bonne foi car il consacrerait une disproportion manifeste des intérêts en présence, à savoir entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Lorsque le motif invoqué apparaît futile ou trop vague, le juge peut retenir, selon les circonstances, une disproportion manifeste des intérêts en présence, dans des situations où la résiliation entraîne des conséquences particulièrement pénibles pour des locataires de longue date (Lachat/Grobet-Thorens/Rubli/Stastny, op. cit, p. 960; ACJC/1224/2023 précité, consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a annulé pour ce motif un congé motivé par le besoin du fils de l’actionnaire unique de la bailleresse, considérant que le besoin – bien que réel et concret – de celui-ci apparaissait manifestement secondaire car lié uniquement au souhait de pouvoir offrir un espace extérieur à son chien, d’autres logements sans jardin pouvant par ailleurs aisément lui être attribués par la bailleresse, de sorte que son intérêt devait céder le pas devant l’intérêt au maintien du bail de la locataire, dont la situation personnelle était précaire, sa santé physique et psychique étant défaillante et son logement représentant pour elle son presque unique cadre de vie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.3).

4.3.4 En l’espèce, les locataires se prévalent de leur état de santé précaire et de la longue durée du bail. Selon eux la résiliation consacrerait une disproportion manifeste des intérêts en présence, eu égard au caractère futile du motif avancé, soit l’intérêt du fils de l’actionnaire de disposer de son propre logement.

Contrairement à ce que font valoir les locataires, le motif du congé est légitime et non futile. Les locataires invoquent des désagréments liés à leur santé et à leur âge, mais il n’apparaît pas que ces inconvénients seraient liés à la résiliation du bail. La résiliation n’entraîne ainsi pas de conséquences particulièrement pénibles pour les locataires.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que le congé consacrerait une disproportion manifeste des intérêts en présence, étant relevé que le cas d’espèce n’est pas comparable avec l’affaire traitée par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 4A_297/2010 précité. Une annulation de la résiliation sur la base de l’art. 271 al. 1 CO n’entre donc pas en ligne de compte sous cet angle non plus.

4.3.5 Le jugement de première instance sera donc confirmé en tant qu’il admet la validité du congé litigieux.

5. La bailleresse reproche au Tribunal d’avoir octroyé une prolongation de bail de quatre ans aux locataires.

5.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit d'un logement, la durée maximale de la prolongation est de quatre ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO). 

Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. 

Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1; 116 II 446 consid. 3b). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 125 III 226 consid. 4b). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4.1).

L'octroi d'une prolongation suppose que le locataire ait entrepris ce que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour remédier aux conséquences pénibles du congé, et cela même lorsqu'il sollicite une première prolongation de son bail, le juge se montrant toutefois moins rigoureux à ce stade qu'à celui de la seconde prolongation (ATF 116 II 448 consid. 1; 110 II 254 consid. 4, JT 1985 I 265;
102 II 254, JT 1977 I 558).

Le juge doit également tenir compte de l'urgence du besoin invoqué par le bailleur; sur le principe, le besoin légitime du bailleur de recouvrer les locaux l'emporte sur les intérêts du locataire à obtenir une prolongation (ATF 136 III 190 consid. 6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_103/2015 du 3 juillet 2015; ACJC/1224/2023 précité consid. 3.1). Le Tribunal fédéral a cependant admis, en se référant à la doctrine, que la configuration particulière du besoin invoqué en faveur de l’actionnaire de la société bailleresse ou d’un membre de sa famille pouvait influencer le jugement relatif à la prolongation, mais seulement dans une moindre mesure par rapport à la situation où le bailleur est une personne physique (arrêt du Tribunal fédéral 4A_128/2019 du 3 juillet 2019 consid. 3.2 et les références citées).

Selon la doctrine, le juge peut tenir compte du comportement des parties non seulement avant mais aussi après la résiliation pour déterminer la durée de la prolongation de bail (Lachat/Grobet-Thorens/Rubli/Stastny, op. cit., p. 1006 et les références citées). 

Les exigences de motivation des décisions en équité sont élevées. Le juge doit motiver son choix et exposer dans son jugement les motifs qui ont emporté sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2014 du 11 novembre 2014, consid. 4.3.1).  

5.2 Dans son arrêt 4A_198/2016 du 7 octobre 2016, rendu en lien avec une résiliation notifiée par le bailleur pour remettre un local commercial à sa fille, le bail du locataire ayant duré vingt ans, le Tribunal fédéral a retenu qu’une prolongation de bail de trois ans conciliait de manière équitable les intérêts opposés des parties, en tenant compte du fait que le besoin invoqué par le bailleur était avéré mais non urgent, et que le locataire n’avait entrepris aucune recherche pour trouver un local de remplacement (consid. 5.2). Il a en outre relevé que le locataire - qui faisait valoir qu’il n'avait pas à entreprendre de recherches puisqu'il concluait à l'annulation du congé - méconnaissait que, s'agissant d'une résiliation ordinaire pour besoin propre du bailleur, il devait s'attendre à ce que le congé soit déclaré valable, son recours sur ce point frisant ainsi la témérité (consid. 5.4).

Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a jugé qu’une prolongation unique de trois ans était admissible dans un cas où le besoin de l’actionnaire de la bailleresse n’était pas urgent et où le locataire, ayant habité l’immeuble (dont il était initialement le concierge) pendant trente ans et le logement litigieux pendant huit ans avant la résiliation et disposant au surplus de revenus modestes, avait allégué avoir cherché un autre logement mais sans toutefois prouver ses recherches (arrêt du Tribunal fédéral 4A_128/2019 du 3 juillet 2019, consid. 3.2 et 5.2).

5.3 En l'espèce, le Tribunal a octroyé aux locataires une prolongation de bail de quatre ans. Quand bien même les locataires n’avaient entrepris aucune démarche pour trouver un logement de remplacement, ils occupaient le bien depuis plus de trente ans. Le besoin propre de la bailleresse consistant dans l’intérêt du fils de son actionnaire à habiter le logement était légitime, mais non urgent, aucune raison particulière justifiant un déménagement rapide n’ayant été invoquée.

La bailleresse reproche au Tribunal d’avoir mal apprécié les faits, respectivement d’avoir mésusé de son pouvoir d’appréciation en octroyant aux locataires une prolongation de bail de quatre ans. Elle souligne le fait que les locataires n’avaient pas allégué ni démontré avoir effectué des recherches en vue de trouver un logement de remplacement, ce qui aurait dû selon elle être pris en compte dans la détermination de la durée de la prolongation. Elle se réfère également à des arrêts de la Cour pour faire valoir que, dans des situations comparables, des prolongations de bail plus courtes auraient été accordées.

Les locataires intimés estiment quant à eux que la durée de la prolongation de quatre ans octroyée par le Tribunal est adéquate et doit être confirmée.

5.4 La durée du bail (trente ans) doit certes être qualifiée de longue. Les locataires n’ont en revanche pas allégué avoir entamé des recherches en vue de trouver un nouveau logement, ni en première instance, ni en appel. Ils n’ont pas non plus allégué qu’ils se trouveraient dans une situation financière délicate, faisant cependant valoir qu’ils connaîtraient tous deux d’importants problèmes de santé et que la situation sur le marché locatif est notoirement tendu à Genève.

Les pièces nouvelles déposées en appel par les locataires attestent de ce qu’ils ont connu des problèmes de santé en 2023, voire déjà en 2022 en ce qui concerne C______. Il ressort de ces pièces que la locataire est restreinte dans son autonomie, qu’elle souffre de vertiges et qu’elle circule à l’aide d’un rollator.

Sous l’angle de l’intérêt de la bailleresse, il y a lieu de relever que le fils de son actionnaire, K______, à qui le logement est destiné, est aujourd’hui âgé de 25 ans. Selon ses déclarations, il avait pour objectif d’effectuer des stages auprès des instances L______ après la fin de ses études, entamées en 2022. De tels stages étant notoirement faiblement rémunérés, il y a lieu d’admettre qu’il ne sera pas immédiatement indépendant financièrement. Le fait de vivre dans un premier temps chez ses parents plutôt que dans son propre appartement n’est pas de nature à lui causer un réel désavantage. Son besoin d’occuper le logement litigieux n’apparaît donc pas urgent. L’intérêt de l’actionnaire lui-même, soit E______, à ce que son fils quitte le logement familial, invoqué en cours de procédure, n’apparaît pas non plus revêtir une urgence particulière.

Les différentes jurisprudences rendues dans des cas similaires, tant par le Tribunal fédéral que par la Cour de céans, retiennent en général une durée de prolongation de bail de trois ans, notamment lorsque les locataires ne démontrent pas avoir entrepris de démarches sérieuses pour trouver un nouveau logement.

Il y a néanmoins lieu de tenir compte ici de la position exprimée par le Tribunal fédéral, selon laquelle le besoin propre motivé par la mise à disposition d’un bien en faveur de l’actionnaire de la bailleresse ou à l’un de ses proches n’a pas le même poids qu’un besoin personnel invoqué par une personne physique dans le cadre de la pesée des intérêts en présence.

En conséquence, en vertu du pouvoir d’appréciation dont elle dispose et considérant, d’une part, que le besoin invoqué est celui du fils de l’actionnaire et qu’aucune urgence n’a été rendue vraisemblable et, d’autre part, l’intérêt des locataires à ne pas devoir quitter précipitamment le logement qu’ils occupent depuis plus de trente ans, la Cour conclut avec le Tribunal qu’une prolongation de quatre ans échéant le 31 janvier 2026 apparaît appropriée eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce.

6. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a adapté le montant du loyer annuel pour la durée de la prolongation en tenant compte de l’évolution de l’ISPC, le fixant à 17'110 fr (arrondi) dès le 1er février 2022 (début de la prolongation de bail).

Sous réserve de griefs ayant trait à une constatation inexacte des faits, dont on a vu plus haut qu’ils étaient mal fondés, les locataires n’ont pas critiqué le jugement attaqué sur ce point. Ils n’ont en particulier pas explicité dans leurs écritures d’appel, à l’appui des conclusions qu’ils ont prises dans ce sens, en quoi le raisonnement des premiers juges serait erroné.

Dépourvu de motivation suffisante au sens de l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel est donc irrecevable sur ce point (cf. supra consid. 1.4).

7. Au vu des considérations qui précèdent, le jugement attaqué sera confirmé en tous points.

8. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l’appel interjeté le 29 août 2023 par A______ SA de même que l’appel interjeté le 18 septembre 2023 par B______ et C______ contre le jugement JTBL/664/2023 rendu le 14 août 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/14467/2021.

Au fond :

Les rejette.

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.