Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/718/2025 du 24.06.2025 ( EXPLOI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1848/2024-EXPLOI ATA/718/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 juin 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ et B______ recourants
représentés par Me Gabriel AUBERT, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé
A. a. A______ et B______ (ci-après : les époux AB______) sont domiciliés au 9, chemin C______ au D______.
Ils sont les parents de quatre enfants, nés en 2005, 2007, 2013 et 2015.
b. Le 31 mai 2018, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a reçu une demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour ressortissant étranger, dans le cadre de l'opération « Papyrus », complétée par E______. Il était indiqué que son employeur était la famille AB______, qu'elle travaillait 32 heures par semaine pour un salaire mensuel brut (sans 13e salaire) de CHF 2'500.-.
Parallèlement, E______ a complété, le 14 mai 2018, un formulaire d'informations relatives à l'emploi dans un ménage privé destiné à l'office cantonal de l'inspection du travail (ci-après : OCIRT) dans lequel il était précisé qu'elle était femme de ménage, depuis le 1er mai 2018, auprès de la famille AB______. Elle ne bénéficiait pas d'un contrat de travail écrit, était déclarée à l'AVS et percevait un salaire mensuel brut de CHF 2'500.-, versé de main à main, sans décompte, pour 32 heures de travail par semaine. Elle était nourrie par son employeur cinq fois par semaine à midi mais pas logée.
B. a. Le 1er avril 2019, le service de l'inspection du travail de l'OCIRT a écrit aux époux AB______, les informant d'un contrôle des conditions de travail dans leur ménage privé. Il avait pour but de vérifier le respect des salaires minimaux et l'affiliation aux assurances sociales obligatoires du personnel de maison. Ils devaient lui faire parvenir des documents et renseignements concernant toute personne qui avait travaillé au sein de leur ménage entre le 1er janvier 2013 et la date de l'envoi du courrier.
b. Le 15 avril 2019, les époux AB______ ont informé l'OCIRT qu'ils employaient E______ depuis le 1er septembre 2018 en tant que garde d'enfants pour une durée hebdomadaire de travail de 30 heures. Ils l'avaient rencontrée mi-2018 dans le cadre du projet « Papyrus ». Son salaire mensuel avait été fixé à CHF 2'500.-. À cela s'ajoutaient les repas de midi et parfois du soir. Dans le cadre du projet « Papyrus », ils avaient complété le formulaire à l'attention de l'OCPM et le formulaire d'adhésion pour les employeurs de Chèque-service. Ils avaient remis ces documents à E______. N'ayant rien reçu en retour, ils n'avaient pas encore de fiches de salaire et d'attestation.
c. Après un courrier de l'OCIRT, les époux AB______ ont transmis à l'OCIRT le certificat de salaire 2018 de E______ ainsi que le « Calcul des charges 2018 », le « Calcul des charges 2019 » et le « Décompte des charges 2019 » établis par Chèque-service.
Le salaire mensuel brut était de CHF 2'500.- et elle bénéficiait d'un salaire en nature de CHF 216.65 en 2018 et de CHF 866.60 en 2019.
d. Le 21 septembre 2022, E______ a été entendue par l'OCIRT sur la durée des rapports de travail, son salaire et la durée hebdomadaire de travail.
e. Le 23 septembre 2022, l'OCIRT a informé les époux AB______ que E______ avait affirmé avoir travaillé à leur service de 2008 à 2022, à raison de 50 à 60 heures par semaine les premières années, en tant que nounou et domestique. Depuis février 2013, son salaire mensuel net était de CHF 3'000.-. À partir de septembre 2019, elle avait travaillé 43 heures par semaine, pour le même salaire. De février 2022 jusqu'à la fin des rapports de travail, ses horaires avaient baissé à 15-16 heures par semaine, sauf en juin-juillet. Pendant cette dernière période, elle était payée CHF 23.- net de l'heure pour chaque heure travaillée.
Selon les éléments en possession de l'OCIRT, les époux AB______ ne respectaient pas le salaire minimum prévu dans le contrat-type de l'économie domestique (ci-après : CTT-EDom) à l'égard de E______. Au vu de son expérience professionnelle, son salaire brut au prorata de son taux d'activité (50 heures par semaine, puis 43 de septembre 2019 à janvier 2022) devait être de CHF 4'333.35 brut par mois (valeur 2013), CHF 4'410.- par mois (valeur 2014‑2015), CHF 4'476.65 brut par mois (valeur 2016-2017), respectivement CHF 4'530.- (valeur 2018-août 2019), CHF 3'859.80 (valeur septembre 2019‑octobre 2019), CHF 4'285.65 (valeur nov.-déc. 2020), et enfin CHF 4'311.45 (valeur 2021) et CHF 4'336.30 (valeur 2022).
Un délai leur était octroyé pour formuler des observations et se déterminer sur les déclarations de E______ en y joignant tout renseignement ou justificatif.
Selon le rapport d'audition, son dernier jour de travail pour la famille AB______ avait été le 7 juillet 2022.
f. Le 10 octobre 2022, les époux AB______ ont remis leurs observations, précisant être consternés par le témoignage de E______ qu'ils estimaient erroné.
Elle n'avait travaillé que du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2022, d'abord pour 30 heures par semaine jusqu'au 28 juin 2019, puis pour 27 heures par semaine à partir du 26 août 2019, déclarées auprès de Chèque-service. Entre le 1er février et le 30 juin 2022, sa durée de travail avait effectivement été réduite car elle travaillait en période d'essai auprès d'une autre famille à la suite de leur décision de mettre fin aux rapports de travail en raison de son comportement et de ses mensonges.
Du 1er septembre au 31 décembre 2018, sa rémunération mensuelle était bien de CHF 2'500.-. À partir du 1er janvier 2019 jusqu'au 30 janvier 2022, sa rémunération s'était élevée à CHF 3'000.- par mois. À sa demande, elle avait été rémunérée en espèces.
En juillet 2019, elle avait demandé un prêt sans intérêt de CHF 5'000.-, qu'elle avait remboursé dans l'année. Ils lui avaient également offert, à sa demande, un billet d'avion pour les Philippines d'une valeur de CHF 2'000.-.
E______ n'avait jamais travaillé plus de 30 heures par semaine car ils n'avaient pas besoin d'autant d'heures de travail. Elle avait été engagée uniquement en tant que garde d'enfants avec quelques tâches ménagères accessoires.
Son emploi du temps était encadré par des plannings usuels, ses heures d'arrivée et de départ étaient consignées chaque jour. Les plannings des activités de E______ étaient détaillés.
À la suite de divers événements, souhaitant la licencier, ils l'avaient mise en relation avec une nouvelle famille. Durant la période d'essai dans cette nouvelle famille (du 1er février au 30 juin 2022), ils avaient réglé l'intégralité des charges sociales alors que E______ travaillait essentiellement pour l'autre famille. Chaque mois, elle leur envoyait le décompte de ses heures de travail, lesquelles lui étaient payées. Les rapports de travail avaient cessé le 7 juillet 2022.
Pour se venger de son licenciement, imputable à son seul comportement, et de ne pas avoir été engagée à nouveau par la suite, E______ tenait des propos malhonnêtes et infondés à leur encontre. Depuis son engagement en septembre 2018, elle n'avait jamais contesté les plannings usuels et les carnets de présence, ni les salaires versés puisqu'ils étaient supérieurs à la réalité effective de son temps de travail lorsque l'on prenait en compte ses trois mois de congés-payés. Les horaires qu'elle prétendait avoir effectués étaient techniquement impossibles et invraisemblables.
Ils ont transmis les avis de débits relatifs aux salaires de E______ d'avril 2021 à juillet 2022 et tenaient à disposition les carnets de présence. Ils étaient dans l'attente des documents intitulés « Décompte des charges » et « certificats de salaire » pour les années 2019 à 2022.
g. Après un nouveau courrier de l'OCIRT demandant des pièces complémentaires, les époux AB______ ont transmis, le 3 novembre 2022, à l'OCIRT les « Décompte des charges » et « certificats de salaire » établis par Chèque-service et les plannings de E______ pour les années 2018 à 2022.
Ils détaillaient également les circonstances du don de CHF 2'000.- effectué le 24 juillet 2019 pour l'achat du billet d'avion et le prêt de CHF 5'000.- sans intérêt afin de « développer ses affaires aux Philippines ».
h. Le 16 novembre 2022, E______ a été entendue une nouvelle fois par l'OCIRT pour la confronter aux dires des époux AB______ et aux justificatifs relatifs à son salaire et à sa durée effective de travail.
i. Le 18 novembre 2022, l'OCIRT a invité les époux AB______ à corriger les salaires de E______ avec effet rétroactif au 1er janvier 2013 et à lui faire parvenir les justificatifs prouvant la mise en conformité.
E______ n'avait pas connaissance des décomptes d'heures transmis par les époux AB______ le 3 novembre 2022. Aucun relevé horaire n'avait jamais été tenu et elle n'avait jamais aperçu d'agenda concernant ses heures ou jours de travail consignés. Ses heures n'étaient pas notées car son salaire était mensualisé et ses horaires étaient fixes. Les « plannings usuels » remis avaient été rédigés a posteriori dans le but unique de servir de moyen de preuve. Ils devaient être écartés.
En ce qui concernait ses horaires et son salaire, tout avait été convenu oralement. Les seuls relevés horaires tenus quotidiennement et reconnus par les deux parties étaient ceux que E______ notait pendant les derniers mois des rapports de travail, à savoir entre février et juillet 2022, dans le but de les soumettre puisque les époux AB______ la rémunéraient au tarif horaire.
E______ reconnaissait le prêt de CHF 5'000.- qu'elle avait remboursé. Les époux AB______ lui avaient remis le montant exact pour l'achat du billet pour F______ en juillet 2019, soit CHF 1'581.95.
Disposant de messages Whatsapp et de photographies, elle pouvait démontrer qu'elle avait travaillé pour les époux AB______ à plein temps et depuis de longues années. Elle avait conservé des cartes de Noël et d'anniversaire, dont la plus ancienne remontait à Noël 2008, laquelle était signée de la main de l'un des époux AB______ au nom des deux enfants.
Il était établi que pendant dix ans, E______ avait été employée sans qu'elle fût déclarée aux assurances sociales obligatoires. Les certificats de salaires établis par Chèque-service devaient être écartés, dès lors qu'ils avaient été établis d'après des renseignements contraires à la réalité.
L'OCIRT avait établi la durée effective de travail et les salaires de E______ comme suit :
- 50h/semaine de février 2013 à août 2019 – salaire mensuel net de CHF 3'000.-, et salaire en nature de CHF 216.67 ;
- 43h/semaine de septembre 2019 à janvier 2022 – salaire mensuel net de CHF 3'000.- et pas de salaire en nature ;
- Horaires variables : moyenne de 12-18 h/semaine de février à mai 2022, environ 35h/semaine en moyenne en juin et juillet 2022, - salaire CHF 23.- net de l'heure (sauf en juillet, CHF 25.- de l'heure).
Un tableau détaillant les rattrapages salariaux auxquels E______ pouvait prétendre était joint. Le montant de la sous-enchère totale était de CHF 128'975.47.
j. Le 4 janvier 2023, sur demande du conseil des époux AB______, les pièces transmises par E______ lui ont été remises.
k. Le 16 février 2023, les époux AB______ ont admis avoir occupé E______ de façon épisodique de 2012 à août 2018 pour s'occuper des enfants. Elle avait été payée de la main à la main pour les heures accomplies. L'allégation d'une durée de travail de 24 ou 50 heures par semaines était contestée.
Les créances salariales antérieures à 2018 étaient prescrites. Ils avaient respecté les salaires minimums applicables.
Les mois de février à juillet 2022, travaillés à l'heure, avaient fait l'objet de décomptes établis par E______ et n'étaient pas contestés. Ils contestaient toutefois la durée de travail retenue par l'OCIRT dans la période du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2022.
Les SMS n'établissaient pas les horaires qu'elle alléguait, puisqu'il s'agissait de modifications isolées de son horaire de travail dues à des imprévus. Les photographies prises prouvaient uniquement une présence et non pas un travail. Les dates et heures pouvaient avoir été modifiées. Prises sans leur consentement, elles étaient illicites et devaient être écartées du dossier.
Ils reconnaissaient que, de septembre 2018 à août 2019, ils avaient communiqué à Chèque-service des montants inférieurs aux montants effectivement versés. En outre, de 2018 à 2021, ils avaient présenté les salaires versés comme étant du salaire brut, alors qu'il s'agissait de montants nets versés à E______. Il convenait de calculer les charges sociales à partir d'un salaire versé net de CHF 3'000.-. En 2022, l'employée avait reçu un salaire net de CHF 13'252.- et non CHF 18'580.- comme retenu dans le certificat de salaire établi par Chèque-service. Le montant brut devait être recalculé et les cotisations sociales versées en trop déduites de la dette.
l. Le 27 mars 2023, les époux AB______ ont remis à l'OCIRT leurs agendas 2018 à janvier 2022 ainsi que des échanges de SMS.
m. Les 16 juin et 4 octobre 2023, l'OCIRT a procédé à l'audition de G______, amie de longue date de E______, et de H______, ancienne employeuse de la précitée.
n. Le 29 novembre 2023, l'OCIRT a relevé que la prescription ne commençait à courir qu'après la cessation du délit. En l'occurrence, la violation n'avait cessé que le 30 juin 2022, et aucune période des rapports de travail n'était prescrite. Conformément à sa pratique constante, l'OCIRT remontait dans ses demandes de mise en conformité au début du délit continu, mais au plus tôt au 1er janvier 2013, date de l'entrée en vigueur du dispositif de contrôle et de sanction.
L'analyse comparative des messages SMS échangés et des agendas annotés prouvait que ces derniers avaient été reconstitués d'après lesdits messages. De plus, les photographies prises au quotidien par E______ entre septembre 2019 et juillet 2022 démontraient que toutes les saisies apportées aux agendas étaient factices.
La durée de travail de l'employée avait évolué au fil des années et était détaillée dans le courrier. Pour la période de février 2022 à juillet 2022, les horaires n'étaient pas contestés puisqu'ils avaient fait l'objet de relevés reconnus par les parties au contrat. Elle avait travaillé d'après des horaires variables, totalisant 444 heures sur la période.
Les prescriptions quant aux salaires minimaux impératifs avaient été violées pendant les 14 années qu'avaient duré les rapports de travail.
Les époux AB______ étaient invités à corriger les salaires de E______ avec effet rétroactif au 1er janvier 2013 et à lui faire parvenir les justificatifs permettant d'établir la mise en conformité demandée.
Les montants récapitulés dans le tableau annexé au courrier du 18 novembre 2022 étaient maintenus.
o. Le 15 janvier 2024, les époux AB______ ont transmis de nouvelles observations détaillant la prise en charge des enfants et leurs activités dès 2012, les repas, les autres travaux ménagers, les photographies, les SMS, les démarches entreprises auprès de Chèque-service, maintenant leur position quant au déroulement des rapports de travail et l'informant qu'ils ne procéderaient pas aux rattrapages salariaux. Ils demandaient qu'une recherche soit entreprise sur les autres employeurs de E______ proposant l'audition de diverses personnes.
Ils ont transmis de nouvelles pièces.
p. Le 22 janvier 2024, une voisine des époux AB______ a informé l'OCIRT qu'elle n'était pas disponible pour un entretien.
q. Les 24, 25, 26 janvier et 5 février 2024, trois voisins (I______, J______ et K______) et un ancien employeur (L______) de E______ ont été entendus par l'OCIRT.
r. Le 6 février 2024, E______ a été entendue une nouvelle fois par l'OCIRT.
s. Le 14 février 2024, dans un courrier valant ultime avertissement avant sanction, l'OCIRT a informé les époux AB______ qu'il avait procédé à de nouvelles auditions. Il a procédé à l'analyse des nouvelles pièces transmises (décomptes du restaurant scolaire, les formulaires d'adhésion et de modification de Chèque‑service) et discuté de la problématique des autres emplois de E______. Il a établi la durée de travail de l'employée et a invité les époux AB______ à annoncer les salaires payés à leur employée à l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS). Ils étaient enfin une dernière fois invités à se mettre en conformité.
t. Le 14 mars 2024, les époux AB______ ont persisté dans leurs explications, reprochant à l'OCIRT d'avoir insuffisamment instruit le dossier et l'absence de débats contradictoires.
u. Par décision du 29 avril 2024, l’OCIRT a prononcé à l’encontre des époux AB______ une amende de CHF 20'000.- en application de l’art. 9 al. 2 let. f de la loi fédérale sur les mesures d'accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats‑types de travail du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), ainsi qu’au paiement de frais de contrôle et émoluments à hauteur de CHF 2'950.- (CHF 2'850.- + CHF 100.‑).
Les faits visés par la procédure étaient des versements à son employée qui étaient inférieurs aux salaires minimaux. Ils s’étaient déroulés entre février 2013 et juin 2022. En considérant l'ensemble des éléments en sa possession, l'OCIRT retenait que E______ avait travaillé à plein temps selon les horaires convenus de 8h00 à 18h00 ou 19h00 jusqu'en août 2019, puis de 11h00 à 19h00 au moins quatre jours par semaine, excepté le mercredi (8h00 à 19h00), avec une certaine souplesse et variations au jour le jour, et enfin à temps partiel variable entre février et juillet 2022. À la lecture des échanges, il était indubitable qu'en plus l'employée se tenait disponible pour les époux AB______ à tout moment, largement au-delà de ses horaires habituels.
La sous-enchère totale s’élevait à CHF 128'975.47 brut/net.
La sanction se fondait sur le nouveau droit entré en vigueur en avril 2017, mais il était tenu compte du fait que 44% de la période visée s’était déroulée avant la modification des dispositions sanctionnatrices de la LDét. Il s'agissait d'un élément atténuant dans le prononcé de l'amende. Aucun rattrapage salarial n'avait été effectué. Le salaire dont bénéficiait E______ n'avait été que partiellement déclaré aux assurances sociales obligatoires. Les circonstances particulièrement déplorables dans lesquelles la sous-enchère avait pu être constatée par l'OCIRT devaient être prises en compte. Pendant dix ans (de 2008 à 2013), les époux AB______ l'avaient employée sans l'affilier aux assurances sociales obligatoires. Ses salaires n'avaient été annoncés à Chèque-service qu'en décembre 2019, à la demande de l'OCIRT, mais en annonçant un salaire inférieur à la réalité. Admettant avoir sous-déclaré les salaires, ils n'avaient annoncé les rectificatifs de salaires versés entre septembre 2018 et juillet 2022 à Chèque‑service qu'en octobre 2023. Pour la période de 2008 à août 2018, refusant d'annoncer rétroactivement les salaires à l'AVS, invoquant la prescription, ils privaient leur employée d'une grande partie des prestations sociales futures lui revenant. La mauvaise collaboration dans le cadre de l'établissement des faits devait également être prise en considération.
La décision n’abordait pas la question de la prescription des infractions.
C. a. Par acte du 30 mai 2024, les époux AB______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à l’audition de huit témoins et, principalement, à ce qu'il soit ordonné à l'OCIRT de détruire les 1314 photographies prises par E______ et déposées par elle et à l'annulation de la décision attaquée.
Était invoqué le grief de l'illicéité des photographies, avec pour conséquence leur inadmissibilité en tant que preuve et leur destruction. Ils contestaient le principe de l'amende dans la mesure où ils avaient respecté les salaires minimaux, compte tenu de l'emploi du temps effectif de E______. Le billet d'avion payé en 2019 devait être considéré comme étant un avantage pécuniaire, qu'il n'y avait pas lieu de soustraire du salaire au motif qu'il s'agissait d'une « gratification ». Ils contestaient les éléments pris en compte pour la quotité de l'amende (la police des étrangers, la législation sur l'AVS, leur devoir de documentation, l'absence de décomptes et les délais de procédure).
b. Le 25 juillet 2024, l’OCIRT a conclu au rejet du recours, sans aborder la question de la prescription.
L'OCIRT avait finalement décidé d'écarter les photographies incriminées, le dossier contenant assez d'éléments probants permettant d'établir les horaires de E______.
En ce qui concernait la période février-juin 2022, la moyenne d'heures de travail était de 12h à 18h par semaine de février à mai 2022, d'environ 35 heures par semaine en juin et juillet 2022, et ce pour un salaire horaire de CHF 23.- net de l'heure (hormis en juillet, période durant laquelle le salaire horaire était de CHF 25.- de l'heure).
L'amende d'un montant de CHF 20'000.- n'était pas disproportionnée.
c. Le 4 octobre 2024, les époux AB______ ont répliqué, reprenant et développant leur argumentation tout en persistant dans leurs conclusions.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 10 octobre 2024.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Les recourants demandent l'audition de diverses personnes.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l'espèce, les recourants ont eu l'occasion de développer leur argumentation à maintes reprises, tant devant l'autorité intimée que devant la chambre de céans, et de faire valoir toute pièce utile. Ils ont notamment pu se déterminer sur les rapports d'audition des personnes dont ils sollicitent la réaudition, en contradictoire, étant rappelé à cet égard que l'OCIRT pouvait entendre ces personnes en vertu de l'art. 2 al. 1 let. b du règlement d’application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01) en l'absence des recourants (ATA/1138/2024 du 27 septembre 2024 consid. 2.6.1).
Par appréciation anticipée des preuves et comme il sera vu ci-dessous, l’audition de ces personnes, au demeurant non obligatoire, ne s’avère ni utile ni nécessaire à la résolution du litige, étant relevé que la valeur probante de l'audition des parents de B______ aurait en toute hypothèse dû être relativisée, compte tenu de leur lien de proximité avec les recourants. Par ailleurs, il n'est pas contesté que E______ a reçu de l'argent en espèces et que c'est à compter du mois de juillet 2021 que ses salaires ont été versés sur son compte bancaire. L'audition de la personne dont le compte bancaire avait servi à recevoir le prêt de CHF 5'000.- effectué en juillet 2019 n'est ainsi pas nécessaire.
Il ne sera donc pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées.
3. Les recourants demandent qu'il soit ordonné à l'OCIRT de détruire les 1314 photographies prises par E______.
3.1 La LPA ne règle pas le sort des preuves obtenues illégalement. Pour la doctrine, la problématique doit être traitée en relation avec le principe du procès équitable inscrit à l’art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Selon certains auteurs, les preuves obtenues par des moyens illégaux ne peuvent être utilisées que si elles auraient pu être recueillies d’une façon légale ou si un intérêt public important le justifie (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 239 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 297 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 4a ; ATA/576/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6a). D’autres précisent que les moyens de preuve obtenus sans respecter des prescriptions d’ordre doivent faire l’objet d’une pesée d’intérêts pour être exploités : il s’agit de mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à la manifestation de la vérité et, d’autre part, l’intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (Christoph AUER, Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2008, ad art. 12 PA). D’autres, enfin, plaident pour une application analogique des règles très détaillées contenues à l’art. 141 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), lesquelles seraient l’expression du procès équitable selon l’art. 29 al. 1 Cst. (voir les références doctrinales citées au consid. 3.1 de l’ATF 139 II 95). En procédure civile, le législateur n’a pas renvoyé au système prévu pour la procédure pénale, mais a opté pour une formulation laissant au juge un large pouvoir d’appréciation. À teneur de l’art. 152 al. 2 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant (ATA/1138/2022 du 10 novembre 2022 consid. 5a).
3.2 Le Tribunal fédéral déduit du droit à un procès équitable l’interdiction de principe d’utiliser des preuves acquises illicitement (ATF 139 II 7 résumé in SJ 2013 I 179 ; ATF 136 V 117 consid. 4.2.2). L’exclusion de tels moyens n’est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence (ATF 131 I 272 consid. 4). Ces règles sont également applicables aux procédures régies par la maxime inquisitoire, telle la présente procédure (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d'office ; ATA/1138/2022 précité consid. 5a et les références citées). L’utilisation de moyens de preuves acquis en violation de la sphère privée ne doit en outre être admise qu’avec une grande réserve (ATF 139 II 7, résumé in SJ 2013 I 179 ; ATF 120 V 435 consid. 3b ; ATA/684/2022 du 28 juin 2022 consid. 6b).
3.3 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).
3.4 En l'espèce, la décision attaquée ne fait pas mention des photographies prises par l'employée et remises à l'OCIRT. Les recourants l'admettent d'ailleurs dans leur recours. Celles-ci n'ont donc pas été utilisées comme moyen de preuve par l'OCIRT pour fonder sa décision.
En outre, l'objet du litige ne porte pas sur le sort des 1314 photographies prises par E______ mais sur le prononcé d'une amende pour sous-enchère salariale.
La conclusion des recourants est donc irrecevable.
4. Les recourants contestent tant le principe que le montant de l'amende administrative qui leur a été infligée par l'intimé.
Se pose d’abord la question de la prescription.
4.1 La prescription est une question de droit matériel qu’il y a lieu d’examiner d'office lorsqu'elle joue en faveur de l’administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/949/2024 du 14 août 2024 consid. 3 ; ATA/917/2021 du 7 septembre 2021).
4.2 Ni la LDét ni la LPA ni la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) ne contiennent de disposition réglant la question de la prescription.
Il s’agit d’une lacune proprement dite, dès lors que le législateur s’est abstenu de régler un point qu’il aurait dû fixer et qu’aucune solution ne se dégage du texte ou de l’interprétation de la loi, laquelle doit être comblée par le juge (ATA/949/2024 précité consid. 3.1 ; ATA/1308/2020 du 15 décembre 2020 consid. 3a).
Il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans pour les contraventions, soit les infractions passibles d’une amende (art. 103 CP ; ATA/917/2021 précité consid. 2a et les références citées).
4.3 Selon l’art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).
L'art. 98 let. c CP règle le début de la prescription pour les délits continus (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, in Alain MACALUSO/Nicolas QUELOZ/Laurent MOREILLON/Robert ROTH [éd.], Commentaire romand - code pénal I, 2e éd., 2021, n. 28 ad art. 98 CP). Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. Il y a infraction continue lorsque les actes qui créent la situation illégale forment une unité avec les actes qui la perpétuent ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs de l'infraction. L'infraction est consommée dès que tous ses éléments constitutifs sont réalisés, mais n'est achevée qu'avec la cessation de l'état de fait ou du comportement contraire au droit (ATF 135 IV 6 consid. 3.2 ; 132 IV 49 consid. 3.1.2.2). Le délit continu ne se prescrit pas tant qu'il dure (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, op. cit., n. 29 ad. art. 98 CP).
4.4 La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP).
4.5 Dans l'ATA/871/2020 du 8 septembre 2020, qui concernait une amende de CHF 11'400.- pour non-respect des salaires minimaux impératifs durant une période d'activité du 1er janvier 2013 à fin octobre 2019, la chambre de céans a retenu que la prescription pénale était acquise pour la sous-enchère salariale précédent le mois de septembre 2017 compte tenu de la date de l'arrêt en question.
Dans un arrêt ultérieur (ATA/917/2021 du 7 septembre 2021 consid. 2), qui concerne également un cas de versements inférieurs aux salaires minimaux, il a été considéré que c'était à partir de la date de fin de ces versements que la prescription avait commencé à courir pour les faits en lien avec les deux employées concernées. Celle‑ci n'était pas encore acquise et la poursuite administrative pas éteinte. Les versements inférieurs en question avaient eu lieu entre février 2017 et février 2020, d’une part, et février 2017 et décembre 2020, d’autre part. Ils avaient cessé le 28 février 2020 pour la première employée et le 31 décembre 2020 pour la seconde.
Dans un arrêt plus récent (ATA/1268/2023 du 24 novembre 2023 consid. 6.2), la chambre de céans cite l'ATA/871/2020 précité, précisant que c'était à tort qu'il avait été retenu qu'une partie de la sous-enchère avait été atteinte par la prescription pénale, raison de la réduction de l’amende. La problématique de la prescription avait fait l’objet de l’arrêt de principe ultérieur (ATA/917/2021 précité).
4.6 En l’espèce, les contraventions reprochées aux recourants, consistant en des versements inférieurs aux salaires minimaux à une employée entre le 1er janvier 2013 et le 7 juillet 2022 doivent être considérés comme ayant cessé à cette dernière date. C'est dès lors à partir de cette date que la prescription a commencé à courir. Les faits auraient donc été prescrits le 8 juillet 2025. Au vu de l'arrêt de ce jour et de l'ATA/917/2021 précité, la prescription pour les faits en lien avec l'employée des recourants n'est pas encore acquise et la poursuite administrative pas éteinte.
5. Le litige porte sur la conformité au droit de l'amende de CHF 20’000.- infligée aux recourants pour avoir versé à leur employée des salaires inférieurs aux salaires minimaux prévus par le CTT-EDom.
5.1 La LDét règle le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non‑respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail au sens de l’art. 360a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) ; (art. 1 al. 2 LDét).
Le contrôle du respect des conditions fixées dans la LDét incombe, pour les dispositions prévues par une convention collective de travail étendue, aux organes paritaires chargés de l’application de la convention (let. a), pour les dispositions relatives aux salaires minimaux au sens de l’art. 360a CO prévues par un contrat‑type de travail, aux commissions tripartites instituées par les cantons ou la Confédération (art. 360b CO ; let. b), pour les dispositions prévues par des actes législatifs fédéraux, aux autorités compétentes en vertu de ces actes (let. c), pour les autres dispositions : aux autorités désignées par les cantons (let. d ; art. 7 al. 1 LDét). Sur demande, l’employeur remet aux organes visés à l'art. 7 al. 1 LDét tous les documents attestant que les conditions de travail et de salaire des travailleurs sont respectées (art. 7 al. 2 LDét). Si les documents nécessaires ne sont pas ou plus disponibles, l’employeur doit établir le respect des dispositions légales à moins qu’il ne puisse démontrer qu’il n’a commis aucune faute dans la perte des pièces justificatives (art. 7 al. 3 LDét).
Les organes de contrôle annoncent à l’autorité cantonale compétente toute infraction à la LDét (art. 9 al. 1 LDét). L'autorité cantonale visée à l'art. 7 al. 1 let. d LDét peut, en cas d’infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d’un contrat-type de travail au sens de l’art. 360a CO par l’employeur qui engage des travailleurs en Suisse, prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d’un montant de CHF 30'000.- au plus (art. 9 al. 2 let. f LDét).
5.2 La LIRT précise la mise en œuvre, dans le canton de Genève, de la LDét (art. 1 al. 2 LIRT).
Le contrôle des salaires minimaux prescrits par un contrat-type de travail, au sens de l’art. 360a CO, relève de la compétence du conseil de surveillance, conformément à la LDét. L'OCIRT procède aux contrôles auprès des entreprises et est l’autorité compétente pour prononcer les mesures et sanctions administratives prévues à l'art. 9 LDét (art. 34B al. 1 LIRT).
Sont considérés comme travailleurs de l'économie domestique, au sens du CTT‑EDom, les travailleuses et travailleurs occupés dans un ménage privé (art. 1 al. 1 let. a CTT-EDom, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022). Le CTT-EDom s’applique à tout le personnel affecté aux activités domestiques traditionnelles ou nouvelles, notamment aux maîtres d'hôtel, gouvernantes, cuisiniers, cuisinières, valets de chambre, femmes de chambre, chauffeurs, jardiniers, jardinières, ainsi qu’aux autres employées de maison affectés notamment au nettoyage, à l’entretien du linge, aux commissions, à la prise en charge d’enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de malades, à l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux malades dans la vie quotidienne (art. 1 al. 2 CTT-EDom, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2022).
Le salaire minimum pour un employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle utile au poste était de CHF 3'900.- en 2013 (art. 10 al. 1 let. e CTT-EDom, dans sa teneur en 2013), de CHF 3'969.- en 2014 et 2015 (art. 10 al. 1 let. e CTT-EDom, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2014), de CHF 4'029.- en 2016 et 2017 (art. 10 al. 1 let. e CTT-EDom, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2016), de CHF 4'077.- en 2018, 2019 et 2020 (art. 10 al. 1 let. e CTT‑EDom, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2018), de CHF 4'512.- en 2021 (art. 10 al. 1 let. e CTT-EDom, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2021), de CHF 4'537.65 en 2022 (art. 10 al. 1 let. e CTT-EDom, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2022).
Les montants ci-dessus comprennent le salaire en nature pour le logement et pour la nourriture. S’il est logé ou nourri par l’employeur, le travailleur reçoit en espèces la différence entre ces montants et la valeur du logement ou de la nourriture selon les normes AVS en vigueur, rappelées en annexe au CTT-EDom (art. 10 al. 3 CTT‑EDom).
Les salaires minimaux prévus dans le CTT-EDom ont un caractère impératif au sens de l’art. 360a CO (art. 10 al. 7 CTT-EDom). Les contrats-types édictés en application de l’art. 360a CO, relatif aux salaires minimaux, présentent un caractère impératif, de sorte qu’il ne peut être dérogé aux salaires minimaux en défaveur du travailleur (art. 360d al. 2 CO).
Un décompte détaillé mentionnant les composantes du salaire (notamment salaire brut, heures supplémentaires), ainsi que les retenues (notamment AVS, assurances, impôt à la source) est remis chaque mois au travailleur (art. 10 al. 6 CCT-EDom).
Selon l'art. 10bis CCT-EDom, entré en vigueur le 1er janvier 2016, il est recommandé d’établir le contrat de travail par écrit avant l’entrée en fonction (al. 1). Le travailleur peut exiger la confirmation écrite du contrat de travail (art. 330b CO ; al. 2). L’employeur tient un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs. Le travailleur peut s’informer en tout temps sur ses heures de travail, jours de repos, jours fériés et vacances qui lui restent à prendre (al. 3). Si l'employeur faillit à son obligation de tenir un registre, l'enregistrement de la durée du travail fait par le travailleur vaut moyen de preuve en cas de litige (art. 10bis al. 4 CTT‑EDom entré en vigueur le 1er janvier 2018).
L'OCIRT est l'organe de surveillance (art. 24 al. 1 CTT-EDom). Il est chargé notamment de contrôler le respect des salaires minimaux, les conditions de travail des jeunes gens et des personnes en formation ainsi que la sécurité des installations (art. 24 al. 2 CTT-EDom).
5.3 Le travail à rémunérer, au sens de l'art. 319 CO, s'entend de toute occupation humaine qui tend, de manière planifiée, à la satisfaction d'un besoin. Il ne s'agit pas nécessairement d'un comportement actif. Lorsque le travailleur se tient prêt à fournir sa prestation, cette seule disponibilité à travailler contribue en effet à la satisfaction des besoins de l'employeur. Le service de disponibilité est une prestation de travail ; il ne se conçoit que contre rétribution (art. 320 al. 2 CO), car le travailleur ne fournit pas cette prestation de manière désintéressée, mais en vue de la prestation principale (rémunérée ; ATF 124 III 249 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 14 décembre 2017 consid. 2.1 et 4A_334/2017 du 4 octobre 2017 consid. 2.2 et 2.3).
5.4 En l'espèce, l'OCIRT a retenu que E______ avait travaillé au moins dix heures par jour durant la période de février 2013 à août 2019 (50 heures par semaine ; 8h00 à 19h00) et au moins 43 heures par semaine de janvier 2019 à janvier 2022 (11h00 à 19h00 sauf le mercredi dont la journée débutait à 8h00). De février à juillet 2022, l'employée avait travaillé d'après des horaires variables, totalisant 444 heures sur la période.
Les décomptes établis par l'OCIRT ne prêtent pas le flanc à la critique. En effet, il ressort des déclarations de E______ que celle-ci avait été engagée par les recourants depuis juillet ou août 2008 en tant que nounou et femme de ménage. Ses horaires convenus étaient de 8h00 à 19h00 avec une certaine flexibilité. À partir de janvier 2019, soit au moment où la quatrième enfant avait débuté l'école, elle commençait son travail à 11h00, parfois plus tôt, et terminait vers 19h00, sauf le mercredi. Elle avait conservé ces horaires jusqu'à la fin janvier 2022, au moment où elle avait commencé à travailler pour une autre famille.
Les pièces du dossier viennent corroborer les déclarations de E______ sur le début de son travail auprès des recourants et sur son temps de travail. En effet, la recourante a conservé une carte de Noël datant de décembre 2008, laquelle était signée de la main de l'un des époux AB______ au nom des deux enfants. Il était d'ailleurs écrit en anglais (« We are glad to have you in Geneva », ce que l'on peut traduire librement par « Nous sommes heureux de vous avoir à Genève »). Une carte souhaitant un joyeux anniversaire à E______ datée du 2 avril 2015, signée par les recourants et deux de leurs enfants, figure également au dossier, avec le texte « You are a good baby-sitter », que l'on peut traduire librement par « Vous/Tu êtes/es une bonne baby-sitter ». De plus, les déclarations de E______ sur ses horaires de travail sont d'autant plus crédibles que des SMS figurant au dossier prouvent que les recourants lui demandaient de venir par moment à 7h50 avec la précision « Early please. 7:50 » que l'on peut traduire librement par « Plus tôt s'il vous plaît. 7:50 ». De plus, de manière concordante avec les déclarations de E______, G______, entendue par l'OCRIT le 16 juin 2023, a indiqué que l'employée travaillait à plein temps, tous les jours du lundi au vendredi. Il en est de même de H______, entendue le 4 octobre 2023 par l'OCIRT, qui a précisé qu'elle la croisait fréquemment le soir à la Servette, lorsqu'elle rentrait du travail, souvent à 20h ou 21h00, horaire qui trouve une assise dans les SMS échangés, comme par exemple un message du 9 avril 2019 à 19h24 envoyé par l'employée aux recourants leur rappelant qu'elle les attendait pour aller à son cours de français, ou encore un SMS du 28 mai 2019 par lequel l'un des recourants informe l'employée qu'il est en train de rentrer. Enfin, L______, entendu par l'OCIRT le 26 janvier 2024, a également déclaré que B______ lui avait dit que l'employée avait travaillé à plein temps pour eux jusqu'à ce que les enfants grandissent. De plus, J______, habitant dans le même immeuble que les recourants depuis 2018, a précisé que B______ lui avait dit que l'employée s'occupait de tout, essentiellement des enfants, de leurs repas et du ménage.
Les déclarations de E______ sur son temps de travail sont d'autant plus importantes que les recourants, alors qu'ils en avaient l'obligation, ne tenaient aucun registre des jours et heures de travail, ni de décomptes réguliers des salaires versés jusqu'à mai 2020.
À cet égard, et comme l'a retenu à juste titre l'intimé, les agendas produits par les recourants – portant sur les années 2018 à janvier 2022 – doivent être écartés, dans la mesure où ils apparaissent avoir été complétés a posteriori. Il est en effet douteux que les recourants aient pris la peine d'enregistrer les heures d'arrivée et de départ de leur employée à la minute près, sans l'en informer, tout en la rémunérant invariablement au même salaire fixe mensuel. À cela s'ajoute que les recourants se sont contredits au fil de la procédure, admettant dans un premier temps qu'étant « Absents, ils ne contrôlaient pas et ne pouvaient pas contrôler l'heure d'arrivée et l'heure du début du travail de Mme E______ » selon leur courrier du 16 février 2023. Ils ont finalement reconnu, dans leur courrier du 14 février 2024, que les horaires reflétés par les messages s'écartaient du planning usuel et qu'il convenait de faire abstraction des carnets, car ils n'avaient pas été rigoureusement tenus. Il en est de même des plannings produits par les recourants par rapport aux années 2018 à 2022. En effet, outre le fait que E______ a contesté avoir eu connaissance de ces plannings, de nombreux SMS attestent que l'employée travaillait pour les recourants en dehors des horaires des plannings présumés. L'OCIRT a d'ailleurs relevé, dans son courrier du 29 novembre 2023, nombre de contradictions entre les horaires des plannings et les heures et contenus des SMS produits par les recourants eux-mêmes. À titre d’exemple, le 6 janvier 2019 à 16h54, alors que selon ledit planning les horaires de E______ étaient de 8h00 à 12h30, A______ AB______ écrit à son employée afin de l'avertir qu'elle allait rentrer à la maison et que l'un des enfants devait arriver à 17h15. E______ lui répond trois minutes plus tard, l'informant que son fils est déjà de retour et que son mari est aussi là, car malade.
En outre, les justificatifs des restaurants scolaires pour les années 2013 à 2022 sont compatibles avec les dires de E______ au sujet de ses horaires, dans la mesure où seuls deux des quatre enfants mangeaient à l'école quatre jours par semaine. Par ailleurs, le formulaire d'adhésion Chèque-service pour les employeurs, signé par les recourants et E______ le 19 juillet 2019, faisant état de 30 heures de travail par semaine, doit être écarté dans la mesure où ni les montants des salaires payés (CHF 2'500.- net indiqué) ni la date d'entrée en service (1er mai 2018 indiqué) ne correspondent aux faits établis. Quant au formulaire de modification des données contractuelles signé par les précités le 24 juin 2022, qui fait état de 42 heures de travail par semaine, celui-ci a été remis uniquement car les recourants souhaitaient se répartir les services de E______ avec L______ et qu'ils s'étaient mis d'accord sur le mode de rétribution. On ne saurait ainsi retenir que, par cette « modification de données », E______ aurait admis qu'il s'agissait d'une modification par rapport à l'annonce faite en 2019. De plus, en l'absence de contrat, de registre horaire ou de preuve relative à un accord concernant les horaires variables, d'éventuelles réductions du taux d'activité de l'employée en raison de périodes de chômage des recourants durant la période d'emploi ne sauraient être admises. Enfin, les emplois parallèles exercés par E______ sont compatibles avec les horaires de travail annoncés par l'employée. Elle a en effet travaillé quelques années pour un autre employeur (G______) le dimanche uniquement, soit un jour où elle ne travaillait pas pour les recourants, et entre novembre 2021 et janvier 2022 chez un autre employeur (K______) – dans le même immeuble que les recourants – le matin avant de venir prendre son service auprès des recourants à 11h00.
Au vu de tout ce qui précède, l’OCIRT était fondé à retenir les heures de travail susmentionnées.
5.5 Les montants des salaires versés à l'employée ne sont pas contestés. Ils ressortent d'ailleurs des déclarations de cette dernière et des recourants, des fiches de salaire produites, des certificats de salaire ainsi que des relevés de compte bancaire figurant au dossier notamment.
E______ a ainsi perçu un salaire mensuel net de CHF 2'200.- en janvier 2013, de CHF 3'000.- de février 2013 au 31 janvier 2022, puis elle a été payée à l'heure de février à juin 2022 au tarif de CHF 23.-/h et CHF 25.-/h au mois de juillet 2022. Elle a également bénéficié d'un salaire en nature correspondant à CHF 216.67 par mois du 1er février 2013 au 31 août 2019. Quant au billet d'avion offert par les recourants en juillet 2019 d'une valeur de CHF 1'581.95, le montant a bien été intégré dans le tableau et dans le calcul de la sous-enchère en tant que salaire net reçu entre janvier et août 2019 (CHF 3'000.- x huit mois + CHF 1'581.95 le prix du billet). Il a donc bien été comptabilisé dans le calcul de la sous-enchère salariale.
Les montants, déterminés par l'OCIRT, que E______ aurait dû recevoir ne sont pas non plus contestés en tant que tels, au-delà des griefs déjà traités relatifs à la durée d'emploi et aux horaires de travail, et sont du reste conformes aux prescriptions applicables.
C'est donc à bon droit que l'OCIRT a retenu que la sous-enchère salariale était de CHF 128'975.47 à l'égard de E______.
De plus, force est de constater que contrairement à leurs obligations, les recourants n'ont pas informé leur employée par écrit, au début des rapports de travail, des éléments prévus par l'art. 330b al. 1 CO, comprenant notamment le salaire et les éventuels compléments salariaux ainsi que la durée hebdomadaire de travail. Ils n’ont pas non plus tenu de registre de travail et des jours de repos effectifs ni remis à leur employée de décompte de salaire jusqu'en mai 2020 comme exigé par la CTT‑EDom.
La faute est en conséquence établie et est grave.
6. Les recourants contestent la quotité de l'amende qui leur a été infligée.
6.1 Selon l’art. 35 al. 3 LIRT, l’OCIRT est l'autorité de contrôle compétente pour le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDét. En outre, il est spécifiquement désigné pour être l’autorité compétente pour contrôler le respect des salaires minimaux prévus dans les contrats-types de travail (art. 34A LIRT) et pour prononcer les sanctions administratives qui s’imposent selon l’art. 9 LDét en cas de non-respect de ceux-ci (art. 34B al. 1 LIRT).
6.2 Selon l’art. 39N LIRT, l'OCIRT peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l'art. 39K LIRT. Ce montant peut être doublé en cas de récidive (al. 1). L'office peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur (al. 2).
6.3 Selon la LDét, l'OCIRT, en tant qu'autorité cantonale compétente, est en droit, en cas d'infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d'un contrat type de travail au sens de l'art. 360a CO par l'employeur qui engage des travailleurs en Suisse, de prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d'un montant de CHF 30'000.- au plus (art. 9 al. 2 let. f LDét). Cette disposition légale est entrée en vigueur le 1er avril 2017.
Dans sa teneur en vigueur avant cette date, la situation était réglée à l’art. 9 al. 2 let. a aLDét : l’employeur qui avait commis de tels faits était passible d’une amende d’un montant de CHF 5'000.- au plus.
6.4 La LDét ne contient aucune précision concernant les principes afférents au prononcé d’une amende administrative et à sa quotité. Les règles générales en la matière peuvent ainsi s’appliquer, rien ne s’y opposant.
6.5 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a retenu que même si les faits concernés avaient débuté avant le 1er avril 2017, date de l'entrée en vigueur de l'art. 9 al. 2 LDét dans sa teneur actuelle, la nouvelle teneur de l'art. 9 al. 2 LDét était applicable au litige. En effet, les faits s'étant poursuivis sous le régime du nouveau droit, ils constituent des faits duratifs qui imposent l’application du régime de la nouvelle loi une fois celle-ci entrée en vigueur (ATA/1268/2023 du 24 novembre 2023 consid. 3.1 et 3.2 ; ATA/917/2021 du 7 septembre 2021 consid. 3 et 4)
6.6 Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal. En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d'une simple négligence (ATA/927/2024 du 7 août 2024 consid. 4.3 et les arrêts cités). L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/849/2024 du 15 juillet 2024 consid. 4.11.1 et les arrêts cités).
La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/935/2024 du 12 août 2024 consid. 6.1.1 et les arrêts cités).
Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée. Sont prises en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/623/2024 du 21 mai 2024 consid. 4.3 et les arrêts cités).
6.7 De jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus (ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/20 du 13 décembre 2022 consid. 3b). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).
6.8 La chambre administrative a confirmé une amende de CHF 1'300.- pour une sous-enchère salariale de CHF 24'051.-, commise pendant dix mois, par un employeur dont la collaboration à l’instruction avait été excellente, qui avait procédé au rattrapage salarial et n’avait pas d’antécédents (ATA/1071/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.2). Elle a confirmé une amende de CHF 8'000.- portant sur une sous-enchère salariale de CHF 42'668.-, ayant duré plus d'un an et demi, dans le contexte d’une mauvaise collaboration et de l’absence de rattrapage salarial (ATA/521/2023 du 22 mai 2023 consid. 4.2). Pour une sous-enchère salariale de près de CHF 380'000.- ayant duré quatre ans au détriment de cinq travailleuses domestiques, la chambre administrative a réduit l'amende de CHF 28'000.- à CHF 14'000.- en raison de l'absence d'antécédents, de la faute et de la collaboration de recourante requalifiées de moyenne (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 9). Dans une affaire dans laquelle la sous-enchère salariale de CHF 166'709.80 a duré trois années et demie et concernait deux employés domestiques, l'amende fixée à CHF 24'300.- a été réduite à CHF 15'000.- pour tenir compte de la situation financière de la recourante (ATA/555/2024 du 3 mai 2024 consid. 4.7).
Dans les affaires relevant de la violation des prescriptions en matière de salaire minimum légal, une amende, dont le montant a été arrêté au maximum de CHF 30'000.-, a été infligée à une société pour avoir pratiqué une sous-enchère de CHF 565'537.54 au préjudice de 43 salariés durant deux ans (ATA/349/2024 du 7 mars 2024 consid. 9.3). En outre, une amende de CHF 28'700.- a été confirmée pour faute particulièrement grave dans le cadre d'une sous-enchère salariale de CHF 274'327.- à l'égard de douze stagiaires pendant une durée de plus de deux ans (ATA/217/2024 du 14 février 2024 consid. 3.10).
Dans un cas récent, la chambre de céans a confirmé une amende de CHF 29'400.-, fixée en prenant en compte l'ampleur de la sous-enchère salariale (CHF 624'352.12), la durée de cinq ans et sept mois pendant laquelle celle-ci a été pratiquée et la mauvaise collaboration du recourant (ATA/1138/2024 du 27 septembre 2024 consid. 6.7).
Dans un autre dossier, la chambre administrative a réduit le montant de l'amende, initialement fixée à CHF 30'000.-, à CHF 20'000.-. L'OCIRT avait pris en compte la durée de la sous-enchère (de novembre 2020 à mai 2022), son l’ampleur (env. CHF 190'000.-) et le nombre (31) de travailleurs touchés, soit environ la moitié de l’effectif de l’entreprise. Il a pris en compte le fait que l'employeuse n’avait procédé qu’à une mise en conformité partielle malgré les demandes répétées de l'OCIRT et n’avait notamment versé qu’une partie des rattrapages sans mettre en place un système de comptage des heures effectives. Il ne pouvait toutefois pas être pris en compte la mauvaise collaboration d’avoir, une fois fournies toutes les données produites par son nouveau système, défendu la conformité de celui-ci avec la loi. La quotité de la sanction apparaissait ainsi excessive au regard de la faute commise (ATA/1335/2023 du 12 mai 2023 consid. 6.3).
Tout récemment, la chambre administrative a réduit de CHF 8'500.- à CHF 6'000.- l'amende infligée à une employeuse de l'économie domestique. La durée des relations de travail (neuf mois) était relativement brève mais la sous-enchère salariale (CHF 42'250.-) importante au regard de cette durée, et les conditions de logement offertes à l'employée ne répondaient aucunement aux conditions légales. Il n'avait par ailleurs été procédé à aucun rattrapage salarial. Il convenait toutefois, dans l'analyse fine de l'ensemble des éléments pertinents pour l'appréciation de la faute et la fixation d'une sanction proportionnée, de tenir compte du fait que la plus grande partie de la sous-enchère accumulée concernait des heures dites de veille et que, le salaire étant économiquement supporté par un tiers, l'employeuse ne poursuivait aucun but d'enrichissement personnel. Celle-ci avait par ailleurs établi un contrat de travail écrit, avait affilié l'employée à l'AVS, établissait des fiches de salaire et avait d'emblée fait appel à Chèque-Service, ce qui constituait un indice de sa volonté de respecter ses obligations. Il n'a en revanche pas été tenu compte du fait qu'il s'agissait d'une première infraction, s'agissant là d'un facteur neutre ne permettant pas d'alléger la sanction (ATA/634/2025 du 5 juin 2025).
6.9 En l'espèce, la chambre de céans peine à saisir l'argument des recourants lorsqu'ils soutiennent que la période antérieure au 1er février 2013 ne pouvait de toute façon pas tomber sous le coup de l'art. 9 LDét.
En effet, outre le fait que la période prise en considération par l'OCIRT s'étend du 1er février 2013 au mois de juillet 2022, la jurisprudence de la chambre de céans a d'ores et déjà retenu que la nouvelle teneur de l'art. 9 al. 2 LDét est applicable au litige même si les faits se sont déroulés avant son entrée en vigueur, étant relevé, au surplus, que l'OCIRT a tenu compte du changement de règlementation, dans le sens d'une atténuation du montant de l'amende.
Comme vu supra, le billet d'avion a été pris en considération dans le cadre du calcul de la sous-enchère salariale. Il n'est donc pas nécessaire d'y revenir.
L'OCIRT a infligé aux recourants une amende de CHF 20'000.-, soit un montant arrêté aux 2/3 du maximum légal. Cette sanction a été fixée en prenant en compte l'ampleur de la sous-enchère salariale (CHF 128'975.47), la durée de neuf ans et quatre mois pendant laquelle celle-ci a été pratiquée, l'absence de tout rattrapage salarial, la déclaration très partielle du salaire de l'employée aux assurances sociales obligatoires et la mauvaise collaboration des recourants. Cette pondération n’est pas critiquable.
En effet, le montant de la sous-enchère salariale doit être considéré comme très important, s'agissant d'une seule employée dans le domaine de l'économie domestique, et cette sous-enchère a été pratiquée à dessein par les recourants pendant une longue durée, leur permettant ainsi d'effectuer des économies importantes au préjudice de leur employée.
Les documents requis par l'OCIRT n'ont été que très partiellement produits. Même lorsque les recourants ont remis certains d'entre eux, ils ne l'ont fait qu’après plusieurs relances de l'intimé. Ils ont en outre produit des documents qui ont été complétés a posteriori, comme vu ci-dessus, dans le but de donner une assise à leurs allégations contraires à la réalité des faits. Il apparaît ainsi que leur collaboration a été mauvaise.
À juste titre, l’autorité intimée a retenu à charge des recourants qu’ils n’avaient pas déclaré leur employée aux assurances sociales obligatoires pour la période de 2008 à août 2018. La situation irrégulière en Suisse de l’employée a permis aux employeurs de violer de façon crasse des règles impératives en matière de protection des travailleurs les plus vulnérables.
Comme exposé ci-dessus, l’autorité intimée a retenu qu’une partie des faits s’était déroulée sous l’ancien droit et indique avoir déjà atténué la quotité de l’amende. Il n’y a donc par lieu d’en tenir compte une seconde fois en diminuant la quotité de l’amende.
Les critères retenus par l’autorité intimée pour fixer le montant de l’amende sont en conséquence pertinents. En limitant le montant total de l’amende à deux tiers du montant maximal, il ne peut être reproché à l’autorité intimée d’avoir abusé de son large pouvoir d’appréciation, étant relevé que les recourants n'allèguent du reste pas qu'ils se trouveraient dans l'impossibilité de s'acquitter de l'amende de CHF 20'000.- ni même qu'ils se trouveraient dans une situation financière difficile.
Les frais de contrôle de CHF 2'850.- et l'émolument de sanction de CHF 100.- ont été établis à satisfaction de droit par l’OCIRT. Les recourants ne les contestent d’ailleurs pas.
La décision est en conséquence conforme au droit et sera confirmée. Le recours doit donc être rejeté dans la mesure où il est recevable.
7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 30 mai 2024 par A______ et B______ contre la décision de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 29 avril 2024 ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Gabriel AUBERT, avocat des recourants, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
C. MEYER
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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