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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/358/2023

ATA/827/2024 du 09.07.2024 sur JTAPI/1365/2023 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;DÉCISION D'EXÉCUTION;REMISE EN L'ÉTAT;CONSTRUCTION PROVISOIRE;AMENDE;SANCTION ADMINISTRATIVE;PERTURBATEUR;DÉCISION INCIDENTE
Normes : Cst.9; Cst.36.al3; LCI.7.al4; LCI.137; RCI.38.al1.lete; LPA.57.letc
Résumé : Rejet d’un recours contre un jugement du TAPI déclarant irrecevable le recours déposé contre une décision du département du territoire adressé au propriétaire d’un hôtel-restaurant lui ordonnant de déposer une demande d’autorisation de construire pour régulariser une situation concernant des infractions constatées lors d’une visite sur place. S’agissant d’une décision incidente, le recourant n’a pas établi que les hypothèses prévues pour qu’un recours puisse être déclaré recevable étaient remplies. En l’absence de permis d’occuper, l’utilisation des chambres restait illégale même si par la suite le département a sursis à l’exécution de l’interdiction d’utilisation des locaux pour éviter l’évacuation de 42 réfugiés jusqu’à ce qu’une solution de relogement soit effective. L’amende prononcée pour violation de cette interdiction confirmée. Interdiction d’utilisation des locaux sis en sous-sol à des fins d’habitation. Même raisonnement concernant une utilisation provisoire, autorisée par le département et pour l’amende prononcée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/358/2023-LCI ATA/827/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

3e section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Christophe GAL, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 décembre 2023 (JTAPI/1365/2023)


EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire de la parcelle no 7'243 (ancienne no 183), feuille 35, de la commune de B______, d’une surface de 5'571 m2, située pour partie en zone agricole (5'192 m2) et pour partie en zone de bois et forêts (379 m2), à l’adresse 144, route C______.

Sur cette parcelle sont érigés plusieurs bâtiments dont un hôtel-restaurant (bâtiment no 13______).

B. a. Le 2 décembre 2013, le département devenu depuis lors celui du territoire (ci‑après : le département) a délivré au propriétaire une autorisation de construire portant sur la transformation d’un hôtel-restaurant (DD 1______).

b. Le 29 octobre 2014, A______ a déposé une demande d’autorisation complémentaire (DD 1______/2) portant sur des modifications diverses du projet initial.

c. Le 12 janvier 2015, dans le cadre de la DD 1______/2, le département a délivré un permis d’occuper provisoire du « restaurant et de ses dépendances ». Selon les préavis délivrés, ce permis d’occuper provisoire était relatif uniquement au sous‑sol et au rez-de-chaussée du bâtiment principal.

d. Le 9 juin 2015, le département a informé le propriétaire que lors d’une visite sur place le 3 juin 2015, il avait été constaté que des travaux avaient été effectués ou étaient en cours, sans aucune autorisation de construire. Il s’agissait de :

- la pose de deux portails ainsi que d’une clôture du côté de la route C______ ;

- l’agrandissement du parking ainsi que la création d’un nouveau mur de soutènement ;

- la transformation et la rénovation des bâtiments nos 2______, 3______, 4______, 5______, 6______ et 7______ ;

- la création d’un couvert dans le prolongement du bâtiment no 7______ ;

- la pose d’une cabane en bois et d’une serre derrière le nouveau mur du parking ;

- les bâtiments nos 8______ et 9______ (poulaillers) étaient cadastrés mais pas autorisés.

Cette situation étant susceptible de constituer une infraction à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), un délai de dix jours était imparti pour se déterminer sur les faits constatés dans cette procédure, ce que le propriétaire a fait par courrier du 19 juin 2015.

e. Par décision du 1er juillet 2015, le département a ordonné au propriétaire de requérir une autorisation de construire pour tenter de régulariser l’infraction I 10______, dans un délai de 30 jours.

f. Le 21 septembre 2016, l’autorisation de construire complémentaire DD 1______/2 a été délivrée.

g. Par courrier du 24 février 2022, le mandataire du propriétaire a contacté le département en vue, de la mise en conformité de la parcelle de B______, entre autres dossiers concernant d’autres biens.

h. Le 7 octobre 2022, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé l’exploitation de l’établissement voué à l’hébergement à l’enseigne D______ propriété de la société anonyme E______. La capacité d’hébergement était fixée à quatorze chambres. À son ch. 9, cette autorisation réservait expressément les autorisations des départements ou services de l’administration prescrites par d’autres textes législatifs ou réglementaires, notamment celles de l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC).

i. À l’occasion d’une visite sur place, effectuée le 13 octobre 2022 en présence du propriétaire et de son conseil, le département a constaté que des locaux au sous-sol étaient affectés à du logement. Il a alors prononcé, avec effet immédiat, un ordre de d’interdiction d’utilisation des chambres en sous-sol.

Par courriel du 14 octobre 2022, le département a confirmé que l’utilisation de toutes les chambres sises au sous-sol était interdite.

Le département a rappelé à cette occasion que des échanges de courriels et des entretiens avaient eu lieu entre l’architecte du propriétaire, son mandataire et le département en vue de la mise en conformité de la parcelle de B______ notamment. À ce sujet, le département avait ouvert cinq procédure d’infractions, dont l’une concernant un arrêt de chantier envoyé en date du 15 mars 2013, confirmé les 8 et 17 avril 2013 (I 11______). Dans une autre procédure (I 12______), un courrier fixant un délai pour se prononcer sur divers travaux non conformes à la DD 1______ avait été envoyé le 31 octobre 2014 et était resté sans réponse. Toutes ces procédures étaient réunies sous le numéro de celle ouverte le 9 juin 2015 (I 10______) dans laquelle un ordre de déposer un dossier de régularisation avait été pris le 1er juillet 2015.

Par ce même courriel du 14 octobre 2022, le département a imparti au propriétaire un délai de trente jours pour apporter les preuves du respect de l’interdiction des chambres sises au sous-sol. Ces locaux étaient indiqués dans l’autorisation de construire initiale (DD 1______) comme étant deux dépôts, deux vestiaires, une lingerie et un bureau. Ils avaient été transformés en chambres après la délivrance du permis d’occuper provisoire. Compte tenu de ces éléments, le permis d’occuper provisoire ne pouvait être utilisé en l’état, ne reflétant pas la réalité du bâtiment vu les transformations effectuées. Le PCTN était informé de ces faits. Un délai à mi‑novembre était fixé pour faire parvenir des propositions pour régulariser la situation du bâtiment no 13______. Toutes sanctions et mesures étaient réservées.

j. Le 5 décembre 2022, A______ a transmis au département un document du 22 juillet 2022, adressé au gérant de l’hôtel, indiquant que le bâtiment comprenait sept chambres au 1er étage et sept chambres au 2e étage. Il confirmait également au département être intervenu auprès de E______ pour lui rappeler que les locaux (vestiaires et dépôts), dans la partie inférieure, n’étaient pas destinés ni utilisables comme chambres.

k. Par décision du 23 décembre 2022, le département a infligé au propriétaire une amende administrative de CHF 500.-.

Prenant acte des divers échanges intervenus et de l’attestation transmise, et après vérification, il apparaissait que le contrat d’hébergement conclu le 17 mars 2022 entre l’exploitante et F______ stipulait que la société exploitante s’engageait à mettre à disposition vingt chambres et non quatorze comme indiqué dans l’attestation. De plus, aucun élément attestant du respect de l’interdiction d’utiliser le sous-sol à des fins d’habitation ne lui était parvenu.

Aucun permis d’occuper n’avait été délivré s’agissant de l’utilisation des étages du bâtiment no 13______, hormis un permis provisoire concernant le rez-de-chaussée et le sous-sol. Une interdiction d’utiliser les étages était prise, avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre.

Le montant de l’amende tenait également compte de l’attitude du propriétaire consistant à ne pas se conformer à l’ordre du 14 octobre 2022, dans la mesure où les preuves de l’exécution demandées ne lui étaient pas parvenues dans le délai imparti.

Un nouveau délai de trente jours était imparti à A______ pour fournir tout élément attestant de manière univoque de la bonne exécution de l’ordre précité. Faute d’exécution de cet ordre, une décision séparée sur les mesures applicables visant au rétablissement d’une situation conforme au droit serait prise.

Afin de tenter de régulariser la situation globale de la parcelle, il lui était en outre ordonné de requérir, dans un délai au 3 mars 2023, une demande d’autorisation de construire définitive laquelle devait être déposée par le biais d’un mandataire professionnellement qualifié et avoir pour objet la demande de régularisation I 10______.

l. Le 2 février 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant, à titre préalable, à ce que le tribunal dise que le recours avait effet suspensif, et à le restituer en tant que de besoin, à ordonner au département de produire l’intégralité du dossier et à lui octroyer un délai pour compléter le recours. À titre principal, il concluait à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens. Cette procédure a été enregistrée sous A/358/2023.

La décision était fondée sur un contrat d’hébergement auquel il n’était pas partie et auquel il n’avait pas eu accès. Le département se fondait sur des faits liant des tiers et sur un prétendu lien avec l’exploitation de l’hôtel-restaurant pour infliger l’amende en question. Il n’avait pas été interpelé avant que l’interdiction d’utiliser les chambres au 1er et 2e étage n’ait été prononcée. Il se considérait, de bonne foi, être au bénéfice d’un permis d’occuper.

Il n’avait commis aucune faute. Il n’avait en outre jamais donné son accord formel à ce que des locaux du sous-sol puissent être utilisés en tant que chambres. Au contraire, l’attestation qu’il avait rédigée à l’attention de l’exploitante confirmait que le bâtiment no 13______ ne comportait que quatorze chambres.

S’agissant de l’ordre de requérir une autorisation de construire, il avait pris contact avec le département en vue de s’engager dans un processus de régularisation au printemps 2021. Depuis février 2022, soit depuis le moment où son dossier avait commencé à être traité, il avait tenté d’initier une procédure de collaboration avec le département. Différents échanges et rencontres s’en étaient suivis, le département ayant lui-même reconnu l’excellente collaboration dont il faisait preuve. Le comportement du département avait ainsi fait naître des attentes légitimes tendant à un processus collaboratif. Il n’y avait aucune urgence justifiant le délai fixé, ce d’autant qu’une telle demande d’autorisation serait déposée une fois le projet abouti et susceptible d’être financé.

Il en était de même de l’ordre d’interdiction d’utiliser les étages du bâtiment n° 13______. L’attitude de l’autorité était contradictoire et il pouvait raisonnablement s’attendre à ce que l’utilisation des étages puisse perdurer jusqu’à la fin de la procédure de régularisation. Le département mettait ainsi concrètement en danger l’exécution financière du projet de régularisation.

m. Par décision du 6 février 2023, constatant que le bâtiment no 13______ hébergeait 42 personnes en provenance d’Ukraine et ayant obtenu le statut de protection S, le département a sursis à l’exécution de la décision du 23 décembre 2022, uniquement en tant qu’elle ordonnait l’interdiction d’utiliser les locaux des étages du bâtiment précité, de manière à éviter l’évacuation des personnes hébergées jusqu’à ce qu’une solution de relogement fût effective. S’agissant de l’ordre de remise en conformité des locaux, celui-ci demeurait exécutoire.

n. Par décision du 24 mars 2023, constatant qu’aucun élément attestant du respect de l’interdiction d’utiliser le sous-sol à des fins d’habitation ne lui était parvenu, le département a infligé au recourant une amende de CHF 1’000.-. Le montant de cette amende tenait compte de son refus de respecter l’ordre du 14 octobre 2022. Un nouveau délai lui était imparti pour fournir tout élément attestant du respect de l’interdiction d’utiliser le sous-sol.

o. Par acte du 26 avril 2023, A______ a formé recours contre la décision du 24 mars 2023 auprès du TAPI. À titre préalable, il sollicitait la jonction avec la cause A/358/2023. À titre principal, il concluait à la constatation de la nullité de la décision du 14 octobre 2022 ainsi que de celle du 24 mars 2023 et, à titre subsidiaire, à l’annulation de cette dernière. La cause a été enregistrée sous A/1400/2023

Si la décision du 14 octobre 2022 n’avait fait l’objet d’aucun recours, elle violait toutefois le principe de proportionnalité. L’interdiction d’utiliser les locaux au rez-inférieur du bâtiment n° 13______ aurait dû être adressée à l’exploitante et non à lui. Il n’avait jamais mis à bail lesdits locaux à des fins d’hébergement.

La décision du 24 mars 2023, en tant qu’elle se fondait sur une décision dont la nullité était avérée, était également nulle.

En l’absence de qualité de perturbateur, il n’avait commis aucune faute.

p. Le 5 mai 2023, le département a étendu sa décision de sursis du 6 février 2023 à l’occupation des locaux en sous-sol, à condition qu’aucun enfant n’y soit hébergé et que la capacité des chambres soit limitée à deux personnes avec interdiction d’utilisation des kitchenettes.

q. Après un double échange d’écritures dans les deux procédures, le TAPI a, par jugement du 6 décembre 2023 (JTAPI/1365/2023), après avoir joint les procédures sous A/358/2023, déclaré irrecevable les recours des 1er février et 26 avril 2023 contre les décisions des 23 décembre 2022 et 24 mars 2023 du département en tant qu’ils portaient sur l’ordre de déposer une autorisation de construire et les a rejetés pour le reste.

La première décision était une décision incidente dont A______ ne parvenait pas à démontrer qu’elle l’exposerait à un préjudice irréparable ou que l’admission de son recours sur ce point serait susceptible d’éviter une procédure longue et coûteuse.

Le droit d’être entendu n’avait pas été violé puisque A______, accompagné de son conseil, était présent lors de la visite sur place du 13 octobre 2022, lors de laquelle les travaux de réaménagement du sous-sol en chambres avaient été constatés par le département. Il ne pouvait ignorer le fait qu’il ne disposait que d’un permis d’occuper provisoire ni que l’utilisation des chambres aux 1er et 2e étages n’avait pas été formellement autorisée, de telle sorte qu’une interdiction de les utiliser pouvait être prononcée.

Adressée au propriétaire, la décision du 14 octobre 2022 n’était manifestement pas nulle, de sorte qu’il en allait de même des décisions subséquentes fondées sur elle. Aucun autre élément ne permettait de constater la nullité de ces décisions.

Les amendes étaient justifiées et l’interdiction d’utiliser les locaux aux étages devait être confirmée.

C. a. Par acte mis à la poste le 22 janvier 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation.

Il concluait à la constatation que la décision du 14 octobre 2022 était nulle, à l’annulation et à la constatation de la nullité de la décision du 23 décembre 2022 et à la nullité de la décision du 24 mars 2023. Il demandait en outre qu’il lui soit donné acte de son engagement à requérir une autorisation de construire définitive et complète dans un délai de 30 jours suivant le départ des réfugiés ukrainiens des locaux.

Dès le départ des réfugiés, prévu fin mars, il déposerait une demande d’autorisation dans un délai de 30 jours afin de terminer le processus de régularisation de la parcelle. Il se trouvait dans l’impossibilité de faire cesser l’occupation des locaux en raison de la situation légale et humanitaire mais également dans la mesure où il n’avait pas le plein contrôle des locaux. Dans une telle situation, la requête en autorisation ne servait à rien, le département ne pouvant que constater qu’il existait une occupation non conforme à la loi, rendant tout espoir de régularisation vain puisque les éléments figurant dans la demande ne pourraient pas être mis en œuvre dans l’immédiat. Le département aurait dû sursoir à l’exécution de l’ordre de déposer une requête jusqu’au départ des réfugiés. Il avait réduit ses conclusions pour qu’il lui soit donné acte de son engagement et il fallait rappeler que c’était lui qui avait repris contact avec le département en vue de faire régulariser la situation. Le TAPI avait erré en déclarant son recours contre l’ordre de déposer une autorisation de construire irrecevable.

Les décisions, y compris celle du 14 octobre 2022, n’ayant pas été notifiées au perturbateur apte à exécuter l’ordre, elles étaient nulles de plein droit. Subsidiairement, il y aurait lieu de les annuler, à l’aune de l’appréciation de sa faute. Il n’avait pas les moyens techniques de s’y conformer.

Le PCTN avait octroyé à l’exploitant l’autorisation d’utiliser les quatorze chambres qui se trouvent dans les étages. Lors de sa visite, le 14 octobre 2022, le département n’avait pas commenté cette utilisation. Vu la décision prise le 5 mai 2023, celle concernant la régularisation des étages et l’interdiction de l’utilisation n’était pas aptes à atteindre le but visé, sauf à considérer que les réfugiés avaient moins besoin de protection que les potentiels autres usagers de l’hôtel. Partant l’interdiction d’utiliser les étages était disproportionnée et violait le principe de la bonne foi.

Le caractère exécutoire de la décision ayant fondé les amendes avait été suspendu par le département lui-même. Il n’y avait pas d’autorisation à titre précaire mais un report du délai de l’interdiction par les décisions des 6 février et 5 mai 2023. L’exécution des décisions fondant les amendes était impossible, et un intérêt public prépondérant s’y opposait. Les amendes auraient dû être annulées.

b. Le 26 février 2024, le département a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne contestait pas la nécessité de déposer une demande d’autorisation pour régulariser la situation.

Aucun motif de nullité n’avait été décelé par le TAPI. En tant que propriétaire, il était apte à prendre les mesures utiles à l’égard de son exploitante aux fins de faire respecter l’ordre du département, ce qu’il n’avait manifestement pas fait.

Les décisions subséquentes de surseoir à l’exécution de l’interdiction prononcées ne modifiaient pas l’état de fait sur lequel se fondaient les amendes litigieuses. Elles ne constituaient pas non plus un comportement contradictoire du département s’agissant de décisions temporaires qui ne faisaient que reporter les effets de l’interdiction.

L’interdiction d’utiliser les étages était fondée sur l’absence de délivrance du permis d’occuper et le PCTN avait expressément réservé les autorisations des autres départements et services compétents.

c. Le 29 février 2024, le recourant a transmis un document signé par G______ attestant que l’usage et l’exploitation des étages de l’hôtel, à l’exclusion du rez inférieur, ne présentaient pas de danger particulier en matière d’incendie. Il n’y avait dès lors aucune urgence particulière à interdire l’exploitation de l’étage dont la mise en conformité serait réalisée ultérieurement.

d. Le 11 avril 2024, le recourant a indiqué ne pas avoir pu se rendre sur site pour s’assurer que les locaux, en particulier ceux du rez inférieur, avaient été libérés et n’étaient plus exploités par E______. Cette dernière s’était opposée à ce que son mandataire assiste à la remise des clefs. Un nouveau délai pour élucider cette question était requis.

e. Le 26 avril 2024, le recourant a répliqué, persistant dans son argumentation et ses conclusions. Vu l’opposition de E______, il n’avait pu s’assurer que les locaux du rez inférieur étaient vides mais il lui avait rappelé l’interdiction ce jour. Les décisions devaient également être adressées à E______, vu la situation de blocage. Il allait déposer une demande d’autorisation de construire d’ici au 31 mai 2024.

f. Le 10 juin 2024, le recourant a informé la chambre administrative qu’une demande d’autorisation concernant la régularisation de la parcelle avait été déposée le 7 juin 2024.

Le courrier de E______ du 26 avril 2024 confirmait qu’il n’était pas lui-même partie au contrat liant l’exploitante à l’association des amis pour Genève. L’exploitation des pièces du rez inférieur avait cessé.

g. Le 11 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant soutient que son recours auprès du TAPI, déposé contre les décisions incidentes des 23 décembre 2022 et 24 mars 2023 en tant qu’elles lui ordonnaient de déposer une demande d’autorisation de construire, est recevable, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI dans son jugement.

2.1 Selon l’art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l’objet d’un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l’objet d’un tel recours si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, à la lumière de laquelle l’art. 57 let. c LPA doit être interprété (ATA/12/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4 et les arrêts cités), un préjudice est irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1).

Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il y serait exposé et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

2.2 En principe, l’ordre de déposer une autorisation de construire est qualifié de décision incidente. Un tel ordre, faisant suite à un constat fait de travaux non autorisés, ouvre une procédure administrative qui prend fin par une décision qui peut soit constater, sur la base du dossier complet, que les travaux ne sont pas soumis à une autorisation, soit dire que ceux-ci sont soumis à autorisation puis accorder ou refuser dite autorisation. L’ordre donné ne met ainsi pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1C_66/2023 du 23 février 2023 consid. 2.5 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 4 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020). La légalité de l’ordre litigieux doit donc en principe, sous réserve notamment de la démonstration de l’existence d’un préjudice irréparable, être examinée avec la décision finale portant sur l’autorisation de construire.

Toutefois, lorsque le non-respect de l’ordre de déposer une autorisation donne lieu à une sanction, la chambre de céans a admis que la légalité de l’ordre litigieux pouvait être examinée sans attendre la décision finale, afin de contrôler la légalité de la sanction prononcée (ATA/1399/2019 précité consid. 3).

2.3 Le recourant fait valoir qu’étant dans l’impossibilité de faire cesser l’occupation des locaux dans la mesure où il n’en avait pas le plein contrôle, l’on se trouvait dans une situation où la requête en autorisation de construire ne servirait à rien, l’autorité intimée ne pouvant que constater qu’il existait une occupation qui ne serait pas conforme, rendant tout espoir de régularisation vain puisque les éléments figurant dans la demande d’autorisation ne pourraient pas être mis en œuvre dans l’immédiat. Il existerait donc bel et bien un dommage juridique tenant dans le fait qu’aucune régularisation ne pourrait être menée à son terme dans la situation actuelle. L’ordre reviendrait à lui demande de procéder, à ses frais, à un acte vide de sens. Il s’engageait à requérir l’autorisation sollicitée dans un délai de 30 jours suivant le départ des réfugiés.

Le raisonnement du recourant ne peut être suivi au vu de la jurisprudence rappelée ci-dessus. En effet, le recourant ne nie pas que le dépôt d’une autorisation de construire est nécessaire pour régulariser la situation mais estime seulement que cette requête serait prématurée en raison des circonstances. Or, face à une situation d’irrégularité, laquelle n’est pas niée par le recourant, l’autorité intimée devait procéder en application de la loi et prendre sans attendre les mesures nécessaires au rétablissement d’une situation conforme. Ainsi, les art. 129 et 130 LCI prévoient les mesures administratives que le département peut ordonner à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses lorsque celles-ci ne sont pas conformes aux prescription de la LCI, des règlements ou des autorisations délivrées. Cela peut impliquer, comme l’a déjà retenu la chambre de céans, que le département, selon les circonstances, commence par ordonner le dépôt d’une requête en autorisation de construire afin de permettre au propriétaire de régulariser la situation, ce qui constitue également une concrétisation du principe de la proportionnalité, notamment en lien avec un ordre de remise en état fondé sur l’art.  29 let. e LCI (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3e, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020). L’ordre de déposer une autorisation de construire n’était donc pas prématuré, et l’on ne voit pas en quoi le fait pour le recourant de s’y conformer, ce qui n’aurait à ce stade pas impliqué l’exécution de travaux, n’aurait pas été juridiquement possible ou l’aurait exposé, respectivement l’exposerait aujourd’hui encore, à un risque de préjudice factuel ou juridique.

Sous l’angle de la recevabilité des recours en tant qu’ils étaient dirigés contre cet ordre, le recourant ne rend donc pas vraisemblable que son exécution l’exposait à un risque de préjudice irréparable au sens rappelé ci-dessus, étant relevé que le simple fait de devoir conduire une procédure ne constitue pas un tel préjudice.

Dans la mesure d’autre part où les amendes contestées sanctionnent non pas le fait que le recourant n’a pas déposé d’autorisation de construire dans les délais impartis mais d’autres manquements aux injonctions qui lui ont été faites, l’exception apportée par la jurisprudence au principe selon lequel la légalité d’un tel ordre ne peut être contrôlée qu’avec la décision finale ne s’applique pas.

C’est donc à juste titre que le TAPI a déclaré les recours irrecevables, en tant qu’ils étaient dirigés contre l’ordre de déposer une demande d’autorisation de construire.

3.             Le recourant conclu à la constatation de la nullité de la décision du 14 octobre 2022 et des décisions subséquentes fondées sur celle-ci au motif qu’elles n’ont pas été notifiées au perturbateur apte à exécuter l’ordre.

3.1 Selon un principe général, la nullité d’un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d’une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3a ; 119 II 147 consid. 4a et les références). En d’autres termes, il n’y a lieu d’admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5.1 ; ATA/547/2021 du 9 juillet 2021 consid. 6a et les références). Ainsi, d’après la jurisprudence, la nullité d’une décision n’est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n’entraînent qu’à de rares exceptions la nullité d’une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l’incompétence qualifiée de l’autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 139 II 243 consid. 11.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2).

3.2 De jurisprudence constante, les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur (ATA/432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 8c), à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d’un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l’objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 122 II 65 consid. 6a et les références cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s’agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa ; ATA/1299/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7e).

L’autorité peut adresser l’ordre de rétablir un état conforme au droit aux perturbateurs par comportement et par situation, jouissant d’une certaine marge d’appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l’obligation d’éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.3). Face à une pluralité de perturbateurs, l’autorité doit agir envers celui ou ceux qui sont le plus en mesure de rétablir une situation conforme au droit, lorsque la mesure de police vise ce but. Cela peut impliquer, suivant les circonstances, une prise en compte cumulative de tous les perturbateurs, une action prioritaire envers le perturbateur par comportement, ou une action envers le perturbateur par situation, s’il est davantage en mesure de faire cesser le trouble de l’ordre public. L’autorité dispose d’une plus grande marge de manœuvre lorsque le rétablissement d’une situation conforme au droit peut prendre un certain temps que lorsqu’il est urgent, ce qui implique de s’adresser au perturbateur qui est le premier à même d’agir (ATF 107 Ia 19 consid. 2b et les références citées ; ATA/1299/2020 précité consid. 7e ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 563).

3.3  En l’espèce, la situation ne peut être qualifiée d’urgente, notamment parce que le département a sursis à l’exécution des décisions d’interdiction d’utilisation des locaux à certaines conditions prises les 6 février et 5 mai 2023. Par conséquent, la marge d’appréciation de l’autorité intimée est entière et elle pouvait s’adresser au propriétaire qui avait loué les locaux, alors qu’il ne disposait pas de permis d’occuper pour ceux-ci, afin d’éliminer la perturbation, face à une pluralité de perturbateurs.

De plus, la décision du 14 octobre 2022 prise à l’encontre du recourant, qui faisait suite à une visite sur place en sa présence, constitue un ordre d’interdiction d’utilisation des chambres en sous-sol, lequel n’a pas été contesté et est donc entré en force.

En sa qualité de propriétaire, le recourant est responsable de l’utilisation conforme au droit de son bâtiment et peut donc être tenu d’éliminer les irrégularités en tant que perturbateur par situation même si l’exploitant est quant à lui perturbateur par comportement.

En conséquence, au vu de la marge d’appréciation laissée au département, le grief doit être écarté.

4.             Le recourant conteste la décision d’interdiction d’utilisation des locaux sis dans les étages du 23 décembre 2022 au motif qu’elle serait disproportionnée et contraire à la bonne foi en raison de la décision du 6 février 2023 de surseoir à l’exécution de l’interdiction.

4.1 Selon l’art. 7 al. 4 LCI, nul ne peut, sans y avoir été autorisé par le département, occuper, faire occuper ou utiliser à un titre quelconque des constructions ou installations neuves ou modifiées ouvertes à un large public.

Sont notamment considérées comme constructions ou installations ouvertes à un large public, au sens de l’art. 7 al. 4 LCI, les hôtels de vingt lits et plus (art. 38 al. 1 let. e RCI). Le permis d’occuper ou d’utiliser n’est délivré que si les locaux satisfont aux conditions prévues par les lois et règlements (let. a), la construction est conforme aux plans approuvés et aux conditions fixées dans l’autorisation de construire (let. b), les travaux extérieurs et intérieurs de la construction sont achevés (let. c) (art. 38 al. 3 RCI).

L’objectif du permis d’occuper est de vérifier que les travaux sont suffisamment achevés pour garantir la sécurité et la santé des habitants, qu’ils sont conformes aux plans approuvés ainsi qu’aux conditions posées dans le permis de construire et non pas de vérifier une nouvelle fois si les dispositions réglementaires sont respectées ; cet examen a déjà eu lieu lors de l’octroi du permis de construire, au terme d’une procédure dûment mise en œuvre, qui a créé un droit subjectif en faveur du requérant et qui ne saurait être remis en cause dans le cadre d’un recours contre le permis d’habiter, sinon par le biais d’une révocation du permis de construire délivré initialement (RDAF 2012, p. 215, arrêt n. 103).

Si lors de l’examen final de la construction, l’autorité constate que certains éléments n’ont pas été autorisés, elle devrait immédiatement initier une procédure de régularisation par l’octroi d’une autorisation complémentaire subséquente ou au travers d’un ordre de remise en état partielle. En effet, elle ne saurait se contenter de tolérer un projet différent en alléguant que les éventuelles divergences seront traitées par le biais de la procédure du permis d’habiter. Le contrôle prévu dans le droit genevois porte sur le respect non seulement des exigences inscrites dans le permis de construire, mais aussi des règles matérielles de la construction, notamment sous l’angle de la sécurité et de la salubrité pour les locaux des constructions ouvertes à un large public (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit du territoire, de l’énergie et de l’environnement/le permis d’habiter : un acte « déclaratif » vis-à-vis du permis de construire ; in Le droit public en mouvement, mélange en l’honneur du Professeur Etienne POLTIER ; 2020, p. 1080 et 1087).

4.2 Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou règlementaires, le département peut ordonner la suspension des travaux, l’évacuation, le retrait du permis d’occupation, l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 et 130 LCI).

4.3 En l’espèce, il n’est pas contesté qu’aucun permis d’occuper n’a été délivré pour les étages du bâtiment. Seul un permis provisoire a été délivré pour le restaurant situé au rez-de-chaussée et ses dépendances, soit les locaux du sous-sol, par décision du 12 janvier 2015.

Le recourant ne pouvait ignorer ces faits. En conséquence, le département était en principe fondé à prononcer une mesure d’interdiction d’utilisation.

5.             Le recourant estime toutefois que cette décision serait disproportionnée. Le PCTN ayant autorisé l’exploitation des locaux, la décision d’interdiction lui créérait un dommage financier important. En outre, la décision ne serait pas apte à atteindre le but voulu, puisque son exécution avait été suspendue par décision du 6 février 2023, et violait le principe de la bonne foi.

5.1 Le principe de proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2022 du 21 mars 2023 consid. 5.1 ; ATA/386/2023 du 18 avril 2023 consid. 6a ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2021, p. 624 n. 2023). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (2) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2022 du 21 mars 2023 consid. 5.1 ; ATA/386/2023 du 18 avril 2023 consid. 6a ; Jacques DUBEY, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Constitution fédérale. Préambule - art. 80 Cst, 2021, p. 381 ss n. 81 ss ad art. 9 Cst. ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 4e éd., 2021, p. 645 n. 1297 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 206 ss n. 578 ss).

5.3 Dans son raisonnement, le recourant omet de tenir compte du fait que l’autorisation de surseoir à l’interdiction n’est que provisoire, s’agissant d’une autorisation d’utilisation à titre précaire, et qu’elle ne suspend que les effets de la décision du 23 décembre 2022 sans en remettre en cause le principe. En outre, la situation exceptionnelle liée aux conséquences de l’arrivée de réfugiés suite à la guerre en Ukraine est postérieure à la situation illégale, soit l’absence de permis d’occuper, ayant fondé la décision d’interdiction.

S’agissant du principe de la bonne foi, le recourant fonde son grief sur l’autorisation délivrée par le PCTN, laquelle réserve toutefois expressément les autres autorisations nécessaires dont celle de l’OAC.

Le grief sera donc écarté.

6.             Le recourant conteste les amendes. L’exécution des décisions sur lesquelles elles se fondent serait impossible et l’intérêt public s’y opposerait.

6.1 Aux termes de l’art. 137 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu’aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l’établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d’une attestation, au sens de l’art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans (al. 5).

6.2 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/142/2023 du 14 février 2023 consid. 8a ; ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5c ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 160 n. 1.4.5.5 ; plus nuancé : Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 413 n. 1211).

6.3 En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement les juridictions pénales (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss et 106 al. 1 et 2 CP ; ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8f).

6.4 Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/142/2023 du 14 février 2023 consid. 8a ; ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3b ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd., 2020, p. 343 n. 1493).

6.5 Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3b).

6.6 L’autorité prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises, dans le respect du principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8g ; ATA/668/2022 du 28 juin 2022 consid. 7e).

6.7 La jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’amende. La chambre administrative ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont prises en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 8a et les arrêts cités).

6.8 En l’espèce, le litige porte sur le bien-fondé de deux amendes prononcées les 23 décembre 2022 et 24 mars 2023.

6.8.1 La première amende de CHF 500.- a été prononcée pour plusieurs motifs. Aucun permis d’occuper n’avait été délivré, hormis un permis provisoire concernant le rez-de-chaussée et le sous-sol mais le recourant avait mis l’ensemble des locaux à disposition d’un exploitant, lequel avait mis en location vingt chambres au lieu des quatorze figurant sur l’attestation du recourant. Le constat fait le 13 octobre 2022 de locaux au sous-sol affectés à du logement et l’ordre d’interdiction prononcé le lendemain n’avait pas été suivi d’effet, le recourant n’ayant pas apporté la preuve du respect de l’interdiction d’utilisation du sous-sol à des fins d’habitation dans le délai fixé.

La faute du recourant dans les violations des ordres donnés et des prescriptions légales n’est pas contestable. L’argumentation qu’il développe en lien avec les décisions prises ultérieurement par l’autorité ne modifie pas le fait que l’amende reste fondée dans son principe.

Sous l’angle de la quotité, le montant de l’amende n’est pas contesté par la recourante et il ne prête pas le flanc à la critique vu son faible montant.

6.8.2 La seconde amende, de CHF 1'000.-, a été prononcée le 24 mars 2023, au motif qu’aucun élément attestant du respect de l’interdiction d’utiliser le sous-sol à des fins d’habitation n’avait été produit. Elle tient compte de l’attitude du recourant à ne pas vouloir se conformer à l’ordre donné le 14 octobre 2022.

Comme vu ci-dessus, le recourant doit être tenu responsable de cette utilisation illégale en sa qualité de propriétaire. En outre, il n’a pas contesté l’ordre du 14 octobre 2022 et celui-ci n’était pas nul, comme vu ci-dessus. Lors du prononcé de l’amende, le département n’avait par ailleurs pas encore étendu aux locaux du sous-sol, sous conditions, la tolérance précédemment octroyée pour ceux des étages.

La quotité de l’amende n’est pas contestée en tant que telle et, compte tenu du fait qu’elle sanctionne une récidive et qu’elle reste située sur le bas de la fourchette prévue par la loi, elle doit être confirmée.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et il ne lui sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christophe GAL, avocat du recourant, au département du territoire - OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :