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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2962/2023

ATA/390/2024 du 19.03.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2962/2023-AIDSO ATA/390/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1956, ressortissant suisse, divorcé, a sollicité et obtenu de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) des prestations d’aide sociale à plusieurs reprises depuis 2010 et du 1er juillet 2014 au 30 novembre 2021.

b. Il perçoit une rente AVS depuis le 1er décembre 2021.

c. Depuis le mois de novembre 2022, il bénéfice de prestations du service des prestations complémentaires.

B. a. Les 15 juillet 2014, 3 août 2015, 31 janvier 2019 et 28 juillet 2021, il a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », confirmant avoir pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales, devoir tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, devoir donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, devoir informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, et devoir rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment.

b. Le 10 avril 2017, il a complété et signé une demande de prestations d’aide sociale financière, dans laquelle il a indiqué ne pas percevoir de revenus provenant d’une activité salariée ou indépendante, ne pas être inscrit au registre du commerce
(ci-après : RC), n’être titulaire que d’un compte UBS à l’IBAN CH1______ et ne pas détenir de véhicule.

c. Le 28 février 2019, il a rempli une nouvelle demande de prestations d’aide sociale financière, confirmant ses précédentes déclarations et ajoutant qu’il détenait un véhicule, soit un « skouter (sic) d’occasion donné par maman ».

d. Lors d’un entretien avec son assistante sociale le 27 mai 2019, il a confirmé ses précédentes déclarations.

e. Le 29 mai 2019, dans le cadre d’une vérification auprès de l’office cantonal des véhicules, il est apparu que A______ était également titulaire d’un véhicule automobile DACIA DOKKER de 2016, immatriculé le 14 mars 2018, en leasing.

f. Lors de son entretien périodique du 19 août 2019, il a indiqué qu’il avait pris en leasing un véhicule automobile DACIA DOKKER, pour une amie, et qu’il apporterait les documents y relatifs.

g. Lors de son entretien périodique du 11 mars 2020, il a indiqué qu’il s’occupait de plusieurs personnes âgées de manière bénévole et que cela lui suffisait, de sorte qu’il ne souhaitait pas être inscrit à une activité de réinsertion (ADR).

h. Le 26 novembre 2021, le service des enquêtes et conformité (ci-après : SEC) de l’hospice a ouvert une enquête après avoir découvert un site internet (http://B______.ch), sur lequel l’intéressé figurait en tant que chauffeur offrant ses services aux personnes à mobilité réduite avec mention de plusieurs tarifs.

i. Lors d’une audition devant le SEC le 14 décembre 2021, A______ a complété et signé le document « Déclaration : biens mobiliers », dans lequel il a indiqué n’être titulaire que du compte bancaire UBS susmentionné, ainsi que d’un compte « CORNERBANK » et d’un compte « RAIFFEISEN ».

j. Le 1er mars 2022, le SEC a rendu son rapport d’« enquête complète ». Il en ressortait notamment que l’intéressé avait été inscrit au RC, soit son entreprise individuelle « C______ » du 5 septembre 2016 au 21 décembre 2017. Selon les documents bancaires que le SEC avait pu obtenir dans le cadre de son enquête, l’intéressé était et avait été titulaire des comptes suivants :

-          CORNERBANK n° 2______, non déclaré à l’hospice avant son audition du 14 décembre 2021 et sur lequel il avait effectué divers versements du 29 décembre 2017 au 25 novembre 2021, pour un total de CHF 8'760.- ;

-          POSTFINANCE n° 3______, compte commercial enregistré au nom de « C______ », ouvert le 23 septembre 2015, crédité à hauteur de CHF 74'142.30 depuis le mois de janvier 2017, jusqu’au mois de nombre 2021, par divers particuliers et établissements. Ce compte avait été résilié le 18 novembre 2021 et jamais déclaré à l’hospice ;

-          POSTFINANCE n° 4______, enregistré en son nom propre, ouvert le 24 septembre 2015, résilié le 18 novembre 2021 et jamais déclaré à l’hospice. Le compte avait été alimenté par le compte commercial POSTFINANCE
n° 3______, mais également par divers revenus provenant notamment de son activité de chauffeur, dès décembre 2016.

k. Lors de son entretien périodique du 19 avril 2021 avec son assistante sociale et le responsable d’unité du centre d’action sociale (ci-après : CAS) de D______, A______ a été confronté aux résultats du rapport d’enquête. Il a déclaré qu’il gagnait environ CHF 200.- par semaine avec son travail de chauffeur. Cela lui avait permis de vivre plus dignement, d’être occupé et de ne pas avoir à informer ses proches qu’il était aidé par l’hospice. Il regrettait de ne pas avoir déclaré ses revenus mais cette activité lui avait été bénéfique pour le moral puisqu’il aidait des personnes âgées. Il avait progressivement racheté la voiture de son amie, dont la valeur était d’environ CHF 28'000.-. Il avait arrêté de travailler depuis l’âge de la retraite.

l. Par courrier du 20 avril 2021, A______ a déclaré avoir encaissé CHF 41'500.- avec son travail de chauffeur, précisant que la différence était due au fait que sa mère lui donnait « de temps en temps des petites sommes ».

m. Par décision du 13 juillet 2022, le CAS de D______ lui a demandé la restitution d’un montant de CHF 91'154.20, correspondant aux prestations d’aide sociale financière indûment perçues par ses soins, principalement en raison du fait qu’il détenait des comptes bancaires non déclarés à l’hospice et sur lesquels il avait perçu des revenus non déclarés. Ce montant avait été calculé en prenant uniquement en compte les revenus et autres ressources figurant sur les comptes bancaires et postaux qu’il n’avait pas déclarés à l’hospice pour la période allant du 1er février 2016 au 31 décembre 2021.

n. A______ a formé opposition à cette décision, faisant valoir notamment que son projet d’entreprise de chauffeur pour personnes à mobilité réduite n’avait pas fonctionné, qu’il avait dû se désinscrire du RC et qu’il estimait son bénéfice mensuel à environ CHF 500.-.

o. Par courrier du 30 mars 2023, l’instance d’opposition de l’hospice a informé l’intéressé qu’à la suite du réexamen de son dossier, la décision entreprise pouvait être reconsidérée à son détriment et le montant qui lui était demandé en remboursement pouvait être revu à la hausse. Il avait eu une activité lucrative indépendante non déclarée à l’hospice depuis septembre 2016 à novembre 2021, de sorte que c’était l’intégralité des prestations d’aide sociale financière qui lui avaient été accordées pour cette période, soit CHF 185'277.65, qui pouvait lui être demandée en remboursement.

p. Le 25 avril 2023, A______ a déclaré maintenir son opposition.

q. Par décision sur opposition du 18 août 2023, l’hospice a confirmé la décision du CAS de D______ du 13 juillet 2022 dans son principe et amplifié le montant réclamé au titre de prestations d’aide sociale financière indûment perçues à hauteur de CHF 185'277.65.

Son activité indépendante s’était étendue du mois de septembre 2016 au mois de novembre 2021 à tout le moins, ce qui excluait son droit aux prestations d’aide sociale financière de l’hospice pour l’ensemble de cette période. Les personnes qui commençaient une activité indépendante alors qu’elles étaient au bénéfice de prestations d’aide financière étaient exclues non seulement de l’aide financière ordinaire mais aussi de l’aide financière exceptionnelle prévue à l’art. 16 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01). La seule possibilité pour pouvoir bénéficier d’une prestation de l’hospice était celle prévue à l’art. 42C de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), possibilité dont il n’avait pas fait usage.

Il avait gravement violé son obligation de renseigner l’hospice en dissimulant la prise de cette activité indépendante, l’ouverture des comptes litigieux et la perception de revenus. Il avait persisté à en dissimuler l’existence durant une longue période, en particulier lors de ses échanges avec ses assistants sociaux, dans ses formulaires de demande de prestations ainsi que lors de son audition par le SEC. Il connaissait pourtant son devoir de renseigner l’hospice.

Selon les recherches en ligne, le site internet http://B______.ch avait été indexé pour la première fois sur Google au mois de septembre 2016 et était toujours actif.

C. a. Par acte du 15 septembre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision de remboursement « largement exagérée ». Comme l’hospice ne voulait pas aider un indépendant, il avait dû cacher sa « tentative d’indépendance ». Il ne pouvait vivre avec un revenu de CHF 500.- par mois. Ce « petit pécule » lui permettait de faire des cadeaux à son fils, de l’inviter au restaurant, de payer ses cigarettes et de faire croire à son entourage qu’il n’était pas un assisté. Moralement, cela était très important pour lui. Il regrettait d’avoir accepté de signer les procurations afin que l’hospice puisse faire ses recherches.

b. Par réponse du 19 octobre 2023, l’hospice a conclu au rejet du recours, en reprenant la motivation de sa décision sur opposition.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, si bien que la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 LIASI).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de restitution prise par l’hospice.

2.1 La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 phr. 2). Avec le règlement d’exécution de la LIASI, le RIASI, elle concrétise les art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE – A 2 00 ; ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire et les membres du groupe familial doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI). Exceptionnellement, les prestations d’aide financière peuvent être accordées à titre d’avance sur prestations sociales ou d’assurances sociales (art. 9 al. 3 let. a LIASI).

Le droit aux prestations d’aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (art. 28 al. 1 LIASI). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (art. 28 al. 2 LIASI).

2.2 Ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). L’art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser la somme de CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

L'art. 11 al. 4 LIASI charge le Conseil d'État de fixer par règlement les conditions d'une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l'aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur des catégories de personnes qui n'ont pas droit aux prestations ordinaires prévues par l'art. 2 let. b LIASI, dont font partie notamment, selon l'art. 11 al. 4 let. d LIASI, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante. L'art. 16 al. 1 RIASI dispose ainsi que peut être mise au bénéfice de prestations d'aide financière ordinaire, à l'exception des prestations à caractère incitatif, la personne qui exerce une activité lucrative indépendante. L'art. 16 al. 2 RIASI, dans sa teneur – applicable en l’occurrence – jusqu’au 31 décembre 2021, précise que l'aide financière est accordée pour une durée de trois mois; en cas d'incapacité de travail du bénéficiaire, les prestations peuvent être accordées pendant une durée maximale de six mois. Selon l’art. 42C al. 8 LIASI, une allocation unique et remboursable peut être octroyée à toute personne présentant un projet de création d'une activité indépendante, pour autant que cette dernière soit jugée viable dans la durée.

Ces dispositions poursuivent un but d'intérêt public inhérent au système des prestations sociales, à savoir celui de préserver les deniers publics. Elles concrétisent le principe de subsidiarité, en vertu duquel la personne qui ne peut pas, par son travail indépendant, subvenir à ses besoins, doit faire valoir les droits qui sont les siens et auxquels l'assistance publique est subsidiaire. A ce titre, le seul fait d'être inscrit comme indépendant empêche l'administré de s'inscrire à l'office cantonal de l'emploi pour rechercher une activité salariée et percevoir des prestations de l'assurance-chômage. Dès lors, les prestations versées par l'hospice ne peuvent être que refusées vu qu'elles sont subsidiaires à celles de la caisse de chômage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_782/2019 du 9 septembre 2020 consid. 3.3 ; ATA/508/2023 du 16 mai 2023 consid. 6.1 ; ATA/450/2018 du 8 mai 2018 consid. 6b ; ATA/194/2006 du 4 avril 2006 consid. 6; ATA/840/2004 du 26 octobre 2004 consid. 4). 

L’assistance publique n’est donc pas destinée aux personnes ayant une activité indépendante (ATA/840/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/766/2003 du 21 octobre 2003). L'absence de revenus tirés de l’activité indépendante est sans pertinence, le critère déterminant étant le seul statut d'indépendant (ATA/117/2015 du 27 janvier 2015 consid. 8). Cependant, un indépendant qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à ses besoins vitaux et immédiats peut bénéficier d’une aide d’urgence d’une durée maximale de trois mois lui permettant soit de passer un mauvais cap, soit de constater le caractère non viable de son entreprise et, dans cette hypothèse, de prendre les décisions qui s’imposent. Au terme de ce délai, l’intéressé doit avoir choisi entre le maintien de son statut d’indépendant, mais sans aucune aide financière de l’hospice, ou la renonciation à celui-ci, auquel cas il pourra faire valoir les droits auxquels l’assistance publique est subsidiaire, à savoir l’emploi temporaire ou, à défaut, une aide financière de l’hospice, ce qui suppose la recherche active d’un emploi salarié (ATA/194/2006 précisé consid. 5).

2.3 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise l’obligation de collaborer et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1304/2021 du 30 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il atteste notamment du fait que le bénéficiaire a été informé du caractère subsidiaire des prestations d’aide financière exceptionnelle et du fait que des prestations sociales ou d’assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d’aide financière dont elles doivent être déduites (ATA/1231/2022 précité consid. 4c).

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, une prestation reçue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/336/2020 du 7 avril 2020 consid. 6b ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 7 ; ATA/54/2013 du 29 janvier 2013 consid. 6 ; ATA/193/2006 du 4 avril 2006 consid. 3b). Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/336/2020 précité consid. 6b ; ATA/1083/2016 du 20 décembre 2016 consid. 12b ; ATA/35/2005 du 25 janvier 2005 consid. 4). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/336/2020 précité consid. 6b et les références citées ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5).

2.4 Le Tribunal fédéral a rappelé que, selon le principe de la subsidiarité, qui s’applique tant dans le cadre de l’aide sociale cantonale que dans le cadre de l’aide d’urgence selon l’art. 12 Cst., l’aide n’intervient que si la personne ne peut pas subvenir elle-même à ses besoins et si toutes les autres sources d’aide disponibles ne peuvent pas être obtenues à temps et dans une mesure suffisante. Ainsi, pour apprécier si une personne est dans le besoin, il faut tenir compte des ressources qui sont immédiatement disponibles ou qui sont réalisables à court terme. En l’absence de ressources disponibles ou réalisables à court terme, l’intéressé doit être considéré comme étant dans le besoin et l’État doit au moins lui accorder une aide à titre transitoire (ATF 146 I 1 consid. 8.2.1 et les références citées). Lorsque l’élément de fortune constitue un bien-fonds, il ne peut en général pas être réalisé à court terme ou à temps pour couvrir les besoins actuels du demandeur d’aide. Dans l’intervalle, celui-ci doit pouvoir compter sur une aide de l’État, qu’il remboursera dès la réalisation des éléments de fortune en question (ATF 146 I 1 consid. 8.2.2 et les références citées).

2.5 Sous réserve des cas spécifiques tels que les art. 37 à 39 LIASI, le remboursement des prestations d’aide financière est régi par l’art. 36 LIASI. Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). L’hospice réclame, par décision écrite, au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).

3.             En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant a exercé une activité lucrative indépendante depuis l’inscription de son entreprise individuelle « C______ » au RC le 1er septembre 2016 jusqu’à sa retraite, le 30 novembre 2021. L’intéressé admet d’ailleurs que cette activité lui permettait de se rendre utile en venant en aide à des personnes à mobilité réduite et d’effectuer des dépenses supplémentaires en faveur de son entourage. Or, selon les art. 11 al. 4 let. d LIASI et 16 RIASI, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante n’ont pas droit aux prestations ordinaires prévues par l'art. 2 let. b LIASI. Une aide financière limitée est certes prévue à l’art. 16 RIASI, mais celle-ci suppose que le requérant soit déjà en exercice au moment de la demande de prestations d’aide financière. S’agissant des personnes commençant une activité indépendante en cours d’aide financière, la LIASI prévoit seulement la possibilité de verser une allocation unique et remboursable, pour autant que l’activité indépendante soit jugée viable dans la durée (art. 42C al. 8). Or, le recourant n’a pas sollicité une telle prestation, étant rappelé que celle-ci est, en principe, remboursable.

Ainsi, compte tenu des conditions strictes à l'obtention d'une aide financière fondée sur la LIASI, laquelle est subsidiaire à toute autre source de revenu, c’est à bon droit que l'hospice a considéré que les prestations d’aide financière avaient été perçues sans droit.

Reste à examiner si, conformément à l’art. 36 al. 3 LIASI, la prestation a été perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du recourant.

Tel est bien le cas en l’occurrence. En effet, le recourant, qui a été bénéficiaire des prestations de l’hospice à plusieurs reprises depuis 2010 et du 1er juillet 2014 au 30 novembre 2021, connaissait ses obligations de collaboration à l’égard de
celui-ci, notamment celle de fournir des indications exactes et signaler immédiatement des modifications survenues dans sa situation sociale et financière, ayant signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » à plusieurs reprises, encore au mois de juillet 2021.

Or, malgré cet engagement, il n’a jamais signalé la création de son entreprise individuelle en septembre 2016. Il n’a mentionné ni l’inscription de celle-ci au RC, ni les revenus tirés de cette activité, ni l’existence de comptes bancaires sur lesquels ses revenus étaient versés. Il n’a pas non plus indiqué qu’il était titulaire d’une voiture en leasing. Il a ainsi intentionnellement refusé de donner les informations requises et caché des informations utiles, ce qu’il admet d’ailleurs expressément dans son recours. Il doit donc se voir reprocher d’avoir violé ses obligations de collaboration à l’égard de l’hospice. En tant qu’il explique que ses revenus étaient insuffisants, il sera rappelé que, selon la jurisprudence précitée, l’absence de revenus tirés de l’activité indépendante est sans pertinence, le critère déterminant étant le seul statut d'indépendant.

Dans ces circonstances, l'hospice n'a pas violé la loi, y compris le principe de la proportionnalité, en ordonnant la restitution de l'intégralité des prestations perçues indûment.

Enfin, le montant réclamé en remboursement n’est pas contesté et résulte des pièces au dossier, en particulier de l’attestation d’aide financière de l’hospice du 7 août 2023.

Les éléments qui précèdent conduisent au rejet du recours.

4.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 septembre 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 18 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :