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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2991/2022

ATA/36/2023 du 17.01.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2991/2022-FORMA ATA/36/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Guillaume Etier, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Mme A______ est titulaire d’un diplôme d’architecte obtenu en juin 1992 à l’école d’architecture d’B______ en C______.

Elle a obtenu à l’Université de Genève (ci-après : l’université) un diplôme d’études approfondies (ci-après : DEA) en architecture et arts appliqués le 3 novembre 2005.

2) Mme A______ a été admise à la maîtrise universitaire en études avancées (master of advanced studies ; ci-après : MAS) en conservation du patrimoine et muséologie à la faculté des lettres de l’université en septembre 2000.

3) Mme A______ a réussi six modules : patrimoine et inventaire (4.00) ; œuvres d’art en public (4.50) ; droit de l’art (4.00) ; histoire de la conservation et de la restauration de monuments historiques (4.75) ; méthodes et outils en matière de conservation du patrimoine (5.00) et approches des pratiques de la conservation du patrimoine monumental (4.00).

4) Le stage effectué à l’office cantonal du patrimoine et des sites de Genève
(ci-après : OPS) du 1er mars au 31 mai 2021 a été jugé insuffisant par la direction de cet office et la note de 3.00 a été attribuée.

5) Le 29 juin 2021, au cours d’un entretien en ligne avec la professeure D______, Mme E______, chargée de cours, M. F______ et le professeur G______, co-directeur du MAS, les motifs de l’échec ont été exposés à Mme A______.

Cette dernière a alors été invitée à rédiger un rapport de stage, comme le prévoyait le règlement du MAS en cas d’échec, dont le thème était « Le passage des Lions à Genève ».

6) Le 6 juillet 2021, la Prof D______ a adressé par courriel à
Mme A______ un exposé des normes rédactionnelles et un syllabus expliquant le développement d’un travail écrit.

7) Le 9 juillet 2021, Mme A______ a interpellé le Prof G______.

Elle était à la limite du « burn-out » depuis son stage à l’OPS. Elle ne voulait plus collaborer ni de loin ni de près avec cette « partie » de l’OPS. Il lui serait pénible de quitter le MAS après avoir parcouru plus de la moitié du chemin. On avait rejeté injustement toute la faute sur elle, le stage était une besogne et non un travail, les erreurs faites n’étaient pas de « faits » mais étaient humaines et ne révélaient rien de ses vraies capacités. Sa position était « non négociable » et « sur un refus de [sa] part, elle aviserait le moment venu ».

8) Le 10 juillet 2021, le Prof G______ a indiqué à Mme A______ que l’entretien du 29 juin 2021 ne visait pas à la mettre en faute, mais à trouver une solution constructive pour elle et conforme au règlement du MAS : un travail sur mesure, évalué uniquement par Mmes D______ et E______, sur des critères académiques. Elle lui avait semblé satisfaite de cette solution à l’issue de l’entretien. Il s’agissait d’une solution idéale. Mme A______ était invitée à prendre quelques jours pour réfléchir avant de prendre sa décision le plus sereinement possible.

9) Le 12 juillet 2021, Mme A______ a transmis au Prof. G______ ses doutes sur l’impartialité de Mme E______ dans le cadre de la rédaction du rapport de stage. Les commentaires que celle-ci lui avait faits par téléphone à l’issue de la réunion en ligne du 6 juillet 2021 étaient très durs. Mme E______ lui avait dit que le rendu de son travail de stage avait clairement modifié son opinion sur ses aptitudes dans l’académique et sa fiabilité pour un quelconque travail de recherche, et que le rattrapage pourrait éventuellement changer cette opinion largement partagée. Elle craignait avoir « perdu » Mme E______ en cours de route. Après le « non-respect mutuel à l’ops », voilà que son enseignante doutait.
Mme A______ demandait au Prof G______ si c’était « une solution idéale ».

10) Le 13 juillet 2021, Mme A______ a proposé au Prof G______ de suivre un nouveau stage durant lequel elle serait évaluée, moyennant remboursement des indemnités perçues lors du premier stage.

11) Le même jour, le Prof G______ lui a répondu que cela était impossible, à teneur du règlement du MAS.

12) Le 14 juillet 2021, Mme A______ a indiqué avoir pris note que le processus d’évaluation serait fait en toute impartialité. Elle s’en remettait au Prof. G______ et indiquait qu’elle pouvait dès lors poursuivre son travail.

13) Le 16 août 2021, Mme A______ a remis par courriel à Mme E______ un premier rapport comportant seize pages, précisant : « En considérant que c’est là un premier jet, le document n’est pas entièrement sourcé, il le sera bien évidemment au prochain rendu intermédiaire ».

14) Le 17 août 2021, Mme E______ a indiqué par courriel à
Mme A______ qu’elle avait parcouru une première fois son texte et allait le relire plus attentivement. Elle avait bien compris qu’elle n’avait pas encore eu le temps de placer toutes les notes de bas de page dans cette version. Vu l’importance de cet aspect du travail, elle l’invitait à renvoyer son fichier en insérant les appels des notes qu’elle pensait « mettre, par exemple juste sur les pages 3 et 4 ».

15) Le 18 août 2021, Mme A______ a renvoyé une version dont les pages 3 et 4 avaient été complétées. Elle avait inséré les appels de notes pour les autres pages.

16) Le même jour, Mme E______ en a accusé réception. Elle avait noté qu’il s’agissait d’une première version et elle voulait simplement savoir plus précisément comment elle « gérai[t] les renvois à [s]es sources d’information, et c’était plus clair maintenant ». Elles en rediscuteraient le lendemain.

17) Selon une liste de remarques établie par Mme E______ le 18 août 2021, le travail comportait trop de copier-coller de paragraphes entiers ou de « petits bouts de phrases » et ne constituait de ce fait pas un travail scientifique. L’information devait être digérée et donnée avec les mots de la rédactrice. Sa provenance devait être indiquée dans les notes de bas de page, avec l’indication du numéro de page. Si une citation était conservée parce que sa formulation précise était importante et placée entre guillemets, elle devait être « exacte mot à mot » et toujours être suivie de l’appel de note avec référence et numéro de page.

La liste mentionnait « Passages plagiés ! attention, c’est échec automatique ».

De nombreuses autres insuffisances étaient relevées, relativement à la structure, confuse, à la description du bâtiment et de son évolution, aux informations utilisées, à l’analyse, à l’illustration et à la bibliographie.

18) Le 19 août 2021, lors d’un entretien en ligne, Mmes D______ et E______ ont notamment indiqué à Mme A______ que son rapport faisait apparaître plusieurs passages pouvant relever du plagiat.

La possibilité a alors été donnée à Mme A______ de remanier son travail.

19) Le 10 septembre 2021, Mme A______ a remis une seconde version de son rapport.

20) Le 20 septembre 2021, Mmes D______ et E______ ont annoté le rapport de stage d’un grand nombre de passages qu’elles jugeaient plagiés.

21) Le 5 octobre 2021, Mme A______ a écrit au Prof G______ pour l’informer que le rapport de stage avait bien été rendu le 20 septembre 2021, suite aux correction de Mmes D______ et E______ du 20 août 2021, ajoutant : « La deadline étant fixée pour le 30 septembre les 10 jours devaient servir de SAS au cas où il y aurait un problème. Je n’ai pas de nouvelles et j’aimerais emboîter le pas pour mon mémoire dont le rendu est prévu le 30 décembre ».

22) Le 7 octobre 2021, Mme A______ a interpellé Mme E______, lui demandant des nouvelles suite à l’envoi de son rapport de stage le 20 septembre 2021.

23) Le 10 octobre 2021, le Prof G______ a proposé à Mme A______ un nouvel entretien en ligne pour le 15 octobre 2021 afin de lui communiquer le résultat des corrections.

24) Le même jour, Mme A______ a demandé au Prof G______ si, au vu des expériences passées, elle devait s’attendre à des problèmes. Elle l’invitait à lui en « dire davantage afin de [se] préparer à cette séance ».

25) Le 11 octobre 2021, le Prof G______ a confirmé le rendez-vous en ligne.
Entre-temps, il s’entretiendrait avec Mmes D______ et E______ à propos de son rapport de stage.

26) Le 12 octobre 2021, Mme A______ a écrit aux Prof G______ et D______ et à Mme E______ qu’elle mettait fin à la formation MAS en patrimoine. Elle poursuivait ainsi : « La deadline étant fixée le 30 septembre avec la proposition d’un rendu 10 jours plus tôt par Mme D______ créant ainsi un SAS de sécurité au cas où il y aurait eu un problème. N’ayant pas eu de nouvelles de Mme E______ pendant ce temps il m’a paru évident que l’on franchissait une nouvelle étape et poursuivions sur le thème du mémoire. Un simple e-mail de Mesdames D______ et E______ aurait suffi à valider le rapport, au lieu de cela une séance Zoom est prévue avec l’ensemble du corps académique sans aucune information sur l’ordre du jour. Le silence de mes enseignantes est incompréhensible voire inédit et ne présage rien de bon au vu des expériences passées. Jusque-là j’ai suivi votre logique et vous en remercie, car les corrections du rapport m’ont aidée à surmonter un travail sur un sujet qui n’était pas de mon choix et qui me rappelait de plus les expériences traumatisantes de l’OPS. Aujourd’hui je suis arrivée au bout de la logique qui m’a été proposée laquelle à mon sens atteint ses limites, je souhaite donc tourner la page sur cette formation continue au bénéfice d’un horizon plus adapté à mes attentes ».

27) Le 14 octobre 2021, la Prof D______ lui a répondu que le rapport écrit qu’elle avait demandé lui serait envoyé prochainement. Cela prendrait un certain temps car plusieurs personnes étaient impliquées et des consultations étaient nécessaires.

28) Le 15 octobre 2021, Mme A______ a répondu qu’elle n’avait pas demandé de rapport écrit mais le résultat de son rattrapage. Elle ne comprenait pas ce qui se passait, qui étaient les personnes impliquées dans son rattrapage et pourquoi. Ces éléments qui évoquaient depuis son stage à l’OPS et encore aujourd’hui une situation de mobbing avec une atteinte à ses droits et à sa dignité l’avaient poussée à abandonner sa formation pour éviter une dégradation de sa santé psychologique face à l’union et à la force du « tandem UNI/OPS ».

29) Le 18 octobre 2021, Mme E______, s’exprimant également au nom des Prof G______ et D______, a indiqué à Mme A______ qu’ils entendaient sa préoccupation et étaient désolés. Plusieurs personnes étaient en effet impliquées pour le retour sur son rattrapage. Elle avait souhaité être suivie par deux enseignantes et avait été avertie que cela impliquerait des inconvénients, notamment l’allongement des décisions et démarches.

Malgré l’avertissement ferme et catégorique donné le 19 août 2021, le travail rendu le 20 septembre 2021 comportait à nouveau de nombreux passages plagiés, ce qui mettait automatiquement en marche une machine administrative dépassant leur simple autorité d’enseignantes. Avant d’aller plus loin dans ces démarches, elles avaient souhaité en parler avec elle lors de l’entretien en ligne qui aurait dû avoir lieu le matin même, mais elles avaient cru comprendre qu’elle préférait un retour par écrit. Elles s’y attelaient au mieux de leurs disponibilités. Dans tous les cas, la situation était motivée uniquement par le travail écrit qu’elle avait rendu le 20 septembre 2021 et n’avait rien à voir ni avec son stage ni avec les collaborateurs de l’OPS, qui n’étaient plus du tout impliqués dans cette étape de son cursus.

30) Le 8 décembre 2021, le Prof G______ a résumé par écrit à
Mme A______ le résultat du stage, la chronologie de la préparation et de la correction du travail écrit et ses derniers échanges de correspondance.

Le rapport d’expertise était rédigé et pouvait être consulté à l’université à partir du 12 décembre 2021.

Il lui proposait d’en discuter lors d’un entretien en ligne le 10 janvier 2022 avec lui-même et Mmes D______ et E______.

31) Le 10 décembre 2021, Mmes D______ et E______ ont signé leur rapport sur le travail de rattrapage de Mme A______.

Le premier texte, remis le 16 août 2021, n’était pas convaincant. L’argumentation était souvent saccadée et redondante. Des faits et considérations se situaient hors des limites thématiques des chapitres. Les normes rédactionnelles, que Mme A______ avait reçues, n’avaient pas été prises en compte. Le fait que le texte était constitué en grande partie de pures citations (entre guillemets) était encore plus problématique. Il était ainsi apparu que la candidate n’avait pas réalisé une partie essentielle du travail, soit la synthèse des textes en vue d’une argumentation critique et réfléchie. Plusieurs passages étaient par ailleurs copiés à l’identique sans guillemets ni mention de leurs sources en notes de bas de page, ce qui posait un problème de plagiat. Les sources étaient néanmoins mentionnées ailleurs dans le document, soit dans une note ou dans la bibliographie finale.

Lors de la séance en ligne du 19 août 2021, l’attention de
Mme A______ avait été attirée sur le problème du plagiat et elle avait été avertie dans des termes très clairs de ses conséquences, qu’il soit volontaire ou involontaire. Celle-ci avait assuré qu’elle corrigerait également ce problème.

Le second texte, remis le 20 septembre 2021, avait été retravaillé et avait gagné en fluidité, et la structure du contenu avait été améliorée. Parmi les faiblesses de la deuxième version, on pouvait mentionner que l’étudiante se contentait d’énumérer différents faits sans développer une argumentation réfléchie. Certaines recommandations de lectures, importantes, n’avaient pas été prises en compte. Les normes rédactionnelles étaient une nouvelle fois ignorées. Les rares références à la littérature utilisée rendaient les bases du travail beaucoup trop peu transparentes. Le texte ne contenait plus de citations entre guillemets, excepté pour une phrase au début, mais de nombreux passages copiés plus ou moins fidèlement de la littérature avaient été identifiés et étaient dépourvus de guillemets et de notes de bas de page. Par exemple, des passages étaient copiés à l’identique, à un ou deux mots près (n° 16). Dans un cas, le rapport présentait une combinaison littérale de passages tirés de deux sources différentes pour former un seul nouveau bloc de texte (n° 6). On trouvait de nombreux fragments de phrases copiées dispersés à travers tout le texte. Des fragments d’un même passage se retrouvaient parfois ventilés à plusieurs endroits (nos 17, 18 et 19). De mêmes fragments de phrases copiées étaient parfois utilisés à deux reprises (nos 1 et 21 ; nos 10 et 21). Le texte de passages référencés en bas de page mais dépourvus de guillemets restait parfois extrêmement proche de l’original, par le vocabulaire ou la structure du discours (n° 5). Dans un cas, le texte était plus proche d’une autre source que celle mentionnée (n° 4). Les textes dont étaient tirés les passages plagiés repérés étaient toujours mentionnés dans la bibliographie finale. L’existence des sources n’avait pas été dissimulée.

La récidive du plagiat, malgré l’avertissement ferme du 19 août 2021 et son ampleur dépassant largement le cadre acceptable pour des dernières corrections, il n’avait pas été demandé de troisième version du travail à l’étudiante pour le 30 septembre 2021. Pour cette même raison, le travail de rattrapage ne pouvait être accepté.

32) Le 23 décembre 2021, l’université a remis exceptionnellement à Mme A______ une copie du rapport d’expertise.

33) Le 1er février 2022, Mme A______ s’est déterminée.

Lors de son stage, elle avait été occupée à des tâches purement administratives. Le thème de son travail de rattrapage lui avait été imposé. Elle avait fait de son mieux pour traiter ce sujet dans le bref délai constitué par la période estivale. Elle avait lu et analysé l’ensemble des sources qui avaient servi de référence à son travail, y compris les lectures recommandées et les corrections au mois d’août 2021.

Elle s’était largement inspirée des normes rédactionnelles mais avait exercé une certaine latitude de jugement puisque ces dernières n’avaient pas vocation à s’appliquer à un rapport de stage valant travail de rattrapage dans le cadre du MAS mais plus généralement aux travaux écrits de la faculté des lettres en histoire de l’architecture.

Elle avait eu à cœur de prendre en compte les indications des correctrices pour le second projet. Il avait été convenu que si des corrections supplémentaires étaient nécessaires, elles seraient communiquées avant le délai final fixé au 30 septembre 2021. Elle avait soumis son second projet le 20 septembre 2021, soit dix jours avant la date convenue. Aucune demande de correction supplémentaire ne lui avait été adressée. Elle en avait déduit que son travail était suffisant.

S’agissant des reproches de plagiat, elle n’avait pas repris mot pour mot les passages qu’elle avait étudiés mais les avait systématiquement adaptés. Elle avait préféré supprimer les guillemets plutôt que d’ajouter des crochets et des corrections. Ainsi, pour les commentaires nos 4 et 5, elle avait mentionné la source en note de bas de page mais sans mettre de guillemets, ce qui était le bon procédé puisque le texte n’était pas identique à celui du document source. Les commentaires en gras faisaient penser qu’elle avait repris des passages tels quels dans son texte. Or, à y regarder de plus près, il n’y avait pas de coïncidence exacte, car elle avait pris soin de ne pas reprendre ces passages à l’identique, auquel cas elle aurait utilisé des guillemets.

Selon les commentaires, elle aurait dû répéter certaines notes « pour indiquer, ici et là, plus précisément les références dont [elle s’était] inspirée, surtout pour les passages proches de la publication originale ». Ce travail et sa correction lui auraient ainsi permis de se familiariser avec ces règles et méthodes, ce qu’elle considérait comme positif. Les correctrices relevaient à juste titre que les références étaient néanmoins mentionnées en bibliographie. Il ne lui avait pas été donné la possibilité de corriger dans la mesure nécessaire son second projet, contrairement à ce qui avait été convenu.

Elle contestait les accusations de plagiat, dans la mesure où elle n’avait à aucun moment eu l’intention de s’approprier l’œuvre d’un tiers. Elle avait mentionné toutes ses sources, même si elle comprenait que l’application des directives aurait pu être plus rigoureusement scientifique, ce dont elle avait pris bonne note et ne manquerait pas de tenir compte à l’avenir. Son modeste mémoire de rattrapage établi le temps d’un été dans le cadre d’une formation continue ne paraissait cependant pas pouvoir être comparé à une publication scientifique ou à un mémoire de master.

34) Le 7 mars 2022, Mme H______ a proposé à Mme A______ un entretien le 15 mars 2022, en présence de M. I______, doyen de la faculté des lettres et de la professeure J______, vice-doyenne. La proposition a été renouvelée le 14 mars 2022. Mme A______ n’y a pas donné suite.

35) Par décision du 25 mars 2022, M. I______ a maintenu l’échec à l’évaluation pour plagiat.

Après une soigneuse et attentive instruction, il concluait que le plagiat était avéré.

L’échec était définitif et entraînait l’élimination de Mme A______ de la formation.

Il était contraint de saisir le conseil de discipline de l’université.

36) Le 20 avril 2022, Mme A______ a formé opposition contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que son rapport de stage soit dûment évalué, de manière précise et détaillée.

La décision était dépourvue de toute motivation.

S’agissant du grief d’omission d’utiliser les guillemets, elle n’avait pas repris mot pour mot les passages qu’elle avait étudiés mais les avait adaptés. De fait, l’usage des guillemets n’aurait pas été approprié.

S’agissant du grief d’absence de citation, elle avait établi une bibliographie et rédigé onze notes de bas de page pour un texte de dix pages hors introduction et conclusion, devant servir de rattrapage. Elle avait admis spontanément avoir compris qu’elle aurait dû répéter certaines notes pour indiquer plus précisément les références dont elle s’était inspirée, surtout pour les passages proches de la publication originale. Elle avait très largement suivi les directives rédactionnelles.

Le reproche relatif aux notes de bas de page était infondé.

Aucun rapport du logiciel anti-plagiat n’avait été présenté par les correctrices ni ne lui avait été remis dans le cadre de l’accès au dossier, en violation de la directive. Elle avait elle-même fait établir un tel rapport, qu’elle produisait.

À supposer qu’un cas de plagiat pût être retenu, la sanction serait disproportionnée. Il était question d’un rapport de dix pages dans le cadre d’un MAS, elle n’avait jamais fait l’objet d’un tel reproche par le passé et n’avait aucunement eu l’intention de s’approprier l’œuvre d’un tiers. Les éléments qui lui étaient reprochés consistaient en définitive en des points à améliorer dans la construction de son appareil critique plutôt qu’en des faits constitutifs de plagiat.

Était annexée l’impression d’un certificat d’analyse « studium » à l’en-tête « C.net », qui relevait moins de 1 % de similitudes exactes, 0 % de similitudes reformulées et 0 % de similitudes entre guillemets. Deux sources étaient identifiées : un article publié en ligne par l’ENS de Lyon intitulé « Notions en débat. Le patrimoine – Géoconfluences » ; le n° 130 de la revue « Alerte » publié en ligne par Patrimoine suisse. Une source était citée dans le document sans trouver de similitude : un article de la tribune de Genève accessible en ligne sous la référence « geneve/actu-genevoise/plongee-passages-geneve/story/22240782 ».

37) Par décision du 15 juillet 2022, M. I______ a rejeté l’opposition et maintenu l’élimination de la faculté des lettres de Mme A______ et la saisine du conseil de discipline.

Il avait transmis son opposition à la commission des oppositions de la faculté, qui avait établi le 22 juin 2022 un préavis très détaillé qu’il lui avait transmis le 24 juin 2022 pour qu’elle lui fasse part de ses observations jusqu’au 11 juillet 2022. Sans nouvelles de sa part, il considérait qu’elle n’avait pas d’observations à formuler.

Selon le préavis, annexé, son rapport de stage comportait de nombreux passages s’apparentant à du plagiat, alors qu’elle avait été avertie par ses enseignantes de passages faisant état de plagiat lors de la remise du premier rapport de stage.

38) Il ressort du préavis du 22 juin 2022 que la commission des oppositions s’était réunie le 1er juin 2022.

Selon elle, le plagiat pouvait être littéral mais aussi plus subtil et consister en une paraphrase. Dans ce second cas le plagiat était plus grave dans la mesure où la tentative de dissimulation était intentionnelle.

La constitution d’une bibliographie en fin d’ouvrage n’exonérait pas l’auteur d’un travail écrit de citer correctement les passages repris en recourant aux notes de bas de page.

Mme A______ avait connaissance des normes rédactionnelles en histoire de l’architecture, qui lui avaient été remises par ses enseignantes. Son attention avait en outre été attirée sur le plagiat lors de la séance du 19 août 2022. Elle ne pouvait alléguer qu’elle ignorait les exigences fondées.

La commission avait demandé au Prof G______ un rapport d’analyse formel établi par « Compilatio ». Ce rapport, établi le 25 novembre 2021, concluait à 4 % de similitudes, soit un taux relativement faible. Il fallait toutefois considérer que le logiciel ne pouvait détecter des similitudes que sur la base de documents référencés sur internet. Or, les articles plagiés n’étaient pas numérisés et ne pouvaient de ce fait être détectés. Le rapport d’analyse n’avait ainsi pas été joint au dossier car il n’avait pas été jugé pertinent. Le rapport établi par Mmes D______ et E______ était autrement plus « documenté et implacable ».

Le logiciel « Compilatio » constituait une aide à la détection du plagiat mais n’était pas exclusif. Le rapport de Mmes D______ et E______ mettait en évidence les éléments de plagiat suivants :

-          Mme A______ citait parfois au moyen de notes de bas de page les références utilisées, par exemple « rapport 2007 Calame Chaillot » (au lieu de Chaillot Calame) à la correction n° 6, mais la reformulation était tellement calquée sur l’original que Mme A______ eût été bien inspirée de citer littéralement le passage en prenant soin de mettre les guillemets ;

-          parfois, par exemple à la correction n° 8, Mme A______ citait le document de référence dans trois notes infrapaginales mais omettait complètement de citer les passages qu’elle paraphrasait plus bas ;

-          enfin, de nombreux passages étaient paraphrasés sans que les références soient citées dans des notes de bas de page, ce qui constituait là encore un fait caractérisé de plagiat.

Le rapport de stage comportait de nombreux passages plagiés alors que Mme A______ avait été rendue attentive à ce problème, par écrit et par oral avant et après la reddition de son premier travail. Par manque de temps ou d’implication, elle n’avait pas pris en considération les remarques liées au risque de plagiat. Elle aurait pu mettre à profit les dix jours d’avance avec laquelle elle avait rendu la seconde version. Il y avait de surcroît récidive dans le deuxième rapport remis.

Il était normal que Mmes D______ et E______ ne fassent pas part une nouvelle fois à Mme A______ de leurs observations après la lecture du second rapport. Le document relatif aux normes rédactionnelles était très clair à ce sujet, avertissant qu’un travail mal référencé pourrait être accusé de plagiat et se voir refusé et l’étudiant s’exposer à de graves sanctions de l’université.

Le plagiat constituait une faute grave quelle que soit la nature du travail. La faute était, certes, d’autant plus lourde lorsqu’elle portait sur une thèse de doctorat ou un mémoire de master. Toutefois, le travail rédigé dans le cadre d’un rapport de stage donnait lieu à un titre délivré par l’université et engageait la réputation de l’institution au même titre que le bachelor, le master ou le doctorat.

L’élimination de Mme A______ pour plagiat devait être maintenue.

39) Par acte remis à la poste le 14 septembre 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 15 juillet 2022, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit qu’elle n’est pas éliminée de la faculté des lettres, que le conseil de discipline de l’université devait être dessaisi de son dossier, que son rapport rendu le 20 septembre 2021 n’est qu’une version intermédiaire et non un rendu final, et qu’il lui soit permis de remettre, sous quinze jours dès la décision de la chambre administrative devenue définitive et exécutoire, une version finale du rapport de stage et en obtenir une correction. Préalablement, elle devait être entendue.

Lors de son stage, elle avait été affectée à des tâches administratives pour lesquelles elle ne disposait ni d’expérience ni de formation. Elle avait ainsi rencontré de lourdes difficultés relationnelles avec certains collaborateurs de l’OPS, qui voyaient en elle le parfait bouc émissaire le temps de quelques semaines. Le stage ne lui avait toute simplement pas permis de mettre en application les connaissances acquises dans le cadre des modules suivis durant le premier semestre de formation.

Le 9 juillet 2021, elle avait interpellé le Prof G______ au sujet des raisons et des modalités de rédaction de son rapport de stage. Le 12 juillet 2021, elle avait transmis au Prof G______ ses doutes sur l’impartialité de Mme E______. Le 13 juillet 2021, pressentant un avis négatif de Mmes D______ et E______, elle avait proposé au Prof G______ de suivre un nouveau stage, mais le Prof G______ lui avait répondu que cela était impossible.

Lors de l’entretien en ligne du 19 août 2021, aucun avertissement ne lui avait été signifié par les enseignantes, contrairement à ce que ces dernières avaient affirmé par la suite. En effet, les enseignantes savaient, à réception du premier projet, qu’elle n’avait pas encore procédé à cette partie du travail et qu’elle n’avait inséré, à leur demande, que quelques appels de notes à titre d’exemples. Aucun commentaire n’avait d’ailleurs été émis sur ces appels de note quant à leur position dans le texte ou la manière dont certains passages étaient cités (guillemets ou paraphrases).

Il avait été convenu qu’un second rendu intermédiaire pourrait être envoyé avant le rendu final du 30 septembre 2021. Les dix jours restants devaient servir de « SAS » comme elle l’avait écrit au Prof G______.

Elle ne contestait pas que le second projet présentait des erreurs d’appels de notes de bas de page. De manière générale, elle commettait l’erreur d’insérer ses appels de note de bas de page dans des positions non-adaptées dans son texte. Par exemple, elle procédait à un premier appel de note de bas de page au terme d’une première phrase d’un paragraphe au lieu d’y procéder au terme du paragraphe. Une seule note de bas de page suffisait cependant à retrouver la source du texte. Dès lors qu’aucune remarque ne lui avait été faite à cet égard lors du précédent rendu, elle avait maintenu ce mode de faire.

En ce qui concernait la suppression des guillemets, elle avait considéré que son texte gagnerait en fluidité à la lecture en paraphrasant ses sources.

Dès lors que les citations qu’elle avait employées avaient été modifiées, que ce soit par l’introduction ou la suppression d’un mot, par l’utilisation de synonymes, ou par déstructuration de la phrase, elle avait estimé qu’il s’agissait là de paraphrases pour lesquelles l’utilisation de guillemets n’était pas adaptée.

Elle n’avait pas l’habitude des travaux écrits et avait dû se familiariser avec certaines fonctionnalités de l’application de traitement de textes.

Dès le 30 septembre 2021, elle était raisonnablement partie du principe que son travail avait apporté suffisamment de satisfaction pour être admis. Ce n’était que le 10 octobre 2021 qu’elle avait obtenu du Prof G______ un « retour particulièrement opaque » avec la proposition d’un entretien en ligne.

Aucun avertissement ne lui ayant été signifié lors de l’entretien en ligne, elle ne pouvait matériellement récidiver lors de la remise du nouveau rapport de rattrapage.

Le rapport du 10 décembre 2021 établi par Mmes D______ et E______ comportait nombre d’incohérences. Il affirmait faussement que les enseignantes lui auraient rappelé les conséquences du plagiat et qu’elle aurait assuré qu’elle corrigerait ce problème. Ces déclarations écrites, qui n’étaient soutenues par aucune documentation, relevaient de l’invention.

Les dates convenues étaient le 16 août 2021 pour le premier rendu intermédiaire, le 20 septembre 2021 pour le second rendu intermédiaire et le 30 septembre 2021 pour le rendu définitif.

On comprenait du rapport des enseignantes qu’il aurait été unilatéralement renoncé à une seconde correction d’un travail intermédiaire car le plagiat aurait été trop conséquent. Si elle avait eu connaissance de ce qu’elle ne pourrait pas transmettre de nouveau projet, mais seulement un travail définitif, elle aurait évidemment profité des dix derniers jours pour peaufiner et finaliser son travail, notamment en ce qui concernait les références de son texte.

Hormis le rapport des enseignantes, dépourvu de toute documentation écrite, le doyen de la faculté n’avait procédé à aucune instruction du dossier, contrairement à ce qu’il indiquait.

Le préavis défavorable de la commission des oppositions était principalement motivé par le fait qu’elle aurait été avertie des conséquences que pourrait avoir toute récidive de plagiat, avertissement qu’elle contestait avoir reçu, étant observé qu’un avertissement si lourd de conséquences lui aurait certainement été adressé par écrit, dans un évident souci de formalisme et de preuve.

Le rapport d’analyse formel établi par « Compilatio » ne lui avait jamais été communiqué.

On ne pouvait accuser une personne de plagiat dans le cadre d’un brouillon.

Le texte sur lequel s’était fondée la commission des oppositions était un projet et non un travail définitif. Elle avait été privée d’une seconde correction. Il ne pouvait y avoir eu récidive.

Le plagiat tel que retenu ne pouvait être considéré comme tel. La simple lecture du projet suffisait pour comprendre qu’elle n’avait nullement eu l’intention de s’approprier l’œuvre d’un tiers ou de la faire passer pour sienne.

L’université avait violé les art. 12 et 13 du règlement du MAS.

40) Le 14 octobre 2022, l’université a conclu au rejet du recours.

Lors de l’entretien en ligne du 19 août 2021, les enseignantes avaient expressément attiré l’attention de Mme A______ sur la problématique du plagiat et de ses conséquences. À l’issue de la séance, il avait été convenu que Mme A______ enverrait une version définitive corrigée de son texte le 20 septembre 2021 et que si certains détails nécessitaient encore correction, les enseignantes les lui communiqueraient avant le 30 septembre 2021.

La fraude, le plagiat et leur tentative constituaient des infractions graves à l’éthique de l’université et à l’intégrité de la recherche. Le décanat ou la direction devait saisir le conseil de discipline à chaque fois que l’échec était définitif et entraînait l’élimination.

Le plagiat était réalisé en l’espèce dans la mesure où le rapport de stage comprenait de nombreux passages copiés plus ou moins fidèlement de la littérature, apparaissant sans guillemets et sans notes de bas de page.

Les exemples relevés par les correctrices suffisaient à démontrer que le travail n’était pas une création indépendante mais dans une large mesure un simple
copier-coller de différentes sources. L’essentiel du texte était fait de citations directes inadéquatement référencées, avec insuffisamment voire aucun apport personnel. Il ne s’agissait pas d’une simple erreur de présentation mais d’une copie servile de passages entiers tirés d’ouvrages et d’articles d’autres auteurs.

Comme elle le reconnaissait, Mme A______ avait pris soin de paraphraser, reformuler, combiner des textes repris de travaux d’autres auteurs et de les disperser par touches dans son rapport final, ce qui pouvait laisser penser qu’elle avait sciemment cherché à faire passer pour siens ces passages.

Les passages n’étaient pas assortis de guillemets alors qu’ils l’étaient dans la première version. Une hypothétique utilisation des guillemets n’aurait en tout état pas permis de qualifier son travail comme une création personnelle et aurait quand même contrevenu aux règles applicables en matière de plagiat.

Le document avait été soumis au logiciel « Compilatio », qui avait identifié 4 % de similitudes. Pour autant, ni la commission ni le doyen ne s’étaient fondés sur ce certificat d’analyse pour constater le plagiat, mais sur les autres éléments du dossier et notamment le rapport très détaillé de Mmes D______ et E______ qui démontrait l’ampleur du plagiat.

Le texte remis le 20 septembre 2021 était un travail définitif qui avait déjà été remanié plusieurs fois. Le courrier par lequel Mme A______ l’avait envoyé n’indiquait d’aucune manière qu’il pouvait s’agir d’un projet. Le délai de dix jours ne devait permettre que d’éventuelles menues corrections et il aurait été impossible de transformer le projet en version finale en quelques jours.

Mme A______ ne pouvait prétendre qu’elle ignorait les normes rédactionnelles, qui lui avaient été communiquées et qui mentionnaient qu’un travail mal référencé pourrait être accusé de plagiat, exposant l’étudiant à de graves conséquences. Ses considérations sur le caractère modeste de son travail ne pouvaient emporter conviction.

La prétendue partialité de Mme E______ n’avait pas été invoquée au stade de l’opposition.

Même si le plagiat n’était pas retenu, le travail de rattrapage de Mme A______ n’avait pas été jugé suffisant par ses enseignantes et ne permettrait pas une validation du module relatif au stage, de sorte que l’échec définitif au MAS serait inéluctable.

41) Le 11 novembre 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Seule la version de son projet comportant l’introduction de notes en pages 3 et 4 pouvait être considérée comme la première version. Mmes D______ et E______ savaient en amont que la première version serait incomplète s’agissant du référencement des sources. Les normes rédactionnelles n’avaient pas à être scrupuleusement respectées pour la reddition d’un brouillon. Ce n’était qu’au moment du rendu final qu’un étudiant devait présenter un travail parfait sur le plan rédactionnel.

Le délai au 20 septembre 2021 avait pour seul but de lui permettre de soumettre un deuxième projet. Si les normes rédactionnelles n’y avaient pas été scrupuleusement respectées, elle devait encore disposer d’un délai pour y remédier après réception des corrections des enseignantes. Il fallait que Mmes D______ et E______ procèdent à une correction sur le fond du texte et non sur sa forme.

Elle avait eu raison de se méfier des échanges oraux en ligne, puisque l’université contestait à présent que le 20 septembre 2021 avait été fixé lors de l’entretien du 19 août 2021 comme deuxième délai intermédiaire pour la reddition d’un deuxième projet.

Un brouillon ne pouvait être qualifié de plagiat.

Un étudiant en MAS de santé publique s’était vu autoriser six versions successives de son mémoire. Or, seule la dernière avait été qualifiée de plagiat et il ne lui avait été reproché aucune récidive. La traiter différemment constituerait un cas d’inégalité de traitement.

Elle n’avait jamais pu remettre sa version finale. Ce n’était qu’à la reddition d’un travail signé de sa main que les enseignantes auraient tout loisir de l’évaluer de manière stricte à l’aune des normes rédactionnelles.

42) Le 15 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut préalablement à son audition.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de produire toute argumentation et toute pièce utile lors de la procédure d’opposition ainsi que devant la chambre de céans. Elle n’expose pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige sa comparution personnelle serait susceptible d’apporter. La chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il ne sera donc pas ordonné de comparution personnelle des parties.

3) Le litige a pour objet la conformité au droit de la décision prononçant l’élimination de la faculté des lettres de la recourante et la saisine du conseil de discipline.

4) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d'espèce.

Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble (ATA/768/2016 du 13 septembre 2016). Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tel que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/900/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/768/2016 précité).

En matière d'examens, le pouvoir de l'autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu'il est possible de revoir avec un plein pouvoir d'examen. Le Tribunal fédéral, et la chambre de céans avant lui, ne revoient l'évaluation des résultats d'un examen qu'avec une retenue particulière, parce qu'une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux experts ou examinateurs ainsi que sur une comparaison des candidats. En principe, il n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 121 I 225 consid. 4d ; 118 Ia 488 consid. 4c).

5) La recourante conteste avoir commis un plagiat.

a. Elle était inscrite au cursus de MAS en conservation du patrimoine et muséologie. Le litige s'examine ainsi à l'aune de la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), du statut de l'université du 22 juin 2011 (ci-après : le statut) ainsi que du règlement d'études du MAS dans sa version entrée en vigueur au 15 septembre 2014 (ci-après : RE).

b. Se fondant sur les art. 6 et 44 LU ainsi que l’art. 72 du statut, le rectorat a adopté le 12 septembre 2011 la directive en matière de plagiat des étudiant-e-s
(ci-après : la directive), considérant que le plagiat et la tentative de plagiat constituent des infractions graves à l’éthique de l’université et à l’intégrité de la recherche.

c. Selon la directive, le plagiat consiste à insérer, dans un travail académique, des formulations, des phrases, des passages, des images, ou des chapitres entiers, de même que des idées ou analyses repris de travaux d'autres auteurs, en les faisant passer pour siens. Le plagiat est réalisé de la part de l'auteur du travail soit par l'appropriation active desdits textes ou idées d'autrui, soit par l'omission de la référence correcte aux textes ou aux idées d'autrui et à leurs sources. Les règlements des facultés, ainsi que les indications détaillées des enseignants déterminent les modalités de référencement appropriées (art. 1 directive ; ATA/1373/2019 du 10 septembre 2019).

Dans le sens courant, le plagiat se définit comme le fait d'emprunter à d’autres auteurs des passages de leurs œuvres, en les donnant pour siens (dictionnaire de l'Académie française, 9ème éd.).

d. Le RE prévoit que toute fraude, tout plagiat, toute tentative de fraude ou de plagiat dûment constatée correspond à un échec à l’évaluation concernée (art. 912 ch. 1 RE), entraîner l’annulation de tous les examens de la session (art. 12 ch. 2 RE) ou un échec définitif (art. 12 ch. 3 RE). Le décanat saisit le conseil de discipline de l’université s’il estime qu’il y a lieu d’engager une procédure disciplinaire (art. 12 ch. 4 let. i RE) et en tous les cas lorsque l’échec à l’évaluation concernée est définitif et entraîne l’élimination de l’étudiant de la formation (art. 12 ch. 4 let. ii RE).

L’art. 13 RE énumère les cas d’élimination du MAS. Il mentionne deux échecs successifs à la même évaluation, au stage ou au mémoire de stage (ch. 1 let. a), l’irrespect des délais d’études (ch. 1 let. b) et les cas de l’art. 12 RE (ch. 1 let. c). Les cas de fraude, plagiat, tentative de fraude ou de plagiat sont réservés (ch. 2). Les décisions d’élimination sont prises, sur préavis du comité scientifique, par le doyen de la faculté (ch. 3).

e. La jurisprudence de la commission de recours de l'université (ci-après : CRUNI) posait à l'époque comme principe le contrôle du travail incriminé à l'aune de la loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (LDA - RS 231.1 ; ACOM/67/2008 du 28 mai 2008). À teneur des art. 2 et 3 LDA, une œuvre littéraire est protégée, de même que les œuvres dérivées, à savoir toute création de l'esprit qui a un caractère individuel, mais qui a été conçue à partir d'une ou plusieurs œuvres préexistantes reconnaissables dans leur caractère individuel. L'art. 25 LDA prévoit pour sa part que les citations tirées d'œuvres divulguées sont licites dans la mesure où elles servent de commentaire, de référence ou de démonstration et pour autant que leur emploi en justifie l'étendue. Ce droit d'opérer des citations conformément à cette disposition doit être apprécié au sens strict et de manière restrictive, étant précisé que le terme citation n'est pas synonyme d'extrait (ACOM/100/2004 du 6 octobre 2004). Lors de l'élaboration d'un travail soumis à évaluation par un étudiant, celui-ci doit impérativement se distancer des ouvrages de référence dont il s'est inspiré pour fonder son opinion, de manière à se faire l'auteur à son tour d'une création indépendante, donc les emprunts à ces ouvrages doivent apparaître à ce point minimes qu'ils s'effacent devant l'individualité de son travail et dont la substance sera l'objet de l'évaluation (ATF 125 III 328 consid. 4b ; ATA/499/2009 du 6 octobre 2009).

f. Selon la doctrine, l'ampleur de la citation au sens de l'art. 25 LDA doit être limitée. Cette limitation s'inscrit en l'occurrence dans la libre utilisation de l'œuvre protégée qui autorise de se servir de certains éléments de cette œuvre, à la condition qu'il en résulte une création indépendante, dont l'individualité se substitue à l'individualité de l'œuvre antérieure. Cette individualité doit se reconnaître dans l'œuvre ainsi créée, malgré les emprunts, le cachet personnel étant la meilleure preuve que l'œuvre est originale (ACOM/100/2004 précité ; Denis BARRELET/Willi EGLOFF, Le nouveau droit d'auteur, 3ème éd., 2008, p. 177 ; François DESSEMONTET, Le nouveau droit d'auteur, 1999, p. 44, 115 ; Ivan CHERPILLOD, Le droit d'auteur en Suisse, 1986, p. 149).

En revanche, le défaut de création personnelle traduisant un apport imaginatif inhérent à l'œuvre dérivée et propre à se distancier de l'œuvre de base, de même que l'étendue exagérée de la citation sans justification particulière constituent des comportements illicites qui outrepassent la liberté d'utilisation (Kamen TROLLER, Manuel du droit Suisse des biens immatériels, tome 2, 2ème éd., 1996, p. 891 ; Ivan CHERPILLOD, op. cit., p. 150).

À cet égard, l'auteur d'un plagiat ne s'inspire pas seulement d'une œuvre préexistante. Contrefacteur, il porte atteinte au « droit moral » de l'auteur de l'œuvre protégée, en procédant à la reprise de la matérialisation ou de la forme d'une œuvre déterminée, la reproduisant ainsi d'une manière illicite, pouvant en outre constituer un acte de concurrence déloyale (Denis BARRELET/Willi EGLOFF, op. cit., p. 48 ; Kamen TROLLER, op. cit., p. 890 ; Manfred REHBINDER, Schweizerisches Urheberrecht, 2000, p. 147 ; Ivan CHERPILLOD, op. cit., p. 150).

La jurisprudence du Tribunal fédéral va dans le même sens. L'individualité ou l'originalité doivent caractériser l'œuvre en droit d'auteur, dont on peut mesurer le degré à l'aune du sceau de la personnalité de l'auteur dans son travail lorsqu'il manifeste des traits caractéristiques évidents ou des différences sensibles avec ce qui existe déjà (ATF 125 III 328 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.694/1992 du 2 mars 1993 consid. 3b = JdT 1996 I 242).

Il y a ainsi lieu de conclure à une violation du droit d'auteur lorsqu'une œuvre est reproduite dans ses éléments caractéristiques, à savoir plan, choix et conception de la matière ou disposition et subdivisions de celle-ci (ATF 88 IV 123 consid. 1).

g. Tant la CRUNI que l'ancien Tribunal administratif ont rendu une jurisprudence abondante en matière de plagiat. Dans la plupart des cas il s'agissait de copies serviles d'ouvrages (ATA/499/2009 précité ; ACOM/109/2008 du 25 novembre 2008 ; ACOM/100/2004 précité) ou de compilations systématiques de sources trouvées sur internet (ACOM/60/2008 du 7 mai 2008 ; ACOM/22/2005 du 21 avril 2005).

La chambre de céans a considéré qu'un étudiant ne saurait tirer profit d’avoir mis des notes de bas de page, lorsque son travail de mémoire apparaît comme une copie servile de pages entières d’ouvrages consultés, avec une appropriation active des idées de leurs auteurs. Ce procédé ne saurait en effet autoriser la reprise des pages entières des auteurs cités. Par ailleurs, un taux de similitudes d’environ 50 % des ouvrages cités, constaté par un logiciel anti-plagiat, va au-delà de simples extraits qui doivent apparaître comme minimes dans un travail de mémoire. Il dénote en outre une absence de création indépendante, d’individualité ou d’originalité qui doivent pourtant caractériser un mémoire (ATA/1373/2019 précité consid. 5).

Dans un cas où 23 % de l’ensemble d’un travail universitaire présentait des similitudes avec septante-huit sources très probables, dont 16 % de similitudes à l’identique et 6 % de similitudes supposées – et où la partie théorique présentait à elle seule 61 % de similitudes avec trente-et-une sources, dont 42 % de similitudes à l’identique et 19 % de similitudes supposées – la chambre de céans a retenu que des parties centrales du travail avaient été intégralement ou presque intégralement copiées d’ouvrages tiers, sans apparaître comme des citations ni être référencées, de sorte que sur des points essentiels son auteur s’était approprié la production de tiers sans apporter aucune plus-value ni aucune création personnelle (ATA/439/2020 du 30 avril 2020 consid. 8c).

Dans un arrêt plus récent, elle a examiné un travail dans lequel plus d'une trentaine de passages du texte du mémoire avaient été extraits et recopiés à l'identique d'un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) traitant du sujet choisi par le recourant. Si les citations comportaient de très nombreuses notes de bas de page renvoyant à une bibliographie en fin d'ouvrage, il était indéniable que l'étudiant n'avait pas utilisé de guillemets pour marquer une différence entre les passages cités et ceux qui découleraient de sa propre réflexion. Toutefois, conformément à la jurisprudence, même à considérer que des guillemets auraient été ajoutés, le travail du recourant ne pouvait pas, dans ces conditions, être qualifié de création personnelle. En effet, bien que le recourant eut allégué n'avoir pas eu la volonté de s'approprier les idées d'un autre auteur, il n'en demeurait pas moins que son mémoire s'apparentait pour l'essentiel à une compilation systématique des sources qu'il avait consultées, desquelles il ne s'était pas réellement distancé (ATA/783/2021 du 27 juillet 2021 consid. 8).

Dans un arrêt récent, elle a considéré que le fait de citer en préambule un texte dont l’étudiant, du degré secondaire, affirmait s’être inspiré ne permettait pas d’infirmer le plagiat constaté, qui consistait en la reprise de phrases ou de segments sur près de la moitié du travail (ATA/782/2022 du 9 août 2022 consid. 4).

6) a. En l’espèce, la recourante fait tout d’abord valoir que son travail n’était pas soumis aux principes rédactionnels en vigueur à la faculté des lettres.

Elle ne saurait être suivie. Les « normes rédactionnelles en histoire de l’architecture » lui avaient été expressément communiqués, le 6 juillet 2021, par la Prof D______, avec un syllabus, en vue de la rédaction de son travail. La recourante ne peut prétendre de bonne foi ne pas en avoir eu connaissance ou ne pas avoir compris que ses enseignantes attendaient d’elle qu’elle les applique au travail qu’elle devait rédiger.

Il n’apparait au surplus guère plausible qu’un rapport de stage ou de rattrapage produit dans le cadre d’un MAS sous forme d’une étude d’un dispositif architectural puisse de manière générale être soustrait aux règles académiques en matière d’organisation et de rédaction des textes.

b. La recourante soutient ensuite que le travail rendu le 20 septembre 2021 n’était qu’un brouillon devant encore faire l’objet de remarques et de corrections et ne pouvait partant être qualifié de plagiat.

Il paraît difficilement concevable que la première version d’un travail académique remise aux correcteurs puisse être qualifiée de brouillon. Le terme paraît plutôt devoir être réservé au texte en cours de rédaction par l’étudiant et en attente d’être retouché et corrigé avant d’être remis aux correcteurs. Soutenir le contraire permettrait à l’étudiant de présenter une infinité de versions en cours d’amélioration, y compris affectées d’infractions graves à la déontologie académique.

Il n’est pas contesté que l’échéancier prévoyait en l’espèce une remise du travail final le 30 septembre 2021 au plus tard. Il y a dès lors lieu d’établir si la recourante pouvait raisonnablement envisager qu’un « brouillon » rendu le 20 septembre 2021 pourrait encore faire l’objet d’une relecture attentive des enseignantes, de critiques et de suggestions puis d’un profond remaniement par la recourante.

Le premier état du texte avait été remis le 16 août 2021. Le lendemain, déjà, au terme d’une première lecture rapide, Mme E______ réclamait à la recourante une correction du dispositif de citation sur deux pages au moins vu « l’importance de cet aspect du travail », que celle-ci lui remettait le 18 août 2021. Le même jour, Mme E______ expliquait qu’elle avait souhaité comprendre comment la recourante « gérai[t] les renvois à [s]es sources d’information », avant d’en reparler avec elle le lendemain.

Le 19 août 2021, les enseignantes avaient mis en évidence de graves défaillances concernant la citation et une absence d’originalité affectant l’ensemble de la production, défauts qu’elles avaient considérés comme importants, et avaient formellement mis en garde la recourante sur le plagiat affectant son travail et ses conséquences.

La recourante disposait alors d’un mois pour reprendre en profondeur son travail, et elle ne pouvait raisonnablement escompter qu’en remettant une nouvelle version de celui-ci le 20 septembre 2021, les quelques jours dont elle disposerait encore après les dernières corrections lui permettraient de faire autre chose que de « peaufiner » et « finaliser » celle-ci, selon ses propres termes.

c. La recourante soutient cependant que lors de la discussion du 19 août 2021, aucun avertissement ne lui avait été signifié par les enseignantes et aucun commentaire n’avait été émis sur les appels de note qu’elle avait insérés quant à leur position dans le texte ou la manière dont certains passages étaient cités, soit avec guillemets ou par paraphrase.

La demande adressée le 17 août 2021 par Mme E______ souligne l’importance du dispositif de référence. Le courriel du lendemain précise que Mme E______ souhaitait comprendre la méthodologie employée. La liste des défauts, dont le plagiat, établie le 18 août 2021 par Mme E______ est importante et est produite en vue de l’entretien du lendemain et la recourante n’apporte aucun élément qui expliquerait pourquoi les défauts principaux de son texte énumérés dans cette liste, et en particulier la question décisive du plagiat, n’auraient pas été abordés lors de celui-ci.

La recourante elle-même avait, dans son message du 16 août 2021 précisé, comme elle le rappelle dans ses écritures, « En considérant que c’est là un premier jet, le document n’est pas entièrement sourcé, il le sera bien évidemment au prochain rendu intermédiaire ». Elle a modifié son texte pour le présenter à nouveau le 20 septembre 2021. Elle a justifié dans son opposition et ses écritures les procédés de citation ou de recours aux sources qu’elle a employés. Ces éléments confirment, si besoin était, qu’elle avait compris que des défauts sévères en matière de citation affectaient son texte dès la première version présentée en août 2021.

L’allégation selon laquelle aucun avertissement relatif au plagiat n’aurait été adressé à la recourante le 19 août 2021 n’est ainsi pas étayée et n’est pas de nature à entamer la crédibilité des affirmations constantes de Mmes D______ et E______ sur ce point.

d. La recourante se plaint de n’avoir jamais reçu le rapport établi au moyen du logiciel « Compilatio ».

L’université a expliqué que ce rapport n’avait pas été déterminant, le logiciel ne repérant que les sources disponibles en ligne et les emprunts de la recourante portant également sur des sources non accessibles en ligne. Le travail accompli par les correctrices était plus complet et minutieux.

Cette manière de procéder n’est pas critiquable, les logiciels disponibles facilitant le dépistage mais n’excluant pas une analyse approfondie par d’autres méthodes, étant observé que la chambre de céans a déjà admis des rapports d’analyse de plagiat établis « manuellement » par des enseignants (ATA/782/2022 du 9 août 2022 consid. 4).

Cela étant, l’université a produit devant la chambre de céans le rapport « Compilatio » avec ses observations, de sorte que la recourante s’est vue offrir l’occasion de s’exprimer à son sujet.

Le grief sera écarté.

e. La recourante expose qu’elle avait considéré que son texte gagnerait en fluidité à la lecture en paraphrasant ses sources, et que, dès lors que les citations qu’elle avait employées avaient été modifiées, que ce soit par l’introduction ou la suppression d’un mot, par l’utilisation de synonymes, ou par déstructuration de la phrase, elle avait estimé qu’il s’agissait là de paraphrases pour lesquelles l’utilisation de guillemets n’était pas adaptée.

Elle ne critique toutefois pas les nombreux exemples d’emprunts – littéraux et dépourvus de guillemets, respectivement paraphrasés – retenus pas l’université à l’appui de la décision querellée et n’expose notamment pas en quoi ils ne constitueraient pas autant d’occurrences de plagiat.

Elle n’oppose finalement aucune réfutation au grief de défaut d’originalité adressé à son travail successivement par les correctrices et la commission des oppositions, et n’explique pas en quoi son texte ne serait pas un assemblage d’emprunts à différentes sources et serait une création indépendante.

Or, une lecture attentive du travail et de sa correction persuade qu’il est composé de nombreux emprunts et dépourvu d’originalité, en ce sens qu’il ne constitue pas une création originale de la recourante.

La remarque n° 1 de la correction, portant sur l’introduction (p. 5 du rapport), met par exemple en évidence que les emprunts fragmentaires (en souligné) à un texte original tiré de geoconfluences.ens-lyon.fr (« Ainsi, et cette idée est désormais hégémonique dans le champ des études patrimoniales, parler patrimoine ne revient pas uniquement à évoquer l’ensemble extensible à l’envi d’objets, matériel ou immatériels, qu’il désigne, mais aussi à rendre compte du processus par lequel ces derniers obtiennent le statut de patrimoine ») reproduits dans le travail de la recourante (« Cet exercice ne revient pas uniquement à évoquer l’objet ou l’envi de conserver et de restaurer, il rend compte du processus par lequel on obtient le statut de patrimoine, il est aussi une source pour la compréhension des objets patrimoniaux, et la compréhension de la nation de patrimoine ») révèlent non seulement l’emprunt servile de l’idée (l’importance du processus de patrimonialisation) mais aussi un évident malentendu sémantique (au sujet de « l’envi ») susceptible de mettre en question, dès l’introduction, la maîtrise par l’auteure de son sujet.

Les remarques nos 2 à 8 mettent en évidence (pp. 6 et 7 du rapport) des emprunts à deux textes de Madame Babina CHAILLOT CALAME parus en 2007 et 2016-2017 dans à peu près chaque paragraphe.

Les remarques nos 9 à 11 mettent en évidence (p. 8 du travail) trois citations identiques et presque intégrales, mais dépourvues de guillemets, d’extraits d’un texte de Madame Sabine PLANCHOT paru en 2016-2017. Or, si d’autres paragraphes plus haut dans la même page font l’objet de citations de la même auteure, celles-ci renvoient à une autre date (2013) et aucune autre note ne permet dans la page de faire le lien avec le texte de 2016-2017.

Les remarques nos 12 à 24 identifient encore, sur six pages du travail (9 à 14), pas moins de treize nouveaux emprunts aux textes de Mmes CHAILLOT CALAME et PLANCHOT. Ceux-ci, non accessibles sur internet, n’étaient pas détectables par les logiciels de dépistage. La chambre de céans observe que le travail de vérification manuelle par Mmes D______ et E______ a effectivement mis en évidence de nombreux et importants emprunts indétectables autrement, dont la juxtaposition prive le travail de caractère original.

Le fait que la recourante affirme ne jamais avoir eu l’intention de s’approprier l’œuvre d’un tiers ou de la faire passer pour sienne n’est pas de nature à infirmer le constat que son texte est très largement composé d’emprunts.

Ainsi que l’université l’a justement observé, la citation dans la bibliographie des œuvres ayant fait l’objet d’emprunts ne permet ni d’identifier ni de localiser ceux-ci dans le texte, et n’est dons pas de nature à atténuer le caractère de plagiat.

L’intimée était ainsi fondée à considérer, sans commettre ni excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, que le travail constituait en bonne partie un plagiat.

f. La recourante se plaint que la récidive ait été retenue, alors qu’elle n’avait fourni initialement qu’un brouillon et n’avait reçu aucun avertissement.

La chambre de céans a retenu que la recourante était avertie le 19 août 2021 des défauts de son travail et du reproche de plagiat et de ses conséquences.

Il ressort des versions successives de son travail versées à la procédure que la recourante n’a pas donné suite aux demandes et à l’avertissement qui lui avaient été adressés et a reproduit, sous une apparence certes différente, les défauts rédhibitoires affectant son travail. La chambre de céans observe qu’il pourrait même être considéré que le soin apporté à mélanger les phrases et les paragraphes et à répandre des emprunts non référencés pourrait dénoter une volonté de dissimulation du plagiat.

L’université était ainsi fondée à considérer, sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, que la recourante avait sinon récidivé du moins persisté dans le plagiat.

Le grief sera écarté.

7) La recourante se plaint du caractère disproportionné de la sanction.

a. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance (rapport raisonnable) les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/1395/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5b ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

b. En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté, le plagiat est en soi une infraction grave à l’éthique académique, et l’université poursuit un intérêt public important, tenant à son image, à l’intégrité de la recherche et de la formation académiques et à l’égalité entre étudiants, en sanctionnant ce comportement. L’autorité intimée jouit par ailleurs d’un très large pouvoir d’appréciation. En l’espèce, les vices affectant le travail de la recourante – plagiat, défaut d’originalité – ainsi que la répétition des infractions après un avertissement formel apparaissent suffisamment graves pour justifier l’élimination en application de l’art. 13 ch. 2 RE, l’intérêt public prévalant sur l’intérêt privé de la recourante à pouvoir présenter une nouvelle version de son travail écrit, étant observé, comme relevé plus haut, que la refonte totale du travail en quelques jours pouvait être regardée comme irréalisable vu l’ampleur des défauts de celui-ci.

Le grief sera écarté.

8) La recourante se plaint d’une inégalité de traitement.

a. La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision viole le droit à l'égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 129 I 346 consid. 6).

b. En l’espèce, le cas invoqué par la recourante concerne un étudiant en MAS en santé publique à la faculté de médecine dont une première opposition avait été admise au motif que son mémoire n’avait pas été validé avant sa soutenance. L’étudiant avait ensuite soumis à son nouveau directeur de mémoire plusieurs versions successives de celui-ci jusqu’à ce qu’une analyse détecte un plagiat, entraînant une note de 0 et la possibilité de présenter dans les trois mois un travail écrit supplémentaire considéré comme suffisant. L’opposition puis le recours contre cette décision ont été rejetés. La chambre de céans a cependant relevé que le recourant aurait pu se voir infliger une sanction bien plus lourde, telle que l’élimination du cursus, et que la sanction prononcée par l’université, qui n’avait pas excédé son large pouvoir d’appréciation, apparaissait plutôt clémente (ATA/783/2021 précité consid. 9c).

En l’espèce, si les situations sont éventuellement comparables, elles ne sont pas semblables, les litiges relatifs à l’évaluation des travaux académiques d’étudiants, de surcroît dans des cursus et des facultés différents, se laissant difficilement comparer et l’autorité intimée jouissant d’un très large pouvoir d’appréciation. La décision querellée n’apparaît ainsi entachée ni d’excès ni d’abus du pouvoir d’appréciation de l’intimé, ni constitutive d’une inégalité de traitement.

Le grief sera écarté.

9) La recourante ne conteste pas que le décanat ou la direction doive saisir le conseil de discipline à chaque fois que l’échec est définitif et entraîne l’élimination (art. 12 ch. 4 let. ii RE).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de procédure de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par Mme A______ contre la décision de l’Université de Genève du 15 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Mme A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Etier, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :