Décisions | Sommaires
ACJC/724/2025 du 27.05.2025 sur OTPI/36/2025 ( SP ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/19278/2024 ACJC/724/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 27 MAI 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 janvier 2025, représentée par Me Steve ALDER, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,
et
B______ SÀRL, sise c/o C______, ______, intimée, représentée par
Me Antoine BOESCH, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale,
1211 Genève 4.
A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de D______ [GE], sise no. ______, chemin 2______ à D______.
b. Sur cette parcelle est érigée une maison dans laquelle vivent E______, fille de A______, et son mari, F______ (ci-après : les époux E______/F______), avec leurs deux enfants.
c. Le 2 octobre 2020, les époux E______/F______ ont mandaté [le bureau d'architecture] G______ SA pour la rénovation et l'extension de la villa.
d. Le 18 janvier 2023, G______ SA a signé, pour le compte des époux E______/F______, quinze contrats avec B______ SARL, entreprise active dans tous les travaux de plâtrerie et de peinture. Ces contrats portaient sur des travaux de carrelage/faïence, de chape, de chauffage/ventilation, d'électricité, de ferblanterie/étanchéité, d'isolation extérieure/crépis de façade, de menuiserie extérieure/store, de menuiserie intérieure, de nettoyage de fin de chantier, de pose de panneaux photovoltaïques, de parquet, de plâtrerie et peinture intérieure/extérieure, de sanitaire, de terrassement, de béton armé et de canalisation ainsi que sur la réalisation d'une terrasse en pierre.
Les prix ont été fixés forfaitairement pour chacun des contrats, représentant une somme totale de 347'430 fr.
e. Par courriel du 19 janvier 2023, G______ SA a informé F______ que l'entreprise H______ ne donnait pas satisfaction pour le suivi du chantier, de sorte qu'elle avait préparé des contrats "SIA entreprise" avec la société B______ SA, qui reprenait le dossier en "entreprise totale" aux mêmes conditions.
f. B______ SARL a allégué s'être vu également commander des échafaudages pour 4'000 fr. et "d'autres plus-values" pour 5'000 fr.
g. Elle a sous-traité une partie des travaux à diverses entreprises, dont les travaux de maçonnerie à I______ SARL.
h. L'avancement des divers ouvrages commandés résulte des procès-verbaux de chantier établis entre janvier 2023 et janvier 2024.
i. Entre le 7 février 2023 et le 13 février 2024, G______ SA a versé à B______ SARL une somme totale de 125'000 fr., soit 20'000 fr. le 7 février 2023 (acompte maçonnerie [du chemin] 2______), 25'000 fr. le 28 février 2023 (acompte maçonnerie [du chemin] 2______), 15'000 fr. le 19 avril 2023 (acompte 3 chantier [du chemin] 2______), 2'000 fr. le 25 avril 2023 (acompte 4 chantier [du chemin] 2______, échafaudages), 5'000 fr. le 10 mai 2023 (acompte 5 chantier [du chemin] 2______ maçonnerie), 30'000 fr. le 28 juin 2023 (acompte [du chemin] 2______), 5'000 fr. le 5 septembre 2023 (acompte [du chemin] 2______), 8'000 fr. le 16 novembre 2023 (acompte J______ [VD], mais admis que c'était pour [le chemin] 2______) et 15'000 fr. le 13 février 2024 (acompte [du chemin] 2______).
j. Le 13 mai 2024, B______ SARL a fait parvenir à G______ SA une demande d'acompte de 150'000 fr. pour le chantier [du chemin] 2______.
k. Par pli du 15 mai 2024, B______ SARL a indiqué aux époux E______/F______, qui souhaitait faire le point de la situation, avoir reçu de G______ SA une somme totale de 137'000 fr., le dernier versement datant du mois de février 2024, alors que le prix forfaitaire convenu pour l'ensemble des travaux était de 356'430 fr., de sorte qu'une somme de 219'430 fr. lui était encore due. Elle a précisé que les travaux effectués représentaient 90% des travaux convenus.
l. Par courrier du 22 mai 2024, les époux E______/F______, par le biais de leur conseil, ont reproché à G______ SA le retard pris dans l'avancement des travaux et le fait d'avoir mal supervisé le chantier. Ils ont dressé la liste des malfaçons et autres défauts affectant les ouvrages ainsi que celle des travaux restant à effectuer. Ils ont relevé que, bien qu'ayant payé à G______ SA la presque totalité des frais, ils avaient récemment appris que celle-ci avait cessé de rétribuer l'entreprise générale œuvrant sur le chantier, rendant ainsi celle-ci incapable d'honorer ses propres engagements envers les corps de métier intervenant sur site, de sorte que certaines entreprises avaient cessé de prester.
m. Par courriel du 23 juillet 2024, les époux E______/F______ ont écrit à I______ SARL pour lui signaler les malfaçons affectant les travaux qu'elle avait réalisés. Ils ont relevé, dans ce courrier, que le chantier avait été arrêté par B______ SARL depuis avril 2024 en raison des défauts de paiement de la part de G______ SA.
n. Le 21 août 2024, B______ SARL a saisi le Tribunal d'une requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale, assortie de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, à l'encontre de A______, à concurrence de 231'430 fr.
Elle a allégué que les contrats d'entreprise constituaient une unité économique faisant courir un seul délai, qu'elle avait effectué uniquement le 90% des travaux commandés, de sorte que l'ouvrage n'était pas achevé et que les parties étaient toujours liées par les contrats d'entreprise, de sorte que le délai de quatre mois n'avait pas encore commencé à courir. Elle a relevé qu'en tout état sa dernière intervention remontait au début du mois de mai 2024.
o. Par ordonnance du 21 août 2024, le Tribunal a fait droit à la requête de B______ SARL à titre superprovisionnel. L'hypothèque légale a été inscrite au Registre foncier le même jour.
p. Dans ses déterminations du 23 septembre 2024, A______ a conclu, sous suite de frais, au rejet de la requête.
Elle a fait valoir que le fait d'officier en qualité d'entreprise générale ne suffisait pas à conférer à B______ SARL la qualité d'entrepreneur au sens de l'article 837 al. 1 ch. 3 CC et que cette dernière n'avait pas allégué de manière suffisamment précise les travaux/prestations matérielles qu'elle aurait elle-même accomplis sur le chantier. Le respect du délai de quatre mois n'était pas non plus rendu vraisemblable, aucun élément ne permettant de retenir la date du 15 mai 2024 articulée par B______ SARL comme la date effective de fin des travaux. Au contraire, l'entreprise avait cessé de se rendre sur le chantier au plus tard fin février – début mars 2024. En outre, B______ SARL n'avait ni allégué, ni prouvé que les quinze contrats d'entreprise constituaient une unité économique. Enfin, le montant du gage n'avait pas été rendu vraisemblable. En particulier, le montant de 9'000 fr. pour les travaux d'échafaudages et de plus-values ne pouvait pas être pris en compte, B______ SARL ne démontrant pas que ces travaux supplémentaires avaient été commandés. L'avancement des travaux à hauteur de 90% n'était pas non plus rendu vraisemblable, et en tout état il en résultait que 10% ne pouvait pas donner lieu à l'inscription d'une hypothèque légale, étant relevé que tout ou partie des travaux avaient été sous-traités.
A______ a notamment produit des photographies du chantier, dont une qu'elle dit dater de janvier 2023 où l'on ne voit pas d'échafaudages et une autre remontant à décembre 2023 où figurent des échafaudages.
q. Les déterminations de A______ ont été transmises à B______ SA, qui les a reçues le 26 septembre 2024, avec la mention que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de 15 jours à dater de la notification du pli.
r. Par pli du 9 octobre 2024, B______ SARL a demandé au Tribunal de prolonger au 18 octobre 2024 le délai qui lui avait été "imparti au 11 octobre 2024 pour répliquer", compte tenu de l'hospitalisation de son administrateur unique.
Le premier juge a apposé un "n'empêche" sur ce courrier, qu'il a transmis en copie à A______ le 10 octobre 2024.
s. Dans sa "réplique" du 18 octobre 2024, B______ SARL a persisté dans ses conclusions. Elle s'est déterminée sur les allégués de A______, a allégué des faits complémentaires et produit des pièces nouvelles (pièces 30 à 39).
t. Par pli du 31 octobre 2024, A______ a fait valoir que la cause avait été gardée à juger par le Tribunal, qui n'avait pas ordonné de deuxième échange d'écritures, de sorte que B______ SARL ne pouvait pas, dans sa réplique spontanée, articuler des faits nouveaux, la phase des allégations étant close. Elle a, pour le surplus, persisté dans ses conclusions.
B. Par ordonnance OTPI/36/2025 du 13 janvier 2025, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a ordonné, aux frais, risques et périls de B______ SARL, au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, au bénéfice de B______ SARL, à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence d'un montant de 231'430 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 26 avril 2024 sur l'immeuble n° 1______ de la commune de D______, propriété de A______ (ch. 1 du dispositif), a imparti à B______ SARL un délai de trois mois à compter de la notification de l'ordonnance pour faire valoir son droit en justice (ch. 2) et a dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 3).
Les frais judiciaires ont été arrêtés à 1'500 fr., compensés avec l'avance fournie par B______ SARL, mis à la charge de A______, cette dernière étant condamnée à verser à B______ SARL la somme de 1'500 fr. à titre de restitution de l'avance de frais (ch. 4), ainsi que 3'800 fr. à titre de dépens (ch. 5). Les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 6).
En substance, le Tribunal a retenu que la qualité d'entrepreneur de B______ SARL avait été suffisamment rendue vraisemblable, puisque A______ avait admis qu'elle avait agi en qualité d'entreprise générale sur le chantier, et qu'il en allait de même de la réalisation de travaux. La question de savoir quelle part de ces derniers avaient été exécutée par B______ SARL, respectivement par ses sous-traitants, n'était pas pertinente dès lors que le droit à l'inscription d'une hypothèque légale pouvait être exercé parallèlement par l'entrepreneur et par le sous-traitant. Par ailleurs, il était plausible que l'ensemble des travaux formait une unité économique et matérielle, soit la rénovation totale de la villa, en conséquence de quoi ils donnaient lieu à un unique délai de quatre mois pour l'inscription de l'hypothèque légale. Il n'était ni exclu, ni hautement invraisemblable, que les travaux n'aient pas été achevés à la date du dépôt de la requête, de sorte que le respect du délai pour l'inscription provisoire de l'hypothèque légale était suffisamment vraisemblable. Enfin, en l'état, le montant de la créance alléguée par B______ SARL n'apparaissait ni exclu, ni hautement invraisemblable. La question de la quotité de la créance au regard du pourcentage d'exécution des travaux relevait du fond et n'avait pas à être tranchée dans le cadre de la procédure en inscription provisoire du gage. Il n'était notamment pas exclu ou hautement invraisemblable que des travaux d'échafaudages et de plus-values pour 9'000 fr. aient été commandés, compte tenu du versement d'un acompte de 2'000 fr. avec la mention "échafaudage" versé le 25 avril 2023.
C. a. Par acte expédié le 27 janvier 2025 à la Cour de justice, A______ a formé appel de cette ordonnance, reçue le 14 janvier 2025, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens des deux instances, au déboutement de B______ SARL de toutes ses conclusions et à la radiation de l'hypothèque légale inscrite sur sa parcelle.
Elle a produit une pièce nouvelle, soit un courriel daté du 20 mai 2024.
b. Dans sa réponse du 17 février 2025, B______ SARL a conclu à la confirmation de l'ordonnance querellée, sous suite de frais judiciaires et dépens.
c. Dans leur réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
d. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 2 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
1. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties après le 1er janvier 2025, les voies de droit prévues par la nouvelle procédure sont applicables (art. 405 al. 1 CPC).
En revanche, la procédure de première instance, qui a débuté en 2024, reste régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 CPC).
2. 2.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
En l'espèce, la valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.
2.2 Interjeté en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.
2.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
2.4 La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale est une mesure provisionnelle (art. 261 ss CPC) à laquelle la procédure sommaire s'applique (art. 249 let. d ch. 5 et 11 CPC; ATF 137 III 563 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_203/2023 du 30 août 2023 consid. 2.1 et les références).
2.5 Le procès est soumis à la maxime des débats (art. 55 cum 255 CPC a contrario; arrêt du Tribunal fédéral 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.2).
3. L'appelante a produit une pièce nouvelle.
3.1 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.
3.2 En l'espèce, la pièce produite par l'appelante est irrecevable dès lors qu'elle consiste en un courriel daté du mois de mai 2024, soit une date antérieure à celle à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger et que l'appelante n'explique pas pourquoi elle n'avait pas été en mesure de la produire devant le premier juge.
4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir admis l'inscription provisoire d'une hypothèque légale en faveur de l'intimée alors que cette dernière n'aurait pas suffisamment allégué et rendu vraisemblable, dans sa requête, que les conditions tendant à cette inscription étaient remplies. Elle fait grief au premier juge d'avoir pris en compte des allégations et des pièces produites par l'intimée dans sa "réplique" alors qu'elles auraient dû être déclarées irrecevables.
4.1.1 Selon l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction de bâtiments ou autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, en garantie de leurs créances, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble.
L'inscription peut être requise dès la conclusion du contrat (art. 839 al. 1 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.4) et doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC). Il s'agit d'un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais qui peut être sauvegardé par l'annotation d'une inscription provisoire (ATF 137 III 563 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_203/2023 consid. 4.1.1 et les arrêts cités).
4.1.2 S'agissant de l'inscription provisoire de l'hypothèque légale, conformément à l'art. 961 al. 3 CC, le juge statue - en procédure sommaire (art. 249 let. d ch. 5 CPC) - sur la requête et autorise l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. Il statue sur la base de la simple vraisemblance, sans qu'il faille se montrer trop exigeant quant à l'existence du droit allégué. Selon la jurisprudence, vu la brièveté et l'effet péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du gage immobilier paraît exclue ou hautement invraisemblable. En présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée méritant un examen plus ample que celui auquel il peut être procédé dans le cadre d'une instruction sommaire, il convient bien plutôt de laisser au juge de l'action au fond le soin de décider si le droit à l'hypothèque doit en définitive être admis. Il en résulte qu'à moins que le droit à la constitution de l'hypothèque n'existe clairement pas, le juge qui en est requis doit ordonner l'inscription provisoire (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/bb; arrêts du Tribunal fédéral 5A_203/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1.2, 5A_658/2023 du 17 janvier 2024 consid. 4.1 et les arrêts cités).
Ainsi, pour obtenir l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, il suffit au requérant de rendre plausibles sa qualité d’artisan ou d’entrepreneur, la fourniture de travail ou de matériaux, l’existence et le montant de la créance à garantir ainsi que le respect du délai légal de quatre mois (Bovey, Commentaire romand, Code civil II, 2016, n. 108 ad art. 839 CC).
4.1.3 Le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une des parties (l'entrepreneur) s'oblige à exécuter un ouvrage moyennant un prix que l'autre partie (le maître) s'engage à lui payer (art. 363 CO).
L’entrepreneur est tenu d’exécuter l’ouvrage en personne ou de le faire exécuter sous sa direction personnelle, à moins que, d’après la nature de l’ouvrage, ses aptitudes ne soient sans importance (art. 364 al. 2 CO).
4.1.4 Au plus tard, l’artisan ou l’entrepreneur doit obtenir l’inscription (provisoire) de l’hypothèque dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux ou leur interruption prématurée (Bovey, op. cit., n. 84 ad art. 839 CC).
Lorsque, avant l'achèvement des travaux, ceux-ci sont retirés à l'entrepreneur ou que ce dernier refuse de les poursuivre et se retire du contrat, c'est la date de ce retrait qui constitue le point de départ du délai de l'art. 839 al. 2 CC (ATF
120 II 389 consid. 1a). Le délai ne commence à courir qu’à partir du moment où l’entrepreneur manifeste clairement sa volonté d’arrêter les travaux de façon définitive et irrévocable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_682/2010 du 24 octobre 2011 consid. 4.1).
Si un artisan ou un entrepreneur a travaillé en exécution de plusieurs contrats, il possède autant de créances distinctes. Le délai d'inscription d'une hypothèque légale court en principe séparément, pour chaque contrat, dès l'achèvement des travaux auxquels il se rapporte. Cependant, si les objets des divers contrats sont étroitement liés les uns aux autres au point de constituer économiquement et matériellement un tout, il faut les traiter comme s'ils avaient donné lieu à une seule convention. Il faut considérer que des contrats forment une unité s'ils sont à ce point imbriqués les uns dans les autres qu'ils forment un tout d'un point de vue pratique (ATF 106 II 123 consid. 5b et c; 104 II 348 consid. II.2). Dans cette hypothèse, l'entrepreneur est en droit de faire inscrire l'hypothèque légale pour le montant total de ce qui lui est dû dans les quatre mois dès l'achèvement des derniers travaux formant cette unité. En revanche, lorsqu'un entrepreneur se voit attribuer après coup d'autres travaux de nature différente, le délai commence à courir pour chacun d'eux séparément, à partir de l'achèvement des travaux auxquels il se rapporte (ATF 111 II 343 consid. 2c; 104 II 248 consid. II.2;
76 II 134 consid. 1). Le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un délai unique lorsque les ouvrages à réaliser sont fonctionnellement interdépendants et ont été construits d'un seul trait (ATF 125 III 113 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_574/2023 du 28 février 2024 consid. 3.1 ; 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.4 ; Bovey, op. cit., n. 101 ad art. 839 CC).
4.1.5 Selon la jurisprudence, lorsque les travaux ont déjà été exécutés - et que d’autres travaux ne sont pas prévus, notamment en raison d’une résiliation anticipée du contrat - l’hypothèque légale ne peut porter que sur le travail effectivement réalisé, respectivement sur la valeur de celui-ci convenue contractuellement. Pour pouvoir arrêter cette valeur, il convient, préalablement, de déterminer précisément le travail et les matériaux fournis. Il incombe dès lors à l’entrepreneur de décrire de manière détaillée les prestations concrètement fournies et qu’il en apporte la preuve, soit qu’il démontre avoir exécuté ses obligations (ATF 126 III 467 consid. 4d). Les prestations concrètes, en travail et en matériaux, et leur prix doivent être détaillés, le cas échéant pour chaque bien-fonds. Des prix globaux ou forfaitaires ne dispensent pas l’entrepreneur de cette obligation souvent conséquente (arrêts du Tribunal fédéral 5A_113/2024 du 16 juillet 2024 consid. 3.1; 5A_924/2014 du 7 mai 2015 consid. 4.1.3.1).
Chiffrer le montant du gage peut néanmoins se révéler particulièrement ardu au stade de l'inscription provisoire, l'entrepreneur ne disposant que d'un délai de quatre mois pour obtenir l'inscription provisoire et le montant ainsi inscrit ne pouvant être augmenté par la suite. Une marge de sécurité de 10 à 20% est ainsi généralement préconisée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2014 du 7 mai 2015 consid. 4.1.4 et la nombreuse doctrine citée).
4.1.6 Selon la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès, c'est-à-dire d'alléguer les faits pertinents (fardeau de l'allégation subjectif) et d'offrir les moyens de preuve propres à établir ceux-ci (fardeau de l'administration de la preuve) (ATF
144 III 519 consid. 5.1).
Le demandeur supporte le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve (art. 8 CC). Si un fait pertinent n'a pas été allégué par lui ou par sa partie adverse, il ne fait pas partie du cadre du procès et le juge ne peut pas en tenir compte, ni ordonner l'administration de moyens de preuve pour l'établir. La partie qui supporte les fardeaux de l'allégation objectif et de la preuve d'un fait supporte l'échec de l'allégation, respectivement de la preuve de ce fait (ATF 147 III 463 consid. 4.2.3; 143 III 1 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2020 du 27 septembre 2021 consid. 5.1.2 et les références citées).
4.2 En l'espèce, dans sa requête, l'intimée a allégué avoir été engagée pour effectuer des travaux de construction/rénovation sur la propriété de l'appelante, dont elle a détaillé la liste, étant relevé que cette dernière n'a jamais allégué que ceux-ci auraient été réalisés sans son accord, et avoir signé de ce fait plusieurs contrats d'entreprise, qu'elle a produits. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que l'intimée avait rendu vraisemblable sa qualité d'entrepreneur, puisqu'elle s'était engagée à réaliser des ouvrages relevant du contrat d'entreprise, la qualification des contrats n'étant pas contestée par les parties. Contrairement à ce que plaide l'appelante, la question de savoir si le fait que l'intimée a délégué tout ou partie de la réalisation des ouvrages à des sous-traitants, ce qui était autorisé dans les contrats, lui retire la qualité d'entrepreneur au sens de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC devra, le cas échéant, être examinée par le juge chargé de statuer au sujet de l'inscription définitive de l'hypothèque légale.
Par ailleurs, l'intimée a allégué, dans sa requête, que le 90% des travaux commandés avaient été réalisés, produisant à cet égard le courrier daté du 15 mai 2024 par lequel elle avait indiqué aux époux E______/F______ l'avancement du chantier. En outre, les époux E______/F______ se sont plaints de la qualité des ouvrages effectués, de sorte que le Tribunal pouvait retenir qu'il avait été rendu vraisemblable que les travaux faisant l'objet des contrats d'entreprise avaient été réalisés, à tout le moins partiellement. A nouveau, la question de savoir si la réalisation des travaux par des sous-traitants peut faire obstacle à l'inscription de l'hypothèque légale n'a pas à être examinée dans le cadre de la présente procédure sommaire.
S'agissant du respect du délai de quatre mois pour requérir l'inscription, la question de savoir si les contrats d'entreprise conclus entre les parties formaient un tout, comme allégué par l'intimée dans sa requête et retenu par le Tribunal, n'est pas pertinente. En effet, aucun des ouvrages prévus par l'un des quinze contrats n'avait encore été livré lors du dépôt de la requête et aucune des parties n'avait résilié ces contrats, de sorte que le délai de quatre mois n'avait vraisemblablement pas commencé à courir. Par conséquent, même sans tenir compte des allégations contenues dans la "réplique" de l'intimée et des pièces produites en annexe de celle-ci, il a été rendu plausible que l'intimée a formé sa requête en inscription d'hypothèque légale dans le délai prévu par la loi. Il n'est donc pas nécessaire de trancher de la recevabilité de cette écriture et de ses annexes contestée par l'appelante.
Enfin, dans la mesure où il s'agit d'une situation dans laquelle les travaux n'ont pas été achevés, étant relevé que l'appelante a allégué dans sa réponse du 23 septembre 2024 que les travaux étaient à l'arrêt et inachevés, et n'ont donc pas donné lieu à des factures, le montant du gage, s'agissant d'une inscription provisoire, peut contenir une marge de 10 à 20% des travaux réalisés. Dès lors que l'intimée a allégué avoir réalisé le 90% des travaux, il peut être admis que soit inscrit un gage correspondant à la totalité du prix des travaux, fixé forfaitairement, sous déduction des montants déjà versés. Pour ce qui est des échafaudages, les photographies produites par l'appelante démontrent que ceux-ci ont été fournis, vraisemblablement par l'intimée, puisqu'il n'a pas été allégué qu'une autre entreprise serait intervenue, et le prix articulé pour cette prestation ne semble pas invraisemblable. En revanche, on ignore la nature des "autres plus-values", à savoir si elles s'inscrivent dans un contrat d'entreprise, et leur montant ne peut être considéré comme vraisemblable puisqu'on ignore ce qu'elles recouvrent. Par conséquent, le montant de 5'000 fr. pour les "autres plus-values" sera écarté. A nouveau, il n'appartient pas au juge statuant en procédure sommaire d'examiner si le montant du gage doit exclure le prix des travaux réalisés par des sous-traitants.
Les arrêts du Tribunal fédéral cités par l'appelante en matière de fardeau de l'allégation ne lui sont d'aucune aide dès lors que dans ces décisions, il a été retenu que le requérant n'avait pas satisfait à ce fardeau dans la mesure où il avait produit des factures ne permettant pas d'identifier quels travaux étaient concernés et qu'il n'avait pas été allégué à quelles dates les travaux avaient été achevés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_630/2021), que le requérant avait produit un contrat indiquant uniquement "travaux d'entrepreneur" en renvoyant à une description des prestations, une offre, des plans et d'autres annexes, qui n'avaient pas été joints à la demande, qu'une description compréhensible dans les grandes lignes de l'ouvrage ou des travaux prétendument convenus ne résultait même pas des annexes jointes à la demande initiale et qu'il n'avait pas allégué à quel moment il avait effectué les travaux couverts par le contrat (arrêts du Tribunal fédéral 5A_280/2021 et 5A_822/2022) ou encore que le requérant n'avait pas indiqué quels travaux précis il avait effectués, mentionnant uniquement des "travaux de construction", ni quand ils avaient été réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_822/2022). Or, comme retenu ci-dessus, l'intimée a allégué de manière suffisamment précise quels types de travaux elle avait réalisés sur la propriété de l'appelante et fait valoir qu'au jour du dépôt de la requête, ceux-ci n'étaient pas encore achevés.
Au vu de ce qui précède, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale sera admise à hauteur de 226'430 fr. (347'430 fr. pour les quinze contrats de base + 4'000 fr. pour les échafaudages – 125'000 fr. déjà payés).
Par conséquent, le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance querellée sera annulé et il sera statué à nouveau dans le sens de ce qui précède.
5. 5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).
En l'espèce, la quotité des frais de première instance, arrêtés à 1'500 fr., et des dépens, de 3'800 fr., n'a pas été contestée et est conforme au RTFMC, de sorte qu'elle sera confirmée. Dès lors que l'appelante succombe sur le principe de l'inscription provisoire et sur la presque totalité du montant du gage (art. 106 al. 1 CPC), il n'y a pas lieu de modifier la répartition des frais judiciaires et dépens tels que fixée par le Tribunal. L'ordonnance sera donc confirmée sur ce point.
5.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 95 al. 2 et 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
L'appelante sera également condamnée à payer à l'intimée la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC; art. 85, 88 et 90 RTFMC).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 27 janvier 2025 par A______ contre l'ordonnance OTPI/36/2025 rendue le 13 janvier 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19278/2024–12 SP.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de cette ordonnance, et statuant à nouveau sur ce point :
Ordonne, aux frais, risques et périls de B______ SARL, au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, au bénéfice de B______ SARL, à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence d'un montant de 226'430 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 26 avril 2024 sur l'immeuble n° 1______ de la commune de D______, propriété de A______.
Confirme cette ordonnance pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.
Condamne A______ à verser 2'000 fr. à B______ SARL à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.