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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23565/2025

ACPR/928/2025 du 11.11.2025 sur OTMC/3271/2025 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23565/2025 ACPR/928/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 11 novembre 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 


contre l’ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 19 octobre 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 29 octobre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 octobre 2025, notifiée le même jour, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu’au 16 janvier 2026.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, à l’annulation de l’ordonnance querellée et à sa mise en liberté immédiate moyennant les mesures de substitution « considérées utiles » qu’il accepte toutes « par avance »; subsidiairement, au renvoi de la cause au TMC pour nouvelle décision.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant espagnol né en 1975, a été arrêté le 16 octobre 2025 à 00h10, à son domicile.

Il est prévenu de viol (art. 190 CP), interruption de grossesse punissable (art. 118 CP), contrainte (art. 181 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP) et injure (art. 177 CP), pour avoir, à Genève :

-          à réitérées reprises, depuis 2017 à tout le moins, contraint son épouse, C______, née en 1979, à entretenir des relations sexuelles, à raison d’une à deux fois par mois, et également parfois en échange de la permission de sortir de l’appartement pour voir des amis, profitant pour ce faire d’un climat de terreur instauré par des comportements répétés de violence;

-          à une date indéterminée, probablement en été 2011, forcé son épouse, enceinte de cinq à six mois, à interrompre sa grossesse au motif que l’enfant ne serait pas le sien, en la frappant au visage à coups de poing, lui causant de la sorte un important hématome à l’œil, la contraignant à ingérer une pilule abortive, lui insérant de force un médicament abortif dans le vagin et, après l’expulsion du fœtus, avoir observé ce dernier afin de déterminer s’il lui ressemblait avant de le placer dans un sac poubelle et poussé son fils E______, alors âgé de 11 ans, à jeter le foetus dans une poubelle;

-          à réitérée reprises, depuis 2010 ou 2011, frappé son épouse en lui assénant des gifles et des coups de poing, notamment au visage, lui causant des ecchymoses, la projetant contre des murs ainsi que d’avoir, à certaines occasions, frappé son fils E______ lorsqu’il tentait de s’interposer pour protéger sa mère;

-          le 15 octobre 2025, frappé, à plusieurs reprises, son épouse, notamment au niveau des bras, l’avoir projetée contre une porte de sorte à ce qu’elle chute et se blesse à la tête, lui avoir saisi brutalement les bras, porté un coup de pied à hauteur du tibia, et l’avoir traitée notamment de « pute » et de « merde ».

A______ a été placé en détention provisoire par le TMC le 19 octobre 2025, pour une durée de trois mois.

b. À teneur des rapports d'interpellation et d’arrestation du 16 octobre 2025, la CECAL avait été alertée ce jour-là par la fille du prévenu, D______, née en 2001. À l’arrivée des policiers, la précitée avait indiqué que ses parents, actuellement en procédure de divorce, étaient en conflit et que son frère, E______, né en 1999, s’était interposé et avait repoussé son père pour protéger sa mère. Après avoir discuté avec les protagonistes, les policiers avaient appris qu’aucun coup n’avait été donné et qu’il s’agissait seulement de « bousculades ». De plus, les services de police n’étaient encore jamais intervenus au domicile pour des violences domestiques.

Alors que les policiers quittaient les lieux, C______ avait finalement déclaré que, le soir des faits, dans le cadre d’une violente dispute, son époux l’avait injuriée, projetée contre une porte, secouée alors qu’elle se trouvait sur le canapé et lui avait porté un coup de pied sur le tibia droit. Par ailleurs, le 12 octobre 2025, il l’avait frappée à plusieurs reprises, notamment au niveau des bras, et l’avait bousculée, ce qui l’avait fait tomber en se cognant la tête. Depuis plusieurs années, elle subissait des violences physiques et sexuelles de la part de son mari qui l’avait fréquemment violée, pour la dernière fois dix jours auparavant.

C______ a déposé plainte en raison de ces faits, étant souligné que selon la photographie prise le 16 octobre 2025 par la police, elle présentait des ecchymoses sur les deux bras.

c. Le 31 octobre 2025, C______ a produit un constat médical du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML) établi le 30 août 2025, accompagné de photographies. Le jour en question, elle s’était présentée au centre de consultation médico-légale pour adultes victimes de violences pour dénoncer les violences qu’elle subissait de la part de son époux. Le 24 août 2025, vers 11h00. Ce dernier était rentré au domicile familial, visiblement alcoolisé, en saignant du nez et de la lèvre inférieure. Il l’avait saisie au coude, tirée dans sa chambre (à lui) et, après qu’elle était parvenue à dégager son bras, l’avait poussée au thorax, la faisant chute, ce qui lui avait fait mal à la nuque. Il l’avait en outre traitée de « pute », l’accusant de l’avoir frappé, en montrant son nez et sa lèvre à trois de ses enfants, en leur disant de «regarder ce que leur mère lui avait fait ». Depuis le début de leur relation, en 1997, son époux la frappait à coups de poing au visage et sur le corps, l’injuriait, et lui imposait des relations sexuelles (pénétrations vaginales et anales). En 2011, alors qu’elle était enceinte de cinq ou six mois, il avait prétendu ne pas être le père de l’enfant, avant de la pousser dans les escaliers (ce qui l’avait fait chuter) et la frapper au niveau du ventre ainsi que « partout ». Par la suite, il lui avait fait prendre « de force », plusieurs fois, un « médicament pour interrompre la grossesse », ce qui avait finalement provoqué son accouchement. Son fils, E______, avait dû, sur demande de son père, « jeter le fœtus aux ordures ». Par la suite, elle avait subi d’autres fausses couches dès lors que, lorsqu’elle était enceinte, son mari la contraignait à prendre « le même médicament ». Après leur mariage en juin 2019, elle avait entrepris un suivi psychiatrique qu’elle avait interrompu en 2023. Selon son médecin, elle souffrait de dépression. Elle souhaitait divorcer, ce que son époux avait finalement accepté en juin 2025, étant souligné que depuis cette date, les époux faisaient chambre à part.

L'examen médico-légal effectué sur l’intéressée avait révélé, au niveau des bras et des jambes, des dermabrasions, partiellement recouvertes de croûtes, et des ecchymoses. Les lésions constatées étaient « en rapport avec les faits susmentionnés, selon les dires de l’intéressée ».

d. À la police et au Ministère public, A______ a contesté les faits reprochés, soutenant en substance que c’était lui-même qui subissait régulièrement des violences de la part de son épouse, laquelle lui portait notamment des coups de pied sur le tibia, le griffait, le menaçait et l’insultait. Le jour de l’intervention de la police, elle l’avait menacé avec un couteau de cuisine, qu’il était parvenu à saisir, puis elle lui avait porté un coup de poing sur le nez et avait tenté de le griffer. Lorsqu’il l’avait repoussée, elle avait heurté l’épaule contre la porte de la cuisine et avait « volontairement » heurté la tête contre celle-ci, avant de se laisser tomber au sol. À l’exception d’une claque qu’il lui avait donnée quinze ans auparavant, il ne l‘avait jamais frappée, ni menacée, lui ayant seulement « rend[u] ses insultes ». Il ne l’avait jamais forcée à avoir des rapports sexuels. En 2011, ils avaient pris la décision d’interrompre sa grossesse après qu’il eut acheté un médicament dans une pharmacie. Ses enfants, D______ et E______, « ment[aient] » lorsqu’ils affirmaient qu’il était régulièrement violent et agressif vis-à-vis de leur mère.

e. Le 20 octobre 2025, le Ministère public a ordonné un examen de la personne de A______ et en a confié l’exécution au CURML.

f. Par mandat d’actes d’enquête du même jour, le Ministère public a ordonné à la police d’entendre les autres enfants du couple, en lien avec d’éventuelles violences dont ils auraient été témoins entre leurs parents.

g. Par courrier du 28 octobre 2025, C______ a, sous la plume de son conseil, fait part au Ministère public de sa crainte de subir des représailles de la part de son époux à la suite du dépôt de sa plainte.

h. S'agissant de sa situation personnelle, A______, né en Bolivie, est marié et père de six enfants, nés entre 1998 et 2017. Après avoir vécu en Espagne entre 2002 et 2009, il est venu en Suisse pour y travailler. Sa famille l’a rejoint en septembre 2010. Depuis juillet 2023, il travaille comme indépendant dans son entreprise de rénovation.

Aucune condamnation ne figure sur l'extrait de son casier judiciaire suisse.

i. Devant le TMC, A______ a confirmé ses précédentes déclarations. Aucun risque de collusion ne pouvait être retenu. Il n’entendait pas faire de pressions sur son épouse, avec laquelle il voulait se séparer à l’amiable. Il s’engageait en outre à ne pas lui faire de mal, soulignant qu’elle était la mère de ses enfants et qu’ils avaient vécu ensemble durant 28 ans. Il espérait pouvoir reparler un jour à ses enfants, « mais plus tard ». Le risque de réitération n’existait pas. Il ne pouvait pas « faire ça » et savait qu’il risquait d’aller en prison. Il n’avait jamais eu de problèmes avec la police et n’était « pas fou ». En tout état, les mesures de substitution qu’il proposait [interdiction de contacter son épouse et ses enfants ; obligation de prendre un domicile séparé et de suivre, si nécessaire, un traitement psychothérapeutique en lien avec la violence] ainsi que toute autre mesure considérée utile, pouvaient pallier les risques retenus et lui permettre de travailler.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges graves et suffisantes, eu égard aux constatations de la police, aux photographies versées à la procédure, aux éléments médicaux, aux déclarations de la plaignante et de ses enfants, D______ et E______, nonobstant les dénégations du prévenu. L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public annonçant une audience de confrontation et l’audition des autres enfants du couple. Il devait également identifier d’éventuels témoins auxquels la plaignante se serait confiée et attendre le résultat des examens médicaux ordonnés sur les parties. Le risque de collusion, sous forme de pression ou de contrainte, était tangible vis-à-vis de l’épouse du prévenu et leurs enfants. L’existence d’un tel risque dispensait d’examiner, à ce stade, un éventuel risque de réitération. Toute mesure de substitution était insuffisante. Enfin, la durée de la détention provisoire respectait le principe de la proportionnalité au vu des faits reprochés au prévenu et de la peine concrètement encourue en cas de condamnation.

D. a. À l'appui de son recours, A______ dénonce « la folie incarcératrice du Ministère public genevois » dont les demandes de placement en détention provisoire étaient rarement refusées par le TMC. Dans ce contexte, il estime « problématique », sans prendre de conclusions à cet égard, que la décision querellée eût été prise, le dimanche 19 octobre 2025, par un « magistrat de remplacement hors TMC, Juge du fond » qui risquait encore moins de prononcer sa mise en liberté et contredire ainsi « la pratique du TMC ». Ce magistrat avait en outre repris « intégralement » la demande « erronée » du Ministère public, sans examiner les arguments qu’il avait soulevés lors de l’audience devant le TMC, ce qui consacrait une violation de son droit d’être entendu.

Il conteste les charges retenues contre lui, soutenant que celles relatives à l’avortement prétendument imposé à son épouse en 2011 – qui fondaient la demande de mise en détention provisoire – étaient prescrites. Les traces de violence qu’il présentait sur son corps – qu’il avait montrées à la police, au médecin de service, au Procureur et au TMC – n’avaient pas été prises en compte. Les récits variables et mensongers de son épouse et de ses enfants ne pouvaient fonder des charges suffisantes.

Aucun risque de collusion ne pouvait être retenu. Les faits, portant sur des violences conjugales alléguées depuis près de 30 ans, étaient anciens. En outre, son épouse – dont il serait prochainement divorcé –, sa fille et son fils avaient déjà été entendus par la police. Il ne pouvait exercer des pressions en vue d’un retrait de plainte puisque les faits reprochés étaient poursuivis d’office. Ni le Ministère public ni le TMC ne relevaient un quelconque comportement de sa part propre à suggérer qu’il pourrait « tuer son épouse ». En tout état, les mesures de substitution qu’il avait proposées au TMC permettraient de pallier ce risque.

Enfin, il reproche une violation du principe de la proportionnalité, considérant qu’en cas de condamnation, il s’exposerait tout au plus à une peine avec sursis total, au vu de son absence d’antécédents. Les actes d’instruction à accomplir ne nécessitaient pas son maintien en détention durant la durée maximale possible (trois mois). Un délai de quinze jours serait suffisant pour instruire un « problème conjugal, dans le lit conjugal sans témoins aucun ». Seule l’audience de confrontation – devant intervenir rapidement – permettrait « de déterminer qui du couple ment s’agissant de l’allégué de viol ».

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, insistant sur l'importance du risque de collusion présenté par le recourant. Une audience de confrontation entre le prévenu et la partie plaignante était fixée au 14 novembre 2025. Les autres actes d’instruction étaient en cours (audition des autres enfants du couple, constats de lésions traumatiques sur le prévenu et la partie plaignante, notamment).

d. Le recourant n’a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. En tant que le recourant, représenté par son conseil, critique, sans prendre de conclusions, la composition du TMC, ce grief est irrecevable, étant souligné qu’il n’appartient pas au justiciable de s’immiscer dans l’organisation des tribunaux ni de choisir la direction de sa procédure. En cas de désaccord avec la décision rendue, il appartient au prévenu de contester cette ordonnance par les voies de droit s'il l'estime justifié, ce qu’il a fait au demeurant.

2. Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, sous l'angle d'un défaut de motivation.

2.1. Une autorité viole le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle ne respecte pas son obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_990/2023 du 3 avril 2024 consid. 2.1.1).

2.2. En l'espèce, il n'apparaît pas que la motivation du premier juge sur les éléments topiques soit déficiente. Rien n'interdit en effet à l'autorité précédente de faire sienne la motivation présentée à l'appui d'une requête et celle-ci n'a notamment pas à la reprendre sous une forme différente de celle présentée par le Ministère public (ACPR/280/2018 consid. 3).

En tout état, la Chambre de céans dispose d'un plein pouvoir de cognition et le recourant a pu à nouveau faire valoir ses moyens ici, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendu serait quoi qu'il en soit considérée comme étant réparée.

Partant, ce grief sera rejeté.

3. Le recourant conteste l’existence de charges suffisantes, se prévalant en particulier de la prescription de la prévention à l’art. 118 CP.

3.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

3.2. En l’occurrence, le recourant est notamment prévenu pour avoir, en 2011, contraint son épouse à interrompre sa grossesse alors qu’elle était enceinte de cinq à six mois. Ces faits, réprimés par l’art. 118 al. 2 CP, sont passibles d’une peine privative de liberté de dix ans au plus, de sorte qu’ils ne sont pas prescrits. En outre, quoi qu’en dise le recourant, ces charges – toute comme celles en lien avec des violences domestiques et viols répétés – ne sauraient être exclues du seul fait que chacune des parties livre une version différente des événements.

À ce stade de la procédure, le recourant est formellement mis en cause par son épouse, dont les déclarations sont corroborées par les premiers éléments médicaux et les déclarations de deux de ses enfants, D______ et E______, qui ont chacun fait part de violences exercées sur leur mère par leur père depuis plusieurs années. À cela s’ajoute que son fils, qui était présent lors de l’interruption de grossesse litigieuse, a confirmé que sa mère avait été contrainte de prendre des médicaments abortifs, avant que lui-même eût dû jeter le fœtus dans une poubelle.

Ces éléments permettent, en l’état, de fonder des soupçons suffisants à l’encontre du recourant, malgré ses dénégations, étant souligné que les confrontations seront précisément destinées à éclaircir les prétendues incohérences dans les déclarations de ses proches.

Partant, ce grief sera rejeté.

4. Le recourant conteste l’existence d’un risque de collusion.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2. En l’espèce, l’enquête ne fait que commencer. Même si la plaignante et deux de ses enfants ont déjà été entendus par la police, tel n’est pas encore le cas de ses autres enfants, ni d’éventuelles personnes auxquelles elle se serait confiée et dont l’identité n’est pas encore établie. En outre, la confrontation entre le recourant et son épouse n’est pas encore intervenue et le Ministère public est dans l’attente des constats médicaux effectués sur chacun d’eux, soit autant d’éléments qui devraient permettre de déterminer quelle version serait la plus crédible, chacun soutenant être victime des violences de l’autre.

Dans ce contexte, il est à craindre que le recourant prenne contact directement ou indirectement avec ses proches afin de faire pression sur eux et altère ainsi la manifestation de la vérité, étant rappelé que lors de l’intervention de la police, ceux-ci ont d’abord fait état de simples « bousculades » avant de dénoncer des violences de longue date. Le fait que les infractions soient poursuivies d’office n’est pas de nature à modifier ce constat.

Il existe donc un risque de collusion concret et sérieux qu’il convient de prévenir en évitant toute influence du recourant sur le témoignage de ses proches ainsi que d’éventuelles représailles à leur encontre.

5. L’admission de ce risque, indiscutable, dispense l'autorité de recours d'examiner si un risque de réitération – alternatif – existe également (arrêts du Tribunal fédéral 7B_144/2025 du 24 mars 2025 consid. 3.3; 7B_188/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3.1 et 1B_197/2023 du 4 mai 2023 consid. 4.5).

6. Le recourant propose des mesures de substitution.

6.1. Concrétisant le principe de la proportionnalité, l'art. 237 al. 1 CPP prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. La liste de son al. 2 est exemplative et le juge de la détention peut également, le cas échéant, assortir les mesures de substitution de toute condition propre à en garantir l'efficacité (ATF 145 IV 503 consid. 3.1).

6.2. En l’occurrence, aucune mesure de substitution ne permet, à ce stade précoce de la procédure, de prévenir le risque d’entrave à la vérité. Compte tenu des liens familiaux et de l’enjeu de la procédure pour le recourant, le seul engagement de l’intéressé de ne pas contacter son épouse et ses enfants ainsi que de prendre un domicile séparé, apparait clairement insuffisant. Il en est de même vis-à-vis de tiers encore non identifiés – étant souligné que l'interdiction d'entrer en contact au sens de l'art. 237 al. 2 let. g CPP ne peut en principe porter que sur des personnes déterminées (arrêts du Tribunal fédéral 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.4.2; 1B_121/2019 du 8 avril 2019 consid. 4.4) –.

Par ailleurs, l’obligation de se soumettre à un suivi psychothérapeutique ne serait propre qu'à prévenir le risque de récidive, non examiné ici.

7. Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

7.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282; 125 I 60; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

7.2. En l’espèce, la durée de la détention provisoire ordonnée jusqu’au 16 janvier 2026 demeure proportionnée à la peine menace et concrètement encourue si le prévenu devait être reconnu coupable des faits graves qui lui sont reprochés.

8. Le recours s'avère ainsi infondé et sera rejeté.

9. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/23565/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

985.00