Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/709/2025 du 04.09.2025 sur OTMC/2456/2025 ( TMC ) , REFUS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/5738/2025 ACPR/709/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 4 septembre 2025 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 7 août 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 18 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 août précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 8 octobre 2025.
Le recourant conclut, avec suite de frais, préalablement, à être entendu par la Chambre de céans; principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que sa mise en liberté immédiate soit ordonnée, cas échéant assortie de mesures de substitution (interdiction de quitter le territoire, obligation de se présenter hebdomadairement à un service administratif, soit à un poste de police ou au Service de la réinsertion et du suivi pénal [ci-après : SRSP], interdiction d'entrer en contact avec les autres participants à la procédure, interdiction d'entrer en contact avec C______ et D______, toute autre mesure que la Chambre de céans estimerait nécessaire); subsidiairement, à ce que la prolongation de sa détention provisoire soit ordonnée pour une durée d'un mois au maximum.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. Le 7 mars 2025, vers 17h30, a eu lieu une violente altercation impliquant une dizaine d'individus dans le parc E______ à Genève.
b. Selon les rapports d'interpellation du même jour et d'arrestation du lendemain, la CECAL avait été alertée par plusieurs personnes qu'une dizaine de jeunes se battaient dans le parc E______, armés de "couteaux", "cailloux" et "bâtons", certains individus étant blessés, d'autres ayant pris la fuite.
Ont été trouvés sur les lieux un pavé, un cadenas, une veste et des batteries. Divers téléphones portables ainsi qu'un cutter ont été saisis sur les individus interpellés.
c. La police a rapidement interpellé A______, F______, porteur du cutter susmentionné, et G______, le dernier présentant une plaie à la cuisse droite. Ont également été identifiés, dans le préau de l'école E______, H______ et I______, présentant tous deux plusieurs blessures à l'arme blanche. Deux autres individus ensanglantés et paniqués se sont enfin rendus au poste J______, soit K______ et L______.
Parmi les sept individus interpellés, cinq présentaient des plaies compatibles avec l'utilisation d'armes blanches ou d'objets tranchants :
- K______ avait plusieurs plaies dans le dos, une plaie sur le cuir chevelu et une plaie au niveau du cou à gauche; il avait dû être hospitalisé et son pronostic vital avait été engagé,
- H______ avait une plaie dans le dos et au niveau du bras gauche et avait dû être hospitalisé, son pronostic vital ayant été engagé,
- I______, cousin de K______, présentait une plaie perforante dans le dos, une plaie au niveau du triceps gauche, une plaie au niveau de la jugulaire gauche et une plaie à la lèvre; il avait dû être hospitalisé,
- le mineur L______ avait une plaie à la main droite et avait dû être hospitalisé, et
- le mineur G______ présentait une plaie à la cuisse droite et avait dû être hospitalisé.
Les prévenus étaient tous requérants d'asile de nationalité afghane, étant précisé que plusieurs incidents et conflits au sein de cette même communauté avaient déjà éclaté à Genève, notamment le 7 août 2024.
Aucun autre participant à la bagarre n'a pu être identifié, sinon les nommés D______ et C______ (ou "C______"), ainsi que M______. Les deux premiers, en fuite, n'ont pu être entendus. Le troisième a été interpellé le 26 mars 2025 (cf. let. B.g.g.)
d. Les analyses effectuées sur les objets saisis dans le parc et sur certain des objets et habits ultérieurement saisis sur les protagonistes blessés n'ont pas mis en évidence le profil d'ADN de A______.
d.a. A______ a été mis en prévention pour tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 CP), voire lésions corporelles simples aggravées (art. 123 CP) et rixe (art. 133 CP) pour avoir pris part à la violente bagarre du 7 mars 2025, lors de laquelle de nombreux coups avaient été échangés et suite auxquels plusieurs protagonistes avaient été blessés.
d.b. Il a admis avoir participé aux faits, en donnant des coups de poing, défensifs, mais a contesté pendant toute la procédure avoir été en possession et ou avoir utilisé un couteau ou une arme. Il a, en confrontation, contesté les déclarations à charge faites à son encontre par K______, avec lequel il s'était battu à coups de poings, ou par L______, avec lequel il ne s'était même pas battu. Lui-même n'avait pas été blessé ni n'avait reçu de coups de couteau.
Selon ses déclarations à la police, lorsqu'il était arrivé dans le parc E______, s'y trouvait un groupe de gens avec lequel il s'était déjà bagarré par le passé. Il a également expliqué aux médecins légistes chargés de l'examiner qu'il avait déjà eu des ennuis avec le groupe concerné et qu'il avait récemment reçu un coup de couteau du cousin d'un des membres de ce groupe. Il a enfin confirmé en audience de confrontation avoir déjà eu des problèmes avec K______ et L______, s'étant bagarré avec le cousin du dernier cité, prénommé "N______".
g. Il ressort des déclarations des autres protagonistes, notamment, ce qui suit :
g.a. K______ a déclaré devant la police avoir reçu des coups de couteau. A______, qui faisait partie, avec F______ et G______, de la bande l'ayant agressé, lui avait donné un coup de couteau au niveau du cou. En fait tout le monde était porteur d'un couteau, sauf ses amis et lui-même. Devant le Ministère public, il n'a pas voulu confirmer ses précédentes déclarations, expliquant avoir été agressé par 10 à 12 personnes. Il a ensuite, en confrontation, affirmé que A______ l'avait attaqué, par derrière, en lui donnant un coup de couteau dans le dos. Ensuite, le précité lui avait donné un coup du côté droit, derrière. Ensuite encore, A______ lui avait mis le couteau sur le cou, ce qu'il avait esquivé, de sorte qu'il n'avait été touché que de manière légère. Lui-même n'avait ni frappé ni menacé A______.
g.b. L______ a déclaré à la police que A______, soit celui qui avait "attaqué le plus", avait tenté de le frapper au torse avec son couteau à ouverture automatique, et l'avait blessé à la main lorsqu'il avait essayé de se protéger. Il a, en confrontation, déclaré que A______ était venu vers lui et avait voulu l'attaquer avec un couteau au niveau de la poitrine. C'était en voulant se protéger qu'il avait été blessé au doigt. Il a ultérieurement persisté dans ses accusations lorsqu'il a à nouveau été entendu, seul, par le juge des mineurs.
g.c. I______ a déclaré à la police que A______ "était aussi dans la bagarre", l'avait attaqué par derrière et l'avait poussé, ce qui l'avait fait tomber. Il a ensuite affirmé, en confrontation devant le Ministère public, que A______ avait accouru vers lui et lui avait donné un coup de couteau sur le côté gauche. Lors d'une confrontation ultérieure, il a expliqué cette différence dans son récit par le fait qu'au début, il ne connaissait pas les personnes et que par la suite, confronté à leur visage, il s'en était rappelé. Une planche photos lui avait bien été soumise par la police, mais il était alors blessé, n'avait pas mangé et avait froid, de sorte qu'il n'était pas bien.
g.d. H______ a, devant la police, indiqué ne pas savoir si A______ avait participé à la bagarre ni s'il était porteur d'un couteau. Il n'a pas mentionné son nom lors de sa première audition en confrontation devant le Ministère public, précisant lors de la seconde que A______ était présent lors de la bagarre mais qu'il ignorait si l'intéressé avait un couteau.
g.e. G______ a déclaré à la police que A______ n'était porteur d'aucune arme, ce qu'il a confirmé devant le Juge des mineurs, ajoutant qu'il ne l'avait pas non plus vu donner de coups à qui que ce soit. En confrontation, il n'a pas mentionné le nom de A______ lorsqu'il a expliqué de qui il avait reçu des coups.
g.f. F______ a expliqué, lors de son audition à la police, n'avoir pas vu A______ lors des faits. Il n'a pas mentionné son nom lorsqu'il a été entendu, à deux reprises, en confrontation.
g.g. M______, mineur, interpellé le 26 mars 2025, a confirmé que A______ était présent durant la bagarre, mais expliqué qu'il ne l'avait pas vu porter une arme. Il ne l'a pas mis en cause dans ses déclarations subséquentes.
h. A______, entendu à sa demande le 10 mars 2025, a été mis en détention provisoire par ordonnance du TMC du même jour, détention ensuite prolongée par ordonnance du 11 juin 2025, laquelle a retenu l'existence de charges graves et suffisantes ainsi que des risques de fuite, collusion et récidive, qu'aucune mesure de substitution n'était apte à pallier. Cette ordonnance n'a pas été contestée. L'intéressé a renoncé à son audition à la suite de la dernière demande de prolongation de détention du Ministère public mais a déposé des observations écrites.
i. À teneur du dossier, A______ est né le ______ 2007, de nationalité afghane, célibataire et sans enfant. Au bénéfice d'un permis F, il reçoit une aide de l'Hospice général et est scolarisé en classe d'accueil. Il a indiqué ne pas souhaiter quitter la Suisse à cause des talibans. Sa mère, un frère et sa sœur qui, vivaient encore en Afghanistan, essayaient de rejoindre un autre de ses frères vivant aux États-Unis,
L'extrait du casier judiciaire suisse le concernant est vierge.
C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu qu'aucun élément n'était intervenu depuis l'ordonnance de prolongation de détention du 11 juin 2025 justifiant, en faveur du prévenu, une reconsidération des charges, alors jugées graves et suffisantes. Ces charges reposaient sur les mises en cause de plusieurs participants à la bagarre, en particulier K______ et L______, et sur les constats de lésions traumatiques de ces derniers. L'instruction se poursuivait, une nouvelle audition étant fixée au 15 août 2025 pour l'audition des prévenus sur leur situation personnelle, avant que l'instruction ne soit clôturée et les prévenus renvoyés en jugement.
Le risque de fuite perdurait, référence étant faite à l'ordonnance de prolongation de détention du 11 juin 2025, qu'aucun élément nouveau ne devait amener à reconsidérer. Il en allait de même du risque de collusion, en particulier vis-à-vis des autres participants à la bagarre, dont certains n'avaient pas encore été identifiés, et du risque de récidive, aucun élément allant dans le sens d'une diminution de ce risque n'étant intervenu depuis l'ordonnance précitée.
Enfin, aucune mesure de substitution n'était susceptible de pallier les risques retenus, en particulier le risque de fuite.
D. a.a. Dans son recours, A______ conteste les charges retenues contre lui. S'il avait admis avoir participé à la bagarre, il avait toujours nié avoir été en possession d'un couteau ou d'une quelconque arme, et aucune n'avait été retrouvée sur lui lors de son interpellation. Son ADN n'avait été décelé sur aucun des objets découverts sur les lieux de la rixe. Restaient ainsi uniquement les déclarations peu convaincantes de certains protagonistes appartenant à la bande rivale. L______ avait dans un premier temps affirmé qu'il avait tenté de le frapper au niveau du torse avant d'affirmer qu'il lui aurait donné des coups de couteau à la main; K______ avait initialement expliqué que le coup de couteau qu'il lui avait donné l'avait été dans le cou puis dans le dos et dans le côté droit, étant relevé qu'en cours de procédure, F______ avait admis avoir attaqué K______ avec un cutter; enfin, I______ avait affirmé qu'il était présent mais ne détenait pas de couteau, avant de déclarer qu'il lui avait donné un coup de couteau sur le côté gauche. Les récits changeant des trois intéressés ne pouvait fonder des charges suffisantes, étant encore relevé que les blessures subies par les trois précités n'avaient pas mis leur vie en danger. Il avait quant à lui pleinement collaboré avec l'enquête et livré des déclarations constantes.
Il conteste le risque de fuite. Il n'avait jamais eu à faire avec la justice et s'était toujours montré respectueux, poli et attentif aux autres. Il disposait d'une situation stable et avait de fortes attaches en Suisse: il suivait assidûment ses cours et avait un cercle d'amis proches, une petite amie et un cousin domicilié à Zürich qu'il rencontrait régulièrement. En tout état, des mesures de substitution, telles que le pointage régulier auprès de la police ou d'une autorité administrative et l'interdiction de quitter le territoire, permettraient de pallier ce risque.
Il conteste également le risque de collusion. On ne se trouvait plus au "stade initial de la procédure", comme retenu dans l'ordonnance du 11 juin 2025. Les différents protagonistes avaient été confrontés à plusieurs reprises. Aucun risque ne pouvait en outre être retenu vis-à-vis des autres protagonistes ou témoins, lesquels n'avaient pas été retrouvés. Il avait d'ailleurs indiqué qu'il ne connaissait pas C______ et D______ et on ne voyait pas comment il pourrait les contacter alors que le Ministère public n'y arrivait pas. Au demeurant, deux protagonistes mineurs avaient été remis en liberté depuis plusieurs semaines. Enfin, son téléphone se trouvait en mains de la justice et son analyse n'avait rien donné de probant. En tout état, là aussi, des mesures de substitution telles qu'une interdiction de contact avec de potentiels témoins ou coprévenus suffiraient à pallier le risque résiduel s'il devait être retenu.
Enfin, il ne présentait aucun risque de récidive. Son intervention s'était limitée à sa défense et elle ne pouvait valablement fonder un tel risque. Les blessures constatées sur les trois co-prévenus le mettant en cause n'avaient pas mis leur vie en danger. Décrit comme quelqu'un qui n'était pas un bagarreur, il n'avait enfin aucun antécédent pénal et n'avait jamais tenu de propos ou eu un comportement laissant croire qu'il pourrait récidiver. Une interdiction de contact avec les autres protagonistes serait en tout état suffisante pour pallier un éventuel risque résiduel de récidive.
Subsidiairement, en application du principe de la proportionnalité, la prolongation de sa détention pour une durée d'un mois était suffisante pour permettre au Ministère public de dresser son acte d'accusation.
a.b. A______ a versé, à l'appui de son recours, deux documents déjà produits devant le TMC, soit :
- une attestation d'un de ses enseignants, le qualifiant d'élève assidu et discipliné, respectant le règlement de l'école et les consignes données en cours. Poli, respectueux et courtois, il ne s'était jamais montré agressif ou bagarreur,
- un courrier de son éducateur spécialisé référent au foyer dans lequel il est hébergé, attestant de ce qu'il était un jeune homme respectueux, poli, discret et attentif aux autres. Il n'avait fait preuve d'aucun manquement au règlement, ayant toujours eu un comportement exemplaire et une attitude irréprochable. Il ne s'était jamais trouvé mêlé à des situations confuses ou à des groupes problématiques. L'annonce de sa détention avait été une surprise.
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.
Les charges étaient suffisantes en ce que A______ avait reconnu s'être battu durant la bagarre, au cours de laquelle un total de 17 plaies cutanées avaient été infligées, dont 14 avaient les caractéristiques de lésions causées par un instrument piquant ou coupant sur 5 des participants. Un seul cutter avait été retrouvé, de sorte que d'autres objets piquants ou coupants avaient probablement été utilisés, ce qui ressortait d'ailleurs des témoignages des badauds. L'absence de traces d'ADN de A______ n'était dès lors pas significative. Il était au demeurant mis en cause par trois protagonistes pour avoir donné des coups de couteau, soit L______, K______ et I______, dont les déclarations étaient corroborées par les plaies qu'ils avaient tous trois présentées.
Le risque de fuite était concret. Les fortes attaches en Suisse alléguées n'étaient pas étayées. Les seules visites que A______ avait reçues en détention étaient celles de son éducateur et d'un enseignant et les appels qu'il avait demandé de pouvoir faire à sa famille concernaient des numéros de téléphone à l'étranger, étant encore précisé que l'un de ses frères se trouvait aux États-Unis et que le reste de sa famille essayait de l'y rejoindre. Les mesures de substitution proposées n'empêcheraient pas une fuite mais permettraient tout au plus de la constater a posteriori.
Le risque de collusion demeurait malgré les confrontations effectuées. Le fait qu'il ne connaissait pas les autres protagonistes, notamment D______ et C______, ne l'empêcherait pas de les contacter facilement pour les influencer dans leurs déclarations, leurs coordonnées Tiktok figurant au dossier.
Enfin, un risque de réitération qualifié subsistait, A______ ayant admis qu'il s'était déjà bagarré avec certains des protagonistes de la rixe du 7 mars 2025, et qu'il s'était battu avec un dénommé "N______".
c. Le TMC renonce à formuler des observations et maintient les termes et les conclusions de son ordonnance.
d. A______ réplique brièvement.
Il avait été interpellé à 700 mètres du parc E______, n'était pas en possession d'une arme et aucune n'avait été retrouvée dans le périmètre des faits. L'absence de son ADN sur les "armes" et objets retrouvés devait donc être prise en compte. Les coprévenus qui le mettaient en cause n'avaient été ni clairs ni constants dans leurs accusations. F______ avait admis avoir attaqué K______, lequel le confondait peut-être avec lui.
S'agissant des risques de fuite et de collusion, si son cousin n'était pas venu le voir en prison, c'était par manque de moyens. S'il devait être retenu qu'il pourrait influencer les autres protagonistes en cas de mise en liberté, tel était donc aussi le cas pour les deux mineurs actuellement libres.
Enfin, il ne s'était pas bagarré avec le dénommé "N______" mais avait subi une attaque de sa part et n'avait jamais eu pour intention, dans le passé, de se battre avec les autres protagonistes, n'étant pas de nature bagarreur.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant conclut préalablement à son audition par la Chambre de céans.
2.1. Le recours fait l'objet d'une procédure écrite (art. 397 al. 1 CPP), les débats n'ayant qu'une nature potestative (art. 390 al. 5 CPP). Par ailleurs, l'art. 29 al. 2 Cst. féd. ne confère pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5).
2.2. En l'occurrence, le recourant, qui n'a pas demandé son audition devant le TMC, a pu s'exprimer par écrit devant cette autorité, puis s'est exprimé, par écrit, devant la Chambre de céans, à l'occasion de son recours et de sa réplique, de sorte que son droit d'être entendu a été respecté.
Il ne sera dès lors pas donné suite à sa requête.
3. Le recourant conteste les charges retenues contre lui.
3.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).
3.2. En l'espèce, il est admis et établi que le recourant a été impliqué dans l'altercation du 7 mars 2025. S'il affirme n'avoir donné de coups qu'avec les mains et avoir eu une attitude purement défensive, il est pourtant mis en cause par plusieurs protagonistes, soit L______, K______ et I______. Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, l'éventuelle évolution des déclarations de ces derniers, et in fine leur crédibilité, devra être examinée par le juge du fond et non par la Chambre de céans. À ce stade, et au vu des plaies constatées sur les uns et les autres, ces déclarations suffisent à fonder des soupçons suffisants de culpabilité.
Par ailleurs, et quoiqu'en pense le recourant, le fait que son ADN n'ait pas été retrouvé sur les objets saisis n'est pas pertinent, seul un cutter ayant été retrouvé alors que plusieurs armes piquantes ou coupantes auraient été utilisées, comme l'attestent les lésions constatées et comme l'ont décrit les badauds entendus par la police.
Au stade de l'instruction, il y a ainsi lieu de retenir qu'il existe toujours des soupçons suffisants de charges graves au sens de l'art. 221 al. 1 CPP.
4. Le recourant conteste l'existence d'un risque de fuite.
4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).
4.2. En l'espèce, le recourant, de nationalité afghane, réside en Suisse et est au bénéfice d'une admission provisoire. À l'exception d'un cousin vivant à Zürich, il n'a pas de famille en Suisse. Être scolarisé et avoir une petite amie, qui ne semble cependant pas être venue lui rendre visite en prison, ne saurait être considéré comme constituant de fortes attaches en Suisse. Cela ne suffirait en tous les cas pas, au vu notamment de la peine menace et concrètement encourue si les faits dont il est accusé devaient être retenus, pour qu'il ne soit pas tenté, comme l'ont d'ailleurs fait D______ et C______, de fuir ou de disparaître dans la clandestinité.
5. Le recourant conteste l'existence d'un risque de collusion.
5.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).
5.2. En l'espèce, l'altercation a impliqué un certain nombre de protagonistes, soit a minima une dizaine selon les éléments du dossier, alors que seuls huit individus ont été interpellés. De possibles autres participants n'ont ainsi pas encore été identifiés ou entendus. Il convient donc d'éviter, et ce jusqu'à l'audience de jugement, que le recourant ne puisse influencer ou tenter d'influencer les autres protagonistes ou d'éventuels témoins qui n'auraient pas encore été identifiés.
Il en va ainsi en particulier de C______ et D______, que le recourant pourrait facilement contacter par le biais des réseaux sociaux.
Enfin, le fait que deux protagonistes mineurs aient été mis en liberté, selon les règles de droit pénal des mineurs qui leurs sont à eux seuls applicables, ne change rien à la situation du recourant.
6. Le recourant conteste l'existence d'un risque de récidive.
6.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (ATF 150 IV 149 consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5).
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).
6.2. Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre (cf. ATF 150 IV 149 susmentionné, consid. 3.2, et arrêt du Tribunal fédéral 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2).
Comme il est renoncé à toute infraction préalable (seul indice fiable permettant d'établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l'intégrité physique ou l'intégrité sexuelle). L'exigence supplémentaire de l'atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l'examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l'acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d'exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du Code de procédure pénale – mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale » –, FF 2019 6351, p. 6395).
6.3. En l'espèce, il est acquis que le recourant n'a aucune condamnation inscrite à son casier judiciaire suisse. Il est cependant impliqué dans des faits d'une gravité non contestée. Son implication concrète restera à déterminer mais il est à ce stade prévenu d'avoir causé de graves atteintes à l'intégrité physique d'autrui. Trois personnes le mettent en cause pour leur avoir donné des coups de couteau, susceptibles de constituer des infractions de tentative de meurtre, tentative de lésions corporelles graves voire lésions corporelles simples aggravées, indépendamment du fait que les trois précités n'auraient pas vu leur pronostic vital engagé. Le recourant a admis, tant à la police que devant les médecins légistes et enfin devant le Ministère public, avoir déjà été mêlé, d'une manière ou d'une autre, à de précédentes bagarres, impliquant, directement ou indirectement, les mêmes protagonistes.
Au vu de ce qui précède, un risque de réitération doit dès lors, à ce stade, être retenu.
7. Le recourant considère que les éventuels risques résiduels de fuite ou de collusion pourraient être palliés par des mesures de substitution.
7.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (al. 2 let. d), ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).
7.2. Une interdiction d'approcher peut dans certains cas suffire à prévenir le risque de collusion. Tel est notamment le cas lorsque – comme en l'espèce – les déclarations à charge émanent de la victime elle-même (cf. ATF 137 IV 122 consid. 4.3 p. 128 et 6.4), puisque l'on peut attendre de celle-ci qu'elle signale spontanément et immédiatement à l'autorité toute tentative de prise de contact ou d'intimidation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_172/2015 du 28 mai 2015 consid. 4.2.). L'interdiction d'entrer en contact au sens de l'art. 237 al. 2 let. g CPP ne peut en principe porter que sur des personnes déterminées (arrêts 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.4.2; 1B_121/2019 du 8 avril 2019 consid. 4.4).
7.3. En l'espèce, une interdiction de quitter le territoire ou une obligation de se présenter hebdomadairement à un poste de police ou au SRSP ne permettraient pas d'empêcher le recourant de franchir la frontière par voie terrestre pour se rendre à l'étranger, mais tout au plus de constater sa fuite a posteriori (ATF 145 IV 503 consid. 3.3.1).
Quant à l'interdiction de contact avec les autres protagonistes et témoins, y compris les dénommés D______ et C______, il y a lieu de relever qu’ils n'ont pas encore tous été identifiés. Quand bien même une telle mesure d'interdiction serait mise en œuvre, il serait à craindre, en cas de mise en liberté, que le recourant ne cherche à contacter ses coprévenus, voire d'autres personnes susceptibles d'être impliquées, afin de tenter d'influencer leurs déclarations, de s'accorder sur une version commune, voire de les prévenir, mettant ainsi en péril l'administration des preuves à venir. S'agissant d'une interdiction de contact à l'égard de ces autres personnes, elle n'est de toute façon pas envisageable, dans la mesure où celles-ci n'ont pas encore été identifiées à ce jour. Ainsi, l'interdiction d'entrer en contact proposée par le recourant est insuffisante au regard de la nature du risque de collusion constaté. Une telle mesure paraît en outre particulièrement difficile à contrôler, compte tenu du nombre indéfini des personnes potentiellement concernées, et ne permet pas, en l'état, de pallier le risque d'atteinte à la recherche de la vérité.
8. Enfin, la durée de la détention ordonnée, de deux mois, respecte le principe de proportionnalité. L'audience du 15 août dernier a eu lieu mais il appartiendra à présent au Ministère public de rendre un avis de prochaine clôture, statuer sur les éventuels actes d'instruction complémentaires qui seraient requis par les parties, puis rédiger un éventuel acte d'accusation.
9. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.
10. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
11. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.
11.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).
11.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, un premier contrôle des conditions de l'art. 221 CPP par l'autorité de recours pouvait se justifier.
L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Admet la demande d'assistance judiciaire pour le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/5738/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 10.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 900.00 |
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| Total | CHF | 985.00 | |||