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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17991/2024

ACPR/620/2025 du 07.08.2025 sur OMP/15517/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17991/2024 ACPR/620/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 août 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 26 juin 2025 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 7 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 juin précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et indemnité, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

P/17991/2024:

a.a.A______, né le ______ 1997, originaire de Gambie, a fait l'objet, le 3 août 2024, d'une ordonnance de condamnation rendue dans la procédure P/17991/2024, pour :

- avoir, à Genève, à tout le moins entre le 1er août 2024 et le 2 août 2024, date de son interpellation, pénétré et séjourné sur le territoire suisse, alors qu'il était dépourvu de moyens de subsistance suffisants et qu'il représentait une menace pour l'ordre public suisse au vu des autres faits qui lui étaient reprochés, étant précisé qu'il était porteur d'un passeport valable délivré par les autorités de Gambie, ainsi que d'un titre de séjour biométrique valable délivré par les autorités italiennes;

- s'être, à tout le moins le 2 août 2024, adonné au trafic de stupéfiants, étant précisé qu'il avait détenu, vers 19h15, à l'intersection de la rue de la Coulouvrenière et de la place des Volontaires, dans sa sacoche, 37 sachets de marijuana, d'un poids total de 111 grammes, 79 pilules d'ecstasy et 32 parachutes de cocaïne, d'un poids total de
19,7 grammes, destinés à la vente.

a.b. A______ a formé opposition à cette ordonnance pénale.

a.c. Entendu sur opposition le 6 juin 2025, A______ a contesté l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés. Il était en possession de CHF 100.- au moment de son arrestation mais disposait de d'avantage d'argent la veille, lorsqu'il était arrivé à Genève pour faire la fête. Un homme marocain lui avait confié son sac, dont lui-même ignorait le contenu, le temps d'aller aux toilettes et il avait alors été contrôlé par la police. Il contestait le rapport de police qui indiquait que l'ecstasy et la cocaïne eussent été trouvées dans la poche de son pantalon.

a.d. L'établissement de son profil d'ADN n'a pas été ordonné dans cette procédure.

a.e. Une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève lui a été notifiée pour une durée de 15 mois le 3 août 2024.

P/14588/2025:

b.a. Le 25 juin 2025, A______ a été arrêté alors qu'il était seul sur un banc aux abords du quai du Seujet, lieu connu pour le trafic de stupéfiants. A côté de lui se trouvait une sacoche contenant 4 paquets d'aluminium contenant 71,5 grammes brut de marijuana, 3 paquets d'aluminium contenant 38,10 grammes brut de marijuana, 4 parachutes de crack pour un poids brut de 4,2 grammes, 4 parachutes de cocaïne pour un poids brut de 3,8 grammes et 22 pilules d'ecstasy. Il était porteur de CHF 260.-.

b.b. A______ a été prévenu le 26 juin 2025 d'infractions aux
art. 19 al. 1 let d. Lstup et 119 al. 1 LEI.

Il a contesté la détention de drogue en vue de la vente et indiqué que la sacoche trouvée à ses côtés ne lui appartenait pas.

c. Le 27 juin 2025, la procédure P/14588/2025 a été jointe à la procédure P/17991/2024 sous ce dernier numéro.

d. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 27 juin 2025, A______ n'a jamais été condamné.

S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, A______ est au bénéfice d'un titre de séjour biométrique italien valable au 15 mars 2033. Il indique vivre à C______ [France], travailler au noir en France et en Italie, être sans revenus réguliers, touchant entre EUR 10.- et 20.- par jour de travail.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convenait d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, dès lors qu'il était prévenu dans la procédure P/17991/2024 de délit contre la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ relève que la multiplication des ordonnances d'établissement de profils d'ADN laissait craindre une volonté de ficher massivement les étrangers. Un tel établissement, pour des infractions passées/futures, n'était conforme au principe de la proportionnalité qu'en présence d'indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, d'une certaine gravité. A lire la Directive du Procureur général A.5, seule la forme aggravée d'un trafic de stupéfiants pouvait justifier l'établissement d'un profil d'ADN. C'était donc à juste titre que le procureur en charge de la procédure P/17991/2025 (avant jonction) n'avait pas ordonné un tel établissement. On ne voyait d'ailleurs pas quelle récidive concrète ou quelle commission passée serait mieux résolue par le profil d'ADN à établir. L'ordonnance querellée était donc arbitraire et disproportionnée, s'agissant d'un acte inutile et coûteux.

Son conseil dépose un état de frais pour la procédure de recours.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

Dans un arrêt ACPR/642/2024 du 29 août 2024, la Chambre de céans a considéré, au sujet d'un recourant bénéficiant d'une situation stable financièrement, déjà condamné à trois reprises pour des faits en lien avec des stupéfiants à des peines pécuniaires, le cas échéant cumulées avec une amende – deux d’entre elles portant également sur l’exercice illicite de la prostitution – qu'il n'y avait pas d'indices sérieux et concrets que le recourant pût être impliqué dans d’autres infractions, même futures, d’une certaine gravité et touchant des biens juridiques essentiels; si la LStup protégeait la santé publique, bien juridique essentiel, les sanctions prononcées de ce chef contre le recourant ne leur conféraient pas de gravité particulière.

2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

Certes, son casier judiciaire ne comporte pas de condamnation. Toutefois, dans la présente procédure, il est mis en cause à deux reprises, soit en août 2024 et en
juin 2025, pour trafic de stupéfiants, notamment de cocaïne. Il a, dans les deux cas, été interpellé dans des lieux connus pour le trafic de stupéfiants. Que l'intéressé réfute ces accusations n'est pas suffisant pour annihiler tout soupçon à son égard en l'état.

Ces mises en cause, auxquelles s'ajoute sa situation personnelle – absence de domicile connu et d'activité professionnelle avérée –, laissent craindre qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent également une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, cette directive ne vise pas uniquement les infractions graves à la LStup, se référant au contraire à l'art. 19 de cette loi sans distinction d'alinéa.

L’argument tiré de l'arrêt ACPR/642/2024 n’y change rien. Dans ladite procédure, le prévenu – domicilié en France et mécanicien de profession – avait une situation stable financièrement, qui ne permettait pas de suspecter un ancrage dans la délinquance. Le recourant, quant à lui, est sans ressources avérées et n'a pas de domicile connu. Ses revenus allégués laissent en tout état clairement craindre qu'il n'ait été ou ne soit à l'avenir amené à commettre d'autres infractions.

Partant, la mesure querellée n'apparaît pas inutile ou disproportionnée.

Que son coût soit éventuellement mis à la charge du recourant – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est donc pas pertinent.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.             Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

5.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP) le défenseur d'office.

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17991/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00