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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20464/2021

ACPR/376/2024 du 22.05.2024 sur OCL/131/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : LÉSION CORPORELLE SIMPLE;VOIES DE FAIT
Normes : CPP.319; CP.123; CP.126

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20464/2021 ACPR/376/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 22 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 7 février 2024 par le Ministère public,

et

C______, représenté par Me D______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 février 2024, notifiée le 9 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure dirigée à l'encontre de C______.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance, au renvoi de la cause au Ministère public et à l'octroi d'une indemnité.

b. Le recourant, qui a demandé le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, et dont l'indigence a été établie, a été dispensé de verser des sûretés (art. 381 al. 1 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est domicilié au no. ______ rue 1______, tandis que C______ l'est au no. ______. Le hall d'entrée de ces deux immeubles est commun.

b. Le 14 juillet 2021, A______ a déposé plainte pénale, notamment contre C______. En substance, il a expliqué que le 11 juillet 2021, vers 21h50, alors qu'il arrivait dans le hall de son immeuble depuis les escaliers, C______ avait indiqué à des amis se trouvant avec lui que c'était "le fils de pute qui nous a dénoncés à la régie et appelé la police", en lui crachant dessus. Ce dernier avait saisi son poignet, l'avait poussé, alors qu'une personne distincte avait saisi son autre poignet. Il avait reçu un coup de poing à la tête de C______ puis d'une autre personne présente. Un individu l'avait étranglé par derrière et les autres l'avaient roué de coups. Son fils était allé chercher la police et, à son arrivée, seuls deux protagonistes étaient encore sur place.

À l'appui de sa plainte, A______ a produit un certificat médical, avec photos, du 12 juillet 2021 des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) faisant état de céphalées bilatérales, de douleurs au niveau de la nuque, du dos, des côtes, de la cuisse droite, des trapèzes, d'une dermabrasion linéaire au niveau de l'épaule et du coude droits, de l'avant-bras gauche et du flanc droit.

c. Le 26 juillet 2021, C______ a déposé plainte pénale contre A______.

Il a expliqué que le précité était descendu par la cage d'escaliers le 11 juillet 2021 vers 21h00 et avait violemment poussé la porte contre lui et ses amis. Le ton était rapidement monté: A______ avait donné un coup de poing au visage de E______. Il avait essayé de les séparer en agrippant A______ par la ceinture pour le tirer dans la rue. La police était alors intervenue. Plus tard, vers 22h30 ou 23h00, il était descendu dans le hall d'entrée de son immeuble avec des amis. A______ s'y trouvait à nouveau et avait brandi un couteau suisse de 15 cm, qu'il avait tenté à plusieurs reprises de planter dans son abdomen, mais il avait réussi à éviter les coups. A______ avait aussi tenté de donner plusieurs coups de couteau à F______. G______ avait réussi à frapper la main de A______ avec son sac à main et un passant avait appelé la police. A______ avait fui avant de revenir à la rencontre de la police, sans le couteau.

d. Entendu par la police, H______ a indiqué qu'il se trouvait au restaurant en face du bâtiment en question lorsqu'il avait vu un homme se battre avec un groupe de personnes. Cet homme était parti juste avant l'arrivée de la police. Vers 22h00, il l'avait vu revenir dans l'allée et huit personnes s'étaient battues contre lui quelques instants après. La police avait alors été mise en présence de tous les protagonistes. Il n'avait pas vu si l'homme tenait un objet à la main.

e. Les protagonistes ont été entendus par la police :

e.a. F______, la femme de C______, a expliqué qu'elle se trouvait dans le hall d'entrée avec ses amis G______, I______, E______, J______, son époux et K______ avant de prendre l'ascenseur avec I______ et K______. Elle avait soudainement entendu des cris et était redescendue, alors qu'E______ et K______ étaient restés dans l'appartement. La police était sur place et elle était remontée. Vers 23h30, ses amis avaient quitté son appartement et A______ était venu à leur encontre de manière agressive avec un couteau en criant qu'il allait les tuer. Un passant avait indiqué que la police allait venir. A______ était alors parti en courant avant de revenir sans le couteau.

e.b. G______ a expliqué qu'elle se trouvait dans le hall d'entrée du bâtiment le 11 juillet 2021 en présence de E______, J______ et C______ lorsque A______ avait violemment ouvert la porte de la cage d'escaliers, dans les jambes de G______, ce qui ne l'avait pas blessée, et avait crié "putain de merde de roumains" avant de se précipiter sur eux pour les frapper. A______ lui avait asséné un coup de poing au niveau de l'oreille et avait donné un coup de poing à E______. Elle l'avait saisi par la taille pour le calmer et l'avait poussé en dehors de l'ascenseur. Vers 23h30, elle était descendue dans le hall d'entrée avec C______, K______, I______ et J______. A______ était venu à leur encontre de manière agressive avec un couteau, en criant qu'il allait les tuer. Elle lui avait donné un coup sur la main avec son sac à main. Un passant leur avait dit que la police avait été appelée. A______ était alors parti en courant puis était revenu sans le couteau. Elle n'avait vu personne frapper A______.

e.c. J______ a expliqué devant la police le 21 septembre 2021 que A______ avait soudainement ouvert la porte, sur son épaule, sans la blesser. E______ lui avait demandé pourquoi il agissait ainsi, ce à quoi A______ avait répondu : "putain de roumains de merde". Elle n'était pas présente lors de la seconde altercation. Elle n'avait asséné aucun coup à A______.

e.d. Entendu par la police comme prévenu, A______ a contesté avoir violemment ouvert la porte des escaliers contre une personne, traité C______ de "putain de merde de roumain", et asséné un coup de poing au visage de G______ ou de E______. Au contraire, il s'était fait traiter de "fils de pute" et cracher dessus par C______. Ce dernier lui avait saisi le poignet et donné un coup de poing au visage puis l'avait roué de coups. E______ lui avait asséné des coups à la nuque et au visage. Les six personnes présentes l'avaient ensuite roué de coups.

Vers 22h15, il avait croisé C______ dans la rue et avait fait demi-tour de peur de se faire attaquer une nouvelle fois, ce qui avait été le cas de la part de plusieurs personnes. E______ lui avait donné un coup au niveau des côtes et C______ l'avait roué de coups. Il avait pris la fuite. À son retour sur place, la police était présente. Il contestait avoir menacé qui que ce fût avec un couteau ou avoir tenté d'en donner des coups, car il n'en portait pas sur lui.

e.e. Entendu par la police en qualité de prévenu, C______ a contesté avoir craché en direction de A______, étant sensible au fait que le fils de ce dernier était présent et pleurait. Il avait ceinturé A______ pour l'amener à l'extérieur du bâtiment, mais contestait l'avoir frappé. A______ s'était retrouvé au milieu de six personnes et s'était montré très violent. Il ignorait si quelqu'un l'avait frappé, vu la confusion générale. Il avait souffert d'une dermabrasion au niveau de l'avant-bras, qu'il n'avait pas fait constater. En lien avec la seconde altercation, il n'était pas d'accord avec la version du témoin selon laquelle huit personnes se battaient contre une seule et qu'il n'y avait pas de couteau. A______ l'avait bien agressé à l'aide d'un couteau et il ne l'avait pas frappé. Il n'avait pas vu E______ donner un coup à A______.

f. Selon attestation du 26 octobre 2021, la Fondation L______ suivait A______ depuis le 1er septembre 2021, à la suite de l'agression. Il présentait des symptômes tels que du stress aigu, des troubles du sommeil, un sentiment d'insécurité et d'injustice, des réactions de sursaut, des problèmes de concentration, des oublis et de la confusion, sans évolution favorable, sûrement due à la proximité avec ses agresseurs.

g. Le Ministère public a confronté les prévenus le 6 janvier 2022 :

g.a. C______ a réitéré ses précédentes explications. Lors du premier épisode, le ton était monté, des insultes avaient été échangées – lui-même n'en ayant pas proférées – et il y avait eu des contacts physiques.

g.b. A______ a de même réitéré ses précédentes explications. Il n'y avait personne derrière la porte au moment de son ouverture, étant précisé qu'elle s'ouvrait sur la gauche et que l'ascenseur se trouvait à droite de la porte – comme confirmé par une photo transmise le 15 juin 2023–. Lors de la première altercation, six personnes l'avaient frappé et quelqu'un l'avait plaqué contre une vitre. C______ avait mis son bras autour de son cou de manière à l'empêcher de respirer. Il avait montré ses blessures à la police. Lors du second épisode, tous l'avaient agressé verbalement puis physiquement, en lui donnant des coups et en lui lançant une bouteille de coca dessus. Il avait fui en direction de la police. C______ et ses amis avaient inventé l'existence d'un couteau.

h. Lors de l'audience qui s'est tenue au Ministère public le 8 juin 2023 :

h.a. F______ a expliqué qu'alors qu'elle était descendue depuis son appartement avec son mari et ses amis, ils avaient été confrontés à A______ qui tenait un petit couteau et qui criait qu'il allait tous les tuer. Elle ne pensait pas que des coups aient été échangés et ne se souvenait pas d'éventuelles insultes. Elle avait entendu le bruit d'une première altercation plus tôt dans la soirée, mais n'était pas descendue, contrairement à ce qu'elle avait affirmé à la police.

h.b. G______ a persisté dans ses précédentes explications. Elle avait poussé A______ et l'avait attrapé par la ceinture, car ce dernier voulait se bagarrer et avait essayé de la frapper, ainsi que ses amis. Elle avait reçu un coup vers l'oreille. Plus tard dans la soirée, un ami les avait informés que quelqu'un se trouvait dehors avec un couteau. Elle était paniquée et C______ l'avait accompagnée en bas. A______ tenait effectivement un couteau et avait insulté C______ de "roumain qui devait dégager". Elle avait donné un coup avec son sac sur la main de A______. Un homme assis en terrasse dans le restaurant d'en face avait crié à A______ de laisser tomber son couteau et avait appelé la police.

h.c. H______ a réaffirmé qu'il n'avait pas le souvenir d'avoir vu un couteau.

h.d. J______ a expliqué qu'elle était la voisine de C______ et était mariée à son frère. Elle a confirmé ses précédentes déclarations.

i. Par courrier du 25 janvier 2022, A______ a requis l'audition de trois de ses voisins, également victimes d'agissements de C______, ainsi que l'audition EVIG de son fils, M______, âgé de 10 ans.

Le 11 décembre 2023, soit dans le délai imparti par le Ministère public dans son avis de prochaine clôture du 20 novembre 2023 annonçant qu'il comptait classer la procédure, il a indiqué ne pas souhaiter formuler des réquisitions de preuve.

j. Par courrier du 13 décembre 2023, C______ a indiqué ne pas formuler de réquisitions de preuve.

C. Dans l'ordonnance querellée, fondée sur l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le Ministère public a rejeté, motivation à l'appui, les réquisitions de preuve formées par A______ le 25 janvier 2022.

Il a retenu l'absence de soupçons qui justifieraient une mise en accusation de A______ et C______. Leurs versions étaient contradictoires s'agissant des deux altercations. Aucun élément de preuve neutre, impartial et objectif ne permettait de corroborer les accusations réciproques. Le seul témoin neutre et impartial, H______, avait indiqué ne pas se souvenir avoir vu un couteau dans la main de l'un des individus, seulement une bagarre entre un homme et un groupe d'individus, et que tous avaient été mis en présence de la police, laquelle n'avait pas pu mettre la main sur un quelconque couteau.

En ce qui concernait les faits reprochés à C______, compte tenu des déclarations imprécises des protagonistes, de l'absence de déclarations détaillées du seul témoin objectif des faits quant à d'éventuels coups portés ou insultes proférées, du fait que A______ lui-même n'avait pas précisément pu déterminer qui lui avait asséné quel coup et du conflit de voisinage qui semblait être le problème sous-jacent entre les parties, il ne pouvait pas se prononcer à satisfaction de droit sur le réel déroulement des faits. Même si le certificat médical produit par A______ faisait état de lésions, leur provenance n'était pas claire. En effet, C______ avait admis avoir pris A______ dans ses bras lors de la première altercation, probablement afin de le calmer ; il conviendrait donc de retenir une absence de volonté délictuelle visant à blesser A______.

Les injures prétendument échangées n'étaient pas établies, pas plus que l'ordre dans lequel elles avaient été proférées. Même si elles l'étaient, l'art. 177 al. 3 CP trouverait application.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que l'agression dont il avait été victime s'inscrivait dans un contexte de représailles. C______ n'avait déposé plainte que 15 jours après les faits et aucun des autres protagonistes présents n'en avait fait de même, malgré la gravité des faits qu'ils avaient dénoncés à l'occasion de leurs auditions.

Le Ministère public avait constaté les faits de manière erronée.

Le recourant revient en détail sur ce qui lui apparait comme des contradictions dans les propos des autres protagonistes lors de leurs auditions devant la police et le Ministère public, à savoir qui aurait été touché par la porte de la cage d'escalier, tantôt J______ à l'épaule, tantôt G______ à la jambe (en lien avec la première altercation), ainsi que la présence de J______ ou non, la main dans laquelle il aurait tenu le couteau, tantôt gauche, tantôt droite, où il serait arrivé ce couteau à la main, soit dans de la rue ou à l'intérieur du bâtiment, s'il aurait tenté de porter des coups de couteau à l'abdomen de C______ ou à son épouse (seconde altercation). Aucun constat médical n'avait été dressé s'agissant des blessures soi-disant infligées à G______, E______ et C______. Toutes ces invraisemblances et incohérences étaient autant d'indices concordants qui auraient dû pousser le Ministère public à conclure que ces protagonistes avaient "maladroitement tenté d'accorder leur version des faits dans un exercice de collusion manifeste".

Ses propres déclarations étaient au contraire constantes, précises, circonstanciées et corroborées par son examen aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Aucun témoin objectif, à commencer par H______, dans une rue extrêmement passante et éclairée, ne l'avait vu armé d'un couteau.

Il apparaissait donc choquant de retenir qu'il n'existerait pas le moindre indice laissant à penser que C______ n'avait pas eu une quelconque volonté délictuelle visant à le blesser.

Il ressortait du dossier que les éléments constitutifs objectifs et subjectifs d'une infraction de lésions corporelles simples étaient réalisés et auraient dû conduire le Ministère public à une mise en accusation.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

c. C______ conclut au rejet du recours. Il observe à titre liminaire qu'il n'avait pas fait recours à l'encontre de l'ordonnance de classement de sa plainte pénale en raison de l'écoulement du temps et "également par gain de paix". C'était donc avec "stupéfaction" qu'il avait constaté que A______ persistait à l'accuser, ce d'autant que les faits se prescriraient le 11 juillet 2024 et qu'il était peu probable qu'il puisse obtenir un jugement de première instance avant cette date.

Lui-même n'avait usé à aucun moment de violence envers qui que ce fût. Il exerçait le métier de médiateur social, de sorte que la violence l'insupportait. Son casier judiciaire, contrairement à celui de A______, démontrait qu'il n'avait jamais commis une infraction de son existence. Celui-ci l'avait désigné comme étant son agresseur car il connaissait son nom, contrairement à celui des autres personnes présentes, et qu'il était en conflit de voisinage avec lui. Le certificat médical ne démontrait rien, si ce n'était que A______ s'était rendu à l'hôpital le lendemain des faits et que la douleur relatée pouvait être la conséquence par exemple d'une dispute conjugale.

Il était par contre regrettable que le Ministère public ait entendu les témoins de cette affaire deux ans après les faits, ce qui avait immanquablement pour conséquence d'aboutir à certaines confusions, sans pertinence dans le cas d'espèce.

d. A______ persiste dans les termes de son recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste la réalisation des conditions de l’art. 319 CPP en lien avec une infraction de lésions corporelles simples (art. 123 CP). Il ne remet en revanche pas en cause le classement de la procédure du chef d'injure (art. 177 CP).

2.1. Conformément à l’art. 319 al. 1 let. a CPP, le ministère public classe la cause lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi.

2.2. Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

Les dossiers où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, ce dernier doit, en règle générale, être mis en accusation; cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis "entre quatre yeux", pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. On peut toutefois y renoncer quand il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible, respectivement lorsqu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1040/2020 du 21 mars 2022 consid. 4.6).

Des constatations de fait sont admises au stade du classement, dans le respect du principe "in dubio pro duriore", soit dans la mesure où les faits sont clairs, respectivement indubitables, de sorte qu'en cas de mise en accusation ceux-ci soient très probablement constatés de la même manière par le juge du fond. Tel n'est pas le cas lorsqu'une appréciation différente par le juge du fond apparaît tout aussi vraisemblable. Le principe "in dubio pro duriore" interdit ainsi au ministère public, confronté à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2).

2.3. La juridiction de recours dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation (ibidem), qu’elle exerce en se fondant sur l’ensemble des éléments du dossier (art. 389 al. 1 CPP), y compris les faits et moyens de preuve nouveaux présentés par les parties (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 précité).

2.4. L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves.

Un hématome – qui résulte de la rupture de vaisseaux sanguins et laisse normalement des traces pendant plusieurs jours – constitue en principe une telle lésion (ATF 119 IV 25 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1405/2017 du 10 juillet 2018 consid. 2.1 in fine). Il en va de même de blessures, meurtrissures, écorchures ou griffures, sauf si elles n’ont pas eu d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

2.5. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé; il s'agit généralement de contusions, de meurtrissures, d'écorchures ou de griffures (ATF 119 IV 25 consid. 2a).

2.6. L'art. 133 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui aura pris part à une rixe ayant entraîné une lésion corporelle. La rixe constitue une altercation physique entre au minimum trois protagonistes qui y participent activement, laquelle doit avoir entraîné des lésions corporelles. La notion de participation doit être comprise dans un sens large. Il faut ainsi considérer comme un participant celui qui frappe un autre protagoniste, soit toute personne qui prend une part active à la bagarre en se livrant elle-même à un acte de violence (ATF 131 IV 150 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1239/2018 du 11 mars 2019 consid. 3.2.1).

3.             En l'espèce, il ressort de la procédure que, dans la soirée du 11 juillet 2021, le recourant et le prévenu se sont retrouvés impliqués dans une altercation en deux étapes. Il est de même établi que le recourant s'est retrouvé dans les deux cas seul face à plusieurs personnes. L'élément déclencheur de ces affrontements n'a pu être établi par l'instruction, que ce soit le fait pour le recourant d'avoir bousculé une des femmes du groupe en ouvrant la porte de la cage d'escaliers trop brusquement ou pour le prévenu d'avoir dit à la vue du recourant qu'il était le "fils de pute" qui les avait dénoncés à la régie.

Il peut être raisonnablement retenu que ce motif ne sera pas davantage révélé plus de trois ans et demi après les faits, étant relevé que le Ministère public a déjà tenu les audiences de confrontation nécessaires et que c'est à juste titre qu'il a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'entendre le fils du recourant qui était âgé de 8 ans au moment des faits et ne serait en tout état pas un témoin objectif.

Dans sa plainte du 26 juillet 2021, l'intimé a indiqué que lors du premier épisode, il avait agrippé le recourant par la ceinture pour le séparer de E______ et que lors du second épisode, il avait uniquement réussi à éviter les coups que le recourant avait tenté de lui asséner dans son abdomen au moyen d'un couteau.

Le recourant a, dans sa plainte pénale du 14 juillet 2021, indiqué que l'intimé l'avait traité de "fils de pute" tout en lui crachant dessus, avait saisi l'un de ses poignets, l'avait poussé et lui avait asséné un coup de poing au niveau de la tête. Un individu l'avait étranglé par derrière et les autres l'avaient roué de coups. Selon certificat médical du 12 juillet 2021, le recourant s'était plaint de céphalées bilatérales, de douleurs au niveau de la nuque, du dos, des côtes, de la cuisse droite, des trapèzes, d'une dermabrasion linéaire au niveau de l'épaule et du coude droits, de l'avant-bras gauche et du flanc droit. Ces dermabrasions apparaissent sur les photos jointes à ce constat médical. De tels symptômes et lésions pourraient être compatibles avec des coups que le recourant dit avoir subis, et constitutifs de voies de fait – voire de lésions corporelles simples –. Toutefois, au vu des altercations en cause et des propres déclarations initiales du recourant, rien ne permet de retenir que le prévenu en serait – seul – à l'origine.

Lors de son audition à la police le 27 septembre 2021 en qualité de prévenu, le recourant a prétendu avoir été roué de coups par l'intimé, sans se souvenir du nombre ni de l'endroit où il les avait reçus, ce qui ne correspond donc pas à ses premières déclarations, alors qu'il n'était que plaignant, après quoi E______ l'avait frappé au niveau du visage et de la nuque. Il avait ensuite été roué de coups par six personnes.

Dans ces conditions, s'il ressort bien du dossier que le recourant s'est trouvé, seul, pris dans une bagarre à laquelle ont participé plusieurs personnes du même groupe, et que des coups ont été donnés de part et d'autre, ce que le seul témoin neutre de la scène a confirmé (il avait vu un homme se battre avec un groupe de personnes et dans un second temps avait vu huit personnes se battre contre lui), il n'est pas possible de déterminer qui a asséné quel coup. De plus, les lésions dont aurait souffert le recourant à la suite de ces faits peuvent être qualifiées de légères et pourraient consister en de simples voies de fait.

L'attestation médicale du 26 octobre 2021 de la Fondation L______ disant suivre A______ depuis le 1er septembre 2021, à la suite de l'agression subie en bas de son immeuble le 11 juillet 2021, ne modifie pas cette appréciation des blessures subies sur le moment. Si le recourant a été ébranlé par ces altercations, d'autant plus que son jeune fils y a assisté, et vit mal la proximité avec le prévenu, qui partage le même hall d'immeuble, il ne soutient toutefois pas ni a fortiori ne démontre quelles auraient été la durée de son suivi et sa fréquence, ni qu'il aurait eu besoin d'un traitement médicamenteux.

Ainsi, quasiment trois ans après les faits et en présence de deux versions contradictoires, une condamnation n'apparaît de loin pas plus vraisemblable qu'un acquittement.

Partant, le Ministère public était fondé à classer ces faits.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente si elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (al. 1 let. a); et à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (al. 1 let. b). L'assistance judiciaire comprend notamment l'exonération des frais de procédure (al. 2 let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (al. 2 let. c). Lors de la procédure de recours, l'assistance judiciaire gratuite doit faire l'objet d'une nouvelle demande (al. 3).

5.2. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

5.3. En l'occurrence, l'indigence du recourant, au bénéfice d'un emploi qui ne lui permet pas d'assumer par ses propres moyens les honoraires d'un avocat, puisqu'il est tributaire d'un complément de l'assistance publique, selon rapport de l'assistance juridique du 15 mars 2024, est établie. On pouvait a priori le tenir pour une victime, au sens de l'art. 136 al. 1 let. b CPP. Son recours, au vu du contexte, n'était pas dépourvu de chance de succès, l'assistance d'un avocat paraissant nécessaire en raison de sa situation personnelle.

Ainsi, compte tenu de l'ampleur du recours et de l'absence de réplique, ainsi que de la l'absence de difficulté de la cause, il sera alloué à titre d'indemnité 3h00 au tarif horaire de CHF 200.-, soit CHF 600.-, plus TVA à 8.1%, soit un total de CHF 648.60, étant précisé que le forfait de 20% pour les courriers et téléphone ne se justifie pas en instance de recours (ACPR/762/2018 du 14 décembre 2018).

6. Bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4), fixés en totalité à CHF 500.- pour tenir compte de sa situation financière (art. 13 al. 1 du Règlement fixant les tarifs des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7. 7.1. L'intimé, prévenu, qui obtient gain de cause, a droit à une juste indemnité pour ses frais d'avocat, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP).

7.2. Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

En application de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine donc d'office celles-ci et peut enjoindre l'intéressé de les chiffrer et de les justifier.

7.3. En l'occurrence, le prévenu, intimé, n'a pas produit d'état de frais pour la procédure de recours, ni chiffré ses prétentions.

Au vu du travail accompli, à savoir la rédaction de deux pages de réponse au recours (page de garde et conclusions comprises), de l'absence de complexité des questions litigieuses, et de l'issue du recours, l'indemnité pour les frais de défense sera arrêtée, ex aequo et bono, à CHF 432.40 TVA à 8.1% incluse, correspondant à 1h00 d'activité au tarif appliqué par la Cour de justice au chef d'étude de CHF 400.- de l'heure (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Octroie l'assistance judiciaire gratuite à A______ pour la procédure de recours et désigne Me B______ à cet effet.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 648.60, TVA à 8.1% incluse.

Alloue à C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 432.40, TVA à 8.1% incluse pour la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et à l'intimé, soit pour eux leur conseil respectif, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/20464/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

405.00

Total

CHF

500.00