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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/57/2022

ACPR/101/2023 du 07.02.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : TRANSFERT(EN GÉNÉRAL);EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE;CHOIX(EN GÉNÉRAL);RESPECT DE LA VIE FAMILIALE
Normes : Cst.13; CEDH.8

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/57/2022 ACPR/101/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 février 2023

 

Entre

 

A______, actuellement détenu aux Établissements B______, comparant par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre la décision rendue le 3 août 2022 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

 

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route
des Acacias 82, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 16 août 2022, A______ recourt contre la décision du Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) du 3 août 2022, notifiée à une date que le dossier ne permet pas d'établir mais, selon ses dires, le 8 août 2022, ordonnant son transfert, à cette dernière date, de la prison de D______ au pénitencier de E______ des Établissements [pénitentiaires] B______ (ci-après, [les] B______).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à son transfert dans un établissement d'exécution de peine situé dans le canton de Genève. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause au SAPEM pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant marocain né le ______ 1985, a été condamné par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 15 juin 2022 à une peine privative de liberté de trois ans et six mois, sous déduction de 119 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à CHF 10.- le jour, pour brigandage en bande, tentative de brigandage en bande, vol, dommages à la propriété d'importance considérable, violation de domicile, empêchement d'accomplir un acte officiel, menaces et entrée illégale.

Son expulsion du territoire suisse au sens de l'art. 66a bis CP a également été prononcée pour une durée de cinq ans.

Le prénommé ayant formé appel, la cause est actuellement pendante devant le Chambre pénale d'appel et de révision.

b. L'extrait de son casier judiciaire suisse (dans sa teneur au 20 septembre 2022) mentionne six autres condamnations entre 2012 et 2019, pour séjour illégal, vol, recel, faux dans les certificats, opposition aux actes de l'autorité, contraventions à la LStup, infractions à la LEtr (désormais LEI), lésions corporelles simples et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.

c. D'après les renseignements obtenus de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), A______ fait l'objet d'une décision de renvoi, prononcée en 2011, entrée en force, à laquelle il ne s'est jamais conformé. Placé en détention administrative le 29 janvier 2019 pendant 163 jours, son renvoi n'a pas pu être exécuté, car il a entamé une grève de la faim ayant nécessité sa libération. Selon l'OCPM, l'intéressé n'a jamais collaboré avec les autorités et a entrepris "toutes les démarches à sa disposition" en vue d'empêcher son départ de Suisse.

d. Incarcéré dès le 28 août 2021 à la prison de D______, A______ a été autorisé, par ordonnance du Tribunal correctionnel du 17 juin 2022, à exécuter de manière anticipée la peine privative de liberté prononcée contre lui le 15 précédent.

e. Durant sa détention, il a fait l'objet de sept sanctions disciplinaires entre les mois d'octobre 2021 et juillet 2022, pour refus d'obtempérer et troubles à l'ordre de l'établissement, attitude incorrecte et injures envers le personnel, détention d'objets prohibés et violence physique exercée contre une personne détenue.

f. Le 23 juin 2022, le SAPEM a adressé à la direction des B______ une demande d'admission de A______. Son placement au sein du pénitencier de E______ semblait approprié, compte tenu de sa situation pénale, de son quantum de peine théorique – une libération conditionnelle pouvant intervenir en juin 2024 –, de son statut administratif, de la nature des infractions commises, de son parcours délictuel "conséquent" et de son comportement en détention.

g. Par missive de son conseil du 26 juillet 2022 au SAPEM, A______ a relevé que plus d'un mois s'était écoulé depuis qu'il avait été autorisé à exécuter sa peine de manière anticipée. Toujours incarcéré à la prison de D______, il sollicitait son transfert sans délai dans un établissement pénitentiaire adéquat. Celui-ci devait être dévolu à l'exécution de la peine et permettre l'exercice de son droit aux relations personnelles avec ses quatre enfants mineurs, qui résidaient dans divers foyers dans le canton de Genève.

À l'appui de son courrier, il a produit un certificat médical établi le 22 juillet 2022 par un psychiatre, à teneur duquel il souffrait d'un état anxio-dépressif chronique et d'une addiction aux stupéfiants, de sorte qu'un suivi médical avait été mis en place. Il présentait également un trouble de la personnalité "émotionnellement labile de type impulsif avec une faible tolérance à la frustration" ainsi que des antécédents de passages à l'acte auto-agressif. Depuis plusieurs mois, il "pouvait exprimer une grande souffrance réactionnelle à l'absence de contacts avec ses enfants qu'il n'a[vait] pas vus depuis plusieurs années". Ayant fait part de sa volonté de faire partie de la vie de ses enfants, il se disait "prêt" à se soumettre aux différents suivis réalisables afin que la reprise de contact puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Il était ainsi dans l'attente de pouvoir débuter un suivi psychothérapeutique, axé sur la guidance parentale et la "compréhension de son propre fonctionnement".

Il a également produit la copie d'une lettre non datée – mais envoyée selon les dires de son conseil le 22 juillet 2022 – à l'attention de la fondation F______, sollicitant l'appui de celle-ci pour rétablir un contact avec ses enfants, qu'il n'avait pas vus depuis trois ans.

h. Par réponse du 28 juillet 2022, le SAPEM lui a indiqué qu'il avait été placé sur liste d'attente en vue de son admission aux B______, précisant que le lieu d'exécution de sa sanction avait été choisi à la lumière de l'ensemble de son dossier.

C. Dans sa décision querellée du 3 août 2022, le SAPEM a informé A______ de son transfert de la prison de D______ au pénitencier des B______, prévu le 8 août suivant.

D. a.a. Dans son recours, A______ reproche au SAPEM d'avoir ordonné son transfert vers un établissement pénitentiaire situé dans le canton de Vaud, alors que ses enfants résidaient en foyer à Genève. Placés sous curatelle, ces derniers manquaient de stabilité dans leur relation avec leur mère et l'absence de leur père n'en était que plus douloureuse, dans la mesure où ils se retrouvaient sans contact régulier avec leurs deux parents. Malgré ses inquiétudes formulées à ce propos, la procédure civile, chargée de l'organisation des relations personnelles avec ses enfants, peinait à "reprendre". Dans ce contexte, son transfert à E______ compliquait de manière excessive, voire rendait presque illusoire, la reprise et l'exercice de ses relations personnelles.

Le SAPEM n'indiquait pas si sa situation personnelle et son intérêt à maintenir un lien avec ses enfants avaient été pris en compte, ni si d'éventuelles démarches avaient été entreprises afin qu'il puisse être détenu dans le même canton que celui où résidaient ses enfants. Partant, la décision querellée constituait une ingérence injustifiée et disproportionnée dans son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les art. 10 al. 2 Cst, 8 CEDH et 17 PACTE ONU I.

a.b. À l'appui de son recours, A______ produit des pièces relatives à la procédure pendante devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant afférente à ses enfants (C/1______/2012), parmi lesquelles :

- une autorisation du 27 mai 2022 (DTAE/3460/2022), valant décision, prononcée sur mesures superprovisionnelles, sur préavis du Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi), retirant notamment la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence des mineurs à leur mère ; ordonnant le placement des enfants au sein de foyers à Genève ; réservant un droit de visite à la mère auprès du Point Rencontre ; et instaurant une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre les mineurs et leur mère.

Le courrier d'accompagnement indiquait que les parties seraient convoquées à une audience pour faire valoir leur droit d'être entendues ;

- un préavis du SPMi du 10 février 2022 relatif à la reconnaissance en paternité de l'un des enfants par A______, considérant que l'établissement de la filiation paternelle était, malgré l'opposition de la mère – qui craignait l'enlèvement de ses enfants et évoquait les violences conjugales subies –, conforme à l'intérêt du mineur. Cet aspect était toutefois à distinguer de l'octroi de l'autorité parentale et d'un éventuel droit de visite du père, qui ne faisaient pas l'objet de l'évaluation ; et

- un courrier adressé le 15 juillet 2022 par le conseil du recourant au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, sollicitant la fixation de l'audience annoncée par décision du 27 mai 2022.

b.a. Dans ses observations, le SAPEM conclut à l'irrecevabilité du recours et, sur le fond, à son rejet.

Son courrier du 3 août 2022 constituait un acte matériel et non une décision formelle, puisqu'il visait à informer le recourant de la date de son transfert aux B______ mais n'entraînait pas une modification de sa situation juridique.

En tout état, la décision de transfert avait été prise en tenant compte de la situation pénale du recourant, de son quantum de peine – encore hypothétique à ce jour – ainsi que de son parcours carcéral au sein de la prison de D______. À cet égard, il résultait du dossier qu'il avait fait l'objet de sept sanctions disciplinaires, de sorte qu'il montrait des difficultés à respecter les règles imposées, à contrôler ses "affects" et semblait présenter un potentiel de violence envers autrui. De plus, un risque de passage à l'acte auto- ou hétéro-agressif ne pouvait être exclu. Par ailleurs, une absence totale de collaboration à son renvoi découlait des informations transmises par l'OCPM. Ainsi, au vu de son profil, les établissements d'exécution de peine en milieu fermé, situés dans le canton de Genève, ne semblaient pas offrir le cadre sécuritaire et resocialisant le plus adapté. À l'inverse, l'établissement pénitentiaire de E______ – essentiellement destiné aux détenus considérés "à risque" – assurait un cadre suffisamment contenant et sécurisant, un accompagnement social et médical adapté à ses besoins et, s'il en remplissait les conditions, lui permettrait de bénéficier d'un éventuel élargissement progressif de sa sanction. Aussi, dès que l'intéressé serait au bénéfice d'un jugement exécutoire, un plan d'exécution de la sanction (PES) ainsi qu'une évaluation criminologique seraient mis en œuvre afin d'orienter sa prise en charge.

Pour le surplus, si le recourant semblait vouloir rétablir un contact avec ses enfants, il ne soutenait pas bénéficier d'un droit de visite sur ces derniers, de sorte que des contacts "primordiaux" avec eux ne semblaient, en l'état, pas justifiés. À cela s'ajoutait qu'il résultait du rapport du SPI du 24 janvier 2022 et du jugement du Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) du 22 mars 2022, rendus dans le cadre d'une précédente condamnation du recourant, que ce dernier avait exprimé des intentions "quelque peu interpellantes" au sujet de ses enfants, qui devaient encore être éclaircies par le juge civil. Au surplus, dans l'hypothèse où des visites père-enfants devaient être autorisées, le pénitencier de E______ se situait dans le canton de Vaud, de sorte que le trajet pour s'y rendre n'était pas excessivement difficile et, en tous les cas, pas impossible.

Enfin, la direction des B______ avait confirmé au SAPEM que des appels et visites médiatisés – par Skype ou téléphone –, encadrés par le secteur social, étaient possibles au sein de E______. Des visites ordinaires étaient également envisageables, étant précisé qu'un soutien logistique et social, de même que des activités parent-enfants pouvaient être mis en place avec le soutien de la fondation F______.

b.b. À l'appui de ses observations, le SAPEM produit diverses pièces, parmi lesquelles le rapport du SPI et le jugement du TAPEM sus-évoqués, desquels il ressort que le recourant ferait, selon ses propres dires, l'objet d'une interdiction de contact avec ses enfants. Afin de savoir si des visites avec eux étaient envisageables, il avait contacté le SPMi et devait saisir le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, qui ne s'était pas encore déterminé à ce propos. À sa sortie de prison, il souhaitait s'installer au Maroc avec ses enfants, projet auquel la mère, qui l'accusait d'enlèvement, s'opposait. Libéré de prison pour la dernière fois le 10 juillet 2019, il avait expliqué avoir emmené ses enfants durant deux mois en Autriche, puis aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne, où il avait finalement été interpellé par Interpol, qui avait ramené les enfants en Suisse.

A également été versé à la procédure un échange de courriels des 15 et 16 septembre 2022, entre le SAPEM et la Direction des B______, aux termes duquel cette dernière confirmait que l'organisation de "visites médiatisées" parent-enfants – par Skype ou téléphone – était possible au sein du pénitencier de E______. La fondation F______ n'intervenait actuellement pour aucun détenu, mais des visites sous son égide pouvaient, si nécessaire, être organisées en 2023. Pour le surplus, le recourant aurait fait part au secteur social de l'établissement de son souhait d'être transféré vers un établissement pénitentiaire situé dans le canton de Genève. Dans ce contexte, il aurait évoqué l'éloignement géographique avec ses enfants et, "selon des explications peu claires", l'existence d'une procédure civile concernant le droit de garde sur ces derniers.

c. Dans sa réplique, A______ se dit prêt à retirer son recours dans l'hypothèse où son placement au pénitencier de E______ ne restreignait pas l'exercice de ses relations personnelles avec ses enfants. Or, d'après les informations obtenues oralement de la curatrice du SPMi, l'établissement carcéral en question ne semblait pas offrir un encadrement suffisant pour les visites, étant précisé qu'une réunion réseau du SPMi devait avoir lieu le 20 octobre 2022, lors de laquelle cette problématique serait abordée.

Pour le surplus, il était vrai que ses droits parentaux n'avaient pas encore été fixés judiciairement. Cela étant, la violation du principe de la célérité commise par le juge civil ne justifiait pas une restriction de son droit au respect de sa vie privée et familiale. En tout état, le choix du lieu d'exécution de sa peine ne devait pas restreindre, voire empêcher l'exercice de ses éventuels droits sur ses enfants.

À l'appui, le recourant produit une copie du courrier que son conseil avait adressé le 10 août 2022 au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, dans le cadre de la C/1______/2013, aux termes duquel il déclarait ne pas s'opposer à l'organisation de rencontres mère-enfants ni au maintien des relations personnelles entre ces derniers et leur mère. Pour le surplus, il demandait à ce que l'audience annoncée le 27 mai 2022 soit appointée. Enfin, il expliquait avoir été transféré au pénitencier de E______, ajoutant être dans l'attente de pouvoir débuter un suivi psychothérapeutique, axé sur la guidance parentale, mais également sur la compréhension de son propre fonctionnement afin d'intensifier le travail déjà réalisé.

d. Invité à informer la Chambre de céans du résultat de la réunion réseau du 20 octobre 2022 et du retrait ou non de son recours, A______ déclare le maintenir. Il produit la copie du courriel adressé le 11 novembre 2022 par le SPMi à son conseil, dont il ressort que la fondation F______ n'intervenait plus au sein de l'établissement de E______. Toutefois, les visites parents/enfants étaient encadrées par l'assistante sociale de l'établissement. Dans la situation des enfants du recourant, le SPMi estimait que le dispositif n'était pas suffisant pour encadrer ces rencontres si le juge civil venait à les ordonner. De ce fait, en l'état, des visites n'étaient pas envisagées. Un encadrement plus conséquent devait être mis en place pour soutenir les différentes parties.

e. La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             1.1. La décision querellée, qui porte sur le choix d'un établissement à un moment donné du parcours carcéral du recourant, a été prise par l'autorité habilitée à la prendre, soit le SAPEM, de sorte que la Chambre de céans est compétente pour en connaître (cf. ACPR/606/2018 du 26 octobre 2018 consid. 1).

1.2.  L'acte de recours a, en outre, été déposé selon la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

2.             Reste à déterminer si le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé à recourir (art. 382 CPP).

2.1. Le détenu n'a pas, en principe, le droit de choisir le lieu de l'exécution de la sanction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_530/2012 du 19 décembre 2012 consid. 1; 6B_602/2012 du 18 décembre 2012 consid. 1; 6B_660/2011 du 23 février 2012 consid. 1.2).

2.2. En l'espèce, le recourant invoque une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des art. 8 CEDH et 13 Cst, considérant la décision de transfert comme un obstacle à ses liens familiaux. Dans cette mesure, il se prévaut d'un intérêt juridiquement protégé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_80/2014 du 20 mars 2014 consid. 1.2).

2.3. Partant, le recours est ainsi recevable.

3.             Les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2. in fine).

4.             Le recourant soutient que l'exécution de sa peine au sein du pénitencier de E______ des B______ rendrait extrêmement difficile, voire illusoire, la reprise de l'exercice de ses relations personnelles avec ses enfants.

4.1.  Sous l'angle de la protection de la sphère privée et familiale, l’art. 8 CEDH ne garantit pas aux détenus le droit de choisir leur lieu de détention (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1218/2018 du 14 janvier 2019 consid. 3.1; 6B_832/2018 du 22 octobre 2018 consid. 1). De manière plus générale, selon le Tribunal fédéral, le détenu n'a pas, en principe, le droit de choisir le lieu de l'exécution de la sanction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_602/2012 du 18 décembre 2012 consid. 1). En d’autres termes, le détenu qui sollicite son transfert – ou s’y oppose – doit expliquer pour quels motifs exceptionnels un tel transfert devrait avoir lieu – ou ne pas avoir lieu. De même, la CEDH n’impose pas un transfert pour des raisons familiales. La séparation et l'éloignement du détenu de sa famille constituent des conséquences inévitables de la détention. Ce n'est que dans des conditions exceptionnelles que le fait de détenir une personne dans une prison éloignée de sa famille à tel point que toute visite se révèle très difficile, voire impossible, peut constituer une ingérence dans la vie familiale du détenu (arrêts précités). L'art. 84 al. 1 CP, qui consacre le droit de recevoir des visites et d'entretenir des relations personnelles avec le monde extérieur, n'accorde pas sous cet angle une protection plus étendue que le droit conventionnel et constitutionnel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_80/2014 du 20 mars 2014 consid. 1.3).

4.2.  En l'espèce, force est de constater que le recourant ne dispose en l'état d'aucun droit de visite ou de relations personnelles avec ses enfants et ne démontre ainsi pas que son transfert aux B______ constituerait, concrètement, un obstacle majeur au rétablissement de ses droits parentaux. Il n'établit pas non plus que son incarcération sur le territoire genevois lui octroierait des droits plus étendus que ceux dont il pourrait bénéficier au sein de son établissement de détention actuel.

En effet, il ressort du certificat médical du 22 juillet 2022 et du courrier adressé par le recourant à la fondation F______ le même jour qu'il n'a pas vu ses enfants depuis plus de trois ans. Il résulte en outre des éléments du dossier, en particulier du rapport du SPI du 24 janvier 2022, qu'il fait actuellement l'objet d'une interdiction de contact avec ses enfants. Or, si le recourant ne donne aucune information relative aux motifs qui ont conduit au retrait de ses droits parentaux et au prononcé d'une interdiction de contact, il ne prétend pas que la suppression de ses relations personnelles serait due à sa situation carcérale actuelle. Pour le surplus, rien n'indique, en l'état actuel du dossier, que la situation aurait évolué favorablement au point de conduire le juge civil à une reconsidération. Il n'est, au demeurant, pas établi qu'une procédure visant au rétablissement des relations père-enfants serait actuellement en cours, le recourant n'ayant produit aucun document permettant d'en attester. En effet, à la lecture des pièces produites par ce dernier, la cause C/1______/2013, actuellement pendante devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, semble porter sur l'étendue et les modalités des relations personnelles entre les mineurs et leur mère ainsi que sur la reconnaissance en paternité de l'un d'eux par le recourant.

Ses relations personnelles avec ses enfants n'étant ainsi pas plus mises à mal par son transfert à E______, il ne peut faire valoir aucune circonstance exceptionnelle imposant un transfert pour se rapprocher du lieu de séjour de sa famille.

Pour le surplus, même dans l'hypothèse où les relations personnelles entre les intéressés devaient être rétablies par le juge civil, le recourant ne démontre pas que la décision de transfert violerait, sous l'angle constitutionnel et conventionnel, le droit à sa sphère privée et familiale. Il résulte, certes, du courriel du SPMi du 11 novembre 2022 que la fondation F______ n'intervient actuellement pas au sein du pénitencier de E______. Cela étant, il ressort du courriel de la Direction de l'établissement carcéral du 16 septembre 2022 que des visites pourraient, si nécessaire, être organisées durant l'année courante. Quant à la contrainte géographique, la durée du trajet – d'environ une heure – entre Genève et le pénitencier n'atteint manifestement pas une ampleur telle qu'elle représenterait un obstacle rédhibitoire aux visites. À cet égard, il convient de rappeler que la limitation des contacts familiaux est une conséquence inhérente à la détention et celle subie dans le canton de Vaud par le recourant n'est pas de nature à constituer une ingérence inadmissible dans sa vie familiale.

Au vu de l'ensemble de ce qui précède, la décision du SAPEM ne prête pas le flanc à la critique, étant encore rappelé que sous l'angle de la protection de la sphère privée et familiale, ni l'art. 13 Cst ni l'art. 8 CEDH ne garantissent au recourant le droit de choisir son lieu de détention.

5.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7.             Le recourant a été mis au bénéfice d'une défense obligatoire et son mandataire désigné comme défenseur d'office par le Ministère public dans le cadre de la P/2______/2016, actuellement pendante devant la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice.

7.1.  Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au recourant dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. Ceci vaut également lorsque le ministère public a, dans le cadre de la procédure principale, désigné un défenseur d'office au prévenu qui se trouve dans un cas de défense obligatoire (art. 132 al. 1 let. a en lien avec l'art. 130 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2.  La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, y compris contre des décisions de détention provisoire (ATF 139 I 206 consid. 3.3.1; arrêts 1B_31/2022 du 11 février 2022 consid. 4.2; 1B_516/2020 précité consid. 5.1; 1B_164/2017 du 15 août 2017 consid. 2 ; 1B_648/2022 du 19 janvier 2023 consid. 4.2).

7.3.  En l'espèce, au vu des considérations développées au consid. 4.2 supra, le grief du recourant était dépourvu de fondement et, partant, son recours dénué de toute chance de succès. Il ne saurait ainsi être mis au bénéfice d'une prise en charge des honoraires de son avocat pour la procédure de recours.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Refuse d'indemniser l'avocat d'office.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie au recourant, soit pour lui son conseil et au SAPEM.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/57/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00