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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/25508/2023

AARP/319/2025 du 02.09.2025 sur JTDP/123/2025 ( PENAL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 08.10.2025, 6B_701/2025
Recours TF déposé le 08.10.2025, 6B_835/2025
Descripteurs : MANIFESTATION;LIBERTÉ DE RÉUNION
Normes : LMDPu10; LPG11F
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25508/2023 AARP/319/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 2 septembre 2025

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/123/2025 rendu le 30 janvier 2025 par le Tribunal de police,

et

A______, domicilié ______ [VD], comparant par Me B______, avocate,

C______, domiciliée ______ [VD], comparant par Me D______, avocat,

E______, domicilié ______ [GE], comparant par Me F______, avocat,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement JTDP/123/2025 du 30 janvier 2025, par lequel le Tribunal de police (TP) a notamment :

-          acquitté A______ et E______ d'infraction à l'art. 10 de la loi sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu/GE, ci-après : LMDPu) ;

-          acquitté C______ d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 du Code pénal suisse [CP]) et d'infraction à l'art. 10 LMDPu ;

-          condamné l'État à verser à A______, E______ et C______ une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de leurs droits de procédure ainsi qu'en réparation de leur tort moral ;

-          ordonné différentes mesures de confiscation et de destruction, en sus de l'effacement des données signalétiques de A______, E______ et C______, et laissé les frais de procédure à la charge de l'État.

Le MP conclut à ce que A______ et E______ soient reconnus coupables d'infraction à l'art. 10 LMDPu et condamnés à une amende de CHF 500.-, avec une peine privative de liberté de substitution de cinq jours. Il conclut également à la condamnation, s'agissant de C______, aux infractions à l'art. 10 LMDPu et à l'art. 11F de la loi pénale genevoise (LPG) pour les faits qualifiés d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), et au prononcé d'une amende de CHF 800.-, avec une peine privative de liberté de substitution de huit jours. Il conclut en outre à ce que les intimés soient condamnés, chacun pour un tiers, aux frais de la procédure et qu'ils soient déboutés de leurs prétentions en indemnités.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 19 mars 2024, valant acte d'accusation, il est encore reproché à A______, E______ et C______ d'avoir, le 20 novembre 2023 aux alentours de 11h55, devant l'immeuble dans lequel se trouve [la banque] G______, sis rue 1______ n° ______ à Genève, participé en tant que coauteurs à une manifestation non autorisée sur le domaine public.

b.b. Selon la même ordonnance, il est aussi et encore reproché à C______ d'avoir refusé, alors qu'elle était assise sur le sol devant l'immeuble, d'obtempérer aux injonctions des policiers lui demandant de se lever et de les suivre au poste, les contraignant à la porter pour l'installer dans leur véhicule de service.

b.c. Enfin, le TP a classé la procédure ouverte contre A______, E______ et C______ pour avoir, dans les circonstances précitées, jeté de la peinture 2______ et peint l'inscription "3______" sur la façade de l'immeuble en question appartenant à la société H______ AG, l'endommageant de la sorte à hauteur du coût nécessaire à sa restauration, soit CHF 876.86.

Le classement a été prononcé consécutivement au retrait de plainte du propriétaire, lequel a eu lieu à la suite du remboursement par les intimés de l'entier des frais de remise en état.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Selon les rapports de police (ndr : d'arrestation et d'interpellation du 20 novembre 2023), les forces de l'ordre ont été sollicitées, le 20 novembre 2023, vers 11h55, à la rue 1______ n° ______ à Genève, car quatre individus, identifiés ultérieurement comme étant A______, C______, E______ et I______, "taguaient" la façade du bâtiment de la banque G______.

Sur place, les agents de police ont constaté que C______ et I______ étaient assis devant la banque, main dans la main, qu'un homme était vêtu d'un gilet 2______ et qu'un autre distribuait des tracts. La façade était barbouillée de peinture 2______ avec l'inscription "3______" et des affiches de la même couleur y étaient apposées avec le même slogan, un extincteur et pot de peinture 2______ étant saisis sur les lieux.

La police a demandé à C______ et I______ de se lever et de les suivre. Ces derniers ont refusé, ce qui a contraint les policiers de les porter pour les placer dans leur véhicule de service. A______ et E______, quant à eux, n'ont opposé aucune résistance à leur interpellation.

Les prévenus ont ensuite été acheminés au poste de police [du quartier] de J______. C______ a fait l'objet d'un éthylotest à 12h40, de même que A______ et E______ à 12h50.

a.b. Sur les photographies des lieux prises le jour des faits, on aperçoit l'inscription "3______" peinte sur la façade, entourée de larges éclaboussures de peinture dégoulinant sur le mur. De grande traces orangées sont également visibles devant les portes d'entrée de la banque attenantes, la peinture s'étendant sur plusieurs mètres sur le trottoir, comme si elle avait été projetée et pulvérisée.

a.c. Le coût occasionné par la restauration de la façade s'est élevé à CHF 876.86.

a.d. C______ a été remise en liberté le 21 novembre 2023 à 16h20, plus de 24 heures après son arrestation, tout comme A______ (à 17h25) et E______ (à 17h00).


b. Les intimés ont livré les explications suivantes :

b.a. A______ a refusé de s'exprimer à la police. Il a ensuite indiqué, en cours de procédure, qu'il avait peur que ses enfants et petits-enfants n'aient pas d'avenir en raison du dérèglement climatique et de l'inaction des gouvernements à ce sujet.

Il contestait sa culpabilité, arguant qu'en tant que citoyen responsable, il considérait ne participer qu'à des actions licites. Il fallait, selon lui, "se faire entendre". Interrogé en appel sur le fait de savoir s'il reconnaissait avoir manifesté sans requérir d'autorisation préalable, il a affirmé avoir exercé ses droits d'homme libre, conformément aux recommandations de l'ONU, en précisant qu'il ne s'agissait pas, selon lui, d'une manifestation. À tout le moins, celle-ci était non-violente.

Son rôle avait été de distribuer des flyers pour expliquer l'inscription "3______". Durant les faits, il avait eu plusieurs discussions sur la rénovation énergétique des bâtiments avec des personnes qui s'enquéraient de leur action. Il contestait avoir jeté personnellement de la peinture 2______ sur la façade de l'immeuble, mais refusait de dire qui avait commis cela.

Il avait "en quelque sorte" accompli la tâche qui aurait dû incomber à la Confédération dans le cadre du programme de rénovation énergétique des bâtiments, programme qui, à ce rythme, mettrait cent ans à être réalisé.

b.b. C______ s'est expliquée devant le TP, puis en appel, après avoir refusé de répondre aux questions de la police et du MP.

Elle estimait se trouver dans son droit, bien qu'elle admettait ne pas avoir demandé d'autorisation, car elle avait agi pour un motif très important. Elle avait souhaité, avec ses collègues, entretenir le débat public et attirer l'attention des citoyens sur le fait que la rénovation thermique des bâtiments pouvait contribuer à endiguer le réchauffement climatique, dès lors que le chauffage des bâtiments représentait 30% des gaz à effet de serre en Suisse. Elle ne souhaitait pas dire qui avait jeté de la peinture 2______ sur la façade du bâtiment.

Elle n'avait pas obtempéré parce que tout s'était passé rapidement et qu'elle aurait eu besoin de plus de temps pour s'exprimer. Les policiers ne lui avaient demandé qu'une seule fois de se lever et de les suivre. Elle avait bien entendu la sommation, mais avait refusé de les suivre car elle estimait qu'il était "trop tôt" pour le faire au vu du message qu'elle et ses accompagnants souhaitaient faire passer. Elle contestait avoir entravé le travail de la police lors de son interpellation.

Au cours de leur action, "ils" respectaient une éthique de non-violence et d'absence de tout dégât matériel, ce dans une logique de transmission d'informations et d'échanges. Leur manière de faire était une façon d'attirer les médias. L'action incriminée leur avait permis de faire entendre leurs voix.

Elle avait très mal vécu son arrestation et sa garde à vue qui avait duré plus de 24 heures, car elle n'avait pas pu s'entretenir avec ses trois enfants mineurs de cinq, dix et douze ans, ni s'assurer de leur sécurité durant ce laps de temps. Elle avait un jeune-homme au pair, âgé de 15 ans, avec qui elle n'avait pas pu communiquer non plus, lequel était censé garder sa progéniture quelques heures seulement, et non durant toute la nuit. Elle n'avait eu droit qu'à un seul appel, ce qu'elle avait fait en laissant un message sur le combox de son compagnon, alors à l'étranger, précisant qu'elle ne l'avait pas informé au préalable de ce qu'elle allait entreprendre.

b.c. E______, outre le fait de contester avoir renversé de la peinture, n'a pas souhaité s'exprimer devant la police.

Il a ensuite précisé, en cours de procédure, que son rôle était de s'assurer qu'il n'y avait pas de violence. Tout s'était, selon lui, déroulé dans le calme. Il avait accepté d'endosser ce rôle après s'être renseigné sur le fait que la peinture utilisée était de la gouache lavable à l'eau. Il n'y avait pas eu véritablement de dégâts causés puisqu'il avait suffi d'un lavage rapide, qui avait eu lieu quelques heures après leur interpellation. Il n'avait pas jeté la peinture 2______ sur la façade de l'immeuble, parce que ce n'était pas son rôle.

Il reconnaissait avoir participé à une manifestation non autorisée sur le domaine public. Au vu de l'urgence climatique, il considérait toutefois qu'une telle manifestation était autorisée par le droit supérieur.

Le but de l'action, qui s'inscrivait dans "l'idéologie" de K______ [groupe d’activistes], était d'obtenir du gouvernement suisse la reconnaissance de l'urgence climatique et l'engagement pour un plan de rénovation thermique de tous les bâtiments. La banque G______ était le symbole des propriétaires fonciers en Suisse. L'inscription "3______" faisait référence au temps que prendrait, au rythme actuel, la rénovation de l'ensemble du parc immobilier suisse. D'après lui, son action permettait de contribuer au changement.

À la question de savoir pourquoi ils avaient commis les dégâts reprochés, au lieu de simplement s'asseoir sur le trottoir avec une communication en rapport avec le but défendu, il a affirmé que dans le monde actuel, une certaine visibilité était nécessaire pour dénoncer la situation dramatique actuelle.


 

C. a. Par courrier du 24 mars 2025, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a informé les parties qu'elle siègerait dans la composition prévue à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ ; cf. infra consid. 1.4), vu les conclusions du MP tendant au seul prononcé de contraventions.

b. La juridiction d'appel a tenu audience le 15 mai 2025 et entendu, en présence du MP, A______, E______ et C______. Leurs déclarations à cette occasion ont, en substance, été rapportées ci-avant.

c. Le MP a persisté dans ses conclusions.

En sprayant la façade du bâtiment, les intimés, agissant de concert et se répartissant les rôles, avaient commis un acte de vandalisme incompatible, à teneur de la jurisprudence, avec la liberté de réunion protégée par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Il n'était pas possible de retenir que l'action menée n'avait pas été violente au vu des désagréments causés, qui avaient engendré des coûts de restauration à hauteur de CHF 876.- environ. Dans ces conditions, il ne pouvait être non plus retenu que les intimés avaient agi avec un mobile honorable.

Les actes de C______, outre le fait qu'ils contrevenaient à l'art. 10 LMDPu, tombaient également sous le coup de l'art. 11F LPG. Elle avait fait le choix de ne pas se lever, si bien qu'elle avait forcé les policiers à devoir la porter pour l'installer dans leur véhicule de service en vue de l'amener au poste. Or, à tout moment, elle aurait pu se ressaisir et obtempérer aux injonctions de la police, étant relevé qu'elle avait confirmé en appel avoir délibérément refusé l'ordre qui lui avait été donné.

Au vu du dommage occasionné et des infractions commises, les intimés devaient être condamnés aux frais de la procédure, y compris dans l'hypothèse où leur acquittement devait être confirmé. Le MP était fondé à les avoir mis en prévention, notamment en ce qui concernait l'infraction de dommages à la propriété, alors que le dommage en lui-même n'était au demeurant pas contesté. Les intimés avaient illicitement et fautivement provoqué l'ouverture de la procédure, seul le retrait de plainte ayant conduit à son classement. Il était pourtant établi que leur comportement réalisait les éléments objectifs et subjectif de l'infraction, comme en témoignait le fait qu'ils avaient eux-mêmes daigné dédommager le propriétaire, plus d'un an après le début de la procédure.

d. Les conseils des intimés ont conclu à l'acquittement de leurs clients, à la confirmation du jugement du TP, à ce qu'ils soient fait un accueil favorable aux indemnités octroyées en raison de la détention injustifiée ainsi qu'à celles requises pour la défense de leurs droits en appel.


Pour le surplus, ils ont conjointement plaidé les éléments suivants :

d.a. L'action du MP s'apparentait à un acharnement judiciaire, alors même que la posture des intimés était nécessaire dans une société démocratique. Seule des contraventions étaient en cause et la requalification des faits en infraction à la LPG démontrait assurément un certain embarras de la part de l'accusation.

La manifestation n'avait pas causé de gêne à la circulation routière ou piétonne. Le but avait été d'attirer l'attention sur la problématique défendue et se voulait pacifique, aucune violence n'ayant été commise. Sa durée – 30 minutes – devait être considérée comme minime.

Il n'y avait pas eu de dommage. Les intimés s'étaient assurés que la peinture partait facilement. Le remboursement du coût nécessaire à la restauration l'avait été sans reconnaissance de responsabilité et dans l'intention de démontrer qu'ils ne voulaient pas causer de dommage. Leurs quelques 28 heures de détention étaient totalement injustifiées au regard de la durée de la manifestation.

d.b. Il ne pouvait leur être reproché de ne pas avoir déposé de demande d'autorisation, car le fait de conditionner une manifestation à un régime d'autorisation contrevenait, sur le plan international, au droit de se réunir sans conditions.

Il s'agissait d'une simple réunion entre quatre personnes qui s'étaient contentées de distribuer des tracts, étant rappelé que les faits en lien avec l'infraction de dommages à la propriété n'étaient plus retenus. Ils n'avaient procédé à aucun blocage de l'espace public, ni fait preuve de violence constitutive de violation à l'art. 5 LMDPu.

d.c. Plusieurs raisons empêchaient de retenir une violation de l'art. 11F LPG. La densité normative de cette disposition était insuffisante. Sa formulation était trop large, en ce sens que le refus d'obtempérer n'était pas spécifiquement lié au rétablissement de l'ordre et de la sécurité, contrairement à d'autres dispositions cantonales similaires. Ensuite, l'injonction des policiers à C______, soit se lever et les suivre, était infondée car ces derniers devaient respecter leur droit de manifester. Enfin, à teneur des faits établis par le TP et non contestés par le MP, il fallait retenir qu'il y avait eu une demande de se lever de la part de la police, puis un simple refus de la part de C______ et de I______, alors que la manifestation ne faisait courir aucun danger ni pour les manifestants ni pour la population. Partant, leur interpellation s'était déroulée dans un laps de temps trop bref au regard du droit de manifester, étant relevé que les intimés se trouvaient déjà, 46 minutes plus tard, dans un commissariat à J______.

d.d. Leur action était couverte par les garanties conventionnelles de la CEDH. La manifestation avait été courte et pacifique, ne portait pas atteinte à l'ordre public et s'inscrivait dans un dialogue avec la population. Elle tombait de ce fait dans le champ de l'art. 11 CEDH. Le fait qu'il y ait eu des déprédations ne pouvait être invoqué sans toucher à leur présomption d'innocence à la suite du retrait de plainte et du classement prononcé. En tout état, la répression d'infractions d'ordre mineur devait s'effacer devant les enjeux de la protection du climat.

Les conditions de restriction de l'art. 11 CEDH n'étaient pas remplies. Sous l'angle de la légalité, l'exigence d'une autorisation au sens de la LMDPu et le manque de densité normative de l'art. 11F LPG étaient problématiques. Le but poursuivi n'était pas légitime, alors qu'ils n'avaient pas appelé à la haine et qu'il n'y avait eu aucune atteinte portée aux droits d'autrui au cours de la manifestation. Enfin, l'action de la police avait été disproportionnée, étant rappelé qu'ils avaient été arrêtés, puis détenus pendant plus de 28 heures et que leurs données signalétiques avaient été prises.

d.e. L'application du droit devait tenir compte du contexte actuel relatif à la préservation de l'environnement. Cela passait par la protection des libertés fondamentales qui garantissaient aux citoyens le droit de manifester pour faire entendre leur voix.

Ils devaient être considérés comme "bienveillants" dans une société démocratique. Un engagement politique ne leur permettait pas d'escompter la survenance de résultats concrets au vu de la vision court-termiste des politiciens. Quant au coût d'opportunité économique pour les propriétaires, il ne les incitait pas non plus à se lancer dans la rénovation thermique de leurs bâtiments. Le MP avait donc la possibilité de donner un signal important vis-à-vis de la cause qu'ils défendaient en retirant son appel.

e. Me B______, conseil de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, hors débats, facturant, sous des libellés divers, 4h10 d'activité d'associée.

Me F______, conseil de E______, facture 3h30, hors débats, pour son activité en lien avec la procédure d'appel.

Me L______, conseil de C______ à l'époque, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, hors débats, facturant, sous des libellés divers, 4h40 d'activité d'associée.

D. a. A______, né le ______ 1953 et de nationalité suisse, est marié et retraité. Il n'a plus d'enfant à charge.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 24 septembre 2024, par le Ministère public de l'arrondissement de M______ [VD], à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 50.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), pour contrainte et empêchement d'accomplir un acte officiel. En appel, il a expliqué que cette condamnation était liée à sa participation à une action de blocage d'une autoroute dans le contexte de la lutte pour le climat.

Une procédure pénale en cours, diligentée dans le canton de Berne, était liée, selon ses dires, à sa participation à un pic-nic sur la place fédérale. Elle était pendante devant le Tribunal fédéral. Enfin, une dernière procédure était toujours pendante devant le Tribunal d'arrondissement de M______, suite à son opposition à une ordonnance pénale.

b. C______ est ressortissante suisse, née le ______ 1980. Elle est en couple et mère de trois enfants mineurs à sa charge. Elle travaille en qualité de gérante d'un établissement dans le domaine de la restauration, ouvert en 2020 et qui a rencontré des difficultés financières à la suite de la crise du COVID-19. Elle est en mesure de se verser un salaire mensuel de CHF 2'000.- depuis mars 2025.

L'extrait de son casier judiciaire est vierge.

c. E______, ressortissant suisse, est né le ______ 1987. Il est célibataire et sans enfant à charge. Il exerce en qualité d'enseignant et de formateur d'adultes.

À teneur de son casier judiciaire et de l'ordonnance pénale rendue dans la procédure P/6569/2024, il a été condamné le 7 août 2024, par le MP, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 50.- le jour, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, assortie du sursis (délai d'épreuve : trois ans), et à une amende de CHF 500.- (peine privative de liberté de substitution : dix jours) à titre de sanction immédiate, pour contrainte (art. 181 CP), ainsi qu'à une amende de CHF 500.- (peine privative de liberté de substitution : cinq jours) pour violation de l'art. 90 al. 1 de la loi sur la circulation routière (LCR) et infraction à l'art. 10 LMDPu.

Il ressort des faits à la base de sa condamnation que E______ a participé, le 15 décembre 2023, à une manifestation non autorisée, au cours de laquelle il s'est assis, de concert avec cinq autres participants, au milieu du pont du Mont-Blanc, occupant toute la chaussée et bloquant les voies de circulation dans les deux sens, se collant les mains sur le bitume.

EN DROIT :

1. Recevabilité et composition de la juridiction d'appel

1.1. Selon l'art. 8 de la loi d'application du Code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP), les infractions prévues par la législation genevoise sont poursuivies et jugées conformément au Code de procédure pénale (CPP), appliqué à titre de droit cantonal supplétif, ainsi qu'à ses dispositions cantonales d'application.

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1 ; 143 IV 241 consid. 2.3.1).

1.3. En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.4. Conformément à l'art. 129 al. 4 LOJ, lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, le magistrat exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétent pour statuer.

2. Appréciation de l'accusation

2.1. Selon l'art. 350 al. 1 CPP, le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation mais non par l'appréciation juridique qu'en fait le Ministère public. Ce principe vaut tant durant la procédure de première que de deuxième instance (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 350).

Conformément au principe iura novit curia, le tribunal est en effet libre dans la manière d'apprécier les faits d'un point de vue juridique. Il peut s'écarter de l'appréciation juridique que porte le Ministère public sur l'état de fait dans l'acte d'accusation, dans la mesure où les faits sont prouvés et à la condition d'avoir respecté la procédure de l'art. 344 CPP, soit d'en avoir informé les parties présentes et les avoir invitées à se prononcer (Y. JEANNERET et al. [éds], op. cit., n. 5 ad art. 350).

2.2. Dans sa déclaration d'appel, puis lors des débats, le MP a sollicité que C______ soit reconnue coupable d'infraction à l'art. 11F LPG en lien avec les faits qui avaient été qualifiés d'empêchement d'accomplir un acte officiel et pour lesquels elle a été acquittée par le TP (art. 286 al. 1 CP).

La Cour constate in casu que tous les éléments factuels nécessaires au jugement de l'infraction à l'art. 11F LPG sont compris dans l'ordonnance pénale et que les parties ont pu se prononcer sur leur qualification tant en première qu'en seconde instance. Elle relève au surplus que cette nouvelle qualification juridique n'a pas été contestée par les intimés au stade de l'appel, en dehors de l'acquittement plaidé.

Partant, rien ne s'oppose à ce que les faits soient également analysés sous l'angle de l'art. 11F LPG.

3. Appréciation des moyens de preuves

3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre-appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi à la suite de l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses pareillement probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

3.2. En l'espèce, il ressort de manière concordante des rapports de police que les forces de l'ordre sont intervenues le jour des faits, aux alentours de 11h55, après avoir été sollicitées en raison de la présence de quatre personnes qui taguaient la façade du bâtiment occupé par G______ devant le n° ______ de la rue 1______. Ces constats sont étayés par les photographies versées au dossier, montrant la façade et ses abords recouverts de peinture 2______, avec une inscription "3______" et des affiches de la même couleur. On y distingue également de nombreuses salissures, sous la forme de traces de peinture s'étalant sur le large trottoir ainsi que sur la façade et le portail vitré situés devant l'immeuble. On comprend qu'elles proviennent de l'extincteur et du pot de peinture 2______ retrouvés sur place par la police.

Plus généralement, les agissements des intimés ont causé un dommage au propriétaire de l'immeuble visé, lequel a déposé plainte avant de la retirer, après avoir été remboursés des frais liés à la restauration de la façade. La Cour ne peut donc que constater, en marge du classement de l'infraction de dommages à la propriété pour des motifs procéduraux, que la manifestation a causé des désagréments excédant ceux qu'implique l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique (cf. infra consid. 6.1.2.).

Les intimés ont été interpellés sur les lieux. Il n'est d'ailleurs pas fait mention, ni soutenu par les parties, que d'autres militants ou manifestants, hormis le quatrième individu appréhendé (I______), y auraient participé. La police fait état que deux d'entre eux, en l'occurrence C______ et I______, se trouvaient assis par terre devant la façade, main dans la main, ce qui découle des photographies au dossier, lesquelles montrent que les vêtements de la première sont tâchés de peinture, tandis que le second a ses mains maculées. Quant à E______ et A______, ils se trouvaient également dans ce périmètre, l'un avec un gilet 2______ et l'autre distribuant des tracts. E______ a confirmé que son rôle était de s'assurer qu'il n'y avait pas de violences, tandis que A______ distribuait des flyers, selon ses propres dires, pour expliquer l'inscription "3______" ainsi que le message de leur action à la population.

Selon les déclarations convergentes des intimés, leur action s'inscrivait dans le cadre de celles du mouvement K______. Elle visait à alerter la population sur l'urgence climatique et la nécessité d'accélérer le processus de rénovation thermique des bâtiments, et ce au travers d'une action marquante, en escomptant un fort écho dans les médias, raison pour laquelle ils avaient peint la façade de l'immeuble où se trouve la banque G______.

Tous trois ne remettent pas en cause qu'ils se sont réunis sans requérir d'autorisation préalable. Ils estiment cependant qu'ils étaient dans leur bon droit et considèrent avoir agi de manière pacifique et au nom d'une cause supérieure.

L'éthylotest de C______, effectué à 12h40 au poste de J______, permet d'apprécier la durée qui s'est écoulée entre la demande d'intervention de la police aux alentours de 11h55 et l'arrivée de la précitée dans ses locaux, première parmi les protagonistes, environ 45 minutes plus tard.

3.3. S'agissant du refus d'obtempérer, qui s'inscrit dans le même complexe de faits décrit supra (cf. consid. 3.2), celui d'une manifestation émaillée de déprédations, il ressort du rapport d'interpellation que les policiers ont demandé à C______ ainsi qu'à I______ de se lever et de les suivre. Face à leur refus, la police les a portés jusqu'à leur véhicule de fonction afin de les emmener au commissariat, celle-ci relevant au passage que A______ et E______ n'avaient, quant à eux, opposé aucune résistance.

Cette version a été confirmée par C______. Elle se souvenait avoir été sommée de se lever et de suivre la police à une seule reprise, injonction à laquelle elle n'avait pas obtempéré, de manière consciente et volontaire. Elle a justifié cette désobéissance par le fait qu'elle voulait avoir plus de temps pour "s'exprimer".

Il ressort clairement, compte tenu de ce qui précède, que c'est face au refus d'obtempérer de l'intimée, qui avait parfaitement compris l'injonction mais qui était résolue à demeurer sur place pour manifester plus longtemps, que les policiers ont pris la décision de la soulever pour l'emmener.

4. Infraction reprochée à A______, C______ et E______

4.1.1. Dans le canton de Genève, la LMDPu a pour but de régir, dans le respect des droits fondamentaux garantis par la Cst. et la CEDH, l'organisation et la tenue de manifestations, soit tout rassemblement, cortège, défilé ou autre réunion sur le domaine public (art. 1 et 2 LMDPu).

À teneur des travaux préparatoires, la définition de la notion de manifestation permet en particulier d'exclure un certain nombre d'événements qui ne sont pas visés par ladite loi, tels que tous les événements de type commercial (marchés, foires, etc.), culturel (fanfares, fête de la musique, etc.), festif (cortège de l'Escalade, etc.), sportif (courses à pied, de vélo ou autre) ou les déplacements en groupes, notamment de classes scolaires. Par ailleurs, cette loi ne s'applique pas sur le domaine privé et s'inscrit dans le cadre de la liberté de manifester, qu'elle ne remet pas cause (MGC 2003-2004/IV A 1343-1344).

La LMDPu ne définit pas un nombre minimal de personnes pour considérer qu'il s'agit d'une manifestation. La présence de participants en un lieu déterminé, qui n'est pas le fruit du hasard, mais s'inscrit dans un but de "pression citoyenne", tombe sous la définition de manifestation au sens de cette loi (ACPR/771/2020 du 30 octobre 2020 consid. 4).

4.1.2. L'organisation d'une manifestation sur le domaine public est soumise à une autorisation délivrée par le département compétent (art. 3 LMDPu), qui en fixe les modalités, charges et conditions en tenant compte de la demande d'autorisation et des intérêts privés et publics en présence ; il détermine en particulier le lieu ou l'itinéraire de la manifestation ainsi que la date et l'heure du début et de fin de celle-ci (art. 5 al. 2 LMDPu).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), l'exigence d'une autorisation n'est pas contraire à l'art. 11 CEDH, protégeant la liberté de réunion et la liberté d'association, pour autant que le but de la procédure est de permettre aux autorités de prendre des mesures raisonnables et adaptées permettant de garantir le bon déroulement de ce type d'événements. La CourEDH a néanmoins précisé que, si les règles régissant les réunions publiques, telles qu'un système d'autorisation, sont essentielles pour le bon déroulement des manifestations publiques, leur mise en œuvre ne doit pas devenir une fin en soi (arrêt de la CourEDH Bumbes c. Roumanie du 3 mai 2022, req. n° 18079/15, § 100 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 3.2.2). La CourEDH a souligné à plusieurs reprises l'importance cruciale de la liberté de réunion pacifique, qui, à l'instar de la liberté d'expression, constitue un des fondements d'une société démocratique (arrêt de la CourEDH Communauté genevoise d'action syndicale c. Suisse du 15 mars 2022, req. n° 21881/20, § 10 ; Dinçer c. Turquie du 16 janvier 2018, req. n° 17843/11, § 20).

4.1.3. Conformément aux principes de proportionnalité et d'opportunité, la police procède à la dispersion des manifestations non autorisées ou qui ne respectent pas les conditions de l'autorisation (art. 6 al. 3 LMDPu). En cas de violences et de débordements, la police emploie sans délai les moyens adéquats et proportionnés pour rétablir l'ordre et identifier les fauteurs de troubles ; les participants à la manifestation sont tenus d'obtempérer immédiatement à ses sommations (art. 6 al. 4 LMDPu).

À teneur de l'art. 7 LMDPu, la police appréhende les individus surpris en flagrant délit y compris en cas d'actes préparatoires et de tentative sanctionnés par le droit pénal fédéral (al. 1). La police saisit les objets destinés à commettre ces infractions (al. 2).

4.1.4. À titre de "Dispositions pénales", l'art. 10 LMDPu permet de sanctionner de l'amende jusqu'à CHF 100'000.- celui qui a omis de requérir une autorisation de manifester.

4.2. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux ; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant (ATF 120 IV 136 consid. 2b et 2c/aa et les arrêts cités).

4.3. En l'espèce, sur la base des éléments établis supra (cf. consid. 3.2.), l'action à laquelle les intimés ont pris part doit être considérée comme un rassemblement au sens de la LMDPu. Leur présence sur les lieux s'inscrivait en effet dans un but de "pression citoyenne", au sens de la jurisprudence précitée, et a impliqué un usage accru du domaine public. Tombant sous le coup de l'art. 2 LMDPu, elle était ainsi soumise à une autorisation délivrée par le département compétent (art. 3 LMDPu).

Aucun des intimés ne soutient qu'il aurait sollicité préalablement une autorisation, telle que la LMDPu l'exige. Tous trois reconnaissent cependant qu'ils savaient que la manifestation n'était pas autorisée, soit, en d'autres termes, qu'ils avaient volontairement omis de requérir l'autorisation idoine.

L'on comprend en outre de leurs dépositions qu'ils ont agi conjointement et de concert, s'associant à l'organisation et à la participation de la manifestation, ce qui les fait tous apparaître comme des auteurs principaux.

Partant, en ne requérant pas l'autorisation de manifester, le comportement de A______, C______ et E______ est constitutif d'une contravention au sens de l'art. 10 LMDPu.

La Cour relèvera, en réponse au grief soulevé par les intimés, que l'art. 10 LMDPu a été considéré comme conforme à la Constitution et à la CEDH par le Tribunal fédéral (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2012 du 10 juillet 2013 consid. 2.1 et 5 ss).

5. Infraction reprochée en sus à C______

5.1.1. L'art. 286 al. 1 CP punit quiconque empêche une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions.

Sur le plan objectif, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel. Il ne suffit pas qu'il se borne à ne pas obtempérer à un ordre qui lui est donné ou à exprimer son désaccord à l'endroit d'un acte entrepris par un fonctionnaire. Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur parvienne à éviter effectivement l'accomplissement de l'acte officiel ; il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère.

Le fait pour un auteur de refuser de quitter les lieux de son propre gré ensuite des injonctions de la police et d'attendre que celle-ci l'interpelle pour le faire, sans entrave ou gêne d'actes officiels de la police ni résistance active aux forces de l'ordre, relève d'un simple refus d'obtempérer, comportement que l'art. 286 CP n'incrimine pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_349/2024 du 26 novembre 2024 consid. 2 et 4).

5.1.2. L'art. 11F LPG punit celui qui n'aura pas obtempéré à une injonction d'un membre de la police ou d'un agent de la police municipale agissant dans le cadre de ses attributions.

5.2.1. C'est à bon droit que le TP a considéré que le comportement de C______ ne tombait pas sous le coup de l'art. 286 CP, ce que le MP n'a pas remis en question dans sa déclaration d'appel, ayant conclu à une nouvelle qualification des faits en cause. Il ne ressort en effet pas que l'intimée ait opposé une quelconque résistance physique active au moment d'être emmenée, ni qu'elle se soit laissée contraindre avec difficulté, son attitude s'étant limitée au refus d'obtempérer à l'ordre donné.

5.2.2. Autre est la question de la contravention, non qualifiée, à l'art. 11F LPG, englobant toute désobéissance à des injonctions données par les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions, indépendamment des circonstances de leur intervention (cf. AARP/411/2021 consid. 2.5.). Le Tribunal fédéral retient d'ailleurs, contrairement au grief soulevé par la défense, que le refus d'obtempérer à la police dans le cadre d'une manifestation reste en soi susceptible, dans le canton de Genève, d'être réprimé en vertu de l'art. 11F LPG (arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 2.5).

En l'occurrence, il est établi que l'intimée a, volontairement et en toute conscience, refusé d'obtempérer à l'injonction de la police (cf. supra consid. 3.3.). Le fait que les policiers n'aient pas réitéré leur demande n'est pas déterminant, C______ ayant déclaré qu'elle ne souhaitait pas se conformer à l'ordre et voulait rester plus longtemps sur place pour manifester, rendant ainsi toute relance inutile.

L'injonction des policiers s'inscrivait dans le cadre de leur mission consistant à réprimer des comportements non autorisés et troublant l'ordre public, la manifestation ayant été émaillée par des déprédations sur un bien privé et la voie publique. Ils étaient donc fondés à ordonner à C______ de se lever et de les suivre jusqu'à leur véhicule de service pour être emmenée au commissariat, sous réserve des garanties prévues par l'art. 11 CEDH (cf. infra consid. 6.2.). L'intimée, pleinement consciente de l'absence d'autorisation de manifester et des déprédations causées, a donc sciemment choisi de défier l'autorité, fût-ce de manière passive, en persistant à vouloir demeurer sur place.

Partant, elle s'est rendue coupable de contravention à l'art. 11F LPG.

6. Liberté de réunion (art. 22 Cst et 11 CEDH) et restriction du droit fondamental

Le MP soutient que les intimés ne peuvent se prévaloir, contrairement à ce qui a été retenu par le TP, de leur liberté de réunion, garantie par les art. 22 Cst. et 11 CEDH, ce qui rendrait licites leurs comportements.

6.1.1. L'art. 22 Cst. garantit la liberté de réunion (al. 1), toute personne ayant le droit d'organiser des réunions et d'y prendre part ou non (al. 2). Sont considérées comme des réunions les formes les plus diverses de regroupements de personnes dans le cadre d'une organisation déterminée, dans le but, compris dans un sens large, de former ou d'exprimer mutuellement une opinion (ATF 144 I 281 consid. 5.3.1 ; 132 I 256 consid. 3 ; 132 I 49 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_655/2022 du 31 août 2022 consid. 4.2).

L'art. 11 par. 1 CEDH (en relation avec l'art. 10 CEDH), qui consacre notamment le droit de toute personne à la liberté de réunion et à la liberté d'association, offre des garanties comparables (ATF 132 I 256 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_837/2022 du 17 avril 2023 consid. 3.1.1 ; 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 3.2.1). Son exercice est soumis aux restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 par. 2, 1ère phrase, CEDH).

6.1.2. Le Tribunal fédéral a récemment rappelé, en référence à la jurisprudence de la CourEDH, qu'en l'absence d'actes de violence de la part des participants à une manifestation non autorisée, les pouvoirs publics devaient faire preuve, dans le cadre de l'application du droit pénal, d'une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques afin que la liberté de réunion garantie par l'art. 11 CEDH ne soit pas vidée de sa substance. Ainsi, la liberté de participer à une réunion pacifique revêt une telle importance qu'une personne ne peut faire l'objet d'une quelconque sanction – même une sanction se situant vers le bas de l'échelle des peines disciplinaires – pour avoir participé à une manifestation non prohibée, dans la mesure où elle ne commet par elle-même, à cette occasion, aucun acte répréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1098/2022 du 31 juillet 2023 consid. 6.1.3 ; 6B_246/2022 précité consid 3.2.4 ; arrêts de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie du 15 octobre 2015 [GC], req. n° 37553/05, § 149, 151 ; Solari c. Moldavie du 28 mars 2017, req. 42878/05, § 37 ; Navalnyy c. Russie du 15 novembre 2018 [GC], req. n° 29580/12, § 128).

La tolérance qui est demandée aux pouvoirs publics à l'égard des rassemblements pacifiques "illégaux" s'étend aux cas dans lesquels la manifestation en cause se tient dans un lieu public en l'absence de tout risque pour la sécurité, et si les nuisances causées par les manifestants ne dépassent pas le niveau de perturbation mineure qu'entraîne l'exercice normal du droit à la liberté de réunion pacifique dans un lieu public. Elle doit également s'étendre aux réunions qui entraînent des perturbations de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 3.2.4 et les références citées, soit notamment les arrêts de la CourEDH Navalnyy c. Russie du 15 novembre 2018 [GC], req. n° 29580/12, § 128 ; Egitim ve Bilim Emekcileri Sendikasi et autres c. Turquie du 5 juillet 2016, req. n° 20641/05, § 95).

Les limites de la tolérance que les autorités sont censées démontrer à l'égard d'un rassemblement illicite dépendent des circonstances particulières du cas d'espèce, notamment de la durée et de l'ampleur du trouble à l'ordre public causé par le rassemblement ainsi que de la question de savoir si ses participants se sont vu offrir une possibilité suffisante d'exprimer leurs opinions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 3.2.4 ; arrêts de la CourEDH Frumkin c. Russie du 5 janvier 2016, req. n° 74568/12, § 97 ; Kudrevicius et autres c. Lituanie du 15 octobre 2015 [GC], req. n° 37553/05, §§ 155-157 et 176-177). Il ne faut ainsi pas perdre de vue que les autorités sont fondées à prendre des mesures répressives et imposer des sanctions pour des infractions spécifiques commises au cours d'un rassemblement. Des ingérences dans l'exercice du droit à la liberté de réunion sont en principe justifiées pour la défense de l'ordre et la prévention du crime, ainsi que pour la protection des droits et des libertés d'autrui lorsque les manifestants se livrent à des actes de violence (arrêt de la CourEDH Giuliani et Gaggio c. Italie du 24 mars 2011 [GC], req. 23458/02, § 251). De même, lorsque des manifestants perturbent intentionnellement la vie quotidienne et les activités licites d'autrui, ces perturbations, lorsque leur ampleur dépasse celle qu'implique l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique, peuvent être considérées comme des "actes répréhensibles". Pareil comportement peut justifier l'imposition de sanctions, y compris de nature pénale (arrêt de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 173-174).

6.1.3. En application des principes exposés supra, le Tribunal fédéral a retenu que le fait de barbouiller le bien d'autrui avec un spray constitue un acte de violence et que, ce faisant, la personne incriminée avait commis un acte de vandalisme incompatible avec la liberté d'expression et d'opinion, estimant qu'il lui aurait été possible de participer à la marche contre le climat, à l'instar des autres participants, sans maculer de peinture rouge les murs du bâtiment d'une banque (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1298/2020 du 28 septembre 2021 consid. 4.3).

6.2. En l'espèce, les intimés ont pris part à une manifestation qui a entraîné des déprédations pour les propriétaires de l'immeuble, dont la façade a été maculée de peinture 2______, ainsi que des salissures sur le domaine public. Le caractère "lavable" de cette peinture est sans pertinence, dès lors que leur action a tout de même nécessité un nettoyage facturé à plusieurs centaines de francs.

Plus largement, ces seuls faits, assimilables à des actes répréhensibles, suffisent à établir que la manifestation a excédé les désagréments inhérents à l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique, rendant inutile, au passage, l'examen d'éventuelles autres perturbations causées par cette manifestation non autorisée.

Ainsi, par leur comportement, les intimés ont commis un acte de vandalisme incompatible avec la liberté de réunion au sens de la jurisprudence précitée, étant relevé que leur participation à la manifestation n'impliquait nullement de sprayer de la peinture – lavable ou non – sur les murs du bâtiment de la banque.

Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les conditions permettant de restreindre la liberté de réunion, les intimés ne pouvant se prévaloir de la protection conférée par ce droit.

Il s'ensuit que la condamnation de A______, C______ et E______ pour une infraction à la LMDPu, de même que de C______, en sus dans ce contexte, à la LPG, ne consacre pas une violation de la liberté de réunion garantie par les art. 11 CEDH et 22 Cst.

7. Peine

7.1. La peine menace prévue à l'art. 10 LMDPu est une amende pouvant aller jusqu'à CHF 100'000.-, tandis que l'art. 11F LPG prévoit que la sanction encourue est l'amende.

7.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

7.1.2. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion (art. 49 al. 1 CP).

Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

7.1.3. Selon l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Pour calculer la peine complémentaire, le second tribunal doit d'abord calculer la peine hypothétique de chaque infraction nouvellement jugée ; ensuite, il doit déterminer quelle est l'infraction la plus grave au vu des peines-menaces de chaque infraction commise, y compris celles ayant fait l'objet de la peine à compléter et, en partant de cette dernière, fixer une peine d'ensemble : si l'infraction la plus grave est jugée dans le cadre du prononcé de la peine complémentaire, il faut calculer une peine d'ensemble pour toutes les infractions nouvellement à juger, puis réduire celle-ci afin de tenir compte du fait que l'infraction de base de la peine prononcée antérieurement n'aurait pas eu cette qualité, mais uniquement celle d'infraction aggravante au sens de l'art. 49 al. 1 CP, si l'ensemble des infractions avait été jugé en une seule fois (ATF 142 IV 265 consid. 2.4.3 et 2.4.4).

7.1.4. Sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (art. 106 al. 1 CP).

L'art. 106 al. 2 CP prévoit que le juge prononce, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus. Au moment de fixer la peine privative de liberté de substitution à une amende, le juge ne doit tenir compte que de la culpabilité de l'auteur, à l'exclusion des circonstances financières propres au condamné (ATF 134 IV 97 consid. 6.3.7.1).

Le Code pénal n'établissant aucune base de calcul pour le taux de conversion d'une amende en peine privative de liberté de substitution, la doctrine a préconisé un taux de CHF 100.- par jour, correspondant au ratio entre la valeur maximale de l'amende et le nombre maximum de jours de peine privative de liberté de substitution (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS [éds], Commentaire romand : Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 19 ad art. 106 CP).

7.1.5. Conformément à l'art. 48 let. a ch. 1 CP, le juge atténue la peine notamment si l'auteur a agi en cédant à un mobile honorable.

Le caractère honorable des mobiles s'apprécie d'après l'échelle des valeurs éthiques reconnues par la collectivité dans son ensemble. Pour être qualifié d'honorable, il ne suffit pas que le mobile ne soit pas critiquable sur le plan moral, il doit encore se situer dans la partie supérieure des valeurs éthiques. De toute façon, le mobile honorable n'est qu'un des éléments subjectifs de l'infraction ; dans l'appréciation de la peine, il peut être rejeté complètement dans l'ombre par les autres circonstances de l'infraction comme, notamment, la manière dont celle-ci a été commise, le but visé ou la perversité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_713/2018 du 21 novembre 2018 consid. 5.4).

7.1.6. L'art. 52 CP prévoit que, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce, notamment, à lui infliger une peine. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi pénale. La culpabilité de l'auteur se détermine selon les règles générales de l'art. 47 CP, mais aussi selon d'autres critères, comme le principe de célérité ou d'autres motifs d'atténuation de la peine indépendants de la faute tels que l'écoulement du temps depuis la commission de l'infraction. Toutes les conséquences de l'acte doivent être minimes, et non seulement celles constitutives de l'infraction (ATF 146 IV 297 consid. 2.3 ; 135 IV 130 consid. 5.3.2, 5.3.3 et 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_718/2020 du 25 novembre 2020 consid. 2.2 ; 6B_1295/2020 du 26 mai 2021 consid. 7 [considérant non-publié à l'ATF 147 IV 297] ; 6B_519/2020 du 27 septembre 2021 consid. 2.4 s.).

Le fait que les contraventions de droit cantonal constituent généralement des cas bagatelles n'exclut pas une exemption de peine fondée sur l'art. 52 CP, appliqué à titre de droit cantonal supplétif (art. 1 al. 1 let. a LPG). Cette exemption suppose toutefois que le fait en question apparaisse, quant à la faute et aux conséquences de l'acte, comme d'une gravité significativement moindre que le cas typique du comportement réprimé (ATF 138 IV 13 consid. 9 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_94/2014 du 11 juin 2014 consid. 2.2).

7.2.1. En l'espèce, la faute des intimés relative à l'omission de requérir une autorisation (art. 10 LMDPu) doit être qualifiée de moyenne. Ils ont agi au mépris de la législation en vigueur, n'ayant sollicité aucune autorisation et reconnaissant expressément savoir qu'une telle manifestation n'était pas autorisée. Leur faute ne saurait donc être assimilée à celle d'une personne qui aurait simplement omis de requérir l'autorisation de manifester, par exemple parce qu'elle n'était pas au fait de la législation en la matière. Elle porte directement atteinte à la crédibilité du système de l'autorisation et, par conséquent, à l'autorité de la puissance publique.

Même s'il sera retenu, à décharge, que la manifestation n'a duré qu'une trentaine de minutes, qu'elle est restée cantonnée à la portion de trottoir devant la façade de l'immeuble, que l'intervention policière s'est limitée à une courte période et que la gestion de l'incident s'est déroulée sans invective ni violence, les déprédations causées au bâtiment ne peuvent être éludées.

Les intimés ont agi de façon planifiée et coordonnée, assumant des rôles d'importance comparable et unissant leurs efforts vers un même objectif.

7.2.2. La faute de C______ en lien avec son refus d'obtempérer (art. 11F LPG) n'est pas anodine. En s'opposant à l'injonction des policiers de se lever de l'emplacement où elle manifestait sans droit et de les suivre, elle a défié l'autorité et montré un mépris tant pour les règles en vigueur que pour l'ordre public.

7.2.3. La collaboration à la procédure des intimés a été mitigée : ils ont d'abord refusé de répondre aux questions de la police, avant de reconnaître les faits – mais uniquement ceux concernant chacun d'eux – en cours de procédure.

La prise de conscience de A______ est inexistante, celui-ci ayant encore adopté en appel une position visant à minimiser les faits, tout en faisant fi de la réalité des circonstances et ne montrant aucun amendement. Cette action ne l'a d'ailleurs pas dissuadé de concourir à d'autres actions liées à la défense du climat (cf. supra point D./a.), lesquelles ont donné lieu à l'ouverture de procédures pénales, alors même qu'il faisait déjà l'objet d'une mise en prévention dans la présente cause.

Concernant C______, sa prise de conscience n'est en rien aboutie. Elle maintient s'être trouvée en droit d'agir de la sorte, en dépit du caractère pénal de ses actes. Elle n'a aucun antécédent judiciaire, ce qui constitue un élément neutre dans la fixation de la peine.

La prise de conscience de E______ est, en raison de son absence d'amendement et d'introspection personnelle, tout aussi inexistante que celle de ses co-auteurs. Il a persévéré dans la commission d'actes en lien avec la protection du climat, postérieurs aux faits de la présente cause et pour lesquels il a été pénalement condamné (cf. supra point D./c.).

La situation personnelle des intimés est favorable, sinon sans particularité.

7.3. Bien que non plaidée, au-delà de leur acquittement, les intimés ne sauraient bénéficier d'une exemption de peine.

S'ils ont certes agi pour défendre une cause idéale, la manière dont ils ont voulu s'assurer d'une certaine visibilité, en taguant un bien privé et en salissant le domaine public, fait obstacle à la circonstance atténuante du mobile honorable, incompatible avec un tel geste, si bien que les art. 48 let. a CP et 52 CP ne sauraient s'appliquer dans le cas d'espèce.

Les comportements illicites adoptés par les intimés ne sauraient en outre justifier la cause qu'ils portent, ce que le Tribunal fédéral a rappelé dans des affaires portant sur des actions climatiques, notamment au vu de la possibilité de défendre légalement leur cause, du fait que leur comportement n'a pas été sans conséquence pour la propriété privée, ou encore, s'agissant de C______, de la volonté affichée de ne pas obtempérer aux injonction de la police (cf. par ex. arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2020 du 26 mai 2021 consid. 7 [considérant non-publié à l'ATF 147 IV 297] ; 6B_81/2023 du 8 février 2024 consid. 8.2).

7.4.1. Vu ce qui précède, une amende de CHF 300.- s'avèrerait appropriée pour sanctionner la violation de l'art. 10 LMDPu s'agissant de A______, montant qui se situe dans une fourchette basse (montant maximal de CHF 10'000.-) et qui prend en considération sa situation personnelle. Celle-ci sera cependant fixée à CHF 100.- pour tenir compte de l'équivalent de deux jours de détention avant jugement subi par ce dernier (la durée de sa détention ayant été d'environ 28 heures ; cf. supra point B./a.d.).

Par parallélisme, il conviendra de prononcer une peine privative de liberté de substitution d'un jour pour le cas où, de manière fautive, l'intimé ne payait pas l'amende.

7.4.2. S'agissant de E______, une amende de CHF 300.- apparaîtrait également appropriée.

Toutefois, dans la mesure où l'intéressé a été condamné le 7 août 2024 par le MP à une amende de CHF 500.- pour violation simple des règles de la circulation routière et infraction à l'art. 10 LMDPu, on se trouve dans un cas de concours réel rétrospectif.

L'infraction à l'art. 10 LMDPu sanctionnée dans la procédure P/6569/2024 doit être considérée comme la plus grave. Si la Cour avait dû connaître des faits découlant des deux procédures en cause, elle aurait donc fixé une amende de base de CHF 400.- pour l'infraction à la LMDPu, qu'elle aurait aggravée de CHF 200.- (peine hypothétique : CHF 300.-) pour l'infraction à la LMDPu dans la présente affaire et de CHF 100.- (peine hypothétique : CHF 150.-) pour la violation simple des règles de la circulation routière. Comme la sanction du 7 août 2024 est en force, il s'ensuit que l'amende complémentaire à infliger à E______ devrait s'élever à un montant de CHF 200.-. Compte tenu des deux jours de détention avant jugement subis par l'intimé, l'amende complémentaire sera toutefois d'une quotité nulle.

7.4.3. S'agissant de C______, il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine.

Une amende de CHF 300.- apparaît adéquate pour sanctionner l'infraction la plus grave, soit celle de violation à l'art. 10 LMDPu, à laquelle il sied d'ajouter CHF 200.- (peine hypothétique : CHF 300.- ; cf. barème de taxation relatif aux contraventions du Service des contraventions [D.7 – Annexe, p. 70, point N02.H]) pour l'infraction à l'art. 11F LPG.

Le montant total de CHF 500.- sera toutefois réduit à CHF 300.- pour tenir compte de la détention avant jugement (équivalente à deux jours, cf. supra point B./a.b.), montant qui est en adéquation avec la situation personnelle de l'intimée. La peine privative de liberté de substitution sera fixée à trois jours.

8. Frais de la procédure

8.1.1. Aux termes de l'art. 428 al. 3 CPP, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

Le sort des frais de procédure de première instance est régi par l'art. 426 al. 1 1ère phr. CPP, aux termes duquel le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. La raison en est qu'il a occasionné, par son comportement, l'ouverture et la mise en œuvre de l'enquête pénale (ATF 138 IV 248 consid. 4.4.1).

Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352).

8.1.2. Selon la jurisprudence relative à l'art. 426 al. 2 CPP, mais applicable par analogie à l'art. 430 al. 1 let. a CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.3), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, respectivement le refus de lui allouer une indemnisation à raison du préjudice subi par la procédure pénale, doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, respectivement un refus d'indemnisation, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 consid. 1b ; ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêts 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.1 ; 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 consid. 1b ; arrêt 6B_301/2017 consid. 1.1). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c ; arrêt 6B_301/2017 précité consid. 1.1). La mise des frais à la charge du prévenu doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2).

8.2. En l'espèce, les intimés ont été reconnus coupables d'infraction à l'art. 10 LMDPu, et C______ de refus d'obtempérer en sus, ce qui implique de mettre les frais correspondants de la procédure préliminaire et de première instance à leur charge.

Les intimés ont été en revanche acquittés de dommages à la propriété, le TP ayant procédé au classement des faits y relatifs. Or, si la procédure n'a pas été menée à terme de ce chef, c'est uniquement en raison du remboursement par les intimés des frais consécutifs à la réparation des désagréments occasionnés à la façade de l'immeuble, ce qui a conduit au retrait de plainte, avant les débats de première instance. On relèvera que le dommage causé au bien d'autrui, protégé civilement (art. 641 du Code civil suisse) et pénalement, et qui a conduit au dépôt d'une plainte, est sans conteste à l'origine de l'ouverture de la présente procédure. Le lien de causalité est dès lors établi et les intimés ne sauraient reprocher au MP d'avoir procédé par excès de zèle, tandis que les actes d'instruction accomplis jusqu'à la saisine de l'autorité de jugement étaient en adéquation avec les faits qui leur étaient reprochés.

En définitive, il convient de condamner les intimés à l'intégralité des frais de la procédure préliminaire et de première instance. Ceux-ci seront mis à hauteur de 40% à la charge de C______, reconnue coupable de deux infractions, tandis qu'un pourcentage de 30% sera supporté par A______ et E______ chacun.

8.3.1. Selon l'art. 428 al. 1 1ère phr. CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.

8.3.2. Le MP obtient gain de cause sur la culpabilité et la question des frais. Par conséquent, les frais de la procédure d'appel seront supportés par les intimés, ceux-ci comprenant un émolument de CHF 1'200.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]), dans la même mesure que la clé de répartition retenue supra (cf. consid. 8.2.).

9. Indemnités

9.1. La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2). Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352).

9.2. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions en indemnisation des intimés pour la procédure préliminaire, de première instance et d'appel seront rejetées.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/123/2025 rendu le 30 janvier 2025 par le Tribunal de police dans la procédure P/25508/2023.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Préalablement :

Classe la procédure s'agissant de l'accusation de dommages à la propriété en ce qui concerne A______, C______ et E______.

Cela fait :

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 10 LMDPu.

Condamne A______ à une amende de CHF 100.-.

Dit que ce montant tient compte de deux jours de détention avant jugement.

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ à 30% des frais de la procédure préliminaire et de première instance, lesquels s'élèvent à CHF 2'672.-, y compris un émolument de jugement de CHF 900.-.

Condamne A______ à 30% des frais de la procédure d'appel, en CHF 496.50, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

***

Déclare coupable C______ d'infractions à l'art. 10 LMDPu et à l'art. 11F LPG.

Condamne C______ à une amende de CHF 300.-.

Dit que ce montant tient compte de deux jours de détention avant jugement.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne C______ à 40% des frais de la procédure préliminaire et de première instance, lesquels s'élèvent à CHF 2'672.-, y compris un émolument de jugement de CHF 900.-.

Condamne C______ à 40% des frais de la procédure d'appel, en CHF 662.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de C______.

***

Déclare E______ coupable d'infraction à l'art. 10 LMDPu.

Condamne E______ à une amende de quotité nulle.

Dit que celle-ci tient compte de deux jours de détention avant jugement.

Dit que cette amende est complémentaire à celle prononcée le 7 août 2024 par le Ministère public.

Condamne E______ à 30% des frais de la procédure préliminaire et de première instance, lesquels s'élèvent à CHF 2'672.-, y compris un émolument de jugement de CHF 900.-.

Condamne E______ à 30% des frais de la procédure d'appel, en CHF 496.50, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de E______.

***

Ordonne l'effacement des données signalétiques de C______, E______ et A______.

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant à l'inventaire n° 43787420231120 du 20 novembre 2023.

***

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'au Service des contraventions.

 

La greffière :

Isabelle MERE

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'672.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

260.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

120.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'655.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'327.00