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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20855/2021

AARP/279/2023 du 17.07.2023 sur JTDP/276/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : FIXATION DE LA PEINE;CONCOURS D'INFRACTIONS
Normes : CP.47; CP.49
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20855/2021 AARP/279/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 17 juillet 2023

 

Entre

A______, actuellement en exécution anticipée de peine à la prison de B______, ______ Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/276/2023 rendu le 7 mars 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/276/2023 du 7 mars 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse [CP]), de tentative de vol (art. 22 cum 139 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), de tentative de violation de domicile (art. 22 cum 186 CP) et de rupture de ban (art. 291 CP). Pour ces infractions, le TP l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 91 jours de détention avant jugement (art. 40 CP), et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 20 ans (art. 66b al. 1 CP). En outre, il a classé la procédure s'agissant des faits qualifiés de dommages à la propriété mentionnés sous chiffres 1.1.2. let. b et 1.1.3. let. d de l'acte d'accusation (art. 22 cum 144 CP ; art. 30 CP et art. 329 al. 5 du Code de procédure pénale suisse [CPP]). Enfin, il a mis les frais de procédure à la charge de A______.

A______ entreprend partiellement ce jugement en tant qu'il porte sur la peine prononcée, concluant au prononcé d'une peine pécuniaire de quotité nulle concernant l'infraction de rupture de ban et au prononcé d'une peine privative de liberté ne dépassant pas neuf mois pour les autres infractions retenues.

b. Selon l'acte d'accusation du 6 février 2023, il était reproché ce qui suit à A______ :

- le 18 septembre 2021, entre 18h00 et 22h00, il a pénétré sans droit dans l’appartement de D______ situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis no. ______, avenue 1______, [code postal] E______ [GE], par effraction de la fenêtre du salon par bris de vitre, causant à ce dernier un dommage d’un montant équivalent aux frais de réparation, et y a dérobé CHF 350.-, une montre [de marque] F______, divers bijoux et pièces commémoratives, pour un montant total de CHF 2’222.30, dans le but de s'approprier ces sommes et valeurs et de s'en enrichir (ch. 1.1.1. let. a) ;

- le 18 septembre 2021, vers 23h30, il a tenté de pénétrer sans droit dans l’appartement de G______ situé au 1er étage de l’immeuble sis no. ______, chemin 2______, [code postal] H______ [GE], par escalade puis bris de vitre, causant à cette dernière un dommage d’un montant équivalent aux frais de réparation de la fenêtre, dans le but d’y dérober des objets et valeurs, de se les approprier et de s'en enrichir (ch. 1.1.2. let. b) ;

- le 14 mai 2022, il a brisé d’un jet de pierre la fenêtre du salon de l’appartement de I______ sis no. ______, rue 3______, [code postal] J______ [GE], causant à cette dernière un dommage d'un montant équivalent aux frais de réparation, dans le but d’y pénétrer sans droit et d’y dérober des objets et valeurs, de se les approprier et de s'en enrichir (ch. 1.1.2. let. c) ;

- le 7 décembre 2022, il a tenté de pénétrer sans droit et par effraction dans le logement de K______ sis no. ______, chemin 4______, [code postal] Genève, en escaladant la façade, montant sur le balcon et tentant de forcer la porte-fenêtre du balcon, dans le but de pénétrer à l'intérieur du logement, d'y dérober des objets ou valeurs, de se les approprier et de s'en enrichir (ch. 1.1.3. let. d) ;

- depuis sa dernière condamnation pour rupture de ban, le 27 juillet 2021 (recte : 28 juillet 2021), jusqu'à son interpellation dans la présente procédure, le 8 décembre 2022, il a persisté à pénétrer régulièrement et à séjourner sur le territoire suisse alors qu’il fait l’objet d’une décision d’expulsion judiciaire d’une durée de 20 ans prononcée le 25 janvier 2021 par le Tribunal de police de Genève (ch. 1.1.4. let. e).

B. Les faits susvisés ne sont pas contestés par l'appelant et correspondent aux éléments du dossier. Il est pour le surplus renvoyé au jugement de première instance
(cf. art. 82 al. 4 CPP).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

La rupture de ban devait être sanctionnée par une peine pécuniaire. L'instance précédente avait affirmé à tort que la Directive sur le retour (2008/115/CE) n'était pas applicable au cas d'espèce. En effet, le TP avait fondé son raisonnement sur un arrêt de principe du Tribunal fédéral (TF) (ATF 143 IV 264) qui se référait lui-même à un arrêt relativement isolé, non publié et datant de 2013 – dont le raisonnement ne convainquait d'ailleurs pas. Dans tous les cas, l'art. 2 par. 2 let. b de la Directive sur le retour n'excluait pas d'office l'application de ladite Directive en cas de concours avec une autre infraction pénale mais offrait simplement la possibilité à l'État concerné de ne pas l'appliquer stricto sensu dans certains cas. Dans le cas d'espèce, le prononcé d'une peine privative de liberté contrevenait au principe de refoulement efficace voulu par la Directive sur le retour. La peine pécuniaire était d'ailleurs le type de sanction qui avait été jugé adéquat lors de sa précédente condamnation en juillet 2021.

En outre, l'infraction de rupture de ban incriminée se situait dans la continuité de ses deux précédentes condamnations, des 25 janvier et 28 juillet 2021, dans la mesure où il n'avait pas pris de nouvelle décision d'entrer sur le territoire suisse depuis, ne l'ayant jamais quitté. Ainsi, le prononcé d'une peine pécuniaire du chef de rupture de ban devait être adapté à sa culpabilité considérée dans son ensemble et il ne devait pas être sanctionné plus sévèrement que s'il avait fait l'objet d'une unique condamnation. La peine prononcée du chef de rupture de ban, en prenant en compte les peines précédemment prononcées, ne devait pas excéder la peine maximale prévue par la loi. L'art. 291 CP ne fixait pas un plafond maximal en matière de peine pécuniaire, il convenait donc d'admettre en application de l'art. 34 al. 1 1ère phrase CP que la peine pécuniaire maximale pour cette infraction était de l'ordre de
180 jours-amende. Dans la mesure où il avait déjà été condamné à 180 jours-amende du chef de rupture de ban le 28 juillet 2021, il devait être condamné à une peine pécuniaire de quotité nulle pour cette infraction.

En vertu de ce qui précède, le prononcé d'une peine d'ensemble pour toutes les infractions en application du principe de l'aggravation (art. 49 CP) était incorrect. La peine privative de liberté prononcée pour les infractions liées au patrimoine devait être revue à la baisse. La Directive du procureur général B.11 du 18 octobre 2017 prévoyait une peine privative de liberté de l'ordre de 180 jours pour l'infraction de rupture de ban, peine à laquelle il avait d'ailleurs été condamné le 28 juillet 2021. Dès lors, il fallait considérer que 180 jours, soit environ six mois, de la peine privative de liberté globale prononcée dans le jugement querellé correspondaient à la sanction adéquate pour la rupture de ban de sorte qu'il se justifiait de réduire la peine à fixer d'une durée équivalente.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

Dans un arrêt de principe (ATF 143 IV 264), le TF avait admis que la Directive sur le retour ne s'appliquait pas aux ressortissants de pays tiers qui avaient commis, outre le séjour irrégulier, un ou plusieurs autres délits en dehors du droit pénal des étrangers (consid. 2.4.). Depuis, le TF avait régulièrement confirmé la teneur de cette jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_275/2022 du 2 décembre 2022 (recte :
2 septembre 2022), 1B_211/2023 du 11 mai 2023 et 1B_31/2022 du 11 février 2022). D'ailleurs, dans un arrêt récent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2022 du
2 décembre 2022 (recte : 2 septembre 2022) consid. 1.3.2.) le TF avait confirmé qu'aucun revirement de jurisprudence n'était intervenu depuis le prononcé de
l'ATF 143 IV 264. Le TF avait considéré que, dans la mesure où le recourant avait commis des infractions en dehors du droit des étrangers, il avait porté atteinte à la sécurité et à l'ordre public de sorte qu'il était soustrait au champ d'application de la Directive sur le retour. Ainsi, le juge pouvait prononcer une peine privative de liberté pour la rupture de ban, si une telle peine se justifiait, même si les mesures de renvoi n'avaient pas été mises en œuvre.

Selon le MP, la jurisprudence précitée, claire et récente, s'appliquait en l'espèce et permettait d'exclure l'application de la Directive sur le retour dans la mesure où les infractions reprochées à A______ (vol, dommages à la propriété, violation de domicile et tentative de violation de domicile) en sus de la rupture de ban sortaient du cadre du droit pénal des étrangers. Sa prise de conscience était mauvaise, ses antécédents judiciaires nombreux et spécifiques, ses multiples condamnations et les mesures d'expulsion prononcées à son encontre n'avaient eu aucun effet sur lui. Partant, le prononcé d'une peine privative de liberté du chef de rupture de ban devait être confirmé rendant ainsi vaines les observations de A______ concernant la quotité de la peine pécuniaire à prononcer pour cette infraction et celle de la peine privative de liberté à prononcer pour les autres.

D. A______ est né le ______ 1986 en Algérie, pays dont il est ressortissant. Il ne dispose d'aucun papier d'identité. Il est célibataire et sans enfant. Sa sœur vit à L______ (France) et ses trois frères en Algérie. Vers l'âge de 16 ans, il a obtenu un diplôme de soudeur en Algérie où il a ensuite travaillé en cette qualité dans un hôpital. Selon ses dires, il est arrivé en Suisse en 2009 et n'a jamais quitté le territoire helvétique depuis lors. Depuis son arrivée, il n'a jamais travaillé et loge principalement chez des amis ou à l'hôtel social à M______ [GE]. Dès sa sortie de prison, il souhaite quitter Genève pour rejoindre sa sœur à L______ car, selon ses dires, il a cette fois vraiment compris la situation et dit regretter ses actes.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à 12 reprises depuis le 18 décembre 2012, entre autres, pour des infractions contre le patrimoine (vol, vol par métier, violation de domicile et dommages à la propriété) et du droit pénal des étrangers (entrées et séjours illégaux) à, au total, 83 mois de peine privative de liberté ferme, soit près de sept ans. Il a été condamné pour les deux dernières fois :

- le 25 janvier 2021 par le TP, à une peine privative de liberté de neuf mois et à une expulsion du territoire suisse pour une durée de 20 ans en raison d'une violation de domicile commise à réitérées reprises, d'une infraction de rupture de ban (période pénale du 23 juin 2020 au 11 septembre 2020) et d'une infraction de vol simple commise à réitérées reprises ;

- le 28 juillet 2021 par le MP, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à
CHF 10.- en raison d'une infraction de rupture de ban (période pénale du 13 juin 2021 au 27 juillet 2021). À ce jour, cette peine pécuniaire reste intégralement due.

E. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, une heure et 42 minutes d'activité de collaborateur et 12 heures et 2 minutes d'activité de stagiaire, dont, pour le collaborateur, 24 minutes d'"Analyse du jugement motivé", 18 minutes pour la "Revue de la requête d'exécution anticipée de la peine", 30 minutes pour la "Revue de la déclaration/mémoire d'appel" et 30 minutes pour la "Revue du mémoire d'appel", et pour le stagiaire 24 minutes d'"Analyse du jugement motivé", 18 minutes d'"Analyse de l'ordonnance du 24 avril 2023", huit heures et 14 minutes pour la rédaction et la finalisation de la déclaration/mémoire d'appel, 36 minutes pour la "Confection du bordereau de pièces" et 18 minutes pour les "Déterminations à la Chambre" du 4 mai 2023.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. À titre liminaire, il sied de rappeler que l'appelant ne conteste pas sa culpabilité pour les infractions suivantes : vol, tentative de vol, dommages à la propriété, violation de domicile, tentative de violation de domicile et rupture de ban. Il s'en prend uniquement au genre de peine prononcée pour la rupture de ban et conteste de facto la peine d'ensemble.

2.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016
consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., 2017, n. 5 ad art. 47).

2.3.1. L'art. 41 al. 1 CP autorise le juge à prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire, si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a), ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1).

Il y a lieu d'admettre qu'une peine pécuniaire ne peut être prononcée lorsque le condamné ne s'acquittera vraisemblablement pas des jours-amende, en présence d'un risque de fuite, par manque de moyens suffisants ou encore en raison d'une mesure d'éloignement prononcée par une autorité administrative (M. DUPUIS et al. [éds], op. cit., n. 3 ad art. 41).

2.3.2. Conformément à la jurisprudence européenne constante relative à l'application de la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (ci-après, Directive), une peine privative de liberté ne peut être infligée pour rupture de ban que si toutes les mesures raisonnables ont été entreprises en vue de l'éloignement, respectivement si celui-ci a échoué en raison du comportement de l'intéressé (ATF 147 IV 232 consid. 1.6).

La jurisprudence précise cependant que la Directive, pouvant faire obstacle au prononcé d'une peine privative de liberté, n'est pas applicable aux ressortissants des pays tiers ayant commis un ou plusieurs autres délits (art. 2 al. 2 let. b de la Directive) en dehors du droit pénal des étrangers (ATF 143 IV 264 consid. 2.6 ; plus récemment : arrêts du Tribunal fédéral 6B_275/2022 du 2 septembre 2022
consid. 1.1.2 et 1B_211/2023 du 11 mai 2023 consid. 2.2.2).

2.4.1. En l'espèce, la faute de l'appelant est lourde, les faits qui lui sont reprochés sont d'une certaine gravité. Il a causé, à plusieurs reprises, des atteintes au patrimoine d'autrui par pur égoïsme et appât du gain facile. Selon ses propres dires, depuis son arrivée en Suisse et entre ses nombreux allers/retours en prison, il vit de ses activités délictuelles, notamment de ses cambriolages. En outre, il séjourne illégalement en Suisse au mépris de deux décisions d'expulsion prononcées à son encontre, faisant ainsi preuve d'une indifférence totale de la législation en vigueur et des décisions judiciaires prises à son encontre.

Sa situation personnelle ne justifie pas ses actes. Sa famille vit en Algérie, pays dans lequel il pourrait prétendre à un travail grâce à son diplôme de soudeur. Pourtant, il s'entête à séjourner illégalement en Suisse depuis 14 ans où il n'a aucune perspective de gain licite et ne fait état d'aucun projet d'avenir. Depuis toutes ces années, il vit de manière précaire, logeant principalement chez des amis et vivant de ses activités délictuelles. Il semble ainsi se complaire dans sa situation.

Ses nombreux antécédents spécifiques démontrent l'absence de remords chez l'appelant et surtout son absence de prise de conscience. Ils témoignent également d'une volonté délictuelle qui s'enlise au fil des ans. L'appelant ne tient pas compte de l'avertissement constitué par ses précédentes condamnations. En appel, il se prévaut d'une prise de conscience soudaine, mais ses déclarations semblent uniquement motivées par les besoins de la procédure en cours, sans aucune réelle remise en question ou projet concret pour le futur.

Il y a concours d'infractions ce qui constitue un facteur aggravant.

L'appelant ne bénéficie d'aucune source de revenus licite, ce qui rend illusoire toute perspective de recouvrement d'une peine pécuniaire. Il n'a d'ailleurs pas payé, ne
serait-ce que de manière partielle, la peine pécuniaire ferme prononcée à son encontre le 28 juillet 2021.

2.4.2. L'appelant a commis des infractions en dehors du droit pénal des étrangers, portant atteinte à la sécurité et à l'ordre public, de sorte qu'il est soustrait au champ d'application de la Directive. Ainsi, la Cour est libre de prononcer une peine privative de liberté également pour la rupture de ban, pour autant que, celle-ci, prise individuellement, se justifie.

À ce propos, la critique de l'appelant au sujet de l'ATF 143 IV 264 ne lui est d'aucun secours dans la mesure où le TF a revu de nombreuses fois depuis lors le bienfondé de sa jurisprudence concernant le champ d'application de la Directive et l'a confirmée dans de nombreux arrêts récents.

En raison des considérations qui précèdent, la mise en œuvre de mesures de renvoi suffisantes n'est pas déterminante et cette problématique n'a pas à être analysée en l'occurence.

2.4.3. Ainsi, les éléments qui précèdent justifient le prononcé d'une peine privative de liberté pour l'ensemble des infractions reprochées à l'appelant, y compris la rupture de ban.

2.5.1. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

L'exigence, pour appliquer l'art. 49 al. 1 CP, que les peines soient de même genre, implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer pour chacune d'elle. Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'art. 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisit, dans le cas concret, le même genre de peine pour sanctionner chaque infraction commise. Que les dispositions pénales applicables prévoient abstraitement des peines de même genre ne suffit pas. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement. La peine privative de liberté et la peine pécuniaire ne sont pas des sanctions du même genre (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

Une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose, à la différence de l'absorption et du cumul des peines, que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits (ATF 144 IV 217 consid. 3.5.3).

2.5.2. À teneur de l'art. 291 al. 1 CP, quiconque contrevient à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

En cas de délit continu, comme l'est la rupture de ban (ATF 147 IV 253 consid. 2.2.1 et 147 IV 232 consid. 1.1), la condamnation pour ce délit opère une césure, de sorte que la réitération après le prononcé d'un premier jugement constitue un acte indépendant permettant une nouvelle condamnation pour la période non couverte par la première décision (principe ne bis in idem ; ATF 145 IV 449 consid. 1.1 ; 135 IV 6 consid. 3.2). Les peines prononcées dans plusieurs procédures pénales en raison de l'effet de césure ne peuvent dépasser la peine maximale prévue par la loi pour l'infraction en question. Une nouvelle peine pour un délit continu impose que l'auteur, après la première condamnation, ait pris une nouvelle décision d'agir, indépendante de la première. Si les nouveaux faits procèdent de la même intention que celle qui a présidé aux faits déjà jugés, la somme des peines prononcées à raison du délit continu doit être adaptée à la culpabilité considérée dans son ensemble et ne pas excéder la peine maximale prévue par la loi (ATF 145 IV 449 consid. 1.1 ;
135 IV 6 consid. 4.2). Si les condamnations prononcées antérieurement atteignent ou dépassent cette limite, le prévenu est condamné à une peine de quotité nulle (ATF 145 IV 449 consid. 1.5 ss).

2.6. Le vol (réprimé par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire) est une infraction abstraitement plus grave que les dommages à la propriété, la violation de domicile et la rupture de ban (infractions réprimées par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire).

Le vol commis par l'appelant emporte ainsi une peine privative de liberté de l'ordre de cinq mois, laquelle constitue la peine de base. Celle-ci doit être augmentée de deux mois (peine de base : trois mois) pour tenir compte de la tentative de vol, de trois mois (peine de base : quatre mois) pour tenir compte des dommages à la propriété, de quatre mois (peine de base : cinq mois) pour tenir compte de la violation de domicile et de deux mois (peine de base : trois mois) pour tenir compte de la tentative de violation de domicile. Cette peine devrait encore être augmentée pour tenir compte de la rupture de ban.

Sur la base de l'état de fait retenu en première instance, il n'est pas possible de déterminer si l'appelant a pris une nouvelle décision d'agir entre ses deux précédentes condamnations pour rupture de ban et celle-ci. Dans le doute, il faut partir du principe que tel n'était pas le cas de sorte que la somme des peines prononcées en raison du délit continu ne doit pas excéder la peine maximale prévue par la loi. Lors de la première condamnation de l'appelant, il s'agissait d'un concours avec une infraction plus grave (vol, art. 139 CP) et une infraction abstraitement de même gravité mais commise à réitérées reprises (violation de domicile, art. 186 CP) ; la part afférente à la rupture de ban dans cette condamnation n'excède ainsi pas 90 unités. La deuxième condamnation portait uniquement sur l'infraction de rupture de ban et l'appelant a été condamné à 180 unités. Dans la mesure où la peine maximale prévue par la loi pour cette infraction est une peine privative de liberté de trois ans, soit 1095 unités, ce seuil est loin d'être atteint par les précédentes condamnations de l'appelant. Partant, la peine de base peut être aggravée de trois mois (peine de base : quatre mois) supplémentaires pour tenir compte de la rupture de ban.

Le peine d'ensemble atteindrait ainsi 19 mois de peine privative de liberté. Toutefois, compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), la peine privative de liberté de l'ordre de 15 mois prononcée par l'instance inférieure
– conforme au droit – sera confirmée. La détention subie avant jugement sera déduite (art. 51 CP).

3. 3.1. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). L'émolument complémentaire de jugement arrêté à CHF 600.- par le TP suivra le même sort.

3.2. Vu l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir les frais de première instance
(art. 428 al. 3 a contrario).

4. 4.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12 ; ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.176 du 25 avril 2014,
consid. 6 ; ACPR/354/2020 du 28 mai 2020). Le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

4.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016
consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

L'établissement d'un bordereau de pièces ne donne en principe pas non plus lieu à indemnisation hors forfait, la sélection des pièces à produire faisant partie des activités diverses que le forfait tend à couvrir et le travail de secrétariat relevant des frais généraux (AARP/164/2016 du 14 avril 2016 consid. 6.3 ; AARP/102/2016 du 17 mars 2016 ; AARP/300/2015 du 16 juillet 2015).

4.3. Les séances internes entre le défenseur d'office et son stagiaire, par exemple, ne sont pas indemnisées par l'assistance juridique, la formation du stagiaire n'ayant pas à être rémunérée par ce biais (AARP/57/2016 du 9 février 2016 consid. 7.2 et 7.3 ; AARP/307/2014 du 2 juillet 2014 ; AARP/20/2014 du 7 janvier 2014).

4.4. Compte tenu du seul point litigieux en seconde instance (genre et quotité de la peine infligée pour l'infraction de rupture de ban), du volume du dossier et de la faible difficulté juridique et factuelle de la cause, le temps consacré à la rédaction de la déclaration/mémoire d'appel – étant précisé que les deux écritures reprennent exactement la même argumentation qui porte principalement sur la critique, à tort, d'une jurisprudence du TF jugée ancienne et isolée – apparaît excessif de sorte que ce poste sera réduit à cinq heures d'activité d'avocat stagiaire. L'activité de relecture par le collaborateur des différentes écritures de l'avocat stagiaire (requête d'exécution anticipée de la peine, déclaration d'appel et mémoire d'appel) ne saurait faire l'objet d'une indemnisation dans la mesure où cette activité relève à l'évidence de la formation de ce dernier, laquelle n'a pas à être rémunérée.

Il convient également de retrancher de l'état de frais le temps consacré par le collaborateur et l'avocat stagiaire à l'analyse du jugement motivé (48 minutes en tout) ; par l'avocat stagiaire, à l'analyse de l'ordonnance du 24 avril 2023 (18 minutes), à la confection du bordereau de pièces (36 minutes) et aux déterminations à la Chambre du 4 mai 2023, celles-ci portant uniquement sur l'acceptation de la procédure écrite. L'activité adéquate à ce titre est couverte par le forfait alloué pour les opérations diverses.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 1'023.58 correspondant à sept heures et 12 minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (soit CHF 792.-) plus la majoration forfaitaire de 20% (soit CHF 158.4) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (soit CHF 73.18).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/276/2023 rendu le
7 mars 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/20855/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'715.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Met l’émolument complémentaire de jugement de première instance de CHF 600.- à la charge de A______.

Arrête à CHF 1'023.58, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de
Me C______, défenseur d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de vol (art. 139 CP), de tentative de vol (art. 22 cum art. 139 CP), de dommages à la propriété (art. 144 CP), de violation de domicile
(art. 186 CP), de tentative de violation de domicile (art. 22 cum art. 186 CP) et de rupture de ban (art. 291 CP).

Classe la procédure s'agissant des faits qualifiés de dommages à la propriété mentionnés sous chiffres 1.1.2 let. b et 1.1.3. let. d de l'acte d'accusation (art. 22 cum art. 144 CP;
art. 30 CP et art. 329 al. 5 CPP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 91 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 20 ans (art. 66b al. 1 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'348.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 1'689.80 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP). "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'948.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'715.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'663.00