Skip to main content

Décisions | Tribunal pénal

1 resultats
P/11791/2022

JTDP/1563/2022 du 19.12.2022 sur OPMP/1078/2022 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.126
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 12


19 décembre 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______, partie plaignante

B______, partie plaignante

C______, partie plaignante

contre

X______, né le ______1980, actuellement détenu à la Prison de Champ-Dollon, prévenu, assisté de Me S______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à la culpabilité de X______ de tous les chefs d'infraction figurant dans l'acte d'accusation du 21 novembre 2022, au prononcé d'une peine privative de liberté de 10 mois, d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- le jour ainsi qu'à une amende de CHF 800.-. Il conclut au prononcé d'un traitement ambulatoire (art. 63 CP) pour une prise en charge psychothérapeutique et addictologique. Il conclut à l'expulsion du prévenu pour une durée de 5 ans avec inscription au SIS. Il sollicite le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X______ ainsi que sa condamnation aux frais de la procédure.

Me S______, conseil de X______, conclut à l'acquittement de son mandant des faits figurant sous chiffres 1.2, 1.4 et 1.5 de l'acte d'accusation ainsi que de lésions corporelles simples s'agissant des faits figurant sous chiffre 1.1. Elle conclut à une exemption de peine s'agissant des voies de faits et injure figurant sous chiffre 1.1 et s'en rapporte à justice s'agissant des faits figurant sous chiffres 1.3 et 1.6. Elle conclut au prononcé d'une peine compatible avec une libération immédiate et une amende de CHF 50.-. Elle s'oppose à l'expulsion et à l'inscription au registre SIS.

 

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 21 novembre 2022, il est reproché à X______ de s'être rendu coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP) et injure (art. 177 al. 1 CP) pour avoir, le 30 mai 2022, vers 20h56, à la rue D______, à Genève, traité B______ de "sale pute" et lui avoir intentionnellement asséné deux gifles, étant précisé que suite à l'une de ces gifles, la tête de B______ a heurté une poubelle, lui causant ainsi une douleur à la tête ainsi que, depuis les faits, de la peur et des difficultés à dormir, plainte pénale ayant été déposée par B______ le 30 mai 2022 (ch. 1.1. de l'acte d'accusation).

b. Il lui est également reproché une rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) pour avoir intentionnellement persisté à séjourner en Suisse, plus particulièrement à Genève, entre le 26 janvier 2022 (lendemain de sa libération) et le 7 février 2022, date de son interpellation, puis entre le 14 mai 2022, lendemain de sa dernière condamnation, et le 30 mai 2022, date de son interpellation, alors qu'il sait faire l'objet de décisions d'expulsion du territoire suisse prononcées le 24 novembre 2017 par la Chambre pénale d'appel et de révision pour une durée de 5 ans, le 8 mars 2018 par le Tribunal de police pour une durée de 7 ans et le 17 octobre 2019 par le Tribunal de police pour une durée de 5 ans, ainsi que d'une interdiction d'entrée sur le territoire suisse valable dès le 23 décembre 2004 et prolongée jusqu'au 15 décembre 2034 (ch. 1.2 de l'acte d'accusation).

c. Par le même acte d'accusation, il est reproché à X______ le non-respect d'une assignation à un lieu de résidence (art. 119 al. 1 LEI) pour avoir intentionnellement enfreint l'interdiction de quitter le territoire assigné, soit le territoire de la Commune de Vernier, émise à son encontre le 24 janvier 2022, notifiée le même jour, et valable jusqu'au 23 janvier 2025, en se rendant sans droit, notamment le 7 février 2022, à 19h40, au Boulevard F______, et à nouveau le 30 mai 2022, vers 20h56, à la rue D______, 1205 Genève, alors qu'il faisait l'objet d'une assignation à un lieu de résidence, ce qu'il savait (ch. 1.3 de l'acte d'accusation).

d. Il lui est enfin reproché de s'être rendu coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et infraction à l'art. 5 al. 1 let. a de la Loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif pour avoir, le 7 février 2022, vers 19h30, dans le restaurant E______ sis Boulevard F______ 7, à Genève, attaqué dans son honneur C______, serveuse, en lui disant notamment « Je peux te payer, je suis le dernier qui peux te baiser », puis cassé des tables, des chaises et des bouteilles et fumé sans droit une cigarette à l’intérieur dudit restaurant, alors qu'il savait qu'il est interdit de fumer à l'intérieur d'un établissement public, plaintes pénales ayant été déposées par C______ et A______, représentante du restaurant E______, le 7 février 2022 (ch. 1.4, 1.5 et 1.6 de l'acte d'accusation).

B. Le Tribunal retient que l'ensemble des faits, tels qu'ils résultent de l'acte d'accusation, sont établis à teneur de la procédure, à l'exception des faits figurants sous chiffre 1.4.

a. Plus précisément, s'agissant des évènements du 30 mai 2022, les faits sont établis sur la base des déclarations crédibles et constantes de B______ (A-1; C-13), laquelle a expliqué avoir été giflée deux fois par X______ au motif qu'elle s'était inquiétée pour une dame qui était assise à l'arrêt du tram à côté de lui, en larmes. Les faits sont également établis sur la base des images de vidéosurveillance (B-9) et du rapport d'arrestation du 31 mai 2022 (B-1), dont il ressort que B______ a spontanément expliqué aux agents de police intervenus sur les lieux qu'elle avait reçu deux "claques" de la part de l'individu qu'ils venaient d'interpeller, à savoir X______. Il ressort par ailleurs du rapport d'arrestation du 31 mai 2022 que l'usage de la force a été nécessaire durant le transport de X______ au poste de police, compte tenu de son comportement agressif et non coopérant (B-5).

L'établissement des faits en cause repose également sur le témoignage de G______ (B-61), lequel a vu X______ donner une "claque" à B______ au niveau de la nuque, lui faisant taper la tête contre une poubelle, puis lui donner une deuxième "claque" sur la tête. Si le témoin a nuancé ses propos devant le Ministère public, le 24 juin 2022, indiquant avoir assisté à une seule "claque" donnée derrière la nuque (C-18), le Tribunal a néanmoins acquis la conviction que le prévenu a donné deux gifles à B______, comme cela ressort des déclarations spontanées du témoin, recueillies par la police environ 30 minutes après les faits (B-61), ainsi que des déclarations constantes de B______ (A-1; C-13).

 

Entendu devant le Ministère public, X______ a admis qu'il était alcoolisé au moment des faits et qu'il avait traité B______ de "sale pute" (C-3, PV d'audience, p. 3). Les explications du prévenu d'après lesquelles la plaignante s'était approchée de lui et avait proposé à la dame qui se trouvait en sa compagnie d'entretenir des rapports sexuels avec elle, se montrant très insistante, n'emportent pas conviction et ne sauraient au demeurant justifier les gifles assénées à B______. Confronté aux images de vidéosurveillance et aux déclarations de G______, X______ a d'ailleurs partiellement admis le comportement reproché (C-3). Ses dénégations ultérieures n'emportant pas conviction, ce d'autant plus qu'il a indiqué avoir "poussé" B______ derrière la nuque pour qu'elle rentre chez elle (C-19) et l'avoir "gardée à distance avec son bras" (PV Audience de jugement, P.3).

b. En ce qui concerne la rupture de ban, il est établi à teneur des éléments du dossier et admis par X______ (C-57) que ce dernier a continué à séjourner en Suisse depuis sa dernière condamnation pour rupture de ban, le 13 mai 2022, alors qu'il fait l'objet de trois mesures d'expulsion judiciaire dont la dernière a été prononcée le 17 octobre 2019, par le Tribunal de police de Genève, pour une durée de 5 ans (B-40).

S'il ressort certes de la procédure que depuis son arrivée en Suisse, il y a plus de 20 ans, X______ (alias XA______) n'a jamais été reconnu par les autorités algériennes, force est de constater qu'il n'a aucunement coopéré avec les autorités suisses ou algériennes afin que sa réelle identité puisse être établie (B-50; C-66). X______ n'a pas non plus collaboré avec les autorités d'exécution des décisions d'expulsion pour organiser son retour en Algérie et n'a entrepris aucune démarche concrète visant à récupérer son passeport algérien, déclarant, devant le Ministère public, qu'il attendait "tous les jours" que l'ambassade ou le consulat d'Algérie lui fournissent un passeport ou lui demandent de fournir les documents nécessaires à l'établissement d'un tel document d'identité (C-129).

c. Le non-respect d'une assignation à un lieu de résidence est admis par le prévenu (C-3; C-57; PV Audience de jugement, p. 3) et établi sur la base de la décision du 24 janvier 2022 interdisant à X______ de quitter le territoire de la commune de Vernier pour une durée de 36 mois (B-22). X______ a enfreint ladite interdiction à tout le moins les 7 février et 30 mai 2022 pour se rendre dans le quartier de la jonction (B-3; C-27).

d.a. Quant aux faits du 7 février 2022, le Tribunal retient que X______ a endommagé plusieurs tables de l'établissement E______, en les poussant avec ses pieds et en les renversant, et qu'il a fumé une cigarette à l’intérieur dudit restaurant.

L'établissement des faits en cause repose sur les images de vidéosurveillance (C-54) et sur les propos crédibles et mesurés de C______ (C-130), laquelle n'a pas tenté de charger X______ outre mesure. Le Tribunal fonde également sa conviction sur la base des déclarations de A______(C-129) et des aveux formulés par le prévenu devant le Ministère public, après le visionnage des images de vidéosurveillance (C-130), étant précisé que les dénégations ultérieures et les explications selon lesquelles il se serait énervé avec C______ puisqu'il avait été intoxiqué par une personne ayant mis une substance dans sa bière (PV Audience de jugement, p. 4) ne sont guère convaincantes.

d.b. En revanche, il n'est pas établi que X______ aurait injurié C______ lui disant notamment « Je peux te payer, je suis le dernier qui peux te baiser », dès lors que le prévenu a contesté ces faits (C-56, C-128, PV Audience de jugement, p. 4) et que la plaignante a toujours attribué ces propos injurieux à H______, qui se trouvait avec le prévenu au moment des faits (A-17, C-130).

e. À teneur du rapport d'expertise psychiatrique du 4 novembre 2022 (C-181 ss), X______ souffre d'un trouble grave de la personnalité avec symptomatologie borderline et dyssociale et d'un syndrome de dépendance à l'alcool.

Sous l’angle de la responsabilité, l'expert a relevé qu'au moment des faits, le trouble sévère de la personnalité et l'intoxication alcoolique de X______ n’avaient pas altéré sa capacité à percevoir le caractère illicite de ses actes. En revanche, sa faculté à se déterminer d'après cette appréciation était légèrement diminuée, de sorte que sa responsabilité au moment des faits était faiblement restreinte. Le risque de récidive d'actes contre l'intégrité corporelle et contre les biens était élevé, de sorte qu'une peine, à elle seule, n'aurait pas suffi à écarter le danger qu'il commette de nouvelles infractions.

S’agissant de la mesure, l'expert a préconisé un traitement psychothérapeutique et addictologique administré de façon ambulatoire durant au moins cinq ans, ce traitement étant susceptible de diminuer, même si de façon modeste, le risque de récidive.

C. X______, alias XA______, ressortissant algérien, est né le ______ 1980 à ______, en Algérie. Il est célibataire, sans enfant. Il est arrivé en Suisse autour de l'année 2000. Il n'a pas de formation et n'exerce aucune activité professionnelle depuis de nombreuses années. Il indique n'avoir aucun lien avec la Suisse mais souhaiter y rester, tout en régularisant sa situation et en se soumettant au traitement ambulatoire préconisé. Il indique avoir déjà entrepris un suivi psychothérapeutique à la prison de Champ-Dollon et être très assidu, ne manquant jamais un rendez-vous. Il explique également travailler à la boulangerie de Champ-Dollon et bien s'entendre avec ses codétenus mais aussi avec le personnel de la prison.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, X______ a été condamné à 17 reprises entre le 2 mars 2009 et le 13 mai 2022, en particulier pour des infractions contre le patrimoine (vol et dommages à la propriété) et à la loi fédérale sur les étrangers. Il a également été condamné pour viol, tentative de meurtre et violence ou menace contre les autorités respectivement les 2 mars 2009, par la Cour d'assise de Genève, le 8 mars 2018, par le Tribunal de police de Genève et le 15 mai 2018, par le Ministère public de Genève.

Ses trois dernières condamnations ont été prononcées :

-       le 14 mai 2021, par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 180 jours pour rupture de ban;

-       le 20 septembre 2021, par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 30 jours pour dommages à la propriété;

-       le 13 mai 2022, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 10.- pour rupture de ban et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1.      L'art. 123 ch. 1 al. 1 CP, relatif aux lésions corporelles simples, punit, sur plainte, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé qui ne peut être qualifiée de grave au sens de l'art. 122 CP.

1.1.2. L'art. 126 al. 1 CP prévoit que celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d'une amende.

1.1.3. La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 et les référence citées) ont également été qualifiées de voies de fait: une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2011 du 7 février 2012 consid. 4.1), l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide ou le renversement d'un liquide ou solide (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.4), l'ébouriffage d'une coiffure soigneusement élaborée ou encore un « entartage » et la projection d'objets durs d'un certain poids (ATF 117 IV 14 consid. 2a/cc p. 17; arrêts du Tribunal fédéral 6B_163/2008 du 15 avril 2008 consid. 2 et 6P.99/2001 du 8 octobre 2001 consid. 2b et 2c).

En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle ; de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l'une des victimes des marques dans la région de l'oeil et une meurtrissure de la lèvre inférieure et chez l'autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l'avant-bras et de la main (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 s. ; 119 IV 25 consid. 2a p. 26/27).

Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ; 103 IV 65 consid. II 2c p. 70 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1.).

1.1.4. Se rend coupable d'injure et sera puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP). Cette infraction est réprimée sur plainte (art. 178 al. 2 cum 31 CP).

1.1.5. Selon l'art. 291 al. 1 CP, celui qui aura contrevenu à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'infraction est consommée si l'auteur reste en Suisse après l'entrée en force de la décision, alors qu'il a le devoir de partir ou s'il y entre pendant la durée de validité de l'expulsion (ATF 70 IV 174 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.195/2006 du 16 juin 2006 consid. 1.1).

La punissabilité du séjour irrégulier suppose que l'étranger ne se trouve pas dans l'impossibilité objective - par exemple en raison d'un refus du pays d'origine d'admettre le retour de ses ressortissants ou de délivrer des papiers d'identité - de quitter la Suisse et de rentrer légalement dans son pays d'origine. En effet, le principe de la faute suppose la liberté de pouvoir agir autrement. Un étranger en situation irrégulière en Suisse ne peut donc pas être condamné en vertu de l'art. 115 al. 1 let. b LEI s'il lui est objectivement impossible de quitter légalement la Suisse, ce qui vaut a fortiori aussi pour l'infraction de rupture de ban au sens de l'art. 291 CP, celle-ci étant également soumise au principe de la faute (arrêt du Tribunal fédéral du 23 mai 2022 consid. 2.1.1 et les références citées).

Lorsque l'auteur se trouve en Suisse, le délit est continu et donc commis tant que dure le séjour (ATF 104 IV 186 consid. 1b p. 188 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_559/2008 du 12 septembre 2008 consid. 2.2 ; 6S.195/2006 du 16 juin 2006 consid. 1.1).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il faut non seulement que l'auteur entre ou reste en Suisse volontairement, mais encore qu'il sache qu'il est expulsé ou accepte cette éventualité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1191/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.1 et références citées).1.1.6. Aux termes de l'art. 119 al. 1 LEI, quiconque enfreint une assignation à un lieu de résidence ou une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 74 al. 1 let. a LEI) est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

1.1.6. Commet un dommage à la propriété au sens de l'art. 144 al. 1 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui. Cette infraction est, sur plainte, punie d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

1.1.7. En vertu de l'art. 5 al. 1 let. a de la loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif, est puni d’une amende de 1000 francs au plus quiconque, intentionnellement ou par négligence, enfreint l’interdiction de fumer notamment dans les établissements d’hôtellerie et de restauration (art. 2 al. 1 cum art. 1 al. 2 let. h de la même loi).

1.2.1. En l'espèce, en traitant B______ de "sale pute" et lui assénant intentionnellement deux gifles ayant uniquement provoqué des douleurs à la tête, à l'exclusion de toute autre lésions, le prévenu s'est rendu coupable d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP et de voies de fait selon l'art. 126 al. 1 CP.

1.2.2. Quant à la rupture de ban, il ressort de la partie en fait que le prévenu persiste à séjourner en Suisse malgré les multiples mesures d'expulsion ordonnées à son encontre, dont il a parfaitement connaissance.

Par ailleurs, le Tribunal relève qu'il n'est pas objectivement impossible pour le prévenu de retourner en Algérie, dans la mesure où il lui suffirait de collaborer avec les autorités suisses ou algériennes pour obtenir les documents de légitimation nécessaires. Autrement dit, le prévenu ne saurait se prévaloir d'une impossibilité objective de quitter la Suisse en raison de la non reconnaissance de sa personne de la part des autorités algériennes, dès lors que ce problème d'identification lui est manifestement imputable.

Les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de la rupture de ban au sens de l'art. 219 al. 1 CP sont réalisés, de sorte que le prévenu sera reconnu coupable de cette infraction.

1.2.3. La culpabilité du prévenu est également établie s'agissant de l'infraction à la LEI, admise par celui-ci, de sorte qu'il sera condamné pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence au sens de l'art. 119 al. 1 LEI.

1.2.4. Quant aux évènements du 7 février 2022, il ressort de la partie en fait que le prévenu a endommagé le mobilier et fumé une cigarette dans le restaurant E______, tout en sachant qu'il est interdit de fumer à l'intérieur des établissements publics.

En agissant de la sorte, il s'est rendu coupable de dommages à la propriété au sens de l'art. 144 al. 1 CP et d'infraction à l'art. 5 al. 1 let. a de la loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif.

1.2.5. Le prévenu sera en revanche acquitté d'injure commise au détriment de C______, l'instruction n'ayant pas permis d'établir que le prévenu aurait insulté la plaignante comme cela ressort de l'acte d'accusation.

Peine

2.1.1. D'après l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

2.1.2. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

2.2.1. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas négligeable. Il s'en est pris au patrimoine et à l'intégrité corporelle d'autrui et il persiste à séjourner illégalement en Suisse malgré ses précédentes condamnations pour ce motif et les multiples mesures d'expulsion prononcées à son encontre. Son mobile est égoïste, dès lors qu'il a agi par pure convenance personnelle et cédant à une colère mal maîtrisée. Sa situation personnelle, de toute évidence peu favorable, ne saurait expliquer ou justifier ses agissements. Sa collaboration à la procédure a été médiocre et sa prise de conscience inexistante. Il y a concours d'infractions, ce qui aggrave nécessairement la peine. Ses antécédents sont très nombreux et spécifiques. Le prévenu a en effet été condamné à 17 reprises au cours des 14 dernières années. Parmi ces condamnations, dont 16 à des peines privatives de liberté fermes, 7 ont été prononcées pour des infractions contre le patrimoine et 12 pour des infractions à la loi sur les étrangers. Il en découle que le prévenu apparaît désormais ancré dans la délinquance.

À décharge, il sera tenu compte de sa responsabilité faiblement restreinte au moment des faits commis les 7 février et 30 mai 2022.

Compte tenu de ce qui précède, une peine privative de liberté de 8 mois paraît adéquate pour sanctionner la faute du prévenu.

Une peine pécuniaire de 15 jours-amende sera en outre prononcée pour sanctionner l'injure. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 10.- pour tenir compte de la situation personnelle du prévenu.

Enfin, une amende de CHF 570.- sera prononcée pour sanctionner les voies de fait et la contravention à la loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif.

Mesures

3.1.1. Une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions, si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 CP sont remplies (art. 56 al. 1 CP). Si les conditions sont remplies aussi bien pour le prononcé d'une peine que pour celui d'une mesure, le juge ordonne les deux sanctions (art. 57 al. 1 CP).

Lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, est toxicodépendant ou qu'il souffre d'une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d'un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un acte punissable en relation avec son état et s'il est à prévoir que ce traitement le détournera de nouvelles infractions en relation avec son état (art. 63 al. 1 CP).

3.2.1. En l'espèce, à teneur de l'expertise psychiatrique, dont il n'y pas lieu de s'écarter, le prévenu souffre d'un trouble grave de la personnalité avec symptomatologie borderline et dyssociale et d'un syndrome de dépendance à l'alcool, si bien qu'il se justifie de prononcer à son encontre un traitement psychothérapeutique et addictologique ambulatoire, mesure apte à diminuer, même si de façon modeste, le risque de récidive.

Le prévenu sera dès lors astreint à un tel traitement ambulatoire.

4.1.1. Selon l'art. 66abis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l’art. 66a, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l’objet d’une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.

4.2.2. En l'occurrence, le prévenu sera expulsé de Suisse pour une durée de 10 ans, compte tenu de la gravité de sa faute. Son comportement dénote son mépris de l'ordre juridique suisse. Le prévenu n'a démontré aucune attache ni lien avec la Suisse. Il n'y est aucunement intégré et n'y a ni famille ni travail. L'intérêt du prévenu à demeurer en Suisse est ainsi inexistant et l'intérêt public présidant à son expulsion l'emporte. Il a par ailleurs déjà fait l'objet de trois mesures d'expulsion.

Le signalement de l'expulsion dans le système d'information SCHENGEN (SIS) sera ordonné, vu l'intérêt de la collectivité à son éloignement durable de l'espace SCHENGEN (art. 20 Ordonnance N-SIS).

 

 

Indemnisations et frais

5. Le défenseur d'office du prévenu sera indemnisé selon le détail figurant en pied de jugement (art. 135 CPP).

6. Les frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 8'694.70, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, seront mis à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP).

Vu l’annonce d’appel du prévenu à l’origine du présent jugement motivé, ce dernier sera condamné à un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale RTFMP; E 4.10.03)

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Acquitte X______ d'injure s'agissant des faits figurant sous chiffre 1.4 de l'acte d'accusation (art. 177 al. 1 CP).

Déclare X______ coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 CP), d'injure s'agissant du chiffre 1.1 de l'acte d'accusation (art. 177 al. 1 CP), de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence (art. 119 al. 1 LEI), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et d'infraction à l'art. 5 al. 1 let. a de la Loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif.

Condamne X______ à une peine privative de liberté de 8 mois, sous déduction de 207 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 15 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Condamne X______ à une amende de CHF 570.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 6 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne un traitement ambulatoire pour une prise en charge psychothérapeutique et addictologique (art. 63 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de X______ pour une durée de 10 ans (art. 66abis CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X______ (art. 231 al. 1 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 8'694.70, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 6'008.85 l'indemnité de procédure due à Me S______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service de l'application des peines et mesures, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Séverine CLAUDET

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

 

 

Vu l'annonce d'appel formée par X______, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 lit. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne X______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.

La Greffière

Séverine CLAUDET

 

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

8134.70

Frais du Tribunal des mesures de contraintes

CHF

50.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

90.00

Frais postaux (convocation)

CHF

42.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

28.00

Total

CHF

8694.70

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

9'294.70

 

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

X______

Avocate :  

S______

Etat de frais reçu le :  

12 décembre 2022

 

Indemnité :

Fr.

4'767.50

Forfait 10 % :

Fr.

476.75

Déplacements :

Fr.

335.00

Sous-total :

Fr.

5'579.25

TVA :

Fr.

429.60

Débours :

Fr.

0

Total :

Fr.

6'008.85

Observations :

- 30h30 à Fr. 150.00/h = Fr. 4'575.–.
- 1h45 à Fr. 110.00/h = Fr. 192.50.

- Total : Fr. 4'767.50 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art 16 al 2 RAJ) = Fr. 5'244.25

- 3 déplacements A/R à Fr. 75.– = Fr. 225.–
- 2 déplacements A/R à Fr. 55.– = Fr. 110.–

- TVA 7.7 % Fr. 429.60

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).