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Décisions | Tribunal pénal

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P/19131/2020

JTDP/1105/2022 du 12.09.2022 sur OPMP/9941/2021 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.320
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 3


5 juillet 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______ 1970, domicilié ______, prévenu, assisté de Me A______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité, à ce que X______ soit condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 170.- l'unité et à la révocation du sursis du 7 décembre 2016.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat et à ce qu'il soit donné suite à ses conclusions en indemnisation tendant au versement de CHF 6'285.10 TTC, montant à adapter en fonction de la durée effective de l'audience de jugement.

*****

Vu l'opposition formée le 22 novembre 2021 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 5 novembre 2021 ;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 23 novembre 2021 ;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 5 novembre 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 22 novembre 2021.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A.           Par ordonnance pénale du 5 novembre 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ une violation de son secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP) pour avoir, à Genève, les 16 novembre 2018, 31 janvier 2019 et 4 février 2019, transmis, sans droit, à B______, gérant de salons de massages, un extrait personnel du fichier C______ concernant D______ et E______, ainsi que des documents de l'Office des poursuites et des faillites (ci-après : OP) concernant E______, F______ et G______, informations obtenues dans le cadre de ses fonctions de policier.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 14 janvier 2020, l'Inspection générale des services (ci-après : IGS) a remis au Ministère public un rapport établi suite à une enquête ouverte par ses soins après la découverte, dans le cadre de l'arrestation de B______ par la brigade financière, que le caporal X______ avait transmis à l'intéressé, gérant de salons de massage à Genève, des extraits de fichiers C______ et des extraits de mandats de conduite émis par l'OP concernant des travailleuses du sexe.

L'IGS est parvenue à la conclusion que le précité n'avait pas respecté les directives internes relatives à l'utilisation des téléphones portables et des ressources informationnelles en envoyant les fichiers de police, envois qui n'avaient toutefois engendré l'obtention d'aucun avantage de part et d'autre. En effet, l'accès au fichier C______ était très limité, soit accessible uniquement aux membres de la Y______, à deux cadres de la police judiciaire, à un informaticien et à l'IGS.

a.b. Il ressort dudit rapport, plus particulièrement de l'analyse du contenu des ordinateurs de B______ et des données extraites du téléphone portable (raccordement no 1______) de ce dernier, notamment les éléments suivants :

- les trois raccordements appartenant à X______, soit ses raccordements professionnels 2______et 3______et son raccordement privé 4______, figuraient sur la liste de contacts du téléphone portable de B______, sous l'indication « Police H______ » ;

- en janvier et octobre 2018, X______ avait créé, avec son numéro de téléphone privé, deux groupes What's App dans lesquels figuraient comme seul contact B______. Le premier groupe avait été utilisé du 24 janvier 2018 au 18 décembre 2018 et comprenait 16 messages, tandis que le second groupe avait été utilisé du 29 octobre 2018 au 7 février 2019 et comprenait 232 messages ;

- les 9 août, 24 septembre, 12 et 16 novembre 2018, 14 et 31 janvier, et 4 et 7 février 2019, X______ avait adressé plusieurs messages à B______ lui demandant s'il connaissait ou s'il avait vu certaines travailleuses du sexe dont il lui a communiqué entre autres le nom et/ou la photographie extraite du fichier C______. Le précité a notamment répondu à ces messages les 16 novembre 2018, 14 janvier et 7 février 2019 ;

- le 16 novembre 2018, à 12h06m23, X______, qui s'était vu confier la tâche d'exécuter un mandat de conduite émis par l'OP relatif à D______, avait adressé à B______ un message dont la teneur était la suivante : « I______ Tu connais ? », suivi, à 12h06m31, d'un extrait presque complet du fichier C______ concernant cette dernière, contenant en particulier son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, son origine, son adresse, son alias, de même que, sous l'onglet fiche prostituée, la date de son recensement, ses numéros de téléphone et des informations relatives à son titre de séjour. A 12h06m42, X______ avait encore envoyé à B______ une photographie de la précitée, extraite dudit fichier ;

- le 31 janvier 2019, entre 19h18m12 et 19h18m49, X______ avait adressé à B______ une photographie de trois mandats de conduite de l'OP, dont l'exécution lui avait été attribuée, concernant E______, F______ et G______, mandats qui comportaient le nom, le prénom, la date de naissance, les numéros de poursuites, respectivement le numéro de dossier d'huissier, ainsi que les adresses des précitées en Suisse soit : pour E______, chez B______, rue J______ 32, pour F______, chez K______, rue L______10, et pour G______, chez M______, rue J______ 32 ;

- le 4 février 2019, à 10h34m02, X______, qui s'était vu confier la tâche d'exécuter un mandat de conduite émis par l'OP relatif à E______, avait adressé à B______ un message dont le teneur était la suivante : « Elle est chez toi », suivi, à 10h34m13, d'une photographie de cette dernière extraite du fichier C______. A 10h34m28, il lui avait envoyé un extrait presque complet du fichier en question concernant la précitée et comportant son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, son origine, son adresse et son alias.

a.c. A l'appui de son rapport, l'IGS a également produit, en sus des conversations What's App extraites du téléphone portable de B______, les documents suivants :

- les fichiers C______ relatives aux travailleuses du sexe concernées par les échanges de messages What's App entre B______ et X______, soit notamment celles de D______, E______, F______ et G______ ;

- le bulletin d'information de la police n°5______ du 6______ qui mentionnait notamment que « Tout échange d'informations de nature professionnelle via des applications de messagerie instantanée (WhatsApp, Viber, Skype, etc.) est formellement interdite » ;

- le bulletin d'information de la police n°7______ du 8______ rappelant l'interdiction d'utiliser des messageries instantanées à des fins professionnelles, autre que Threema, et expliquant qu'une utilisation de What's App par un membre de la police apparue au cours d'une enquête pouvait conduire à une procédure disciplinaire de même qu'à la constatation d'une violation du secret de fonction, notamment si une personne extérieure à la police ou non autorisée avait reçu des informations estampillées police de la part d'un membre de la police ;

- la directive de service n°9______, destinée à l'ensemble des services de police, relative à l'usage des ressources informationnelles, entrée en vigueur le 15 octobre 2008 et mise à jour le 2 août 2017, régissant les types d'usage que le collaborateur est autorisé à faire des ressources informationnelles de la police.

Le point 2.5 de ladite directive mentionne que « les ressources informationnelles métier (ABI, CALVIN, RIPOL, etc.) sont exclusivement réservées à l'exécution des tâches métiers. Elles ne doivent être accédées que pour accomplir des tâches précises confiées au collaborateur par sa hiérarchie ou lui échéant de par son cahier des charges. Chaque accès à une ressource métier doit disposer d'une finalité métier bien précise. Aucun usage à titre privé des ressources informationnelles métier n'est toléré ».

Le point 2.6. stipule qu'« en dehors du cadre professionnel, sous réserve des exceptions prévues, le collaborateur ne doit ni évoquer, ni communiquer les informations dont il n'a pu avoir accès que dans le cadre de l'exercice de sa fonction, sous peine de violer le secret de fonction. [ ] Lorsque le collaborateur travaille sur des informations ou des documents de la police en dehors des locaux de la police (activité nomade), il ne doit utiliser que les moyens d'accès à distance (Accès distant, OWA, etc.) mis à sa disposition par le police (DGSI). Sauf autorisation expresse, aucun moyen ou matériel privé ne doit être utilisé pour traiter des informations estampillées police ».

a.d. L'extraction des données des raccordements professionnels et privé de X______, figurant dans le rapport de l'IGS, a mis en exergue les éléments suivants :

- le raccordement de B______ apparaissait uniquement sur le téléphone portable personnel de X______ (4______), sous l'indication « I______ Paquis » ;

- X______ utilisait presque exclusivement son téléphone portable privé, y compris dans le cadre de son activité professionnelle, l'intéressé ayant fait dévier ses numéros de téléphone professionnels sur son téléphone portable privé ;

- le précité avait effacé, à une date indéterminée, le contenu des conversations des groupes What's App dans lesquels il échangeait avec B______.

b. Faisant suite à l'ordre de dépôt ordonné par le Ministère public, l'OP a versé à la procédure les documents en lien avec les poursuites concernant E______, F______ et G______. Il en ressort notamment ce qui suit :

- s'agissant des poursuites n°10______et 11______, les réquisitions de poursuites, les commandements de payer et les sommations avaient été adressés à E______, domiciliée c/o B______, rue J______ 32, 1201 Genève. La précitée n'ayant pas donné suite aux convocations de l'OP, un mandat de conduite avait été délivré le 21 janvier 2019 ;

- s'agissant des poursuites n°12______et 13______, les réquisitions de poursuites, les commandements de payer, les sommations, les avis de saisie, les réquisitions de continuer la poursuite, les procès-verbaux de saisie, les actes de défaut de biens avaient été adressés à F______ domiciliée c/o K______, rue L______10, 1201 Genève. La précitée n'ayant pas donné suite aux convocations de l'OP, tant lors de la procédure de poursuites que de saisie, deux mandats de conduite avaient été délivrés les 21 janvier 2019 et 13 juin 2019 ;

- s'agissant de la poursuite n°14______, la réquisition de poursuite, les commandements de payer, la réquisition de continuer la poursuite, la décision de mainlevée, l'avis de saisie, l'acte de défaut de biens, le procès-verbal de saisie, avaient été adressés à G______ domiciliée c/o M______, rue J______ 32, 1201 Genève, puis c/o N______, rue J______ 39, 1201 Genève. La précitée n'ayant pas donné suite aux convocations de l'OP, un mandat de conduite avait été délivré le 16 janvier 2019 ;

c. Lors de ses auditions devant l'IGS et devant le Ministère public, B______ a déclaré connaître depuis environ 2 ou 3 ans X______, qui lui avait été présenté par son ami policier, O______, et qu'il fréquentait uniquement dans le cadre professionnel. X______, qui travaillait dans la police et traitait de dossiers en lien avec l'OP, prenait contact avec lui par le biais notamment de What's App, afin de localiser des travailleuses du sexe et de leur notifier des actes de poursuites. Il ignorait pour quelle raison ce dernier avait choisi de le contacter via cette application.

En réponse aux différents messages qu'il avait reçus du précité les 9 août 2018, 24 septembre 2018, 12 et 16 novembre 2018, 14 janvier 2019, 31 janvier 2019, 4 et 7 février 2019, il lui avait indiqué s'il connaissait les « filles » figurant sur les photographies envoyées et lui avait transmis des informations à leur propos. Il avait pu le renseigner sur la plupart d'entre elles, y compris concernant celles qui ne travaillaient pas pour lui. S'il ne connaissait pas D______ni F______, il connaissait en revanche la logeuse de cette dernière, K______. G______, qu'il avait reconnue, ne travaillait pas pour lui mais au 39 rue de J______. Quant à E______, elle avait travaillé pour lui par le passé.

Il n'avait pas remarqué que, le 16 novembre 2018, X______ lui avait envoyé une partie d'un fichier contenant des informations personnelles sur les travailleuses du sexe, se contentant de regarder la photographie des intéressées. Il ne se souvenait également pas que X______ lui avait envoyé des mandats de conduite de l'OP et ne s'expliquait pas pour quelle raison ce dernier lui avait adressé de tels documents, sans doute car ceux-ci comportaient les photographies des « filles ». Il ignorait s'il connaissait l'existence de ces poursuites avant la réception des messages envoyés par le précité, précisant que s'agissant des « filles » qui travaillaient pour lui, il les emmenait en principe personnellement à l'OP qui faisait également appel à lui pour rechercher des personnes. Il n'avait pas de procuration signée de la part de ses employées pour recevoir des documents ou des informations les concernant, précisant toutefois que ces dernières lui demandaient de les accompagner à l'OP ou de traduire les documents qu'elles recevaient.

d. P______, inspecteur principal adjoint et affecté à la Y______ depuis le 1er septembre 2015, a indiqué qu'à sa connaissance, seuls les inspecteurs de la Y______ avaient accès au fichier C______. Il était possible de transmettre les fiches du fichier en question pour les besoins d'une enquête, pour autant que cette transmission ait été validée par la hiérarchie. Après avoir demandé l'accord de son supérieur, soit à l'époque celle de Q______, il avait adressé une partie des fiches personnelles des travailleuses du sexe à X______, qui faisait appel à lui régulièrement. Son supérieur l'avait en effet autorisé à transmettre la quasi-totalité des fiches personnelles des travailleuses du sexe qui étaient recherchées par cet enquêteur, à l'exception de certains points. Auparavant, X______ recevait les fiches de la part d'R______, son prédécesseur. Après le départ de Q______, il avait demandé au successeur de ce dernier, S______, une nouvelle autorisation de transmettre les fiches à X______. L'intéressé avait donné son accord sans restriction, étant précisé qu'il devait aviser le précité par courriel du fait que ces données étaient confidentielles et ne devaient en aucun cas être utilisées en dehors de ses enquêtes. Après avoir été contacté par l'IGS, il avait cessé de transmettre les fiches à X______.

e. S______, lieutenant à la Y______ de mars 2018 à fin juin 2019, a confirmé que le fichier C______avait des accès restreints au niveau de la police. Contrairement au poste de police des V______, l'IGS y avait accès. L'actuel gestionnaire était son successeur, T______. Il était possible que, pour les besoins du service ou d'enquêtes, des inspecteurs de la Y______ aient pu transmettre des fiches personnelles des travailleuses du sexe, documents qui devaient uniquement être utilisés au sein de la police. Lors d'une demande d'informations, il était d'usage d'en connaître la raison précise. Pour sa part, il ne transmettait pas ces fiches, sauf cas exceptionnels, notamment en cas d'homicide. Dans un cas ordinaire, les fiches n'étaient pas transmises. Il ignorait toutefois ce qui avait été convenu avec son prédécesseur.

f. Entendu devant l'IGS et le Ministère public, X______ a expliqué avoir 26 ans de service au sein de la police, être affecté depuis le mois de janvier 2013 au poste de police des V______, et exercer la fonction de caporal depuis le 1er avril 2017.

Il connaissait B______, gérant de salons de massage, qui lui avait été présenté par un collègue, O______. Il était ponctuellement en contact avec le premier dans le cadre de ses enquêtes dans le milieu de la prostitution, dès lors que c'était son informateur. En octobre 2019, sur mandat de l'OP, il avait reçu au moins trente-trois enquêtes à résoudre concernant des travailleuses du sexe, dont vingt-deux avaient pu être résolues. Afin de mener à bien ses enquêtes, il commençait d'abord par envoyer des convocations aux adresses connues des travailleuses du sexe, les invitant à le contacter. S'il n'avait pas de retour, il se rendait sur place contrôler si l'adresse était correcte. En l'absence d'adresse valable, il s'adressait au tenancier du salon chez qui ces « filles » étaient enregistrées. En dernier recours, en l'absence de résultat, il prenait contact avec B______.

Les images envoyées à B______ par messages des 9 août 2018, 24 septembre 2018, 14 janvier 2019, 31 janvier 2019, 4 et 7 février 2019 provenaient de la Y______. Il avait procédé à ces envois afin de retrouver les travailleuses du sexe faisant l'objet des mandats qui lui étaient confiés. Pour ce faire, il prenait contact avec l'inspecteur P______, qui lui fournissait la fiche personnelle C______des travailleuses du sexe qu'il recherchait. Ce procédé avait été mis en place peu de temps après son arrivée au poste des V______, suite aux discussions avec le responsable de la Y______ de l'époque, R______. En effet, les informations dont il disposait sur ces « filles » étaient lacunaires. En dehors des services de police, il était possible de faire usage uniquement des photographies de la personne recherchée extraites des fichiers C______. Cette façon de procéder était utilisée depuis de nombreuses années. Il n'en faisait usage que dans des cas très spécifiques, à savoir uniquement dans le milieu de la prostitution et à l'attention de B______, dès lors que ce dernier était son informateur.

Il savait qu'il ne devait pas utiliser la messagerie What's App dans le cadre de son activité professionnelle. Cependant, il y avait eu recours par le biais de son téléphone portable privé, dans la mesure où il n'avait pas le numéro de téléphone de B______ dans son téléphone professionnel. De plus, il utilisait des applications privées, telles que Facebook, LinkedIn, Moneyhouse et Messenger dans le cadre de ses enquêtes. Il avait également dévié ses numéros de téléphone professionnels sur son téléphone portable privé afin d'être constamment joignable. Il avait pour habitude d'effacer régulièrement ses échanges sur What's App afin de ne pas surcharger son téléphone portable. Les suppressions de messages n'étaient pas spécifiquement en lien avec ses conversations avec B______.

S'agissant particulièrement des envois du 16 novembre 2018, il avait adressé par erreur, dans la précipitation, une partie du fichier C______, erreur qu'il avait tout de suite rectifiée en envoyant uniquement la photographie de la travailleuse du sexe recherchée et en supprimant le message en question. De plus, B______ n'était pas intéressé par ces fichiers, mais uniquement par les photographies des personnes recherchées, afin de pouvoir les identifier.

Il avait adressé à B______ les actes de poursuites afin de gagner du temps, ce dernier pouvant accompagner à l'OP les « filles » qui travaillaient pour lui. En effet, s'il se chargeait lui-même de les accompagner, il devait leur facturer CHF 300.-. Il n'avait pas l'impression d'avoir trahi son secret de fonction, dès lors que B______ savait qu'il recherchait des « filles », lesquelles discutaient avec ce dernier et savaient faire l'objet de poursuites. Il s'agissait de cas particuliers. Il n'agissait de la sorte qu'exceptionnellement, à savoir lorsque B______ pouvait amener les « filles » recherchées à l'OP. Habituellement, il leur adressait des convocations, dans lesquelles il indiquait le motif de leur audition. B______ voyait ces convocations, dans la mesure où la plupart des « filles » ne parlaient pas français, de sorte qu'il n'avait pas l'impression de transmettre des éléments couverts par un secret. Il ne pensait pas avoir fait quelque chose de faux, à défaut il n'aurait pas agi ainsi.

C.           a. Lors de l'audience de jugement, X______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés et a confirmé les explications du lieutenant S______ selon lesquelles les informations contenues dans le fichier C______étaient des données sensibles, que l'usage de celles-ci devait être uniquement réservé au domaine de la police et que ces données ne devaient en aucun cas être transmises en dehors des services de police. En tant qu'enquêteur, il n'avait pas besoin du fichier en question en tant que tel, mais uniquement de la photographie de la personne recherchée, afin de pouvoir la localiser. Ce fichier n'étant pas souvent mis à jour, dans la mesure où les travailleuses du sexe étaient très mobiles, c'était souvent lui qui l'alimentait avec des informations actualisées en fonction du résultat de ses enquêtes. P______ était informé du fait que les photographies extraites du fichier C______allaient être adressées à un tiers étranger aux services de police. Son intention de départ était de transmettre uniquement cette image.

Dans le cadre d'un mandat de conduite, il convenait d'abord de vérifier l'adresse figurant sur le mandat et, si celle-ci était erronée, de procéder à une enquête de voisinage pour localiser la personne concernée. A cet égard, il sollicitait B______ exclusivement en lien avec l'accomplissement de ses tâches d'enquêteur, dans la mesure où ce dernier, en tant qu'informateur, l'aidait à identifier les prostituées qu'il devait contacter pour leur transmettre les mandats de conduite. C'était toujours lui qui s'était adressé à B______, qui ne l'avait jamais sollicité ni ne lui avait demandé quoi que ce soit en échange. Dans le cadre de ses contacts avec le précité, il lui transmettait le nom de la personne concernée et lui demandait si celle-ci travaillait pour lui. Si le nom ne lui disait rien, ce dernier lui demandait alors une photographie de la personne.

S'il avait communiqué un extrait du fichier C______à B______, c'était de manière involontaire. Etant souvent sollicité dans le cadre de son travail, il avait dû être dérangé au moment où il s'adressait à ce dernier, ce qui expliquait que dans un premier temps, il avait envoyé une photographie d'une partie du fichier au lieu de la photographie de la personne recherchée. Cependant, il avait immédiatement rectifié la situation, en effaçant, dans son téléphone portable, le fichier en question, et en adressant à B______ exclusivement une photographie de la travailleuse du sexe concernée. Il était tout à fait faisable d'adresser deux messages successifs en 11 secondes. En effet, après l'envoi du premier message, à 12h06m31 il avait dû constater rapidement qu'il avait commis une erreur, ce qui lui laissait largement le temps d'effacer ce message et d'en adresser un autre, à 12h06m42, étant précisé qu'avant d'envoyer les messages, il prenait une photographie de la fiche C______ de la personne concernée, puis l'enregistrait dans le fichier photos de son téléphone portable, avant de la recadrer pour que seule la photographie de la fille apparaisse, et de l'envoyer ensuite à B______. Il ne prenait pas directement en photo la photographie de la personne figurant sur la fiche, dès lors que pour lui il était plus pratique de photographier la fiche complète.

Confronté au fait qu'une partie des informations personnelles de D______ provenant du fichier C______ avait été retrouvée dans le téléphone portable de B______ alors que, selon ses dires, il avait effacé ce message, il a expliqué qu'à l'époque de l'envoi de celui-ci, lorsqu'un message était envoyé par erreur, il était possible de l'effacer complètement uniquement s'il n'avait pas été reçu par son destinataire. S'il avait été reçu par ce dernier, il était alors exclusivement possible de l'effacer chez l'expéditeur. Aujourd'hui, il était possible de supprimer complètement les messages. Il n'avait vérifié ni auprès de B______ si ce dernier avait reçu le message envoyé par erreur ni s'il s'était adressé à lui afin qu'il le supprime, dès lors que l'intéressé savait très bien qu'il recevait des informations qu'il devait effacer, ce qu'il lui avait spécifié au téléphone et verbalisé par le passé. Ce n'était qu'après coup, dans le cadre de la procédure menée par l'IGS, qu'il s'était rendu compte qu'aucun message n'avait été supprimé par B______.

S'agissant de l'envoi de la photographie d'E______, puis d'un extrait du fichier C______ la concernant, il a fourni les mêmes explications que pour l'envoi relatif à D______, avec la précision que la première travaillait pour B______, lequel était déjà en possession de toutes les informations contenues dans le fichier, qui était incomplet et ne comportait que le nom et la photographie de l'intéressée. Il n'avait dès lors pas eu besoin d'effacer l'un ou l'autre de ces envois, comme pour D______, les données y figurant n'étant pas sensibles. Les informations étaient les mêmes que celles consignées dans le livret de travail d'E______.

Il avait adressé à B______ une photographie des mandats de conduite concernant E______, F______, et G______ afin de les localiser, ne parvenant pas à les trouver, ce qui rentrait dans le cadre de ses tâches, dans la mesure où il était chargé de prendre contact avec la régie, l'employeur, les voisins, le concierge ou encore la famille de la personne concernée par le mandat de conduite. En effet, l'intéressé connaissait ces dernières puisqu'il était l'employeur de la première, qu'il connaissait la logeuse de la deuxième, qui était injoignable, et que la troisième était domiciliée à la même adresse que celle de l'un de ses salons de massage.

En revanche, il contestait avoir indiqué qu'il avait envoyé ces documents à B______ afin que ce dernier amène les « filles » qui travaillaient chez lui à l'OP, concédant qu'il avait pu demander au précité d'amener des « filles » qui travaillaient pour lui à l'OP et qu'il lui arrivait de lui adresser à cet effet des mandats de conduite, rectifiant ses déclarations sur ce point par la suite, à savoir qu'il lui communiquait oralement les mandats en question. C'était B______ qui lui indiquait qu'il allait amener les « filles » lui-même à l'OP, ce qui était plus facile, pour des questions de traduction et afin que les personnes concernées ne soient pas inquiètes. Les « filles » allaient à l'OP pour que le mandat soit exécuté, ce qui était le but. Pour sa part, il n'avait rien délégué, les personnes, même sous mandats de conduite, étaient libres de se rendre de leur propre gré à l'OP, seule ou avec une personne de leur choix. Elles n'avaient pas besoin d'être accompagnées d'un policier. Du reste, si le débiteur se rendait seul à l'OP, la police en était informée et le mandat de conduite était annulé.

Contrairement aux déclarations de B______, lorsqu'il le contactait, ce dernier lui demandait les noms des personnes concernées, information qu'il lui transmettait. Si les noms n'évoquaient rien à B______, alors il lui envoyait des photographies. S'il lui avait envoyé des photographies des mandats de conduite, c'était pour gagner du temps, et ne pas avoir à retranscrire le nom des personnes concernées. En effet, il traitait à l'époque de cent à cent vingt procédures par mois et s'était adapté aux moyens actuels, en prenant une photographie des mandats et en les adressant à l'intéressé. Il n'agissait pas de la sorte automatiquement, puisqu'il menait d'abord son enquête avant de s'adresser à B______. Sur le nombre de mandats liés aux travailleuses du sexe qu'il devait traiter mensuellement, l'intervention du précité était accessoire.

Enfin, il a souligné que les choses avaient beaucoup évoluées depuis 1993, notamment en terme de technologies, mais également de volume de travail. Alors qu'il traitait trois cent procédures par an en 2006, il en traitait désormais mille deux-cent par an. L'utilisation d'outils tels que What's App dans le cadre de ses fonctions lui permettait d'être plus efficace face à la masse de travail à laquelle il devait faire face. A aucun moment, il n'avait pensé ni souhaité enfreindre la loi, en particulier violer son secret de fonction. Il avait simplement cherché à accomplir son travail de policier et à accomplir les mandats administratifs qui lui étaient confiés. Il avait recherché, ni à être un « super policier », ni à obtenir des résultats exceptionnels; il n'avait voulu faire que son travail.

b. U______, entendu en qualité de témoin, a expliqué exercer la profession d'huissier auprès de l'OP, entre autre en tant que chef du secteur 15______, à savoir celui des V______. Dans le cadre de son travail, il intervenait en aval, soit au niveau de la saisie, et ne s'occupait pas des notifications des mandats de conduite.

Pour procéder à la saisie, l'OP convoquait les personnes concernées à une date précise afin de les entendre sur leur patrimoine. Si la personne ne se présentait pas à la convocation, une enquête était menée. Cette dernière consistait à interroger les différentes banques et offices postaux, à déterminer si la personne avait un employeur, à se rendre au domicile de la personne et à regarder si son nom figurait sur la boîte aux lettres ou sur la porte, respectivement à interroger le concierge, la régie et les voisins. En présence d'un nom sur la porte ou sur la boîte aux lettres, un avis rouge, intitulé « Avis d'ouverture », comportant le nom de la personne et l'entête de l'OP, était laissé sur la porte et/ou dans la boîte aux lettres de la personne recherchée. Ce document, qui pouvait également être déposé dans la boîte aux lettres de l'employeur ou du logeur de ladite personne, faisait généralement réagir les gens concernés ou leur voisinage, qui pouvait par exemple informer l'OP de l'absence de la personne en question. Si cette dernière ne se présentait toujours pas et que les ressources pour la retrouver étaient épuisées, l'OP, qui traitait un volume énorme de dossiers, recourrait aux services de la police en émettant un mandat de conduite, notifié au bureau du corps de police, qui déterminait quel était le policier chargé de l'exécution dudit mandat. Il n'avait ainsi pas recours directement et personnellement à X______. A cette occasion, seul était transmis le mandat en question, à l'exclusion de toute photographie des personnes recherchées, étant précisé que l'OP n'avait pas accès aux informations du fichier C______, qu'il ne connaissait au demeurant pas.

X______ avait un taux de réussite exceptionnellement élevé par rapport à d'autres de ses collègues au niveau de l'exécution des mandats de conduite, de sorte que l'OP lui était très reconnaissant.

D.           X______, ressortissant suisse, né le ______ 1970, est divorcé, sans enfant.

Il a rejoint la police le ______ 1993 et a le grade de sergent-chef depuis 2018. Il a ensuite été rétrogradé au rang de caporal, puis a récupéré son grade antérieur à partir du ______ 2020. Depuis 2013, il est affecté au poste de police des V______, poste de police auquel il avait déjà été affecté de ______ à ______. De _____ à _____, il a été affecté au poste de police de W______. Il est enquêteur depuis 2005 et s'occupe des enquêtes administratives et intercantonales, traitant notamment des dossiers en lien avec l'OP et les avis de recherche et d'arrestation.

Il perçoit un salaire mensuel net de CHF 7'800.-. Ses charges mensuelles comprennent ses primes d'assurance maladie de CHF 800.- et CHF 1'500.- liés à l'amortissement et aux intérêts de sa dette hypothécaire, ainsi que les charges relatives à son logement.

Outre le bien immobilier dont il est propriétaire, il dispose également de trois véhicules.

Il a une dette hypothécaire de CHF 1'000'000.- ainsi que des dettes liées à des crédits d'achats pour un montant total de CHF 60'000.- environ.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 7 décembre 2016, par la Chambre pénale d'appel et de révision de Genève, pour calomnie, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 210.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 2 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 3'500.-.

 

EN DROIT

1.             Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; ATF 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).

2. 2.1.1. Selon l'art. 320 ch. 1 al. 1 CP, celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l'emploi a pris fin (art. 320 ch. 1 al. 2 CP).

L'art. 320 ch. 2 CP prévoit que la révélation n'est pas punissable si elle est faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure.

2.1.2. L'art. 320 CP constitue un délit propre pur, qui ne peut être commis que par un fonctionnaire ou le membre d'une autorité. La notion de fonctionnaire est celle de l'art. 110 al. 3 CP (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 68). Le devoir de confidentialité résulte de la situation particulière du membre de l'autorité, respectivement du fonctionnaire (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 p. 68 et 69; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vo. II, éd. 2010, n°21ss ad art. 320). Une base légale spéciale, non pénale, n'est ainsi pas nécessaire dans la législation déterminant l'exercice de la fonction (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 p. 68 et 69 ; B. CORBOZ, op. cit., n°23 ad art. 320 CP).

2.1.3. La définition de l'infraction repose sur une conception matérielle du secret (NIGGLI/WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II, 2013, n°8 ad art. 320 CP; STRATENWERTH/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II: Straftaten gegen Gemeininteressen, 7e éd., Berne 2013, § 61 n°5). Il n'est dès lors pas nécessaire que le fait concerné ait été présenté par les autorités compétentes comme étant secret. Seul est déterminant qu'il s'agisse d'un fait qui n'est à l'évidence ni public ni généralement accessible sans difficulté à toute personne souhaitant en prendre connaissance (ATF 114 IV 44 consid. 2 p. 46 ; arrêt 6B_105/2020 du 3 avril 2020 consid. 1.1), qui n'est connu que d'un cercle restreint de personnes et à l'égard duquel le détenteur du secret n'a pas seulement un intérêt légitime, mais aussi une volonté affichée, expresse ou tacite, au maintien du secret (ATF 142 IV 65 consid. 5.1; 116 IV 56 consid. II/1.a p. 65; B. CORBOZ, op. cit., n°13 ad art. 320 CP). Cet intérêt peut être celui de la collectivité publique (Confédération, canton ou commune) ou celui de particuliers.

2.1.4. L'application de l'art. 320 ch. 1 CP exige que le secret ait été confié à l'auteur en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire ou qu'il en ait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi (ATF 115 IV 233 consid. 2c/aa p. 236; arrêt 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.3.1 et les références citées; B. CORBOZ, op. cit., n°17 ad art. 320 CP).

En principe tout secret confié à un membre de l'autorité ou à un fonctionnaire en vertu de sa qualité ou dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de sa fonction est soumis au devoir de confidentialité, même si aucune base légale du droit réglementant la fonction publique ou de toute autre loi ne le prévoit (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 in JdT 2016 IV 362 et les références citées). Selon la doctrine, il faut que le membre de l'autorité ou le fonctionnaire ait appris le secret en raison de sa fonction officielle. L'information lui a été confiée parce qu'il revêt cette charge publique ou il l'a apprise en exerçant sa tâche officielle, par exemple en lisant des rapports ou des dossiers. Il doit exister un lien direct avec la fonction officielle, et non pas un lien lointain dû au hasard. Celui qui lit un rapport reçu par la voie de service dans l'exercice de sa fonction apprend les informations qui y sont contenues en tant que fonctionnaire. Le fait n'a en revanche pas été appris ès qualités si le membre de l'autorité ou le fonctionnaire en prend connaissance comme un simple particulier ou en dehors de sa fonction officielle (CORBOZ, op. cit., n°19 ad art. 320 CP). Ne sont donc pas couverts par le secret de fonction les faits touchant l'activité officielle de l'auteur, que celui-ci a appris ou aurait pu apprendre à titre privé ou encore ceux dont il aurait eu le droit d'être informé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1276/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.1; ATF 115 IV 233 consid. 2c/bb).

2.1.5. Selon l'art. 24 de la loi sur la police, entrée en vigueur le 1er mai 2016, le personnel de la police est tenu à un strict devoir de réserve et au secret pour toutes les informations dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001, ou les instructions reçues ne lui permettent pas de les communiquer à autrui (al. 1 et 2). L'art. 73 CPP, qui fait obligation aux membres des autorités de poursuite pénale de garder le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle, est réservé (al. 3). La violation du secret de fonction est sanctionnée par l'art. 320 CP, sans préjudice du prononcé de sanctions disciplinaires (al. 5). Le chef du département est l'autorité compétente pour lever le secret de fonction (al. 6). Dans ses rapports avec les autres autorités de poursuite pénale et avec les tribunaux, au sens des art. 12 et 13 CPP, le personnel de la police n'est pas tenu au secret de fonction (al. 7).

Le serment prévu à l'art. 32 LPol, tel que prêté par les policiers, est le suivant :

« Je jure ou je promets solennellement :

d'être fidèle à la République et canton de Genève;

de remplir avec dévouement les devoirs de la fonction à laquelle je suis appelé;

de suivre exactement les prescriptions relatives à mon office qui me seront transmises par mes supérieurs dans l'ordre hiérarchique;

de garder le secret de fonction sur toutes les informations que la loi ou les instructions reçues ne me permettent pas de divulguer;

de dire, dans les rapports de service, toute la vérité sans faveur ni animosité;

et, en général, d'apporter à l'exécution des travaux qui me seront confiés, fidélité, discrétion, zèle et exactitude ».

2.1.6. La loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08), qui s'applique notamment aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux, ainsi qu'à leurs administrations (art. 3 al. 1 let. a LIPAD), prévoit à son art. 39 al. 9 que la communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé n'est possible, alternativement, que si une loi ou un règlement le prévoit explicitement (let. a) ou si un intérêt privé digne de protection du requérant le justifie sans qu'un intérêt prépondérant des personnes concernées ne s'y oppose (let. b).

Dans les cas visés à l'alinéa 9, lettre b, l'organe requis est tenu de consulter les personnes concernées avant toute communication, à moins que cela n'implique un travail disproportionné. A défaut d'avoir pu recueillir cette détermination, ou en cas d'opposition d'une personne consultée, l'organe requis sollicite le préavis du préposé cantonal. La communication peut être assortie de charges et conditions, notamment pour garantir un niveau de protection adéquat des données (art. 39 al. 10 LIPAD).

Par données personnelles au sens de la LIPAD, on entend toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (art. 4 let. a LIPAD). Les données personnelles sensibles sont des données personnelles sur les opinions ou activités religieuses, philosophiques, politiques, syndicales ou culturelles, sur la santé, la sphère intime ou l'appartenance ethnique, sur des mesures d'aide sociale, ou sur des poursuites ou sanctions pénales ou administratives (art. 4 let. b LIPAD).

2.1.7. L'acte délictueux consiste à révéler un secret. Révèle un secret au sens de l'art. 320 ch. 1 CP celui qui le confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67 s. et les références citées).

Le maître du secret est en principe l'autorité et non un particulier. Cela étant, on peut admettre comme fait justificatif – sur un plan purement pénal – le consentement de l'intéressé, lorsque la révélation sur les données personnelles d'un seul administré, que le secret ne touche que sa seule sphère privée et que ce dernier a donné son consentement exprès à la divulgation desdites données. On ne peut en revanche pas l'admettre dans d'autres circonstances, et notamment lorsqu'il y a un intérêt indépendant au maintien du secret (VERNIORY, in CR CP II, 2017, n°52 ad art. 320; B. CORBOZ, op. cit. n°47 ad. art. 320 CP).

Le consentement de l'autorité supérieure prévu à l'art. 320 ch. 2 CP est un fait justificatif spécial impliquant l'impunissabilité de l'infraction (VERNIORY. op.cit. n°38 ad. art. 320 CP).

2.1.8. Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 320 CP est intentionnelle. Le dol éventuel suffit et doit porter sur tous les éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_599/2015 du 25 février 2016 consid. 2.3). La négligence n'est pas punissable. L'auteur doit avoir conscience de son devoir de garder le secret (ATF 114 IV 46 consid. 2).

2.1.9. Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP). La négligence suppose, d'une part, que l'auteur ait violé les règles de la prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et, d'autre part, qu'il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262; 122 IV 17 consid. 2b p. 19 s.). En d'autres termes, un comportement viole un devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu et dû, compte tenu des circonstances, de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger des biens juridiquement protégés de la victime et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible (ATF 130 IV 7 consid. 3.2).

La délimitation entre le dol éventuel (art. 12 al. 2 2ème phrase CP) et la négligence consciente (art. 12 al. 3 CP) peut se révéler délicate. L'un et l'autre supposent en effet que l'auteur connaisse la possibilité ou le risque que l'état de fait punissable se réalise. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait. Il n'y a en revanche que négligence lorsque l'auteur, par une imprévoyance coupable, agit en supputant que le résultat qu'il considère comme possible ne surviendra pas (ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.4, p. 28 s.). La conclusion que l'auteur s'est accommodé du résultat ne peut ainsi pas être déduite du seul fait qu'il a agi bien qu'il eût conscience du risque que survienne le résultat, car il s'agit là d'un élément commun à la négligence consciente. Faute d'aveux, des éléments extérieurs supplémentaires sont nécessaires (ATF 133 IV 9 consid. 4.1 p. 17; arrêts du Tribunal fédéral 6B_802/2013 du 27 janvier 2014 consid. 2.3.2 et 6B_355/2011 du 23 septembre 2011 consid. 4.2.1).

Dans le doute, il faut retenir qu'il y a seulement eu négligence consciente (arrêts du Tribunal fédéral 4A_653/2010 du 24 juin 2011 consid. 3.1.3 et 4A_594/2009 du 27 juillet 2010 consid. 3.5).

2.1.10. Selon l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi.

Le devoir de fonction peut constituer un fait justificatif (art. 14 CP ; ATF 114 IV 44 consid. 3b p. 48 et 49 = JdT 1989 IV 51). L'exercice d'une profession déterminée ne suffit cependant pas pour supprimer le caractère illicite d'un acte car celui qui l'exerce ne jouit pas pour autant de droits plus étendus que les autres citoyens. Encore faut-il pour rendre l'acte licite que le devoir de profession invoqué découle d'une norme juridique, écrite ou non (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2007 du 11 octobre 2007 consid. 4.2). Celui qui croit qu'il peut révéler un secret en raison de sa mission croit à l'existence d'un fait justificatif prévu par l'art. 14 CP et invoque en définitive une erreur sur l'illicéité (art. 21 CP).

2.1.11. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable. Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. L'auteur doit agir alors qu'il se croyait en droit de le faire. Il pense, à tort, que l'acte concret qu'il commet est conforme au droit. Si la licéité du comportement considéré est sujette à caution, l'auteur est tenu de s'informer auprès des autorités compétentes. Déterminer ce que l'auteur d'une infraction a su, cru ou voulu et, en particulier, l'existence d'une erreur relève de l'établissement des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 5.1 et les références citées).

Les conséquences pénales d'une erreur sur l'illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L'auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21 1ère phrase CP). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir (ATF 128 IV 201 consid. 2 p. 210). Une raison de se croire en droit d'agir est « suffisante » lorsqu'aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 consid. 4a p. 303). En revanche, celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. La peine est alors obligatoirement atténuée (art. 21 2ème phrase CP). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement (ATF 121 IV 109 consid. 5 p. 126) ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait (ATF 120 IV 208 consid. 5b p. 215).

La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (arrêt du Tribunal fédéral 6B_526/2014 précité).

A titre d'exemple, est constitutif d'une erreur sur l'illicéité le fait pour des anciens membres de l'Administration fédérale des contributions (AFC) de produire, dans le cadre d'une procédure, des documents qui contiennent des informations fiscales de personnes tierces à ladite procédure sans les avoir préalablement anonymisés et sans avoir demandé à l'AFC son consentement pour la production de ces documents est constitutif d'une violation du secret de fonction (CP 320). En revanche, le fait que ces documents aient été déposés auprès du Tribunal administratif fédéral, autorité administrative également soumise au secret de fonction, pouvaient effectivement laisser croire aux membres de l'AFC que leur comportement n'allait pas tomber sous le coup d'une infraction pénale. Toutefois, au regard de leur longue expérience dans le domaine et du fait que ce dernier est spécifiquement réglementé, l'erreur a été considérée comme évitable, la peine devant par conséquent être atténuée (C. PERRIER DEPEURSINGE / R. GAUDERON, CR-CP I, éd. 2009, n°39 ad. art. 21).

2.1.12. L'existence d'un motif justificatif non prévu par la loi, telle la sauvegarde d'intérêts légitimes, ne doit être admise que restrictivement. Sa reconnaissance est soumise à des exigences particulièrement sévères dans l'appréciation de la subsidiarité et de la proportionnalité. Ces conditions ne sont réunies que lorsque l'acte illicite ne constitue pas seulement un moyen nécessaire et approprié pour la défense d'intérêts légitimes d'une importance nettement supérieure à celle des biens protégés par la disposition violée, mais si cet acte constitue, en outre, le seul moyen possible pour cette défense. Ces conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 6.1 et les références citées).

2.2. Il est établi qu'au moment des faits, le prévenu exerçait le métier de policier depuis plus de 25 ans et que, de par sa profession, il était soumis au secret de fonction.

Dans le cadre de son activité, le prévenu vu confier l'exécution des mandats de conduite émis par l'OP concernant les travailleuses du sexe de son secteur, et en particulier ceux relatifs à D______, E______, F______ et G______.

Lors de ses enquêtes liées à l'exécution de ces mandats de conduite, le prévenu a obtenu, à sa requête, de la Y______, une partie des fichiers C______ relatifs aux travailleuses du sexe concernées, ce qu'a confirmé notamment P______.

Ces fichiers contenaient les informations personnelles de ces dernières, à savoir, entre autres, la date de leur recensement, leur nom et prénom, leur date et lieu de naissance, leur origine, leur alias, leur adresse, leur numéro de téléphone et des informations relatives à leur titre de séjour.

Dans ce contexte, le prévenu a, ce qu'il admet au demeurant, adressé par messages What's App, moyen de communication prohibé dans le cadre de ses fonctions, à B______, gérant de salons de massage dans le quartier des V______, les 16 novembre 2018 et 4 février 2019, des extraits du fichier C______ concernant D______ et E______, extraits qui mentionnaient leur profession et contenaient des informations personnelles à leur sujet, à savoir en particulier, pour la première, la date de son recensement et des renseignements relatifs à son titre de séjour.

Or, l'accès à ces fichiers est réservé à un nombre très limité de personnes, y compris au sein de la police, et leur transmission à des tiers non-autorisés au sein de la police est soumise à une autorisation préalable de la hiérarchie, ce qui renforce leur caractère éminemment confidentiel, au vu des informations sensibles qu'ils contiennent au sujet des personnes fichées.

Pour les mêmes motifs, il apparaît, selon les témoignages recueillis en cours de procédure, que ces fichiers, respectivement les informations qu'ils contiennent, ne pouvaient en aucun cas être transmis à des tiers en dehors des services de police, ce que le prévenu savait et a admis au demeurant.

Il ne ressort pas du dossier que le prévenu aurait sollicité, respectivement obtenu de sa hiérarchie, voire encore des personnes concernées, l'autorisation de transmettre à un tiers, étranger à la police, tout ou partie des informations contenues dans les fichiers en question.

Il s'ensuit que les 16 novembre 2018 et 4 février 2019, le prévenu a divulgué, sans droit, à B______, des informations soumises au secret de fonction, auxquelles il avait eu accès, après autorisation, uniquement dans le cadre de sa profession de policier.

Il est également démontré qu'en adressant le 31 janvier 2019, par messages What's App, à B______, des photographies de trois mandats de conduite de l'OP, dont l'exécution lui avait été confiée, qui concernaient E______, F______ et G______, le prévenu a transmis, sans droit, à B______ des informations qui étaient également soumises au secret de fonction et auxquelles, à nouveau, il n'avait eu accès que dans le cadre de l'exercice de sa profession.

Il s'agit en effet de documents spécifiquement destinés aux huissiers et aux agents de la force publique chargés d'exécuter le mandat de conduite et qui contiennent, à teneur de l'art. 4 let. a et b LIPAD, des données personnelles sensibles sur les personnes visées par ces mandats, notamment leur nom, date de naissance, adresse et le numéro de la poursuite dont elles font l'objet, de sorte que ces documents ne sont pas destinés à être communiqués à des tiers.

A cet égard, le Tribunal relève que la directive DIR_04_02 relative aux mandats de conduite n'est pas pertinente en l'espèce, dès lors qu'elle ne concerne que le personnel de l'OP (art. 2 de la directive) et qu'elle ne vise qu'à éditer des règles afin d'éviter des mandats de conduite inutiles ou injustifiées (art. 3 de la directive). Le prévenu n'est dès lors pas concerné par cette directive, dès lors qu'il intervient à un stade ultérieur.

Le fait que B______ a pu être informé par certaines de ses employées qu'elles faisaient l'objet de poursuites, respectivement qu'il a eu l'occasion ponctuellement de les aider dans leurs démarches auprès l'OP, n'est pas propre à délier le prévenu de son secret de fonction et, partant, à le disculper, ce d'autant moins que B______ n'était au bénéfice d'aucune procuration des personnes concernées l'autorisant à recevoir, pour leur compte, des documents les concernant, en particulier s'agissant des travailleuses du sexe qui ne comptaient pas au nombre de ses employées.

Il n'est pas non plus établi que B______ avait connaissance, préalablement aux envois effectués par le prévenu, des informations que ce dernier lui a alors transmises.

Par ailleurs, les explications du prévenu, selon lesquelles il avait adressé les mandats de conduite à B______ pour gagner du temps et permettre à ce dernier d'amener les employées concernées à l'OP, ne sauraient être suivies, dans la mesure où, à teneur du dossier, le précité n'était pas autorisé à exécuter lesdits mandats, expressément confiés au prévenu, ce que ce dernier savait parfaitement.

De même, et contrairement à ce qu'a pu soutenir le prévenu, B______ a bel et bien pris connaissance des messages que ce dernier lui a adressés les 16 novembre 2018, 31 janvier et 4 février 2019, au vu des réponses apportées auxdits messages, lesquels n'ont en outre jamais été supprimés, de sorte que B______ a potentiellement pu utiliser ces informations à d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui avaient été adressées.

Sous l'angle des éléments constitutifs subjectifs, le Tribunal a acquis la conviction que le prévenu a agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel.

Il n'y a en effet pas de place pour la négligence, dans la mesure où les explications du prévenu, selon lesquelles une partie des renseignements contenus dans les extraits de fichiers C______ aurait été adressée par erreur à B______, auquel il n'avait coutume d'envoyer que la photographie des personnes concernées, ne résistent pas à la critique. Le Tribunal en veut pour preuve que dans le cas d'E______ le 4 février 2019, le prévenu a dans un premier temps adressé une photographie de l'intéressée à B______ et ce n'est que dans un second temps, qu'il lui a transmis un extrait du fichier C______ la concernant. Il s'ensuit que l'intention du prévenu d'adresser à B______ également une partie des informations confidentielles concernant les travailleuses du sexe concernées n'est guère douteuse.

A cela s'ajoute le fait que, si le prévenu avait réellement commis une erreur, comme il le soutient, il se serait assuré auprès de B______ que les envois problématiques avaient été bel et bien effacés, notamment en lui adressant juste après ces envois un message pour lui demander de les supprimer. Or, aucun message dans ce sens n'a été retrouvé dans le téléphone portable de B______.

Le prévenu n'a pas non plus été dans l'erreur quant à l'illicéité de son comportement. Policier en fonction depuis de nombreuses années, le prévenu était au bénéfice d'une solide expérience professionnelle. Il n'ignorait pas, pour avoir travaillé la majeure partie de sa carrière dans le secteur des V______, que les renseignements concernant les travailleuses du sexe étaient éminemment confidentiels, y compris au sein même de la police. Au demeurant, il était régulièrement rappelé aux policiers et, partant, au prévenu, au moyen de bulletins et de directives, que l'usage de la messagerie What's App dans le cadre de l'exercice de leur profession, de même que la divulgation à des tiers d'informations découlant des ressources institutionnelles métier, étaient susceptibles de conduire à des constats de violation du secret de fonction.

A cela s'ajoute que la bonne exécution des tâches qui lui étaient confiées et, partant, la poursuite des intérêts de l'Etat, ne saurait justifier une violation du secret de fonction.

En définitive, le prévenu ne pouvait pas, au vu de ses fonctions et de sa longue expérience au sein de la police, ignorer qu'en transmettant les informations litigieuses à B______, il violait son secret de fonction, ce qu'il a accepté, en toute connaissance de cause.

Le prévenu sera ainsi reconnu coupable de violation du secret de fonction au sens de l'art. 320 ch. 1 al. 1 CP.

3. 3.1.1. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1.; 136 IV 55 consid. 5; 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6; arrêt 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

3.1.2. À teneur de l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3000.- au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à CHF 10.-. Le juge fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune de son mode de vide, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

3.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.1.4. Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis ou du sursis partiel, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5).

3.1.5. Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 (art. 42 al. 4 CP).

Sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de 10'000 francs (art. 106 al. 1 CP). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (art. 106 al. 2 CP). Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP).

3.1.6. Selon l'art. 46 al. 1 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Si la peine révoquée et la nouvelle peine sont de même genre, une peine d'ensemble est fixée en application par analogie de l'art. 49.

S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (art. 46 al. 2 CP).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu est relativement importante. Il s'en est pris au bon fonctionnement des institutions publiques et à la protection de la sphère privée garantie à chaque citoyen, en transmettant, par messages, des informations sensibles concernant des travailleuses exerçant une profession dans laquelle elles sont particulièrement vulnérables, données qu'il avait obtenues dans le cadre de ses fonctions de policier.

Son mobile est égoïste. Il a agi par pure convenance personnelle, dans le but de résoudre rapidement ses enquêtes, sans se soucier des conséquences potentielles de la transmission de telles informations à un tiers, et sans considération aucune pour le droit à la protection des données des personnes concernées, le terme récurrent de « filles », utilisé pour les désigner, étant particulièrement parlant à cet égard.

La situation personnelle du prévenu n'excuse ni ne justifie son comportement. Au contraire, ses très nombreuses années d'expérience dans la police, qui plus est pour la majorité d'entre elles dans un quartier sensible, auraient dû l'amener à adopter une prudence particulière dans ses agissements.

La collaboration du prévenu a été mauvaise, dès lors qu'il n'a eu de cesse de tenter de justifier et de légitimer ses agissements.

Sa prise de conscience de la gravité de ses agissements est inexistante. En effet, le prévenu a persisté à contester toute faute, et ne s'est absolument pas remis en question, les excellents résultats qu'il a obtenus de cette manière justifiant, selon lui, les moyens utilisés.

Le prévenu a un antécédent judiciaire, non spécifique.

Au vu de l'ensemble des circonstances, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende. Le montant du jour-amende sera fixé, conformément à sa situation personnelle et économique, à CHF 170.-. Il sera mis au bénéfice du sursis, dont il remplit les conditions. Le délai d'épreuve sera fixé à 4 ans.

En revanche, compte tenu de l'absence totale de prise de conscience du prévenu considérant au contraire avoir très bien agi et du fait, qu'étant encore en fonction, un risque de récidive existe, une amende de CHF 2'040.- (10'200.- x 20%) sera prononcée à titre de sanction immédiate.

Enfin, le Tribunal renoncera à révoquer le sursis octroyé le 7 décembre 2016, considérant que l'amende à titre de sanction immédiate prononcée devrait être suffisante pour le dissuader de récidiver.

4. 4.1. En application de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

4.2. En l'espèce, vu l'issue de la procédure, le prévenu sera débouté de ses conclusions en indemnisation.

5. Le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, y compris à un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP et 9 al. 2 RTFMP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 170.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 4 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 2'040.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 12 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 7 décembre 2016 par la Chambre pénale d'appel et de révision (art. 46 al. 2 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'109.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Dorianne FISCHLI

La Présidente

Delphine GONSETH

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

1500.00

 

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

 

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

 

Emolument de jugement

CHF

500.00

 

Etat de frais

CHF

50.00

 

 

Total

CHF

2'109

 

==========

 

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil,
Me
A______
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale