Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/466/2024 du 03.10.2024 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1411/2024-CS DCSO/466/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 3 OCTOBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/1411/2024-CS) formée en date du 25 avril 2024 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______
______
______ [VD].
- B______ SA
c/o C______ SA
______
______ [ZH].
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Du 1er mai 2017 au 31 octobre 2022, A______ a pris à bail un appartement de 5 pièces et une place de parking sis rue 1______ no. ______ à D______ [GE], propriété de B______ SA.
b. B______ SA a requis le 21 février 2023 la poursuite de A______, à l'adresse susmentionnée, en recouvrement de 15'320 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le 22 février 2023 à titre de loyers des mois de juin à octobre 2022, 78 fr. de frais de rappel, 428 fr. 12 d'intérêts courus au 21 février 2023 et 895 fr. de frais de dossier.
c. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a émis le 27 février 2023 un commandement de payer, poursuite n° 2______.
d. L'Office a rendu le 7 mars 2023 une décision de non-lieu de notification dudit commandement de payer, le débiteur ayant déménagé hors du canton de Genève depuis le 1er novembre 2022 pour une adresse inconnue.
La créancière n'a pas formé de plainte contre cette décision, de sorte qu'elle est définitive et exécutoire.
e. A______ allègue avoir pris connaissance de l'existence de la poursuite n° 2______ lors d'un passage dans les locaux de l'Office, en novembre 2023, et aurait immédiatement indiqué aux employés de l'Office qu'il souhaitait faire opposition.
B. a. Par acte expédié le 25 avril 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ forme une plainte contre cette poursuite au motif qu'elle est abusive. Il conclut à ce que B______ SA donne contrordre à la poursuite, subsidiairement au prononcé de son annulation, et plus subsidiairement encore à ce que la Chambre lui octroie un délai pour former opposition au commandement de payer. Il conclut encore à ce que toute autre mesure soit ordonnée pour radier l'inscription illicite de la poursuite.
Il expose en substance que, "malgré plusieurs procédures", l'inscription de cette poursuite est toujours active dans les registres de l'Office, même si elle est mentionnée comme "sans suite" faute de notification. Il invoque le fait que sa créancière avait requis la poursuite à une adresse qu'elle savait ne plus être la sienne et savait qu'il n'était plus domicilié à Genève, mais en France, depuis décembre 2022 puisqu'elle avait demandé une attestation auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après OCPM) le 13 décembre 2022. Le plaignant allègue également que sa créancière aurait fait pression sur lui pour qu'il donne instruction de libérer en ses mains la caution souscrite afin qu'elle donne contrordre à la poursuite. Il a demandé le 30 décembre 2023 à ce qu'un contrordre soit donné à la poursuite. B______ SA a finalement déposé une demande en paiement auprès du Tribunal des baux et loyers le 26 janvier 2024 portant sur des montants différents de ceux réclamés dans la poursuite attaquée.
b. Dans ses observations du 28 mai 2024, l'Office s'en est rapporté à la justice sur le caractère abusif de la poursuite. Il relevait notamment que le créancier disposait toujours de l'action en constatation de l'inexistence de la dette s'il souhaitait faire radier la poursuite. En outre, aucune opposition n'était possible dans le cadre d'une poursuite qui avait été éteinte par le non-lieu de notification.
c. Dans ses déterminations du 28 mai 2024, B______ SA conclut à l'irrecevabilité de la plainte pour tardiveté faute d'avoir été déposée dans les dix jours suivant la découverte de la poursuite litigieuse, subsidiairement à son rejet en l'absence de caractère abusif de cette poursuite.
En substance, elle prétend que les montants en poursuite sont dus et correspondent en grande partie à ceux réclamés dans le cadre de sa demande en justice en paiement du 26 janvier 2024, contrairement à ce que soutient le plaignant. La poursuite entreprise a par conséquent pour objectif le recouvrement de loyers dus et permet d'interrompre la prescription. S'agissant de conclusions en obtention d'un contrordre de la créancière, en restitution du délai d'opposition et en prononcé de mesures tendant à mettre fin à une poursuite illicite, la créancière soutient qu'elles sont irrecevables et infondées, sans motiver sa position.
d. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 29 mai 2024 que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Tel est le cas, selon la jurisprudence, des poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1).
1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).
Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).
1.3 A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).
1.4 En l'occurrence, la plainte n'est pas motivée et peu compréhensible s'agissant des conclusions en octroi d'un délai pour former opposition, en prononcé de toute mesure visant à mettre fin à une inscription illicite et en injonction à la créancière de donner contrordre à la poursuite. Ces conclusions sont irrecevables pour ce seul motif.
Hormis le grief de la poursuite abusive, qui entraîne la nullité de la poursuite et peut être invoqué en tout temps, les griefs du plaignant interviennent plus de 10 jours après qu'il a eu connaissance de la poursuite, de sorte que la plainte est tardive et irrecevable pour tous les autres griefs que celui fondé sur l'abus de droit.
Pour le surplus, l'intérêt à la plainte est douteux. Le plaignant semble vouloir obtenir la radiation de la poursuite ou à tout le moins la non-communication de la poursuite à des tiers au sens de l'art. 8a LP. Or, l'Office ayant constaté le non-lieu de notification du commandement de payer faute de domicile à Genève du débiteur, a en réalité constaté l'absence de for de poursuite à Genève et l'absence de notification du commandement de payer au débiteur, soit des motifs de nullité ou d'annulation de la poursuite (ATF 128 III 101 consid. 2; 110 III 11 consid. 2; 96 III 89 consid. 2; 88 III 7 consid. 3; 83 II 41 consid. 5; 82 III 63 consid. 4; arrêts 5A_333/2017 du 4 août 2017 consid. 3.2; 5A_489/2013 du 15 janvier 2014 consid. 1; 5A_6/2008 du 5 février 2008 consid. 3.2; DCSO/416/2017 du 17 août 2017 consid. 2; DCSO/64/2016 du 11 février 2016 consid. 2; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 20 ad art. 72), lesquels impliquent qu'elle ne doit vraisemblablement pas être communiquée à des tiers (art. 8a al. 3 let. a LP). La plainte ne revêt ainsi aucun intérêt pour le plaignant, celui-ci ayant déjà obtenu par la décision de non-lieu de notification le résultat recherché par la plainte. Elle est par conséquent probablement irrecevable pour ce motif également.
Le grief fondé sur le caractère abusif de la poursuite sera examiné à toute bonne fin ci-après.
2. 2.1 La nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, lorsque par esprit de chicane il requiert une poursuite pour un montant manifestement trop élevé, lorsqu'il reconnaît, devant l'Office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur, ou encore lorsqu'il requiert la poursuite en contradiction avec des attentes suscitées chez l'autre partie, par exemple en introduisant un nouvelle poursuite alors que des pourparlers sont sur le point d'aboutir en vue du retrait d'une poursuite précédente portant sur la même créance (venire contra factum proprium). L'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1, JdT 2015 II 298; 130 II 270 consid. 3.2.2; 115 III 18 consid. 3b, JdT 1991 II 76; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; décision de la Chambre de surveillance DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b). En revanche, celui qui poursuit son débiteur dans le seul but d'interrompre la prescription ne commet en principe pas d'abus de droit, la notification d'un commandement de payer représentant un moyen légal pour ce faire (art. 135 ch. 2 CO; arrêt du Tribunal fédéral 5A_250/2015 précité consid. 4.2 in fine; Peter, Interrompre la prescription par une poursuite, in BlSchK 2018 p. 175 ss, 179 in fine).
La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la créance litigieuse. L'autorité de surveillance – tout comme l'office – n'est en effet pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire. Le débiteur doit utiliser les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite, l'action en constatation de l'inexistence de la dette ou l'action en répétition de l'indu. L'Office ne peut ainsi exiger des explications sur la nature de la prétention ni refuser d'émettre un commandement de payer, même si la cause de la créance semble peu plausible voire imaginaire. Il est donc pratiquement exclu que le créancier obtienne de manière abusive l'émission d'un commandement de payer (ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée; 115 III 18 consid. 3b, JdT 1991 II 76; 113 III 2 consid. 2b, JdT 1989 II 120; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1, 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1, 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3, 5A_595/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5).
2.2 En l'occurrence, la poursuite vise le recouvrement de loyers dont le plaignant ne prétend même pas qu'ils ne seraient pas dus. La poursuite ayant fait l'objet d'un non-lieu de notification, la créancière a déposé une demande en paiement contre le débiteur portant sur les mêmes montants. Il découle de ces circonstances que par la poursuite entreprise, la créancière a tenté sérieusement de recouvrer des montants qu'elle estimait lui être dus et n'a pas agi dans le seul but de nuire au plaignant, de faire pression sur lui ou de le tourmenter. La créancière n'a par conséquent pas requis abusivement la poursuite.
2.3 La plainte devrait par conséquent en tout état être rejetée si elle avait été recevable.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le 25 avril 2024 par A______ contre la poursuite n° 2______.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.