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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2297/2025

JTAPI/749/2025 du 09.07.2025 ( MC ) , REJETE

recours terminé sans jugement

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER
Normes : LEI.80.al5; LEI.80.al6; LEI.76.al4; LEI.79.al1; LEI.80.al4; LEI.80.al6.let1; LEI.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2297/2025 MC

JTAPI/749/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 juillet 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2001, lequel prétendait s'appeler B______ avant d'être formellement identifié par les autorités tunisiennes le 17 octobre 2024, est originaire de Tunisie.

2.             Il est défavorablement connu de la justice pénale suisse et plus particulièrement genevoise. Le Ministère public genevois l'a ainsi condamné : par ordonnance pénale du 30 novembre 2023, pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ; par ordonnance pénale du 14 janvier 2024, pour violation de domicile au sens de l'art. 186 du code pénal suisse (CP ; RS 311.0 - infraction commise à réitérées reprises), pour vol simple d'importance mineure (art. 139 ch. 1 cum art. 172ter CP ; infraction commise à réitérées reprises) et pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (loi sur les stupéfiants, LStup ; RS 812.121).

3.             Le 11 mars 2024, M. A______ a été arrêté par les services de police genevois après avoir été observé procéder à un échange de main à main avec un tiers, sur la rue de la Cité-Corderie, rue connue pour le trafic de stupéfiants. Le tiers précité, immédiatement intercepté par la police après la transaction, a reconnu avoir acheté 1,4 gr de marijuana à M. A______ contre la somme de CHF 8.70.

4.             Celui-ci démuni de document d'identité authentique, mais en possession d'un petit morceau de haschich de 0,l gr de marijuana pour un poids total brut de 0,1 gr des sommes de CHF 68.20 et EUR 15.02, a en substance déclaré qu'il n'avait pas vendu de produits stupéfiants et qu'il ne se livrait pas au trafic de drogue. Il a en revanche admis consommer du haschisch quatre fois par semaine. Il se fournissait dans le quartier des B______. Il se trouvait à Genève depuis huit mois et, pour subvenir à ses besoins, rendait, contre rémunération, des petits services. Il dormait dans des foyers ou chez des amis. Il n'avait aucun lien avec la Suisse.

5.             Sur ordre du commissaire de police, M. A______ a été mis à disposition du Ministère public pour infractions à la LStup et à la LEI, lequel l'a condamné, par ordonnance pénale du 12 mars 2024, pour les faits ayant conduit à son arrestation, puis remis en liberté.

6.             Le même jour, soit le 12 mars 2024, le commissaire de police a fait interdiction à M. A______ de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois.

7.             Le 18 mars 2024, l'intéressé a été interpellé par la police genevoise, à la rue du Mont-Blanc, puis mis à disposition du Ministère public par le commissaire de police pour ne pas avoir respecté la mesure d'éloignement précitée. L'intéressé a définitivement été condamné pour ces faits, soit, notamment, pour infraction à l'art. 119 LEI, par jugement du 26 novembre 2024 du Tribunal de police dans le cadre de la procédure pénale P/7128/2024.

8.             Par décision exécutoire nonobstant recours du 19 mars 2024, remise en mains propres à l'intéressé le même jour avant qu'il ne soit libéré par le Ministère public, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse, de l'espace Schengen et du territoire des Etats membres de l'Union européenne en lui impartissant un délai immédiat pour s'exécuter.

9.             Par ordonnance pénale du 16 mai 2024, l'intéressé, demeuré en Suisse et ayant derechef pénétré dans le canton de Genève, à tout le moins le 15 mai 2024, date à laquelle il a été interpellé par la police à la promenade de l'Europe, a été condamné par le Ministère public pour non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 119 al. 1 LEI, exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. e LEI), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

10.         Le 11 juin 2024, l'intéressé, n'ayant donné suite ni à la décision de l'OCPM ni à l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève dont il faisait l'objet, a été arrêté par la police genevoise et été mis à disposition du Ministère public. L'intéressé a été condamné pour ces faits, soit, notamment, pour infraction à l'art. 119 LEI, par jugement définitif et exécutoire du 26 novembre 2024 du Tribunal de police dans le cadre de la procédure P/1______.

11.         Le 12 juin 2024, avant qu'il ne soit remis en liberté par le Ministère public, l'intéressé s'est vu notifier l'interdiction d'entrée sur le territoire helvétique prise à son encontre le 26 avril 2024 par le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) et valable jusqu'au 25 avril 2028.

12.         Le 22 juin 2024, l'intéressé a une fois de plus été arrêté par les services de police genevois, au parc des Cropettes, cette fois, puis mis à disposition du Minière public, lequel a ouvert à son encontre la procédure P/1______ pour infraction, notamment, à l'art. 119 LEI, avant d'être écroué, le lendemain, soit le 23 juin 2025, à la prison de Champ-Dollon pour y subir une peine privative de liberté de 235 jours.

13.         Par communication du 23 octobre 2024, le SEM, dont le soutien avait été requis le 25 juillet 2024 par les autorités genevoises, a informé ces dernières que l'intéressé avait été identifié par les autorités tunisiennes sous l'identité de Monsieur A______, né le ______ 2001, et les a priées d'informer l'intéressé du résultat de son identification. Le SEM demandait encore aux autorités genevoises de lui communiquer le numéro de téléphone auquel l'Ambassade tunisienne pouvait le joindre en vue d'émission d'un laissez-passer en sa faveur, tout en précisant que ce document supplétif pourrait être obtenu dès qu'une date de vol aurait été fixée moyennant un délai d'annonce de trois semaines.

14.         Le 1er novembre 2024, l'intéressé a été auditionné par la Brigade Migration et Retour (ci-après : BMR), laquelle l'a informé qu'il avait été reconnu par les autorités tunisiennes sous l'identité précitée. Après avoir admis qu'il s'agissait bien de son nom, M. A______ a indiqué qu'il refusait de retourner en Tunisie, qu'il ne s'entretiendrait pas téléphoniquement avec son consulat et qu'il ne collaborerait pas en vue de son renvoi dans son pays d'origine. Il voulait quitter la Suisse par ses propres moyens. Il a affirmé avoir déposé ses empreintes en Autriche, ce qui, à teneur de l'extrait de l'EURODAC le concernant sollicité le même jour par la BMR, n'était pas le cas.

15.         Le 10 avril 2025, après que l'accord en ce sens par la direction de la procédure pénale P/2______ dirigée à rencontre de M. A______ eut au préalable été donné, les services de police genevois ont introduit, auprès de la Section swissREPAT du SEM, soit le service aéroportuaire gérant les entrées en Suisse et les départs de Suisse aux aéroports internationaux de Zurich-Kloten et de Genève-Cointrin, une demande en vue de l'obtention d'une place avec escorte policière (DEPA) à bord d'un avion à destination de la Tunisie dans les meilleurs délais.

16.         Par courrier du 16 avril 2025, le SEM a sollicité, auprès de l'Ambassade de Tunisie, la délivrance d'un laissez-passer en faveur de M. A______, tout en lui précisant, notamment, les modalités du vol de son retour dans son pays d'origine planifié pour le 8 mai 2025 au départ de Genève.

17.         Le 21 avril 2025, M. A______ a été libéré de la prison de Champ-Dollon et remis en mains des services de police en vue de l'exécution de son renvoi.

18.         Le 21 avril 2025, à 14h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 1, en lien avec l'art. 75 al. 1 let, b LEI ch. 3 et 4 LEI.

A cette occasion, l'intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie. Il n'était pas en bonne santé et suivait un traitement médical pour des maux de ventre et pour la tête. Il souhaitait partir de lui-même chez sa tante, à ______ (France).

19.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

20.         Entendu le 22 avril 2025 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il était désormais d'accord d'être renvoyé en Tunisie. Il était fatigué par ses mois de détention pénale et ne souhaitait pas subir trois mois supplémentaires de détention administrative. Il était d'accord de prendre le vol du 8 mai 2025 et de collaborer à cette fin, en vue de son refoulement. La prison le fatiguait et il était d'accord de partir où voulait le tribunal.

Sur question de son conseil, il avait subi neuf mois de prison en lien avec son séjour illégal et maintenant il lui faudrait faire encore trois mois de détention administrative. Cela pesait sur sa santé ; il n'arrivait pas à dormir, il faisait des cauchemars et il devait prendre des médicaments. Sa lecture du français n'était pas parfaite. Lorsqu'il avait indiqué le 21 avril 2025 qu'il souhaitait partir de lui-même chez sa tante à ______ (France), c'était parce qu'il pensait qu'on allait le relâcher après son audition. Depuis le prononcé de la décision de renvoi à son encontre, il était parti et revenu plusieurs fois en Suisse, notamment parce qu'il devait payer des amendes. Il continuait d'ailleurs de verser chaque mois CHF 100,- à cette fin. Il avait bien compris qu'il faisait également l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 25 avril 2028 et que suite à son renvoi en Tunisie, il ne pourrait plus revenir en Suisse avant cette date.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure un courriel de la BMR et ses annexes en vue de l'obtention d'un rapport médical dans le domaine du retour concernant M. A______. Le vol du 8 mai 2025 était confirmé et, à ce stade, ils n'attendaient plus que le laissez-passer ainsi que le rapport médical d'aptitude au vol. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Le conseil de l'intéressé a relevé que le français de son client était difficile à comprendre et qu'ils avaient du mal à se comprendre. Il a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative de son client et à sa mise en liberté immédiate, les conditions des art. 75 al. 1 let. b et 76 al 1 ch. 3 et 4 LEI n'étant en l'occurrence pas remplies. Son client n'était par ailleurs pas opposé à son renvoi. S'il avait pu dire le contraire, c'était parce qu'il n'avait pas compris ce qu'on lui demandait. Cela étant, il entendait s'opposer à la décision de renvoi prononcée à son encontre.

21.         Par jugement du ______ 2025 (JTAPI/3______), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 21 avril 2025 de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 20 juillet 2025 inclus.

22.         Le 6 mai 2025, le rapport médical évoqué par la représentante du commissaire de police lors de l'audience du 22 avril 2025 par-devant le tribunal et attestant de l'aptitude à voyager en avion sans accompagnement médical de M. A______ d'une validité de trois mois a été émis par le SEM.

23.         Par communication du 7 mai 2025, le SEM a informé la BMR du fait que le vol avec escorte policière du 8 mai 2025 réservé en faveur de l'intéressé - vol dont l'horaire avait été quelque peu modifié la veille - devait être annulé, dans la mesure où le laissez-passer nécessaire l'habilitant à voyager n'avait pas été délivré par les autorités tunisiennes. Le SEM continuait ses efforts pour obtenir ce document le plus rapidement possible.

24.         Le 9 mai 2025, à la demande du Service de la réinsertion et du suivi pénal, M. A______ a été transféré de l'établissement de Frambois à la prison de Champ-Dollon pour y purger une peine privative de liberté.

25.         Le 12 mai 2025, le SEM, interpellé par les autorités genevoises quant aux perspectives d'obtenir un laissez-passer pour M. A______ à plus ou moins court terme, leur a indiqué qu'il était « en train d'optimiser les processus avec l'Ambassade tunisienne » et qu'il les recontacterait dans le cadre de ce dossier dans le début de la semaine du 19 mai 2025.

26.         Arrivé au terme de sa peine privative de liberté le 18 mai 2025, M. A______ a été remis en mains des services de police.

27.         Le 18 mai 2025, à 14h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, reprenant en substance les motifs sur lesquels il avait fondé son ordre du 21 avril 2025.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie.

28.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

29.         Entendu le 20 mai 2025 par le tribunal, M. A______ a déclaré, sur question du tribunal, qu'il n'avait pas eu de contact ces derniers temps avec des représentants des autorités tunisiennes. Il n'avait pas non plus d’idée sur la raison pour laquelle la délivrance du laissez-passer avait pris du retard. Le tribunal attirait son attention sur le fait que selon le jugement du 22 avril 2025, il avait déclaré lors de l’audience du même jour qu'il était d’accord d’être renvoyé en Tunisie, alors qu'il avait déclaré lors de sa dernière audition par le commissaire de police qu'il y était opposé. M. A______ a expliqué à ce sujet qu'il était fatigué par ses mois de privation de liberté et qu'il souhaitait pouvoir retourner en Tunisie, mais seul et pas sous la contrainte. Si le tribunal le mettait en liberté en lui octroyant 24 heures pour quitter la Suisse, c’était ce qu'il ferait. Sur question du tribunal, de savoir s'il s'opposerait à un prochain renvoi sous escorte policière, il ne pouvait pas se prononcer clairement à ce moment. Il était entièrement partagé. Sur question de son conseil qui lui demandait si effectivement il serait entièrement partagé, il expliquait qu'il refuserait clairement un vol sous la contrainte. Sur interpellation du tribunal au sujet du fait qu’il lui semblait que ses déclarations n'étaient pas claires, il expliquait que toute cette période de privation de liberté lui avait fait exploser le cerveau et qu'il n’avait qu’un souhait qui était de pouvoir se rendre en France auprès de sa famille et de sa copine et ne plus causer d’ennuis en Suisse. Sur question du tribunal, il n'avait pas encore entamé de démarches pour régulariser sa situation en France. Il était simplement inscrit auprès d’une assurance. En France, étaient présents une tante et un cousin. Ils vivaient tous deux à ______ (France).

La représentante du commissaire de police a produit un message qu'elle avait reçu du SEM le 19 mai 2025 et dont il ressortait que l'on était à nouveau entré dans une période plus compliquée concernant les rapatriements de ressortissants tunisiens. Elle ignorait comment cette situation était traitée, mis à part le fait que c’était probablement au niveau diplomatique.

Le tribunal a indiqué à la représentante du commissaire de police qu'il souhaitait compléter l’instruction du dossier en obtenant des explications plus circonstanciées sur la ou les précédente(s) période(s) pendant lesquelles les rapatriements de ressortissants tunisiens avaient été rendus plus complexes par l’Ambassade de Tunisie. En particulier, il s’agirait de connaître la durée de ces périodes et le nombre de personnes en détention administrative au début de ces périodes ou mises en détention pendant, qui avaient pu être effectivement rapatriées avant la fin de ces périodes. Toute autre remarque spontanée à ce sujet serait bienvenue.

M. A______ s'est déclaré d’accord que son avocat le représente lors de la plaidoirie qui suivrait la clôture de l'instruction et il ne sollicitait pas de pouvoir y assister lui-même.

30.         Par courriel du 20 mai 2025, la représentante du commissaire de police a fait parvenir au tribunal un courriel précédemment reçu de la part du SEM le 23 avril 2025, dont il ressortait qu'il avait été à nouveau possible d'effectuer un vol DEPA et un vol DEPU en février 2025. Trois autres vols DEPA et trois vols DEPU avaient suivi en mars. En avril, il avait été possible d'effectuer jusqu'à présent deux vols DEPA. Des annulations par le Consulat tunisien pouvaient toujours survenir, mais en règle générale, les vols DEPU et DEPA pouvaient à nouveau être effectués.

31.         Ce courriel a été transmis le jour même au conseil de M. A______.

32.         Par courriel du 21 mai 2025, la représentante du commissaire de police a adressé au tribunal copie d'un courriel du SEM du même jour.

Selon ce document, après une période d'amélioration (nombre de laissez-passer délivrés en hausse et organisation d'un vol spécial), le SEM avait constaté à nouveau que l'Ambassade de Tunisie examinait minutieusement chaque cas de retour non volontaire avant d'établir un laissez-passer, ce qui avait récemment mené à l'annulation de certains vols. L'Ambassade de Tunisie indiquait également que la non délivrance des laissez-passer était liée à un manque de ressources en personnel, qui retardait l'instruction des dossiers. Une solution était activement recherchée avec le partenaire tunisien afin d'optimiser le processus d'obtention des documents, afin que des annulations de vols soient les plus rares possible à l'avenir. Dans l'intervalle, le SEM entreprenait des démarches à plusieurs niveaux afin d'obtenir une meilleure coopération de la part de l'Ambassade de Tunisie. La liste des cas en suspens, dont celui de M. A______, avait été thématisée lors d'une récente intervention auprès de cette Ambassade, qui avait indiqué qu'une réponse serait prochainement apportée. D'expérience, dans une constellation telle que celle de l'intéressé, où la personne était jeune, n'avait pas de lien familial étroit en Suisse et n'avait pas non plus de problème de santé, la délivrance de laissez-passer par la partie tunisienne n'était qu'une question de temps. Il n'était pas possible de donner de réponse à la question concernant le nombre de personnes en détention administrative qui avaient pu être effectivement rapatriées avant la fin de ces périodes, étant donné que ces données statistiques n'étaient pas répertoriées. La précédente période plus complexe avait eu lieu en 2024. Le report d'opérations de retour avait été causé par une rotation et une nécessité d'adaptation du nouveau personnel au sein de l'Ambassade de Tunisie. Suite à des discussions et réunions régulières avec cette dernière, ainsi qu'avec les ministères compétents en Tunisie, les opérations avaient pu reprendre dès le premier trimestre 2025, avec entre autres l'organisation d'un vol spécial à la fin du mois de janvier 2025.

33.         Ce courriel et le document annexé ont été transmis le jour même au conseil de M. A______.

34.         Lors de l'audience du 22 mai 2025, la représentante du commissaire de police a plaidé et demandé la confirmation de l'ordre de remise en détention pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu principalement à l'annulation de l'ordre de mise en détention et à la levée immédiate de la détention de ce dernier, et subsidiairement à ce que la durée de la détention soit réduite à six semaines au maximum.

35.         Par jugement du ______ 2025 (JTAPI/4______), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 18 mai 2025 à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 17 août 2025 inclus.

36.         Par requête du 27 juin 2025, réceptionné par le tribunal le 30 juin 2025, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté.

37.         Le 8 juillet 2025, l'OCPM a transmis au tribunal la confirmation d'un vol en faveur de M. A______ à destination de la Tunisie pour le 10 juillet 2025 ainsi que le laissez-passer délivré par les autorités tunisiennes.

38.         Lors de l'audience de ce jour devant le tribunal, M. A______ a confirmé sa demande de mise en liberté. Il n'avait pas eu connaissance du fait qu'un vol avait été réservé pour le jeudi 10 juillet 2025, mais il n'était pas d'accord de prendre ce vol. S'il avait déposé une demande de mise en liberté, c'est parce qu'il souhaitait se rendre en Italie. Il n'avait pas d'autorisation de séjourner en Italie, il comptait entreprendre les démarches. Sur question du tribunal, il était indiqué A______ comme nom de famille sur les documents déposés ce jour car c'était le nom qu'il avait indiqué aux autorités italiennes. S'il était libéré, il se rendrait immédiatement en Italie. Il ne souhaitait pas retourner en Tunisie car il avait des problèmes là-bas avec sa famille.

Le conseil de l'intéressé a versé des pièces à la procédure, soit un certificat d'attribution d'un code fiscal italien du 27 octobre 2022 et une proposition de contrat de travail du 1er juillet 2025. Il a conclu à la mise en liberté immédiate de son client.

La représentante de l'OCPM a conclu à l'irrecevabilité de la demande de mise en liberté, subsidiairement à son rejet.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______, le 27 juin 2025 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

4.            Selon l'art. 80 al. 6 LEI, la détention est levée dans les cas suivants :

a. le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ;

b. la demande de levée de la détention est admise ;

c. la personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.

5.            Selon l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (« principe de célérité ou de diligence »).

6.            Le principe de célérité est considéré comme violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune mesure en vue du renvoi ou de l'expulsion n'a été effectuée par les autorités compétentes de droit des étrangers (cantonales ou fédérales), sauf si le retard est imputable en premier lieu au comportement des autorités étrangères ou de l'étranger concerné (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 7.1, les deux avec les arrêts cités). Les autorités ne peuvent toutefois se prévaloir du manque de collaboration de l'étranger que pour autant qu'elles-mêmes ne soient pas restées inactives (ATF 139 I 206 consid. 2.3). En d'autres termes, le manque de collaboration de l'étranger ne justifie pas l'inactivité des autorités, qui doivent mener la procédure de renvoi avec sérieux et insistance (ATF 139 I 206 consid. 2.3). À cet égard, les autorités ne sont pas tenues de procéder schématiquement à certains actes mais doivent prendre des dispositions ciblées conçues pour faire avancer l'exécution du renvoi (ATF 139 I 206 consid. 2.1). Elles doivent en particulier tenter d'établir l'identité de l'étranger et d'obtenir rapidement les documents nécessaires à son renvoi, même sans la collaboration de l'intéressé (ATF 139 I 206 consid. 2.3 et la référence citée). Elles doivent aussi relancer les autorités étrangères et non pas se contenter d'attendre passivement que celles-ci se manifestent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.2 et les références citées).

7.            Un constat de violation du principe de célérité conduit en principe à la libération du détenu (ATF 139 I 206 consid. 2.4).

8.            Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

9.            Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

10.        Comme énoncé ci-dessus, celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI.

11.        Selon ces dispositions, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (al. 2), n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3) et ne peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

12.        L'impossibilité peut être juridique (refus de l'État d'origine de reprendre la personne; ATF 125 II 217 consid. 2 = RDAF 2000 I 811) ou matérielle (état de santé grave et durable ne permettant pas de transporter la personne). La jurisprudence fédérale exige qu'un pronostic soit établi dans chaque cas. Si l'exécution dans un délai prévisible paraît impossible ou très improbable, la détention doit être levée (ATF 127 II 168 consid. 2c = RDAF 2002 I 390 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.312/2003 du 17 juillet 2003 ; ATA/92/2017du 3 février 2017 consid. 5b).

13.        L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018).

14.        En l’espèce, s'agissant de la légalité de la détention de M. A______, confirmée à plusieurs reprises par le tribunal, et la dernière fois par jugement du 22 mai 2025, elle ne saurait être remise en cause sur le principe, aucun changement pertinent n’étant intervenu depuis lors dans sa situation.

15.        La proportionnalité de sa détention doit également être retenue, en l’absence de circonstance nouvelle justifiant une autre appréciation, et étant souligné que dans le cadre de la présente procédure, l’intéressé a une nouvelle fois indiqué ne pas vouloir retourner en Tunisie. De plus, il n'était au bénéfice d'aucune autorisation lui permettant de se rendre en Italie et d'y séjourner dans la légalité.

Pour le surplus, un vol a été réservé pour le 10 juillet 2025 et un laissez-passer a été versé au dossier, ce qui démontre que les autorités ont agi avec diligence et célérité. Ainsi, sa détention pourrait prendre fin à cette date si l'intéressé prenait le vol à destination de la Tunisie.

16.        Le maintien en détention administrative de M. A______ apparait ainsi toujours comme la seule mesure susceptible d'assurer sa disponibilité effective au moment de l'exécution du renvoi et le tribunal retiendra qu'il n’existe aucune impossibilité à l’exécution du renvoi de l’intéressé, renvoi qui demeure par ailleurs exigible.

17.        Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 17 août 2025 inclus, date jusqu'à laquelle elle a été prolongée selon jugement du tribunal du 22 mai 2025.

18.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 27 juin 2025 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 17 août 2025 inclus ;

3.             dit qu’il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Kristina DE LUCIA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière