Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/315/2025 du 26.03.2025 ( ICCIFD ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
| république et | canton de genève | |||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 26 mars 2025
| ||||
dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Stéphanie FONTANET et Me Bénédict FONTANET, avocats, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige concerne les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende des périodes fiscales 2013 et 2014.
2. Monsieur B______ exerce une activité indépendante de consultant, consistant notamment à promouvoir le groupe de sociétés C______
(ci-après : le groupe) qu’il a fondé en 1997 et dont il est l’actionnaire unique.
3. Ce groupe comprend notamment la société D______ et ses cinq filiales : E______, F______, G______, H______ et I______, toutes sises aux Seychelles.
E______ détient à son tour six filiales situées à Maurice (J______, K______, L______, M______, N______ et O______), une filiale sise aux Seychelles (P______) et une filiale sise en Suisse, (Q______).
R______, quant à elle, détient trois filiales sises à Maurice (S______, T______ et U______) et une succursale à Genève, inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) depuis le ______ 2013, sous le nom de R______, Port-Louis, succursale de Genève.
A teneur du RC, le but social de cette dernière et celui d’Q______ sont identiques. Le contribuable en est le directeur, respectivement l’administrateur (avec signature individuelle).
4. A teneur du site internet du groupe (______), « ______ ».
A propos du groupe, ce site indique : « ______ ».
5. Dans sa déclaration fiscale 2013, déposée en octobre 2014, le contribuable a indiqué un revenu imposable nul et une fortune nette de CHF 100'466.-, dont les valeurs de ses participations dans les sociétés suivantes :
- D______ (CHF 600'000.-) ;
- Q______ (CHF 1.-) ;
- V______ Ltd (CHF 1.-).
Il a par ailleurs déclaré une créance (privée) envers D______ de CHF 328'872.-.
Selon les comptes 2013 de son activité indépendante, des « honoraires » de CHF 236'953.- représentaient ses seules recettes, desquelles étaient soustraits notamment des « frais de déplacement, voyages », dont le montant (CHF 31'256,42) était le plus élevé par rapport à ceux des autres charges comptabilisées. Le bénéfice net de l’exercice 2013 s’élevait ainsi à CHF 156'475,38.
6. Par bordereaux du 27 avril 2015, l’administration fiscale cantonale (ci-après :
AFC-GE) a taxé le contribuable sur un revenu nul et une fortune de CHF 251'884.-. Ces bordereaux, non contestés, sont entrés en force.
7. Dans sa déclaration fiscale 2014, qu’il a déposée en octobre 2015 conjointement avec son épouse, Madame A______, le contribuable a indiqué des revenus imposables de CHF 115'061.- en ICC et de CHF 159'072.- en IFD et une fortune nette de CHF 68'529.-. Il a mentionné uniquement sa participation dans D______ (CHF 600'000.-), à l’exclusion de sa créance envers elle (déclarée en 2013 pour CHF 328'872.-) et des participations dans d’autres sociétés.
A teneur des comptes 2014 de son activité indépendante, il avait encaissé des « honoraires » pour CHF 309’595.-. Les « frais de déplacement, voyages » s’élevaient à CHF 42'946,45. Le bénéfice net de l’exercice 2014 se montait ainsi à CHF 206'156,84.
8. Par bordereaux du 18 avril 2016, l’AFC-GE a taxé les époux sur un revenu de CHF 118'679.- (CHF 162'600.- pour l’IFD) et une fortune de CHF 68'543.-. Ces bordereaux, non contestés, sont entrés en force.
9. Répondant aux demandes de renseignements que l'AFC-GE leur avait adressées dans le cadre de l’instruction de leurs taxations pour les années 2015 à 2018, les contribuables ont notamment produit diverses pièces comptables de D______ et de ses filiales, dont les états financiers 2014 d’E______ (dûment signés) indiquant les recettes suivantes : « Dividende Income » de CHF 216'897.-, « Management fees » de CHF 222'438.- et « Other income » de CHF 3'272.-. Ses seules charges étaient : « Licence fees » de CHF 118.-, « Exchange loss » de CHF 32'782.- et « Bank charges » de CHF 135.-. Il en ressortait par ailleurs que cette société était active dans l’administration de participations, n’employait pas de personnel et tenait sa comptabilité en CHF.
10. En février 2022, l'AFC-GE a effectué un contrôle dans les bureaux genevois de l’activité indépendante du contribuable et des entités genevoises du groupe, Q______ et R______.
11. En février et juin 2023, les parties se sont entretenues dans les locaux de l'AFC-GE.
Les « rapport[s] d’entretien » y relatifs établis par cette dernière sont versés au dossier. Leur teneur sera reprise, en tant que de besoin, dans la partie en droit.
12. Par courriers du 12 juillet 2023, l'AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture de procédures de rappel et de soustraction des ICC et IFD 2013 et 2014, au motif que le contribuable n’aurait pas été suffisamment rémunéré pour ses prestations fournies à des sociétés du groupe, et requis la production des états financiers complets 2013 et 2014 des sociétés faîtières D______ et « V______ Ltd » et de leurs filiales.
13. Le 16 octobre 2023, les contribuables ont indiqué à l'AFC-GE que les états financiers requis n’étaient plus « disponibles », la législation mauricienne n’imposant l’obligation de les garder que pour une durée de sept ans. L’impossibilité de fournir ces documents n’était pas due à une faute du contribuable, d’autant qu’il avait collaboré pleinement tout au long de la procédure.
14. Par acte du 25 octobre 2023 (enregistré sous le n° de cause A/3495/2023), les contribuables ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE relatives aux bordereaux de taxation des années 2015 à 2018.
15. Par pli du 30 octobre 2023, l'AFC-GE a notifié au contribuable des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2013, fondés sur la reprise des recettes de CHF 225'710.- qu’il avait réalisées en tant qu’indépendant, en lien avec E______.
16. Par pli du même jour, l'AFC-GE a notifié aux époux les bordereaux de rappel des ICC et IFD 2014 et, au contribuable uniquement, les bordereaux d’amende pour la soustraction de ces impôts. Ces bordereaux étaient fondés sur la même reprise que celle retenue pour 2013 (CHF 225'710.- en lien avec E______).
17. Le 23 novembre 2023, les contribuables ont formé réclamation contre ces bordereaux.
Ils ont exposé contester notamment les reprises en lien avec les prix de transfert (sans en indiquer les motifs) et requis une « décision motivée » à ce sujet, précisant que leur réclamation portait également sur « tous les éléments repris » et sur les amendes et qu’il leur était impossible de produire les états financiers 2013 et 2014 de D______ et de ses filiales, ces documents n’étant plus disponibles.
18. Par décisions sur réclamation du 31 janvier 2024, l'AFC-GE a maintenu les bordereaux contestés.
Depuis 2001, le contribuable exerçait, à titre d’indépendant, une activité pour son groupe de sociétés, consistant en particulier à prodiguer des conseils en matière de marketing, grâce auxquels ce groupe maintenait et accroissait sa clientèle. Il se rendait trois à quatre fois par an à Maurice et en Afrique du Sud et comptabilisait les frais de déplacement y relatifs. Il était à l'origine de la clientèle du groupe et la maintenait via son activité indépendante, ce qui était corroboré notamment par son affirmation que tout acheteur potentiel du groupe voudrait qu’il poursuive son activité pendant trois ans, afin d’éviter une perte de la clientèle. Il effectuait en effet toutes les activités de conseil dont bénéficiait la clientèle du groupe. La rémunération en lien avec cette activité devait lui revenir sous forme de revenu de l’activité indépendante.
E______, domiciliée dans une « juridiction offshore », n’avait pas de substance, puisqu’elle n’y disposait pas de personnel, ni de locaux. Or, elle avait comptabilisé les recettes litigieuses découlant de l’activité qu’elle ne pouvait pas accomplir. Aucune refacturation n’avait été effectuée pour cette activité accomplie pour la clientèle d’une société du groupe, soit M______ (Maurice). Seul le contribuable ayant effectué cette activité, les recettes en découlant devaient être comptabilisées dans son activité indépendante.
Les produits comptabilisés dans E______ remontaient dans la société faitière seychelloise du groupe, D______, puis étaient distribués au contribuable sous forme de dividendes. Ainsi, ces revenus étaient imposés partiellement, alors qu’ils devaient l’être pleinement, dès lors qu’ils découlaient de l’activité indépendante du contribuable.
A défaut des états financiers d’E______ pour l’exercice 2013, qui auraient permis de connaitre les recettes à reprendre pour cette année, il y avait lieu de retenir celles comptabilisées en 2014 (CHF 225’710.-). Ce montant correspondait d’ailleurs à la moyenne des reprises effectuées pour les années 2015 à 2018, en lien avec les entités seychelloises.
Elle avait tenu compte tant d’une déduction pour cotisations à l’AVS (11 %) que de la dette fiscale en cause.
Les produits litigieux n’avaient pas été comptabilisés dans la bonne structure, soit l’activité indépendante, ce qui avait réduit son bénéfice imposable. Les amendes étaient donc justifiées et leur quotité était fixée à 0,5 fois les suppléments d’impôt, compte tenu de la négligence et de la bonne collaboration du contribuable.
19. Par acte du 1er mars 2024 (enregistré sous le n° de cause A/743/2024), les contribuables, sous la plume de leurs conseils, ont recouru contre ces décisions auprès du tribunal, concluant à leur annulation et à celle des bordereaux y relatifs, sous suite de frais et dépens. Préalablement, ils ont requis l’audition du contribuable et celle de Madame W______, à titre de témoin.
Souhaitant créer une société fiduciaire à Maurice, il y avait fondé le groupe en 1997.
E______, F______ et G______ n’étaient pas autorisées à déployer d’activité sur le territoire des Seychelles, ni d’y employer du personnel, raison pour laquelle leur gestion et leur administration étaient assurées par de « nombreux » collaborateurs d'R______ (Maurice). Il n'avait jamais apporté de quelconques « clients historiques » à cette dernière. Ainsi, les administrateurs de ces trois sociétés seychelloises étaient « également » des collaborateurs d'R______. E______ avait donc besoin de cette dernière pour fonctionner. Elle avait notamment pour but d'effectuer « tout acte ou activité » qui n'était pas interdit par la loi actuellement en vigueur dans la République des Seychelles. E______ avait bien une activité opérationnelle qui n'était toutefois pas déployée aux Seychelles, mais à l'Ile Maurice « notamment ».
Il était l’administrateur unique de D______, mais pas celui des sociétés précitées.
Il avait participé à l'essor du groupe en lui offrant ses compétences, son expérience et son savoir. Il était toujours consultant pour le groupe, mais n'était toutefois pas seul en charge des activités de ce dernier, ni de ses clients. Il ne gérait pas non plus « la liaison entre le bureau de Genève et celui de l'Ile Maurice », ni les relations du groupe avec ses clients, au nombre de plus de mille. Il s'agissait de tâches qui appartenaient à la direction du groupe et à ses nombreux employés.
Il avait systématiquement facturé ses services pour les différentes sociétés du groupe. Il recherchait actuellement les montants qu'il aurait facturés au groupe pour son activité durant les années 2013 et 2014.
Il était certes le seul actionnaire final du groupe, mais il n'était toutefois pas son unique animateur, comme tentait de le faire croire l'AFC-GE. Celle-ci n’avait pas, à tort, tenu compte de ses explications s'agissant de l'organisation et des activités du groupe et de la législation applicable à E______ et R______., laquelle était pourtant contraignante pour les entités du groupe, qui devaient la respecter. En particulier, les produits réalisés par E______ l'avaient été conformément aux législations seychelloise et mauricienne et résultaient de l'activité menée par les collaborateurs de R______, conformément au but de cette société. D'ailleurs, « le paiement de management fees par une société mauricienne à sa holding seychelloise [était] admis en déduction fiscale par les autorités fiscales de l’Ile de Maurice ». Il en résultait une assiette plus conséquente imposable en Suisse, dans la mesure où les dividendes distribués par D______ n'avaient pas été frappés d'impôt au préalable. Ainsi, et en tous les cas, l'AFC-GE ne subissait aucune perte « des revenus » générés par E______, puisque c’était bien ces produits qui lui revenaient ensuite sous forme de dividendes, via D______, et qui étaient dument taxés en Suisse.
Il n’avait jamais affirmé à l'AFC-GE s’être déplacé trois à quatre fois par an à l'île Maurice afin de maintenir la clientèle du groupe. En réalité, il s’y rendait dans le cadre de son activité de consultant pour le groupe et déduisait ainsi à juste titre les « frais de représentation correspondants » de ses revenus d’indépendant.
Il contestait l’intégralité de la teneur des rapports d'entretien sur lesquels l'AFC-GE s’était fondée pour rendre les décisions querellées et qui avaient été signés par un fonctionnaire n'ayant pas pris part aux entretiens.
Son audition personnelle par le tribunal était requise au motif qu’il serait le mieux à même de le « renseigner dans les détails […] sur la manière dont le Groupe [était] organisé et sur son activité indépendante de consultant ». Il serait également en mesure d'expliquer qu'il n'était pas, comme le prétendait à tort l'AFC-GE, le seul et unique animateur du groupe.
Mme W______, dont il demandait l’audition à titre de témoin, était la responsable de la succursale d’R______ à Genève. Elle effectuait la « liaison » entre le bureau de Genève et celui de Maurice, ainsi que celle entre « les clients entre la Suisse et l'Ile Maurice » (sic). Elle serait ainsi à même de témoigner de la structure du groupe, et plus particulièrement de la société R______, de sa substance et de la « réalité de l'activité d'E______ ».
Aucune des conditions de l’évasion fiscale n’était donnée en l’espèce. En conséquence, l'AFC-GE ne pouvait pas décider « unilatéralement, en parfaite violation de la souveraineté fiscale étrangère d'ailleurs, d'éluder la structure du groupe afin de procéder à des rappels d'impôts inacceptables et parfaitement injustifiés ». (sic)
Il n’était pas question non plus d’une « problématique de prix de transfert », dès lors qu’E______ avait une activité et que celle-ci avait été déployée grâce aux employés d’R______. Ainsi, il n’avait pas utilisé cette première pour réaliser du bénéfice qui échapperait aux impôts en Suisse. En tout état, son activité de consultant avait été dûment facturée dans le cadre de sa raison individuelle.
Enfin, étant donné que l'AFC-GE n’aurait pas dû procéder aux reprises litigieuses, les conditions de la soustraction fiscale n’étaient pas réalisées. En tout état, il n'avait violé aucune obligation légale, pas plus qu'il n'avait commis de faute. C’était donc à tort que l'AFC-GE lui avait infligé des amendes.
20. Par écriture de ses conseils du 5 avril 2024, le contribuable a complété la motivation de son recours.
Entre 2013 et 2018, le groupe comptait plus de 1000 clients et employait entre
30 et 40 salariés.
E______, qui détenait les participations notamment dans R______, était gérée et administrée par S______, dont « les responsables [étaient] également employés par l’une ou l’autres des sociétés du groupe à Maurice ». (sic) Cette dernière avait été rémunérée pour cette tâche.
E______ réalisait trois types de revenus : des dividendes, des management fees et des « autres revenus ». Les dividendes lui étaient versés par ses filiales. Les management fees lui était également versés par ses filiales « en raison de ce lien de détention ». Ils s’apparentaient en réalité à une distribution de dividendes, « avec toutefois un intérêt fiscal particulièrement intéressant ». En effet, ces paiements étaient admis par le fisc mauricien en déduction de
« l’impôt des sociétés » mauriciennes et permettait ainsi d’augmenter les revenus de E______., à concurrence de l’économie d’impôt de 15 % réalisée à Maurice. Ces revenus augmentaient ainsi les dividendes à distribuer au contribuable et donc l’impôt y relatif en Suisse. Ainsi, les remontées sous forme de management fees étaient plus avantageuses que celles sous forme de simples dividendes. Les « autres revenus » d’E______, peu importants, avaient consisté, entre 2013 et 2018, en « divers remboursements ».
Ainsi, le groupe utilisait les moyens légaux pour économiser l’impôt à Maurice, ce qui permettait de « rapatrier plus de fonds » en Suisse, qui y étaient dûment déclarés et imposés, sous forme de dividendes, de la sorte que l'AFC-GE n’était pas perdante. Or, cette dernière voudrait les imposer une seconde fois, en tant que revenus de l’activité indépendante, alors qu’il avait déjà facturé tous ses services pour le groupe.
En 2013, E______ avait encaissé des management fees pour CHF 42'390.- et d’other income pour CHF 118.-. Lors de cette année et en 2014, il ne lui avait fourni aucune prestation.
L'AFC-GE devait s’en tenir à la forme juridique qu’il avait choisie pour le groupe et ne pouvait donc procéder aux rappels d’impôts.
En annexe à cette écriture, une copie des comptes, non signés, de l’exercice 2013 d’E______ a été jointe.
21. Le 15 avril 2024, les recourants ont requis la jonction des causes A/743/2024 et A/3495/2023, par économie de procédure.
22. Dans sa réponse du 8 juillet 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Elle s'en remettait à justice s’agissant de l’audition du recourant, dans la mesure où celui-ci pouvait être entendu en lien avec la soustraction d’impôt. Elle s’opposait en revanche à l’audition de Mme W______, son témoignage ne pouvant apporter d'éléments supplémentaires par rapport aux documents déjà versés au dossier et les activités des sociétés mauriciennes n’étant pas remises en cause.
Pour le surplus, compte tenu du fait que la clientèle du groupe avait été générée et maintenue par le recourant, la rémunération en lien avec celle-ci devait logiquement lui revenir sous forme de revenu de son activité indépendante. Les sociétés mauriciennes, qui étaient auditées et disposaient des employés, étaient dotées de substance permettant de générer un chiffre d'affaires. Tel n’était en revanche pas le cas des sociétés seychelloises, qui ne disposaient d’aucune structure opérationnelle, ni n’étaient auditées.
Les conditions d’une soustraction fiscale étant réunies, les amendes étaient justifiées dans leur principe. En fixant leur quotité à la moitié du montant des impôts soustraits, compte tenu de la négligence commise par le recourant et de sa bonne collaboration, elle n’avait pas outrepassé son pouvoir d’appréciation.
23. Par réplique du 16 septembre 2024, respectivement duplique du 22 octobre suivant, les parties ont maintenu leurs conclusions respectives.
24. Par écriture spontanée de leurs conseils du 28 novembre 2024, les recourants ont encore persisté dans leurs conclusions.
25. Par courrier reçu par le tribunal le 20 février 2025, les recourants ont notamment produit une attestation, émise par une notaire belge en date du 28 janvier 2025 et dûment signée par cette dernière, certifiant que M. B______ était héritier de sa tente, décédée le ______ 2012, et qu’à ce titre, il n’avait hérité d’aucun bien immobilier, mais avait perçu une somme de EUR 22'824.- en 2015 et un montant de EUR 25'059.- en 2016.
26. Le même jour, le tribunal a transmis à l'AFC-GE cette attestation, l’invitant à se déterminer d’ici au 27 février 2025.
27. Dans sa détermination du 27 février 2025, l'AFC-GE a indiqué accepter de ne pas imposer, en tant que revenu, les montants provenant de l’héritage belge. Elle a toutefois conclu à une réformatio in pejus, en ce sens que ces montants devaient être rajoutés à la fortune imposable du recourant, soit CHF 58'681.- en 2013, CHF 57'572.- en 2014 et CHF 27'249.- en 2015.
28. Par courrier du 3 mars 2025, le tribunal a invité les recourants à se déterminer sur cette nouvelle position de l'AFC-GE.
29. Par courrier de leurs conseils du 13 mars 2025, les recourants ont indiqué qu’au vu des faibles montants en jeu, la reformatio in pejus requise par l'AFC-GE relevait de « l’acharnement » et de son « attitude particulièrement virulente et inadmissible ».
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Les recourants demandent la jonction des causes A/743/2024 et A/3495/2023, par économie de procédure.
4. En vertu de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le tribunal peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.
5. En l’occurrence, les deux causes concernent certes les mêmes contribuables, mais ne relèvent pas d’une problématique juridique en tous points identique. Elles portent en effet sur des reprises dont le nombre et la nature sont différents. Au demeurant, la présente cause concerne le rappel et la soustraction d’impôt (2013 et 2014), tandis que la cause A/3495/2023 relève de la procédure de taxation (2015 à 2018). Ainsi, statuer au moyen d'un seul jugement rendrait sa rédaction et sa compréhension plus complexes, ce tant en fait qu’en droit.
Dans ces conditions, la jonction requise ne sera pas ordonnée. A toutes fins utiles, il sera précisé que le tribunal a statué ce jour dans la cause A/3495/2023.
6. Le recourant demande son audition et celle de Mme W______, à titre de témoin.
7. Aux termes des art. 115 LIFD et 18 al. 2 LPFisc, les offres de preuve du contribuable doivent être acceptées, à condition qu’elles soient propres à établir des faits pertinents pour la taxation.
Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes (cf. ATF 142 Il 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche toutefois pas l’autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il s’ensuit que le droit d'être entendu n'emporte avec lui aucun droit absolu d'obtenir l'audition de témoins ; l'autorité peut renoncer à les faire citer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, elle peut d'emblée dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement
(ATF 130 II 425 consid. 21).
L'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne trouve pas application dans les procédures fiscales qui n'ont pas un caractère pénal. Les procédures en rappel d'impôt n'y sont donc pas soumises. En revanche, la procédure réprimant la soustraction fiscale est une procédure à caractère pénal à laquelle l'art. 6 CEDH est applicable. Le contribuable peut dès lors, en principe, se prévaloir d'un droit à être entendu oralement. Cette audition n'est cependant pas automatique, il faut que le contribuable en fasse la demande (arrêt du Tribunal fédéral 9C_39/2023 du 20 juin 2023 consid. 6.2.1 et les références). Lorsque le juge est saisi d'une telle demande, il doit en principe y donner suite. Il ne peut s'abstenir que si la demande n'est pas présentée suffisamment tôt, si elle paraît chicanière ou semble relever d'une tactique dilatoire, ou constitue un procédé abusif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016, 2C_33/2016 du 24 novembre 2016 consid. 12.2.2 et les arrêts cités).
Selon l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, le droit d'obtenir l'audition de témoins à décharge est relatif. L'autorité peut y renoncer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée des preuves dénuée d'arbitraire, elle peut dénier à ce témoignage une valeur probante décisive pour le jugement. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH ne va à cet égard pas plus loin que l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_39/2023 du 20 juin 2023 consid. 6.3.2 et les références).
8. En l’espèce, le recourant demande son audition au motif qu’il serait « le mieux à même de renseigner » le tribunal « sur la manière » dont son groupe de sociétés a été organisé et sur son activité indépendante de consultant. Il serait également en mesure « d'indiquer » qu'il n'était pas le seul et unique animateur du groupe. Or, d’une part, et comme on le verra ci-après, il n’est pas nécessaire, ni utile, d’établir ces éléments, étant donné que l’organisation du groupe n’est pas litigieuse et que le recourant ne conteste pas en être l’ayant droit unique - soit le fait déterminant pour l’issue du litige, si bien qu’il importe peu qu’il n’en soit pas l’animateur unique. D’autre part, l’entendre oralement sur ces éléments de fait ne changerait rien sous l’angle de sa faute pour la soustraction fiscale qui lui est reprochée. Il ne prétend d’ailleurs pas le contraire. Dans ces conditions, son audition ne sera pas ordonnée.
Il n’y a pas non plus lieu d’ordonner l’audition de Mme W______ aux fins de témoigner de la « structure » du groupe, et plus particulièrement de la société R______, de sa substance et de la « réalité de l'activité » d'E______. Ici encore, ces éléments ne sont en soi pas déterminants pour trancher le litige. En outre, les recourants n’expliquent pas ce qui les aurait empêchés de produire le témoignage écrit de cette personne.
Enfin, les recourants ne motivent pas les raisons pour lesquelles les explications qui seraient données en audience par le recourant et Mme W______ seraient susceptibles d'emporter davantage la conviction du tribunal que les pièces et explications fournies dans le cadre de la procédure écrite.
9. Aux termes des art 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l'autorité fiscale lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l'autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts.
10. En l’espèce, les recourants soutiennent que les conditions de ces dispositions ne sont pas données, dans la mesure où les revenus litigieux ne seraient pas réalisés par le recourant.
11. Les art. 16 LIFD et de 17 la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoient que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. En lien avec la liste exemplative des art. 17 à 23 LIFD et 18 à 24 LIPP, ces dispositions expriment, pour l'imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l'accroissement du patrimoine, respectivement de l'imposition du revenu global net, ainsi que la règle selon laquelle tous les revenus du contribuable sont en principe imposables, à moins d'être expressément exonérés (cf. ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.1).
12. Sont en particulier imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, et de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD et 19 al. 1 LIPP).
13. Sont également imposables, en vertu des art. 20 al. 1 let. c LIFD et 22 al. 1 let. c LIPP, les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre dans le chef du détenteur des droits de participations au titre de rendement de la fortune mobilière. Font partie des avantages appréciables en argent au sens de ces dispositions les distributions dissimulées de bénéfice, soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspond aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d'un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; 119 Ib 116 consid. 2). De jurisprudence constante, il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près; 3) elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers; 4) les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2).
14. Les formes d'apparition des prestations appréciables en argent sont multiples. Une prestation appréciable en argent peut ainsi prendre la forme d'une renonciation à un produit, qui conduit à une diminution correspondante du résultat chez la société. Tel est par exemple le cas lorsqu'une société renonce totalement ou en partie à un revenu qui lui revient en faveur d'un détenteur de part ou d'un proche ou qu'elle n'obtient pas, pour la prestation qu'elle a effectuée, la contre-prestation qu'elle aurait exigée d'un tiers (ATF 138 II 57 consid. 2.2).
15. Lorsque les conditions de la prestation appréciable en argent sont réunies, il y a lieu de distinguer - à tout le moins lorsque le bénéficiaire final de la prestation n'est pas l'actionnaire détenteur de participations - les trois contribuables concernés par l'opération, raison pour laquelle en doctrine comme en jurisprudence, pareille constellation est décrite par la figure géométrique du triangle (ATA/404/2023 du 18 avril 2023 consid. 11c).
Dans le cadre de la théorie du triangle, qui fait intervenir tout d'abord une société, ensuite l'actionnaire, le détenteur de participations ou les organes de cette dernière et enfin une « personne la ou les touchant de près », cette dernière peut être une personne physique ou morale entretenant avec la société et/ou l'actionnaire, le détenteur de participations ou l'organe, des relations économiques ou personnelles qui doivent être considérées, d'après les circonstances, comme la cause véritable de la prestation qu'il s'agit d'imposer (arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2019 du 28 avril 2020 consid. 5.2 et les références).
Lorsque, au niveau de la société, une prestation a été versée sans contre-prestation ou sans contre-prestation équivalente, la jurisprudence retient que l'on peut présumer l'existence d'une prestation appréciable en argent en faveur du détenteur de parts ou d'un proche. Cela vaut en particulier si la société procède à des paiements qui ne sont ni comptabilisés ni justifiés. Ce qui est considéré comme une distribution dissimulée de bénéfice au niveau de la société représente en principe un avantage appréciable en argent imposable pour l'actionnaire. Cela concrétise la double imposition économique voulue par le législateur (ATF 136 I 65 consid. 5.4 ; 136 I 49 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.2 ; 2C_445/2015 du 26 août 2016 consid. 6.3.4). Si le détenteur de parts est en même temps organe de la société et/ou actionnaire ou associé majoritaire, c'est à lui qu'il incombe de contester dans les détails la nature et le montant de la prestation appréciable en argent alléguée par l'autorité fiscale. S'il ne le fait pas, ou s'il se limite à exposer des généralités, une reprise dans son chef est également justifiée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1071/2020 du 19 février 2021 consid. 3.2.2 et 3.2.3 ; 2C_886/2020 du 23 novembre 2020 consid. 3.2.1 ; 2C_777/2019 du 28 avril 2020 consid. 5.3.2 ; 2C_750/2019 du 7 juillet 2020 consid. 3.2).
Lorsque la participation appartient à la fortune privée du détenteur de parts et qu'elle est versée à une personne proche, la théorie du triangle (« Dreieckstheorie ») s'applique dans tous les cas. En vertu de cette théorie, la prestation passe pendant un bref instant de la société effectuant la prestation au détenteur de parts, auprès duquel elle est considérée comme un rendement de la fortune mobilière, puis à la personne considérée comme proche du détenteur de parts (ATF 138 II 57 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_756/2020 du 3 mai 2021 consid. 4.2 ; 2C_1071/2020 du 19 février 2021 consid. 3.2.1). Il y a lieu de voir un indice en ce sens, lorsque la comparaison avec des opérations usuelles semblables démontre que la prestation en cause est à ce point inhabituelle – disproportionnée – qu'elle n'aurait pas été fournie de cette manière si le bénéficiaire n'avait pas été un proche du détenteur de parts. Le détenteur de parts doit par conséquent aussi être imposé sur des attributions de la société versées en faveur d'une autre société dominée par lui lorsqu'une justification commerciale d'un tel procédé fait totalement défaut (ATF 138 II 57 consid. 4.2). La manière d'effectuer le paiement ne peut rien changer à la qualification de la prestation en tant que rendement de la fortune mobilière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2 in Archives 84 254 et RDAF 2016 II 110 et les références citées).
16. Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n'est pas pertinent que la disproportion d'une prestation soit justifiée par l'intérêt du groupe (arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2 et les arrêts cités). Lorsqu'une prestation appréciable en argent intervient entre sociétés sœurs qui sont dominées par le même détenteur de participations qui les possède dans sa fortune privée, ce dernier doit donc aussi être imposé lorsqu'une justification commerciale d'un tel procédé fait totalement défaut (ATF 138 II 57 consid. 4.2).
La société qui passe des actes juridiques avec ses actionnaires ou toute personne la ou les touchant de près doit le faire dans les mêmes conditions que celles auxquelles elle aurait accepté de traiter avec des tiers dans les mêmes circonstances ; à défaut, elle ne s'explique que par les relations privilégiées entre les parties. Elle n'est dans ce cas pas reconnue par le droit fiscal et les dépenses consenties, dépourvues de justification commerciale, seront réintégrées au bénéfice net imposable de la société. Cela vaut tant pour le choix des formes juridiques que revêtent ces actes que pour la fixation des montants objets des transactions (arrêt du Tribunal fédéral 2C_985/2012 ; 2C_986/2012 du 4 avril 2014 consid. 2.3).
17. Selon la jurisprudence (ATF 131 II 627 consid. 5.2 ; 109 Ib 110 consid. 3 ; 103 Ia 20 consid. 4), le principe de transparence (« Durchgriffstheorie »), fondé sur la réalité économique, permet de considérer que la forme juridique des relations d'où provient le revenu imposable n'est pas nécessairement décisive du point de vue fiscal. Sous certaines conditions, l'autorité peut s'en tenir à la réalité économique et admettre en particulier l'existence d'un seul contribuable en présence de plusieurs entités juridiquement distinctes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_742/2008 du 11 février 2009 consid. 5.5). Le Tribunal fédéral n'admet ce mode de faire que si la forme juridique à laquelle a recouru le contribuable est insolite, inadéquate ou anormale, qu'elle n'a été choisie qu'aux fins d'éluder l'impôt et qu'elle conduirait effectivement à une économie d'impôt. En d'autres termes, il faut que l'on se trouve en présence d'un cas d'évasion fiscale (ATF 102 Ib 151 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_724/2010 du 27 juillet 2011 consid. 7.4 ; 2P.92/2005 du 30 janvier 2006 consid. 7.2).
Selon la théorie de la transparence, qui s'applique à toutes les formes de personnes morales (arrêt du Tribunal fédéral 5A_587/2007 du 28 février 2008 consid. 2.3), on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une société appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas des entités indépendantes, la société étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit dès lors admettre, à certains égards, que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 al. 2 CC ; ATF 132 III 489 consid. 3.2, 737 consid. 2.3 ; 121 III 319 consid. 5 a/aa).
18. Les sociétés offshore sont définies comme des sociétés d'investissement passives qui possèdent uniquement un siège statutaire, ne disposent d'aucune infrastructure ni de personnel propre, n'exercent aucune activité à proprement parler, se limitent à se présenter en tant que détentrice d'un compte pour la réception d'argent ou en tant que propriétaire de fortune (par ex. un portefeuille de titres) et se voient fournir des prestations de services qui ne consistent, en règle générale, qu'en la gestion des valeurs patrimoniales qui sont en leur propriété. Il y a « Durchgriff » ou transparence de la société de domicile étrangère, en ce sens que les ayants droit économiques de la société, et non celle-ci, déterminent le sort fiscal des prestations. Il n'y a toutefois pas « Durchgriff » si les sociétés de domicile étrangères auxquelles les prestations litigieuses ont été fournies sont des entreprises actives (ATA/404/2023 du 18 avril 2023 consid. 11h et la réf.).
19. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3). Dans le domaine des prestations appréciables en argent, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; 133 II 153 consid. 4.3). Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent. L'omission ou l'échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2).
20. En l’espèce, il est admis que pour les exercices 2013 et 2014, E______, sise aux Seychelles, n’a comptabilisé aucune charge pour du personnel et des locaux. Il faut dès lors retenir qu’elle n’en y disposait pas lors de ces exercices. À cet égard, le recourant explique que cette société n’était pas autorisée par ce pays à y déployer son activité et y employer du personnel. L’on pourrait dès lors se demander pour quelles raisons elle y a son siège. Cette question n’est toutefois pas décisive pour l’issue du présent litige, puisque, comme on le verra ci-après, les revenus litigieux doivent de toute façon être imposés auprès du recourant.
L'AFC-GE a retenu que les recettes management fees et other income comptabilisées par E______ avaient, en réalité, été réalisées par l’activité indépendante du recourant, ce que ce dernier conteste, prétendant qu’elles découleraient des services que cette société aurait rendus depuis Maurice, par l’intermédiaire des employés d’R______.
Certes, les indices que l'AFC-GE avance à l’appui de sa thèse ne permettent pas de retenir avec certitude que les services en question ont été rendus directement par le recourant. Cela étant, dans la mesure où lui-même affirme que cette activité a été effectuée par l’intermédiaire de la société sœur d’E______, soit R______ (dont il est également l’ayant droit unique), sans que cette première ne verse une quelconque contreprestation à cette dernière pour son service, les recettes en découlant doivent en tout état être imposées auprès de lui, à titre de prestations appréciables en argent. En effet, par ce procédé, E______ a bénéficié, de par sa ou ses sociétés sœurs, de distributions dissimulées de bénéfices, étant rappelé qu’elle n’a comptabilisé aucune charge lui ayant permis de réaliser les recettes litigieuses, ce qui démontre qu’elle n’a versé aucune contreprestation à sa société sœur pour avoir employé son personnel. Il faut constater également qu’aucun contrat, que ces deux sociétés auraient conclu en lien avec l’emploi du personnel de l’une par l’autre, n’a été versé au dossier. Le recourant n’allègue d’ailleurs pas qu’un tel contrat existerait.
Dans ces conditions, en application de la théorie du triangle, les recettes management fees d’E______ doivent être imposés auprès du recourant. Le fait que, comme il l’indique, R______ aurait comptabilisé les sommes versées à E______ comme fiscalement déductibles auprès d’elle n’y change rien. D’ailleurs, il parait paradoxal qu’R______ puisse comptabiliser de telles charges, tout en renonçant à la contreprestation correspondant aux salaires des employés qu’elle a mis au service de sa société sœur seychelloise, lui permettant ainsi de réaliser les recettes litigieuses. Par un tel procédé, R______ aurait alors réduit encore plus son bénéfice imposable, au profit de sa sœur seychelloise.
S’agissant des « autres revenus » encaissés par E______, et pour lesquels le recourant soutient qu’ils correspondraient à « divers remboursements », l’on ne voit pas dans la comptabilité de cette dernière les créances qui seraient concernées, d’une part, ni, d’autre part, les raisons pour lesquelles les prétendus « remboursements » devaient être appréhendés comptablement comme des recettes. Dans ces conditions, la reprise de ces revenus est également justifiée.
Enfin, le recourant ne saurait remettre en cause la quotité de la reprise pour l’année 2013 sur la base de la copie des comptes non signés d’E______ qu’il a remise au tribunal le 5 avril 2024. Il sera relevé que, répondant à la demande expresse de l'AFC-GE du 12 juillet 2023 de les produire, il a affirmé, le 16 octobre 2023, qu’ils n’étaient « plus disponibles », puis l’a réaffirmé dans sa réclamation du 23 novembre 2023. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où les comptes annuels signés n’ont jamais été remis pour l’année 2013, le montant de la reprise que
l'AFC-GE a fixé pour cet exercice doit être confirmé.
Ainsi, les rappels d’impôt litigieux devant être confirmés déjà sur la base de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner la question d’une éventuelle imposition en transparence et/ou s’il y a eu évasion fiscale.
21. L'AFC-GE a requis une refomatio in pejus des bordereaux ICC 2013 et 2014, en ce sens que la somme de EUR 47'883.- provenant de l’héritage belge soit rajoutée à la fortune imposable de chacune de ces périodes (CHF 58'681.- en 2013 et CHF 57'572.- en 2014).
22. En vertu de l’art. 50 al. 2 LPFisc, dans la procédure de recours, le tribunal a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation. Il peut ainsi à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au désavantage de ce dernier (art. 51 al. 1 LPFisc). Ainsi, le tribunal est habilité à procéder lui-même à une nouvelle taxation - ce tant à l’avantage qu’au désavantage du contribuable - nonobstant les conclusions des parties à cet égard (cf. JTAPI/1273/2021 du 16 décembre 2021 consid. 20, confirmé par l’arrêt de la chambre administrative ATA/853/2022 du 23 août 2022).
Aux termes de l’art. 9 al. 1 LIPP, chacun des hoirs doit ajouter à ses propres éléments imposables sa part de revenu et de fortune dans l'hoirie, étant précisé que les dévolutions de fortune ensuite d'une succession, d'un legs, d'une donation ou de la liquidation du régime matrimonial sont exonérées de l’impôt sur le revenu parce que n’en représentant pas un (cf. art. 27 let. d LIPP ; Yves NÖEL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 591 et les références).
23. En l’espèce, au vu de l’attestation notariale que le recourant a remis au tribunal le 20 février 2025, il faut admettre que la somme de EUR 47'883.- correspond aux avoirs auxquels il a eu droit dans la succession belge, lesquels ne constituent pas un revenu, mais un élément de sa fortune imposable.
Il en résulte que la reprise en fortune que l'AFC-GE a requise le 27 février 2025 doit être confirmée, étant précisé que les recourants ont eu la possibilité de faire valoir leur point de vue à ce sujet.
Dès lors, dans cette mesure, les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC 2013 et ICC 2014 doivent être rectifiés en défaveur des recourants.
24. Le recourant conteste les amendes, dans la mesure où les reprises litigieuses seraient injustifiées, soutenant n’avoir violé aucune obligation légale et commis aucune faute. Ce faisant, il ne remet pas en cause leur quotité en tant que telle.
25. Est notamment puni d'une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée, alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète (art. 69 al. 1 LPFisc et 175 al. 1 LIFD).
Pour que cette infraction soit retenue, il faut qu'il y ait soustraction d'un montant d'impôt, en violation d'une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 7 et les arrêts cités).
26. En l’espèce, les deux conditions objectives d’une soustraction fiscale, soit la violation d’une obligation légale (cf. art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc) et la perte fiscale pour la collectivité, sont manifestement données, dès lors que les revenus litigieux n’ont pas été déclarés et que ceci a engendré une perte d’impôt pour l’autorité intimée.
S’agissant de l'élément subjectif, force est d’admettre que la faute du recourant relève, à tout le moins, de négligence, comme l’a retenu l’autorité intimée. En effet, compte tenu de sa position, de sa formation et de ses connaissances professionnelles, le recourant pouvait et devait se rendre compte de l’existence des prestations appréciables en argent et de la fortune concernées, ainsi que de son devoir de les déclarer dans son chef, ce qu’il n’a pas fait.
Tous les éléments constitutifs de la soustraction sont ainsi réalisés.
27. Le recourant n’a formulé aucun grief, ni conclusion, concernant la quotité des amendes.
28. A cet égard, il sera rappelé, à toutes fins utiles, qu’en règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc). Il en découle qu'en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l'amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d'augmentation de sa quotité (ATA/1427/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4a).
En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3 et les références citées).
Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi, disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende, l'autorité de recours ne censurant que l'abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).
29. En l’espèce, l’on ne voit pas, compte tenu des éléments figurant au dossier, que la quotité des amendes infligées, correspondant à 0,5 fois les impôts soustraits, procéderait d'un abus du pouvoir d'appréciation de l'AFC-GE. En effet, celle-ci a tenu compte, à la décharge du recourant, de sa bonne collaboration et de sa faute commise par négligence. Sous cet angle, les amendes respectent parfaitement le cadre fixé par la loi. Pour sa part, le recourant ne se prévaut d’aucune autre circonstance atténuante supplémentaire qui justifierait que sa peine soit encore diminuée.
Dans ces conditions, les amendes doivent également être confirmées dans leur quotité.
30. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE pour qu’elle établisse de nouveaux bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC 2013 et ICC 2014 tenant compte d’une fortune supplémentaire de, respectivement, CHF 58'681.- et CHF 57'572.-.
31. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’000.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
32. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 31 janvier 2024 ;
2. le rejette ;
3. renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour qu’elle établisse des nouveaux bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC 2013 et 2014, dans le sens des considérants ;
4. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Federico ABRAR et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| Le greffier |