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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2838/2024

JTAPI/31/2025 du 13.01.2025 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL;ENFANT;DÉLAI
Normes : LEI.44.al1; LEI.47.al3.letb; LEI.47.al4; OASA.73.al3; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2838/2024

JTAPI/31/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1980, est ressortissant du Cameroun.

2.             Il est au bénéfice d’une autorisation de séjour depuis le 1er avril 2010, renouvelée en dernier lieu jusqu’au 15 mars 2026.

3.             M. A______ est le père de B______, né à ______ le ______ 2011, de son union avec sa première épouse, dont il a divorcé le ______ 2018, et de C______, née le ______ 2011, à D______ (Cameroun), de sa relation avec Madame E______.

4.             Madame F______, née le ______ 1986, est ressortissante du Cameroun.

5.             Elle est la mère de G______, née le ______ 2012, au Cameroun.

6.             Le ______ 2014, Mme F______ a donné naissance à H______, dont le père était M. A______. L’enfant, née au Cameroun, y est décédée le ______ 2020.

7.             Le ______ 2020, M. A______ a épousé Mme F______, au Cameroun.

8.             Elle a rejoint son époux en Suisse le 25 mars 2021 et a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial.

9.             Par courrier du 24 août 2022, valant droit d’être entendu, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), faisant suite à la demande à la demande de M. A______, lui a indiqué qu’il ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une autorisation d’établissement. Il faisait en effet l’objet d’une poursuite d’un montant de CHF 1'338. 20 et de 27 actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 72'617. 51.

10.         Le 1er février 2023, Mme E______ a déposé auprès de la représentation suisse, au Cameroun, une demande pour un visa de long séjour, en faveur de C______, le but étant le regroupement familial auprès de son père, dès le mois de juin 2023.

11.         Par la suite, vraisemblablement en juin 2023 (cf. courrier du recourant du 2 octobre 2023), une demande de regroupement familial a également été déposée en faveur de G______.

12.         Le 10 février 2024, Mme F______ a donné naissance à I______.

13.         Par courrier du 4 avril 2024, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de refuser de faire droit à la demande de regroupement familial en faveur de C______ et de G______.

S’agissant de C______, la demande n’avait pas été déposée dans le délai légal, soit au 5 novembre 2016. Elle était ainsi tardive et ce retard n’était, en l’état, justifié par aucune raison personnelle. Quant à G______, le lien de filiation avec Mme F______ n’était pas clairement établi et ne pourrait l’être qu’au moyen d’un test ADN. Pour le surplus, le salaire mensuel de M. A______ de CHF 4'658.-, ne suffisait pas à couvrir les charges mensuelles pour une famille de cinq personnes, sans risquer d’émarger à l’assistance sociale, étant rappelé qu’il faisait l’objet de nombreux actes de défaut de biens.

Un délai de trente jours lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu.

14.         M. A______ et son épouse ont usé de ce droit par courrier du 9 avril 2023 (sic) réceptionné par l’OCPM le 18 avril 2024.

Il n’avait pas été possible à M. A______ de solliciter le regroupement familial en faveur de C______ dans le délai légal car, à cette époque, il était en instance de divorce et logeait dans un hôtel. Il ne disposait pas non plus d’une situation financière stable, dès lors qu’il suivait une formation d’aide-soignant. Ces éléments auraient manifestement conduit l’OCPM à refuser sa demande. Il avait donc attendu d’avoir une vie plus stable, notamment avec l’arrivée de son épouse en Suisse, avant d’accueillir les enfants.

Son épouse avait entamé une formation dès le mois de juin 2021 et avait ensuite passé avec succès le Human Ressources Swiss Exam en septembre 2023. Elle était désormais à la recherche d’un emploi dans ce domaine. Parallèlement à cette formation, elle avait effectué des remplacements en qualité d’enseignante dans les établissements du secondaire I et II du canton. Elle avait également donné des cours de français bénévolement et suivi des cours d’allemand afin d’améliorer son employabilité.

Ils n’avaient entamé les démarches en vue du regroupement familial, qu’après avoir acquis une certaine stabilité financière et professionnelle, ce qui démontrait leur volonté de ne pas tomber à l’assistance publique. La distance qui les séparait des enfants leur était également devenue pénible sans compter le traumatisme qu’avait causé le décès de H______, tant pour eux-mêmes que pour leurs filles.

Par ailleurs, M. A______ avait rencontré son épouse, alors que le père de G______ les avait abandonnées à la naissance de celle-ci. Il avait tenu le rôle de père pour l’enfant qu’il n’avait toutefois pas pu reconnaître, son acte de naissance ayant déjà été établi. S’agissant de la preuve du lien de filiation entre son épouse et G______, il était insultant et traumatisant, pour ces dernières d’effectuer un test ADN.

Quant aux dettes dont il faisait l’objet, ils comptaient les rembourser progressivement, dès que son épouse trouverait un emploi fixe.

Ils ont produit divers justificatifs.

15.         Par décision du 26 juillet 2024, l’OCPM a refusé de faire droit à la demande d’octroi d’une autorisation d’entrée et de séjour déposée en faveur de C______.

La demande de regroupement familial avait été déposée en février 2023, si bien qu’elle était tardive. Elle aurait dû être déposée dans les cinq ans suivant la naissance de l’enfant, soit le 5 novembre 2016, au plus tard.

Par ailleurs, aucune raison majeure justifiant un regroupement familial tardif n'avait été démontrée. Les problèmes financiers et de logement n'empêchaient en rien le dépôt d'une demande de regroupement familial dans le délai légal. En outre, aucun élément au dossier n’indiquait que C______ ne pourrait pas continuer à vivre au Cameroun auprès de sa mère, comme c'était le cas depuis sa naissance, et aucun changement notable récent dans sa prise en charge par sa mère n'avait été allégué ni démontré pour justifier cette requête tardive.

De plus, C______, désormais âgée de 12 ans et demi, était née au Cameroun. Elle y avait passé toute son enfance et le début de son adolescence où elle avait certainement un cercle d’amis et connaissances. Ses racines socio-culturelles se trouvaient incontestablement au Cameroun et un départ constituerait pour elle, selon toute vraisemblance, un véritable déracinement.

En outre, M. A______ ne disposait pas de moyens financiers suffisants pour subvenir à l'entretien de tous les membres de la famille, sans risquer de dépendre de l'aide sociale. Son salaire de CHF 4’658.-, (4’300 x 13: 12) ne suffisait pas à couvrir les charges mensuelles estimées à CHF 5'300.- par mois pour cinq personnes [CHF 2’386 de frais de base + CHF 1’503.- de loyer + CHF 493.- x 2 et CHF (42.- x 3) de primes d’assurance-maladie selon le formulaire O], sans compter les nombreux actes de défaut de biens dont il faisait l’objet et les prestations d'aide sociale qu’il avait perçues entre 2013 et 2018. De plus, son épouse, qui était actuellement en congé maternité, n’avait pas démontré qu'elle pourrait trouver un travail dans un avenir proche en produisant, par exemple, une promesse d'embauche. Dans ces circonstances, il existait un risque concret de dépendance à l'aide sociale.

Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour au sens des art. 44 et 47 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr) n’étaient ainsi pas remplies.

Enfin, sous l’angle de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), un droit effectif au regroupement familial ne pouvait découler de cette disposition qu’à condition que les exigences en la matière fixées par le droit interne soient respectées.

16.         Arrivée à Genève le 24 août 2024, G______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, le 9 septembre suivant.

17.         Par acte du 2 septembre 2024, M. A______ (ci-après : le recourant) a recouru contre la décision de l’OCPM du 26 juillet 2024 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, à l’octroi de l’autorisation de séjour requise en faveur de l’enfant.

Après avoir repris les arguments développés dans sa détermination du 9 avril 2023, le recourant a précisé que son épouse était comme une deuxième mère pour C______ qui avait passé toutes ses vacances auprès d’elle et de ses sœurs, G______ et H______. Les enfants avaient ainsi grandi ensemble. Il s’agissait d’ailleurs d’un des motifs qui avaient conduit la mère de C______ à accepter son départ.

De plus, C______ et sa mère habitaient dans une ville frontalière de la Guinée équatoriale et du Gabon. Il s’agissait de pays politiquement très instables, ce qui leur faisait craindre pour sa sécurité. En outre, suite au coup d'État qui avait eu lieu au Gabon en août 2023, l’enfant n’avait pas pu commencer l'école en septembre 2023. Par la suite, les cours avaient été fréquemment arrêtés et les enseignants étaient en grève « permanente ».

C______ vivait certes avec sa mère, mais le recourant se chargeait tant de sa scolarité que de son entretien.

Par ailleurs, G______, H______ et C______ étaient très fusionnelles. Depuis le décès de H______, cette dernière était régulièrement malade et la situation s’était détériorée après le départ de G______, étant rappelé qu’elle passait toutes ses vacances auprès de cette dernière et de sa famille. Il avait également été très difficile pour C______ d’apprendre qu’elle ne pourrait pas partir avec G______ qui avait été autorisée à vivre en Suisse contrairement à elle. C______ en était « traumatisée » ce qui impactait négativement son comportement et ses résultats scolaires. Elle passait beaucoup de temps dans sa chambre à pleurer et ne parlait pas beaucoup.

S’agissant des moyens financiers, l’OCPM n’avait retenu que son salaire dans le calcul des revenus de la famille. Or, depuis 2021, son épouse percevait un salaire en sa qualité d’enseignante remplaçante, activité qu’elle avait reprise à la dernière rentrée scolaire, après son congé maternité. Dans l’intervalle, elle avait perçu des indemnités de l’assurance-chômage. Ils disposaient ainsi de deux salaires et son épouse ne faisait l’objet d’aucune poursuite.

Le recourant a notamment produit les pièces suivantes :

-          ses certificats de salaire et ceux de son épouse pour les années 2021, 2022 et 2023 ;

-          des justificatifs de transferts d’argent en faveur de Mme E______ recouvrant notamment la période du 16 avril 2011 au 2 mai 2024 ;

-          des photographies de son mariage et de C______ hospitalisée ;

-          des photographies de documents médicaux relatifs notamment à un examen de parasitologie effectué le 18 mars 2022 par C______.

18.         Dans ses observations du 7 novembre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

La demande de regroupement familial avait été déposée après les délais légaux (art. 47 al. 1 LEI) et cette tardiveté n’était justifiée par aucune raison familiale majeure (art. 47 al. 4 LEI). Les conditions de l’art. 44 LEI n’étaient pas non plus réalisées.

19.         Le détail des pièces et des écritures des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

6.             Selon l'art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour ainsi que ses enfants étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions cumulatives suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

Ces conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-367/2015 du 11 février 2016 consid. 5.2).

7.             L’art. 44 LEI, par sa formulation potestative, ne confère pas un droit au regroupement familial (ATF 137 I 284 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_548/2019 du 13 juin 2019 consid. 4), l'octroi d'une autorisation de séjour étant laissé à l'appréciation de l'autorité (ATF 139 I 330 consid. 1.2 ; 137 I 284 consid. 1.2).

8.             Le regroupement familial doit être demandé dans un délai de cinq ans (art. 47 al. 1 LEI). Pour les enfants de plus 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois. Pour les membres de la famille d’étrangers, les délais commencent à courir lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI). Il est respecté si la demande de regroupement familial est déposée avant son échéance (ATA/1109/2023 du 10 octobre 2023 consid. 2.2 et les références citées).

Il est important de rappeler que les délais fixés par la loi sur les étrangers ne sont pas de simples prescriptions d'ordre mais des délais impératifs. Leur stricte application ne relève dès lors pas d'un formalisme excessif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_289/2019 du 28 mars 2019 consid. 5).

9.             En l’espèce, le recourant était déjà au bénéfice d’une autorisation de séjour lorsque C______ est née le ______ 2011. Le délai pour solliciter le regroupement familial a ainsi commencé à courir à cette date, soit au moment de l’établissement du lien familial avec le recourant, et il est arrivé à échéance cinq ans plus tard, soit le 5 novembre 2016.

Déposée le 1er février 2023, la demande de regroupement familial est ainsi tardive, ce qui n’est au demeurant pas contesté.

10.         La demande ayant été déposée hors délai, le regroupement familial différé ne peut être autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI et art. 73 al. 3 OASA), étant rappelé que la condition de l'âge de l'art. 44 LEI est remplie, la recourante étant âgée de 17 ans lors du dépôt de la demande de regroupement familial.

11.         D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue. Les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent toutefois être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale au sens de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101; arrêts 2C_259/2018 du 9 novembre 2018 consid. 4.1; 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2). Il en résulte notamment que la question d'une éventuelle violation de l'art. 8 CEDH peut être examiné conjointement au contrôle de la bonne application de l'art. 47 al. 4 LEI (cf. arrêts 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 4).

12.         Les raisons familiales majeures au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier. Il y a lieu de tenir compte du sens et des buts de l'art. 47 LEI. Il s'agit également d'éviter que des demandes de regroupement familial différé soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée lorsque celles-ci permettent principalement une admission facilitée au marché du travail plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.3 et les références citées).

13.         Des raisons familiales majeures sont données au sens de l'art. 47 al. 4 LEI notamment lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d'origine, par exemple en cas de décès ou de maladie de la personne qui en a la charge (arrêt du Tribunal fédéral (2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1).

14.         Quand le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine dès lors que plus un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite. La question de la garde ne joue ainsi plus de rôle spécifique s'agissant d'enfants devenus majeurs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 et les références citées).

15.         Les motifs (et les preuves) susceptibles de justifier le regroupement familial tardif d'un enfant sont soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant est avancé en âge, a vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et a accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine (ATF 136 II 78 consid. 4.1). Dans le cadre de son obligation de collaborer, il incombe à la personne bénéficiant du regroupement familial non seulement d’affirmer les circonstances correspondantes, mais aussi de les prouver (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 et 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_493/2020 du 22 février 2021 consid. 2.5.2 ; 2C_347/2020 du 5 août 2020 consid. 3.4 ; 2C_555/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6.1).

16.         Le désir - pour compréhensible qu'il soit - de voir (tous) les membres de la famille réunis en Suisse, souhait qui est à la base de toute demande de regroupement familial et représente même une condition d'un tel regroupement, ne constitue pas en soi une raison familiale majeure. Lorsque la demande de regroupement familial est déposée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 et 6.2 et la jurisprudence citée).

17.         Les circonstances (politiques, économiques, sécuritaires, sociales, etc.) affectant l'ensemble de la population ne sauraient justifier, de manière générale, une autorisation fondée sur des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_767/2013 du 6 mars 2014 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3819/2014 du 1er novembre 2016 consid. 6.3.3 ; C-5312/2011 du 15 janvier 2013 consid. 6.5).

18.         Aux termes de l'art. 8 par. 1 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue un droit d'entrée et de séjour en Suisse, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille (cf. ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1). Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH est en effet possible aux conditions de l'art. 8 par. 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1). S'agissant d'un regroupement familial, il convient notamment de tenir compte dans la pesée des intérêts des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci. Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par le droit interne ne soient réalisées. Du reste, les conditions de logement et d'absence d'aide sociale posées par la législation suisse s'agissant du regroupement familial se retrouvent dans celles de la plupart des États parties à la convention (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2 ; 137 I 284 consid. 2.6; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1019/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3.2.1 ; 2C_320/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.2.1 ; avec référence notamment à l'ACEDH Hasanbasic c. Suisse du 11 juin 2013, req. n° 52166/09, § 59 ; ATA/1059/2021 du 12 octobre 2021 et les références citées). Il faut ajouter à cela le respect des délais légaux imposés par l'art. 47 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1).

19.         En résumé, un droit durable à une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH donne en principe droit au regroupement familial, pour autant que les conditions posées par le droit interne - en l'espèce les art. 44 et 47 LEI - à ce regroupement soient remplies (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1 in fine).

20.         En l’espèce, il convient d’examiner si des raisons familiales majeures sont susceptibles de justifier un regroupement familial différé en faveur de C______.

À cet égard, le recourant a notamment invoqué le fait que C______ était très proche de son épouse qu’elle considérait comme une deuxième mère et de G______. Elle passait toutes ses vacances auprès d’elles et de leur famille. Elle avait ainsi grandi avec G______ et H______ et leur relation était très fusionnelle. C______ avait très mal vécu le décès de cette dernière et elle tombait souvent malade depuis. Le départ de de G______ avait également eu des conséquences néfastes sur son comportement et ses résultats scolaires.

Sans minimiser les conséquences du décès de H______ et du départ de G______ sur C______, force est de constater que ces éléments ne constituent pas des raisons personnelles majeures au sens de la jurisprudence précitée.

Il ressort en effet du dossier que C______, qui est désormais âgée de plus de 13 ans, vit depuis sa naissance auprès de sa mère au Cameroun. Cette dernière pourvoit à son entretien, avec l’aide financière que le recourant apporte depuis la Suisse. C______ est scolarisée au Cameroun où elle a très certainement des amis et de la famille. Compte tenu des pièces produites, il apparaît qu’elle peut également bénéficier de soins médicaux en cas de besoin.

Force est de constater que sa prise en charge est assurée dans son pays d’origine par sa propre mère et que le recourant n'a ni démontré ni même allégué la survenance d’un changement important de circonstances, justifiant sa demande de regroupement familial différé. Il n'a, a fortiori, pas non plus allégué avoir cherché des solutions alternatives de garde permettant à C______ de rester au Cameroun où se trouvent toutes ses racines socio-culturelles.

Concernant les problèmes sécuritaires allégués par le recourant en lien avec la proximité de la ville de domicile de C______ au Cameroun avec des pays politiquement instables, il sera rappelé que, conformément à la jurisprudence, de telles circonstances affectant l'ensemble de la population ne justifient pas l’octroi d’une autorisation fondée sur des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI. Il en va de même des difficultés liées à la grève des enseignants et à l’interruption fréquente des cours qui n’ont au demeurant nullement été démontrées.

Dans la mesure où les délais légaux n'ont pas été respectés et qu'aucune raison familiale majeure ne justifie le regroupement familial différé, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres exigences posées par l'art. 44 LEI, s'agissant notamment de la question des moyens financiers.

Dès lors que les conditions restrictives posées au regroupement familial par le droit interne à l’art. 47 LEI ne sont pas réunies, le recourant ne peut, conformément à la jurisprudence applicable en la matière, pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour obtenir le regroupement familial en faveur de C______.

Cette dernière pourra en tout état maintenir des contacts avec sa famille en Suisse par le biais des moyens de communications actuels et des visites réciproques.

21.         Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en refusant de délivrer l'autorisation de séjour requise.

22.         Mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 septembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 26 juillet 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière