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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1368/2024

JTAPI/736/2024 du 30.07.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;OBJET DU LITIGE;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30; OASA.31; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1368/2024

JTAPI/736/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 juillet 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1990, est ressortissante d’Équateur.

2.             Le 27 février 2023, par le biais de son mandataire, elle a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation d’entrée et de séjour.

Elle était arrivée en Suisse en 2003 à l’âge de 13 ans pour résider auprès de son oncle et de sa tante à Genève. Jusqu’en 2000, elle avait vécu dans leur famille en Équateur avec sa grand-mère.

Elle avait suivi sa scolarité à Genève jusqu’en 2007, date à laquelle elle était retournée en Équateur pour s’occuper de son père malade, décédé le ______ 2022.

Dès son arrivée en Équateur en 2007, elle avait ouvert un restaurant afin de subvenir à ses besoins. Elle avait toutefois commencé à subir des pressions et des demandes de rançons de la part de bandes criminelles en Équateur, du fait qu’une partie de sa famille résidait en Suisse et avait de l’argent. Elle ne pouvait plus circuler librement et craignait d’être enlevée dans la rue, raison pour laquelle elle sollicitait un rapatriement en Suisse.

Son oncle et sa tante étaient propriétaires d’un restaurant et d’un bar à Genève et avaient besoin d’une personne de confiance pour assurer la relève et s’occuper de la salle. En ce sens, ils voyaient en elle une personne idéale pour les aider, puisqu’elle faisait partie de la famille et qu’ils l’avaient élevée depuis toute petite.

Au vu de la délinquance qui régnait en Équateur et suite à la mort de son père en 2022, sa famille en Suisse craignait pour sa sécurité et demandait à ce qu’elle puisse revenir s’établir en Suisse à leurs côtés, où elle avait résidé et étudié entre 13 et 17 ans. Elle y avait des amis et sa famille et avait gardé des notions de français. Elle pourrait immédiatement y travailler et bénéficier d’une assurance-maladie et d’un logement chez sa grand-mère, Madame B______.

Elle a notamment joint une attestation de parcours scolaire indiquant qu’elle avait été scolarisée à Genève en classe d’accueil, puis en classe ordinaire entre mars 2003 et juillet 2005.

3.             Par courrier du 3 mai 2023, Mme A______ a informé l’OCPM du fait que sa situation en Équateur s’était aggravée : elle avait été victime d’un vol de sa voiture et avait reçu des menaces anonymes de la part des malfaiteurs. Sa famille en Suisse avait très peur pour elle et sollicitait la délivrance d’un visa en sa faveur pour quitter l’Équateur.

Elle a joint une copie de la plainte (en espagnol) déposée auprès du Procureur de C______ (Équateur) pour le vol de sa voiture survenu le 22 février 2023, dont il ressortait qu’elle avait pu identifier sur la vidéo de surveillance son frère ainsi qu’un oncle.

4.             Par courrier du 24 octobre 2023, l’OCPM l’a informée de son intention de refuser d’accéder à sa requête. Un délai de 30 jours lui était accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

5.             Par courrier du 22 novembre 2023, Mme A______ a fait usage de son droit.

Sa situation était très difficile dans son pays vu la délinquance, le chaos et la violence quotidienne qui y régnaient. Vu les menaces qui pesaient sur elle, son seul refuge était la Suisse, où elle avait vécu et étudié et où se trouvait toute sa famille, pour laquelle elle ne serait pas une charge puisqu’elle pourrait immédiatement travailler.

6.             Par décision du 15 mars 2024, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation d’entrée et de séjour en faveur de Mme A______.

Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Elle n’avait produit aucun justificatif ou élément de preuve permettant de corroborer les affirmations relatives aux pressions et demandes de rançons qu’elle subissait en Équateur.

Par ailleurs, quand bien même elle avait vécu en Suisse durant son adolescence (de 13 à 17 ans), elle n’y avait passé que quatre années de sa vie. Cette période devait être relativisée par rapport aux nombreuses années qu’elle avait vécues dans son pays d’origine, sachant qu’elle était actuellement âgée de 33 ans révolus. De plus, c’était librement qu’elle avait choisi de retourner en Équateur en 2007.

Enfin, les pressions et les menaces qu’elle subissait en Équateur n’étaient pas différentes des circonstances économiques et sociales affectant l’ensemble de la population du pays.

7.             Par acte du 19 avril 2024, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et au réexamen de sa demande de visa pour un séjour de moins de 90 jours.

Elle était arrivée en Suisse en 2003 et y avait résidé jusqu’en 2007. Durant cette période, elle avait été scolarisée à Genève et s’y était intégrée. Elle était ensuite retournée en Équateur pour s’occuper de son père malade qui était décédé le ______ 2022. Depuis 2023, elle avait été victime de plusieurs menaces de la part de délinquants, qui avaient appris que sa famille en Suisse lui envoyait de l’argent et qui lui avaient demandé des rançons. Le 22 février 2022 (recte : 2023), elle avait été victime du vol de sa voiture pour lequel elle avait porté plainte auprès des autorités de C______. Lorsqu’elle avait vu les images de sécurité, elle s’était rendue compte qu’il s’agissait de son frère. Après le vol de sa voiture, elle avait continué à recevoir des menaces de mort sur son téléphone et, à plusieurs reprises, on avait tenté de la kidnapper près de sa maison. Elle avait à nouveau porté plainte et les investigations menées avaient permis d’établir que c’était son frère qui était l’auteur des menaces et demandes de rançons. N’ayant pas cédé à son chantage, il avait continué à la menacer de mort et elle craignait pour sa vie, ce d’autant que son frère était "dépendant aux substances" et faisait partie d’un gang. L’aide qu’elle recevait de sa famille en Suisse avait engendré une grande jalousie chez lui, au point de vouloir lui nuire à tout prix.

Par courrier eu 20 janvier 2024, son oncle avait sollicité un visa touristique en sa faveur, pour une durée de moins de 90 jours, soit du 2 février 2024 au 2 avril 2024, période suffisante pour atténuer les circonstances des menaces subies de la part de son frère. Il s’était engagé à prendre en charge toutes ses dépenses pour effectuer ce voyage et se portait garant de son retour en Équateur à la fin de la durée de son visa. Son intention n’avait jamais été de s’établir en Suisse, mais uniquement de s’éloigner pour un temps de son frère qui menaçait d’attenter à sa vie.

À l’appui de son recours, elle a produit plusieurs documents, dont notamment :

-          une plainte déposée le 5 mai 2024 auprès du Procureur de C______ pour tentative d’extorsion (en espagnol) ;

-          une mesure de protection prononcée le 21 août 2017 par les autorités judiciaires de C______ en faveur de la recourante à l’égard de son frère (en espagnol) ;

-          un courrier de son oncle à l’Ambassade de Suisse à Quito (Équateur) daté du 20 janvier 2024, indiquant qu’il l’avait invitée à lui rendre visite en Suisse du 2 février au 2 avril 2024 inclus afin d’accompagner sa grand-mère, Madame B______, qui souffrait d’un cancer de l’utérus, pendant les premiers mois de son traitement, afin qu’elle ne se retrouve pas seule vu son âge et son état de santé. Il confirmait s’engager à prendre en charge l’ensemble des coûts liés à son voyage et à son séjour ;

-          une décision rendue le 26 janvier 2024 par l’Ambassade de Suisse à Quito, refusant l’octroi d’un visa en faveur de Mme A______ au motif qu’elle n’avait pas justifié disposer de moyens financiers suffisants à son séjour et du fait qu’il existait des doutes raisonnables quant à son intention de quitter le territoire à l’expiration du visa (en espagnol).

8.             Le 15 mai 2024, la recourante a complété son recours, expliquant que la raison principale de son voyage en Suisse était de pouvoir rendre visite à sa grand-mère qui était atteinte d’un cancer et qui suivait un traitement à Genève. Ayant grandi avec elle, elle était très proche de cette dernière et souhaitait passer un peu de temps à ses côtés pour l’aider durant sa maladie.

Elle a produit un certificat médical daté du 14 mai 2024 concernant Mme B______, indiquant qu’elle souffrait d’une maladie oncologique nécessitant des consultations rapprochées à l’hôpital. Elle devait recevoir régulièrement des chimiothérapies qui occasionnaient une importante fatigue et son état de santé justifiait la présence de sa famille à ses côtés.

9.             L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 26 juin 2024, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.

Les arguments soulevés par la recourante, à savoir essentiellement l’aide qu’elle pourrait apporter en Suisse au restaurant de sa famille et à sa grand-mère malade, n’étaient pas de nature à modifier sa position. Ces circonstances ne satisfaisaient pas aux conditions d’admission en Suisse et ne lui ouvraient notamment pas un droit à une autorisation de séjour fondée sur le cas de rigueur.

Pour le reste, si la recourante se prévalait d’une forte relation avec sa grand-mère, également avec son oncle et d’autres membres de sa famille vivant à Genève, ces relations n’étaient pas directement visées par la protection conférée par l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ainsi, l’examen de la situation sous cet angle ne permettait pas de parvenir à une autre conclusion, faute pour la recourante d’avoir en particulier démontré un lien de dépendance avec sa famille en Suisse.

10.         Par courrier du 1er juillet 2024, le tribunal a informé les parties que la cause était gardé à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

6.             En l’occurrence, la décision attaquée porte sur le refus d’octroyer à la recourante une autorisation d’entrée et de séjour pour cas de rigueur. La conclusion tendant au réexamen de la décision négative prononcée par l’Ambassade de Suisse à Quito relative à sa demande de visa est donc irrecevable, car elle sort du cadre du présent litige.

7.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités). En matière de droit des étrangers, l’art. 90 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.3.1).

8.             Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

9.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d’Équateur.

10.         Aux termes de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance (let. g).

11.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

12.         Il ressort de la formulation de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l’étranger n’a aucun droit à l’octroi d’une dérogation aux conditions d’admission pour cas individuel d’une extrême gravité et, partant, à l’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 et ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3). Aussi, conformément à la pratique et à la jurisprudence constantes en la matière, les conditions mises à la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

13.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. La reconnaissance d’une situation d’extrême gravité n’implique pas forcément que la présence de l’étranger en Suisse constitue l’unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il s’y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d’extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l’intéressé avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4478/2016 du 29 janvier 2018 consid. 4.5 et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et références citées).

14.         L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

15.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

16.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

17.         En l’espèce, au vu de l’examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, force est de constater que la recourante ne satisfait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Si la recourante a certes vécu – illégalement – et étudié quelques années en Suisse durant son adolescence, soit de 2003 à 2007 selon ses dires, cet élément n’est pas suffisant à lui seul pour justifier l’octroi d’une autorisation de séjour.

En effet, en 2007, la recourante a pris la décision de retourner vivre en Équateur pour s’occuper de son père, décédé en 2022, et y a ouvert un restaurant. C’est donc manifestement dans son pays d’origine, où elle passé la majeure partie de son existence et plus particulièrement les 17 dernières années, qu’elle a ses attaches principales. Hormis la présence de sa grand-mère et de la famille de son oncle à Genève, la recourante ne possède pas de liens étroits avec la Suisse.

S’agissant plus particulièrement de sa grand-mère, dont elle serait très proche, la recourante explique qu’elle souhaiterait passer du temps à ses côtés pour l’aider et la soutenir dans sa maladie. Or, ces motifs, s’ils sont fort compréhensibles et louables, relèvent de la convenance personnelle et sortent du cadre du cas d’extrême gravité qui, selon la jurisprudence précitée, doit être réalisé dans la personne même du requérant, et non d’un tiers, pour être pris en considération.

La recourante se prévaut encore des menaces de mort et demandes de rançons qu’elle subirait quotidiennement en Équateur. À l’appui de ces allégations, elle a produit une plainte pour le vol de sa voiture survenu en février 2022 et une autre pour une tentative d’extorsion en avril 2024. Selon les explications de l’intéressée, l’auteur de ces faits serait son frère, lequel ferait partie d’un gang et chercherait à lui nuire pour des questions d’argent. Sans minimiser la situation, ces événements, qui apparaissent être des actes isolés, ne sauraient suffire à justifier une dérogation aux conditions d’admission. En outre, l’exception aux mesures de limitation n’a pas pour but de soustraire un étranger aux conditions de vie dans son pays d’origine. Il en va notamment des problèmes sociétaux liés à la violence et à la criminalité auxquels toutes les personnes vivant en Équateur peuvent être confrontées.

18.         C’est ainsi à bon droit que l’OCPM a considéré que la recourante ne se trouvaient pas dans une situation représentant un cas d’extrême gravité.

19.         La recourante explique également qu’elle souhaite venir en Suisse pour s’occuper de sa grand-mère malade. Ce faisant, elle se prévaut implicitement de l’art. 8 CEDH.

20.         L’art. 8 par. 1 CEDH peut être invoqué par un ressortissant étranger pour s’opposer à une séparation d’avec sa famille et obtenir une autorisation de séjour en Suisse à la condition qu’il entretienne des relations étroites, effectives et intactes avec un membre de celle-ci disposant d’un droit de présence assuré en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse ou qu’il soit au bénéfice d’une autorisation d’établissement ou d’un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1).

Les relations familiales qui, sous cet angle, peuvent fonder un droit à une autorisation de police des étrangers sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux, ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.4).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu’un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l’art. 8 par. 1 CEDH s’il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d’établissement), par exemple en raison d’une maladie grave ou d’un handicap les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2022 du 26 janvier 2022 consid. 4.2). Tel est notamment le cas si la personne dépendante nécessite un soutien de longue durée en raison de graves problèmes de santé et que ses besoins ne seraient pas convenablement assurés sans la présence en Suisse de l’étranger qui sollicite une autorisation de séjour (arrêt du Tribunal fédéral 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1). L’extension de la protection de l’art. 8 CEDH aux ressortissants étrangers majeurs suppose l’existence d’un lien de dépendance comparable à celui qui unit les parents à leurs enfants mineurs. Le handicap ou la maladie grave doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d’assumer et de prodiguer (arrêts du Tribunal fédéral 2C_614/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.1 ; 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.1 ; 2D_7/2013 du 30 mai 2013 consid. 7.1 ; 2C_194/2007 du 12 juillet 2007 consid. 2.2.2). Des difficultés économiques ou d’autres problèmes d’organisation ne sauraient être assimilés à un handicap ou une maladie grave rendant irremplaçable l’assistance de proches parents et ne fondent donc pas un droit à se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour obtenir le droit de séjourner en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral cf. arrêts 2C_155/2019 du 14 mars 2020 consid. 7.5 ; 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2D_8/2016 du 24 février 2016 consid. 3).

21.         La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’existence d’un rapport de dépendance entre parents et enfants majeurs dépend étroitement des circonstances. Un tel lien de dépendance a par exemple été reconnu entre un enfant majeur, souffrant d’une schizophrénie paranoïde continue et d’un trouble dépressif récurrent, et sa mère, qui bénéficiait d’une autorisation de séjour en Suisse, dans la mesure où il était établi, notamment par certificat médical, que le soutien que nécessitait l’état de santé de l’intéressé ne pouvait être fourni que par cette dernière, à défaut d’autres personne proches disponibles (arrêt 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.4.2).

Le Tribunal fédéral a également reconnu l’existence d’une relation irremplaçable s’agissant de grands-parents qui avaient développé une relation forte avec les petits-enfants après qu’ils étaient venus s’en occuper en Suisse suite à la mort de leur fille. La médication et le jeune âge de l’un des petit-fils, qui était malade, nécessitaient dans ce cas une flexibilité et une disponibilité que seuls les grands-parents étaient à même d’apporter, la grand-mère ayant adopté une position de mère de substitution (cf. arrêt 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 4).

Il a de même confirmé deux arrêts de la chambre administrative qui a reconnu les intérêts privés de deux enfants majeurs de nationalité kosovare à pouvoir demeurer en Suisse auprès de leur père, souffrant d’une cécité presque complète et de troubles mentaux. Ses angoisses étaient exacerbées en cas de séparation d’avec ses enfants, lesquels avaient organisé leur emploi du temps afin qu’au moins l’un deux se trouve toujours avec lui, et ce à toute heure du jour et de la nuit, ce relais apparaissant effectivement nécessaire pour une prise en charge cohérente et efficace de l’intéressé. Par ailleurs, seules les personnes du cadre intrafamilial étaient considérées comme aptes à supporter à long terme ses demandes du quotidien. En outre, il n’existait pas de raisons permettant de s’opposer à la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur des deux enfants majeurs. Ceux-ci n’avaient en effet jamais fait l’objet d’une condamnation pénale ou de poursuites et étaient financièrement indépendants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_471/2019 et 2C_474/2019 du 25 septembre 2019).

Dans un arrêt du 3 juin 2015, le Tribunal administratif fédéral a rappelé qu’en cas d’effet miroir, le lien de dépendance devait atteindre un degré d’intensité qualifié que seules justifiaient des circonstances tout à fait particulières, non réalisées en l’espèce, malgré un rapport médical qui indiquait que la mère était très dépendante de son fils sur le plan affectif et qu’une aggravation de son état de santé était à prévoir en cas de renvoi de celui-ci hors de Suisse. Le recourant n’avait au surplus pas démontré que sa mère requérait une assistance et des soins quotidiens que lui seul serait susceptible de lui prodiguer (arrêt D-1613/2015 du 3 juin 2015, consid. 5.2.3).

22.         En l’espèce, la recourante ne peut se prévaloir de l’art. 8 CEDH, dès lors que sa grand-mère ne se trouve pas dans un état de dépendance à son égard, tel que défini par la jurisprudence, celle-ci ne nécessitant pas de soins et/ou soutien particuliers que seule sa petite-fille serait en mesure de lui prodiguer.

En effet, s’il n’est pas contesté que sa grand-mère souffre d’un cancer qui nécessite de suivre un traitement de chimiothérapie et implique des visites régulières à l’hôpital, il n’est nullement démontré, ni même d’ailleurs allégué, que la recourante serait la seule en mesure d’assumer auprès d'elle un soutien, soit en particulier une présence et un accompagnement face aux problèmes imputables à son âge et à son état de santé. Ainsi, et aussi compréhensible que soit le souhait de la recourante de pouvoir soutenir sa grand-mère dans sa maladie, il ne peut être retenu que sa présence revête le caractère d’une absolue nécessité au sens de la jurisprudence citée, étant rappelé que les membres de sa famille vivant à Genève peuvent également s’occuper d’elle.

Au demeurant, le tribunal relèvera que la recourante a indiqué qu’elle souhaitait travailler, ce qui signifie que sa grand-mère ne semble pas requérir une surveillance de tous les instants que seule la recourante serait à même de lui fournir. Son médecin ne l’atteste d’ailleurs pas.

23.         Au vu de ce qui précède, la recourante ne peut pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour obtenir une autorisation de séjour en Suisse.

24.         Eu égard à ce qui précède, les affirmations de la recourante et attestations de sa famille en Suisse selon lesquelles elle pourrait être entièrement prise en charge financièrement par cette dernière ne changent rien à ce qui précède.

25.         Mal fondé, le recours est rejeté.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais du même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

27.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 19 avril 2024 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 15 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière