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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1657/2023

JTAPI/646/2024 du 24.06.2024 ( ICC ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ACTION(PAPIER-VALEUR);VALEUR FISCALE;IMPÔT SUR LA FORTUNE;FORTUNE PRIVÉE ET COMMERCIALE(DROIT FISCAL);NOTION;SOCIÉTÉ HOLDING;SOCIÉTÉ ANONYME;PROCÉDURE D'ESTIMATION
Normes : LIFD.18.al2.par3; LHID.8.al2; LIPP.19.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1657/2023 ICC

JTAPI/646/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, représentés par
LAMBELET & ASSOCIES SA, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) 2018 et 2019 de Monsieur A______ et Madame B______.

2.             En 2018 et 2019, le contribuable, avocat inscrit au barreau de Genève, détenait la totalité des actions de « C______ SA » (ci-après : la C______), non cotée en bourse, dont il était l’administrateur unique, avec signature individuelle.

Le but statutaire de la C______ est notamment la reprise, la détention et la mise en valeur du capital-actions de l’« D______ SA » (ci-après : l’D______), qui exploitait une étude d’avocats à Genève depuis ______ 1987 et qui est, depuis ______ 2023, en liquidation.

Le capital-actions de la C______ se composait de 100 actions de CHF 1’000.-, nominatives, liées selon les statuts.

Lors de son inscription au registre du commerce en ______ 2016, une reprise de biens envisagée portant sur 100 actions de CHF 1’000.-, nominatives, liées selon les statuts, de l’D______, pour CHF 100’000.- au maximum, avait été enregistrée.

3.             Auparavant, le contribuable détenait la totalité des actions de l’D______, dont il en est l’administrateur unique avec signature individuelle, dans sa fortune privée.

4.             Les contribuables ont contesté la valorisation des actions de l’D______ déterminée par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) lors des périodes fiscales 2007 à 2013.

Les taxations querellées ont, en majeure partie, été confirmées par les instances judiciaires saisies (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_59/2019 du 28 janvier 2019, 2C_866/2019 du 27 août 2020 et 9C_669/2022 du 24 août 2023). En substance, il résulte des décisions judiciaires que l’AFC-GE pouvait à bon droit appliquer la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts du 28 août 2008 intitulée « Instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune » (ci-après : circulaire n° 28) pour procéder à l’estimation des titres d’une étude d’avocats organisée sous forme de société anonyme et que ces titres devaient être évalués sur la base de la valeur substantielle et de la valeur de rendement non doublée de ladite société.

5.             Par bordereau du 28 octobre 2020, l’AFC-GE a taxé les contribuables en ICC pour la période fiscale 2017. Il résulte de l’avis de taxation joint audit bordereau qu’une participation qualifiée de 100% du capital-actions de la C______ pour une valeur imposable de CHF 3’557’700.- a été retenue. L’AFC-GE a précisé que la valeur des actions avait été fixée à CHF 35’577.- selon les Instructions résultant de la circulaire n° 28.

Non contestée, cette taxation est entrée en force.

6.             Le 12 août 2019, les contribuables ont déposé leur déclaration fiscale 2018, qui mentionnait en ICC un revenu et une fortune imposables nuls.

À teneur de cette déclaration, le contribuable avait exercé une activité lucrative dépendante, à 100%, au service de l’D______, moyennant un salaire annuel sur lequel les charges sociales avaient été prélevées ; un certificat de salaire a été produit. Il n’en résultait en revanche pas qu’il avait exercé une quelconque activité lucrative indépendante. La déclaration faisait en outre état que la participation qualifiée de l’entier du capital-actions de la C______ appartenait à la fortune commerciale du contribuable ; aucune valeur imposable ni rendement n’était toutefois déclaré à ce titre. Sous la rubrique observation, il était mentionné que les actions de la C______ dépendaient de la fortune commerciale et non de la fortune privée du contribuable. Aucune pièce établissant une quelconque comptabilité relative à ces actions n’était produite.

7.             Le 31 juillet 2020, les contribuables ont déposé leur déclaration fiscale 2019, qui mentionnait en ICC un revenu imposable de CHF 223’654.- et une fortune imposable nulle.

À teneur de cette déclaration, le contribuable avait exercé une activité lucrative dépendante, à 100%, au service de l’D______, moyennant un salaire annuel sur lequel les charges sociales avaient été prélevées ; un certificat de salaire a été produit. Il n’en résultait en revanche pas qu’il avait exercé une quelconque activité lucrative indépendante. La déclaration faisait en outre état que la participation qualifiée de l’entier du capital-actions de la C______ appartenait à la fortune commerciale du contribuable ; aucune valeur imposable ni rendement n’était toutefois déclaré à ce titre. Sous la rubrique observation, il était mentionné que les actions de la C______ dépendaient de la fortune commerciale et non de la fortune privée du contribuable. Aucune pièce établissant une quelconque comptabilité relative à ces actions n’était produite.

8.             Le 12 août 2020, les contribuables ont déposé une nouvelle déclaration fiscale 2018 avec une mention manuscrite « annule et remplace ».

Cette déclaration mentionnait à nouveau un revenu et une fortune imposables nuls en ICC, mais modifiait le revenu imposable déclaré en impôt fédéral direct (IFD), lequel diminuait légèrement de CHF 51’021.- à CHF 50’863.-.

Les éléments susmentionnés par rapport à la déclaration fiscale 2018 déposée le 12 août 2019 étaient inchangés.

9.             Par bordereaux du 20 janvier 2021, l’AFC-GE a taxé les contribuables en ICC pour les périodes fiscales 2018 et 2019.

En se référant à la circulaire n° 28, elle a retenu que la totalité des actions de la C______ SA valait CHF 3’573’000.- en 2018 et CHF 2’385’400.- en 2019.

10.         Le 15 février 2021, les contribuables ont formulé des réclamations à l’encontre des bordereaux ICC 2018 et 2019 précités. Leurs griefs portaient sur la déductibilité des intérêts des dettes fiscales et des dettes fiscales.

11.         Par décisions sur réclamation du 31 mars 2023, l’AFC-GE a remis des bordereaux rectificatifs ICC 2018 et 2019 aux contribuables.

En substance, elle a pris en compte la déduction des intérêts des dettes fiscales ainsi que les dettes fiscales et a maintenu, pour le surplus, les taxations querellées, précisant que « sans nouvelle de votre part suite au mail adressé par le service des titres en date du 23 septembre 2021, nous considérons que la valorisation de la [C______] n’est plus contestée et maintenons la valeur fiscale établie ».

12.         Par acte du 10 mai 2023, sous la plume de leur mandataire, les contribuables ont interjeté recours à l’encontre de ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Ils ont conclu, principalement, à ce qu’il soit retenu que la participation de la C______ appartenait à la fortune commerciale du contribuable, qu’il soit dit que cette participation valait CHF 100’000.-, que les bordereaux entrepris étaient erronés en tant qu’ils retenaient une valeur de cette participation de CHF 3’573’000.- respectivement CHF 2’385’400.- en 2018 et 2019 en lieu et place de CHF 100’000.- ; de nouveaux bordereaux ICC 2018 et 2019 conformes au droit devaient ainsi être rendus. Subsidiairement, ils ont conclu à ce qu’une expertise en vue de déterminer la valeur vénale des actions de la C______ au 31 décembre 2018 et au 31 décembre 2019 soit ordonnée et que soient ensuite rendus de nouveaux bordereaux 2018 et 2019 conformes au droit, e tout sous suite de frais et dépens.

Alors qu’aucun courriel ne leur avait été envoyé ni directement ni par le biais de leur mandataire, l’AFC-GE se référait à un « mail adressé par le service des titres en date du 23 septembre 2021 » pour considérer que la valorisation de la C______ n’était plus contestée. Cette « raison » n’avait donc pas lieu d’être.

Il était malséant voire trompeur que les bordereaux d’imposition fassent mention en 2018 d’une « participation ‘C______ SA’ Ct. A : La valeur des actions a été fixée à CHF 35’733.- » et en 2019 d’une « participation ‘C______ SA’ Ct. A : La valeur des actions a été fixée à CHF 23’854.- », alors qu’un montant cent fois supérieur était retenu au code 14.10, sous fortune mobilière, au titre de la valorisation desdites actions.

Le ______ 2016, lors de la création de la C______, le recourant avait acquis, par souscription, 100 actions de CHF 1’000.- nominatives à leur valeur nominale totale de CHF 100’000.-. Dans sa déclaration fiscale 2016, il en avait dûment fait état. Ainsi, dans la mesure où les participations affectées volontairement à la fortune commerciale étaient soumises au principe de la valeur comptable, que le recourant était détenteur de l’entier du capital-actions de la C______, soit une participation qualifiée, et qu’il avait annoncé affecter volontairement la participation qu’il détenait de la C______ à sa fortune commerciale dans sa déclaration fiscale 2016, la valeur fiscale déterminante pour sa fortune commerciale correspondait au prix d’achat au moment de l’acquisition, à savoir la valeur nominale des titres lors de leur libération, soit CHF 100’000.-. En vertu du principe de la valeur comptable, cette valeur déterminée en 2016 perdurait pour les années subséquentes. Partant, pour les taxations ICC 2018 et 2019, la valeur de la participation de la C______ SA devait être fixée à CHF 100’000.-.

Dans l’hypothèse où le tribunal considérerait qu’il n’y avait pas lieu d’adopter une valorisation de la participation de la C______ en CHF 100’000.-selon le principe de la valeur comptable, ils requéraient la mise en œuvre d’une expertise afin de déterminer la valeur vénale des actions de la C______ au 31 décembre 2018 et 2019. Les valeurs vénales retenues par l’AFC-GE sur la base de la circulaire n° 28 étaient en effet contestées puisque la C______ - une holding pure puisque sans activité commerciale ou de services qui lui soit propre - ne détenait pas d’autre actif que l’intégralité du capital-actions de l’D______, que ses résultats dépendaient à 100% des résultats de sa participation, de sorte qu’elle ne disposait d’aucune autre source de revenus que ceux pouvant provenir de l’activité de l’D______. Or, cette dernière ne faisait que facturer les services fournis par le recourant, son unique animateur, services dont la valeur était d’ailleurs éminemment variable, de sorte qu’elle ne possédait aucun actif propre de nature à assurer la récurrence de son chiffre d’affaires. Si le recourant cessait son activité ou cessait de la faire facturer par l’D______, ce qui serait le cas si celle-ci devait être vendue, l’D______ n’aurait plus aucun revenu. Dans ces circonstances, aucune personne censée n’achèterait pour plusieurs millions les actions de la C______ voire celles de l’D______, à savoir une société au capital de CHF 100’000.- dont la valeur comptable était de surcroit négative, à raison de chiffres d’affaires passés, qui ne pourraient en aucun cas être escomptés dans le futur. Les valeurs vénales retenues par l’AFC-GE pour 2018 et 2019 étaient ainsi arbitraires. Il était tout aussi arbitraire de vouloir appliquer la circulaire n° 28 à la détermination de la valeur vénale de sociétés unipersonnelles ne possédant aucun actif de nature à assurer la récurrence de leurs rendements en cas de cession. Il convenait donc de recourir à une expertise.

13.         Dans sa réponse du 18 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les recourants critiquaient des indications, prétendument trompeuses, indiquées dans les avis de taxation concernés. Ce grief n’était pas pertinent dans la mesure où ses propos ne visaient que la valeur d’une action et non pas des 100 actions de la société.

Durant le deuxième semestre de l’année 2020, en concertation avec l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), elle avait assoupli sa pratique et étendu la possibilité d’option de commercialisation d’une participation, également en cas de souscription de nouvelles actions, sous réserve des cas d’évasion fiscale. Elle avait relevé, à l’interne, l’exemple suivant : Si un contribuable constituait une nouvelle société à laquelle il entendait apporter (en neutralité fiscale) une société déjà existante faisant partie de sa fortune privée, l’option pourrait éventuellement être refusée au motif d’une évasion fiscale. En effet, si ce mode de faire était admis, l’ancienne société (la société déjà existante) précédemment évaluée à la valeur vénale devrait désormais être indirectement évaluée à la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu, ce qui pourrait engendrer une diminution substantielle de l’impôt sur la fortune de manière arbitraire. S’agissant de cette modification de pratique, elle tenait à disposition du tribunal, sous secret fiscal, les échanges internes relatifs à ce changement de pratique. Une audition de la direction concernée était aussi envisageable dans le cas où le tribunal la jugerait nécessaire sur ce point.

Jusqu’en septembre 2016, le recourant était actionnaire unique de l’D______, les actions appartenaient à sa fortune privée et étaient donc estimées à leur valeur vénale. Le ______ 2016, il avait constitué la C______ dont le but était de détenir l’D______. Les nouvelles actions souscrites avaient été déclarées comme faisant partie de la fortune commerciale du contribuable sous la rubrique « observations » en page de garde, à tout le moins, des déclarations 2018 et 2019. Aussi, sur le principe, la nouvelle pratique serait applicable au recourant qui avait notamment fait l’annonce de commercialisation de la participation dans les délais requis, sous réserve d’un cas d’évasion fiscale, comme justement en l’espèce. Dès lors, elle avait considéré les actions de la C______ comme appartenant à la fortune privée du contribuable et les avait donc évaluées et taxées à leur valeur vénale. Pour rappel, le Tribunal fédéral avait déjà confirmé, à plusieurs reprises, la valorisation des actions de l’D______ à la valeur vénale selon l’art. 49 al. 2 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et en fonction de la circulaire n° 28 pour les périodes fiscales 2007 à 2013. En pratique, le recourant avait créé la C______ uniquement dans le but de remplir les critères de la nouvelle pratique et bénéficier ainsi d’une imposition plus favorable. Si ce mode de faire était admis, l’ancienne société, l’D______, précédemment évaluée à la valeur vénale serait désormais indirectement évaluée à la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu, ce qui pourrait engendrer une diminution substantielle de l’impôt sur la fortune de manière arbitraire. Dès lors, l’interposition de la C______ entre le recourant et l’D______ pouvait être considérée comme étant abusive et constitutive d’une évasion fiscale, ce d’autant plus que la C______ se bornait à ne détenir qu’une seule participation dans l’D______, dès 2017 (première clôture) et, à tout le moins, pour les périodes litigieuses.

À titre subsidiaire, les recourants requéraient à ce qu’il soit procédé à une expertise et remettaient en cause l’utilisation de la circulaire n° 28. Or, ainsi que déjà confirmé à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral, la circulaire n° 28 devait pouvoir s’appliquer.

14.         Par réplique du 30 novembre 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

L’AFC-GE considérait le grief du « facteur 100 » comme sans conséquence, mais elle avait, dans le cadre de taxations relatives à d’autres contribuables, modifié ses remarques pour inscrire le montant total de la participation.

Elle admettait que le contribuable devait bénéficier, ayant respecté les conditions de l’annonce de commercialisation de la participation de la C______, de sa nouvelle pratique, mais le lui refusait au motif d’une évasion fiscale. Elle retenait ainsi le procédé comme licite mais considérait, d’une part, que son usage était abusif et, d’autre part, qu’il en résultait une économie d’impôt. La création d’une nouvelle société holding et sa déclaration comme fortune commerciale n’étaient toutefois nullement abusifs : ce procédé avait justement été mis en place pour permettre à un entrepreneur de placer son outil de travail dans sa fortune commerciale et ainsi le voir taxer au niveau de la fortune à sa valeur comptable, mais en sachant que toute ou partie de la participation « commerciale » la plus-value serait taxée lors de la vente au titre de revenu (et soumis à l’AVS) et non pas exonérée comme le serait une participation « privée » en application de l’art. 7 al. 4 let. b de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). En outre, l’AFC-GE prétendait qu’il y avait une économie d’impôt avérée en se basant sur la diminution de l’impôt sur la fortune, en quelque CHF 6’195.- en 2019 et quelques CHF 1’790.- en 2018, sans tenir compte de la différence d’imposition qui surviendrait lors de la cession de la participation. Partant, il était contesté qu’une économie d’impôt était avérée dans la durée.

L’AFC-GE considérait que les calculs de la circulaire n° 28 devaient s’appliquer, mais elle omettait à cet égard le texte du commentaire de ladite circulaire
(ci-après : commentaire ; celle-ci est édité annuellement par la Conférence suisse des impôts pour refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence) qui stipulait que les « critères déterminants permettant de juger d’un changement de la situation économique d’une entreprise sont le bénéfice, le chiffre d’affaires, les fonds propres et les rapports de participation. En règle générale, doivent être qualifiés de considérable une variation du chiffre d’affaires de 20%, une variation du capital de 10% qui ne résulterait pas du bénéfice ordinaire ou un changement dans les rapports de participations à hauteur de 10%. Si l’une de ces conditions est remplie, l’estimation doit être revue conformément au chiffre 5 avec la société ». Or, en l’occurrence, le chiffre d’affaires 2018 de l’D______ avait été de CHF 535’257.- et celui de 2019 de CHF 723’544.-. La variation avait donc excédé 20%, de sorte que les calculs de la circulaire n° 28 n’étaient pas applicables.

L’AFC-GE n’ayant pas interpellé le contribuable comme stipulé au point 5 précité, une expertise devait être ordonnée pour pallier ce défaut, le dossier ne pouvant en l’état être considéré comme complet.

15.         Par duplique du 5 janvier 2024, l’AFC-GE a intégralement persisté dans les considérants et les conclusions de sa réponse.

Elle avait analysé la situation fiscale des contribuables pour les périodes fiscales litigieuses, et plus particulièrement sous l’angle de l’impôt sur la fortune. Aussi, le fait de prétendre qu’il n’y aurait pas d’économie d’impôt dans le futur, lors d’une potentielle cession de la participation, n’était pas pertinent. Il était impossible de prédire le futur de la société et savoir si celle-ci aurait encore une quelconque valeur par la suite. En revanche, il était clair qu’en procédant tel qu’ils l’avaient fait pour les périodes fiscales litigieuses, les contribuables réaliseraient une substantielle économie d’impôt sur la fortune, à laquelle ils ne pourraient pas prétendre sans l’interposition de la C______, si la participation venait à être imposée en tant que fortune commerciale.

Le commentaire en lien avec la variation du chiffre d’affaires se référait à l’application du chiffre 2 par. 5 de la circulaire n° 28, lequel permettait d’appliquer une valorisation déterminée sur la base d’un transfert représentatif entre tiers indépendants. Cette valeur pouvait être conservée un certain temps, sauf en cas de changement considérable de la situation économique. La situation d’espèce ne se référait pas à une valorisation déterminée sur une vente substantielle entre tiers indépendant, mais à une valorisation ordinaire selon la méthode des praticiens.

La remarque selon laquelle « il est recommandé à l’autorité procédant à l’estimation de la négocier avec la direction, un membre du conseil d’administration ou toute autre personne mandatée » concernait des situations particulières. Cette disposition n’était pas contraignante et surtout inapplicable face à un traitement de masse. De plus, le commentaire de la circulaire n° 28 ne recommandait nullement de recourir à une expertise externe.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l’art. 49 LPFisc.

3.             Le présent litige porte sur l’évaluation, sous l’angle de l’impôt sur la fortune, des actions de la C______, qui n’est pas cotée en bourse, lors des années fiscales 2018 et 2019.

4.             À titre préalable, les recourants se plaignent de la formulation des avis de taxations, lesquels mélangeraient la valeur des actions de la C______, mentionnant une fois la valeur d’une action et une autre fois la valeur de la totalité des actions détenues.

Ce grief n’a toutefois aucun impact sur l’issue du litige et les recourants n’en tirent, en soi, aucune conclusion, ce d’autant plus que cela ne les a pas désavantagés. Il sera ainsi écarté.

5.             En premier lieu, il convient de déterminer si les actions de la C______ appartiennent à la fortune privée ou à celle commerciale du recourant, nonobstant le fait que les parties au litige estiment qu’elles appartiennent à la fortune commerciale en vertu des art. 18 al. 2 3ème phrase LIFD, 8 al. 2 LHID et 19 al. 3 LIPP.

À cet égard, il sied de rappeler que saisi d’un recours, le tribunal peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, il peut également modifier la taxation à son désavantage (art. 51 al. 1 LPFisc). En outre, le tribunal applique le droit d’office et n’est lié ni par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 LPA applicable par renvoi de l’art. 2 al. 2 LPFisc) ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3). Il lui est ainsi loisible d’admettre le recours pour d’autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs
(cf. ATF 148 II 299 consid. 7.4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_198/2023 du 7 février 2024 consid. 2.1 ; 9C_676/2022 du 24 avril 2023 consid. 3.1).

6.             Selon les art. 18 al. 2 3ème phrase LIFD, 8 al. 2 LHID et 19 al. 3 LIPP, à la teneur presque identique et qui ont la même portée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_624/2023 du 13 novembre 2023 consid. 2.1 et 5 ; 2C_501/2020 du 15 mars 2021 consid. 6.1.1), la fortune commerciale comprend :

-       tous les éléments de la fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l’exercice de l’activité lucrative indépendante (LIFD et LHID) respectivement à l’activité indépendante (LIPP). Il s’agit de la fortune commer-ciale « ordinaire » ;

-       les participations d’au moins 20% au capital-actions ou au capital social d’une société de capitaux ou d’une société coopérative, dans la mesure où le détenteur les déclare comme fortune commerciale, au moment de leur acquisition. Il s’agit de la fortune commerciale « volontaire ».

A contrario, ce qui n’est pas dans la fortune commerciale ordinaire ou dans celle volontaire fait partie de la fortune privée (Markus REICH/Markus WEIDMANN, Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 4ème édition, 2022, n. 47 ad. art. 16 p. 212 ; Felix RICHNER, Walter FREI, Stefan KAUFMANN et Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DBG, 4ème édition, 2023, n. 144 ad. art. 18 p. 302).

7.             Pour déterminer s’il y a lieu d’attribuer un bien à la fortune commerciale ordinaire, il convient d’analyser si ce bien est en relation avec l’exercice d’une activité lucrative indépendante.

D’une manière générale, le concept d’activité lucrative indépendante englobe toute activité par laquelle un entrepreneur participe à la vie économique à ses propres risques, avec l’engagement de travail et de capital, selon une organisation librement choisie, dans le but d’obtenir un gain. Une activité lucrative indépendante peut être exercée à titre principal ou accessoire et être durable ou temporaire. Pour déterminer si l’on se trouve en présence d’une activité lucrative indépendante, il convient toujours de se fonder sur l’ensemble des circonstances du cas (arrêt du Tribunal fédéral 9C_263/2023 du 20 décembre 2023 consid. 5.2.2).

Il faut ensuite apprécier dans chaque cas l’ensemble des circonstances. Ainsi que cela ressort de la définition légale de la fortune commerciale susmentionnée, c’est la fonction technique et économique de chaque élément qui constitue le critère d’attribution déterminant ; c’est donc en première ligne la fonction effective et actuelle des biens en cause dans l’entreprise qui est déterminante. Lorsque des biens alternatifs, à savoir des biens qui par leur nature peuvent appartenir aussi bien à la fortune commerciale que privée, font l’objet d’un usage mixte, c’est-à-dire d’une utilisation en partie commerciale et en partie privée, il convient de recourir à la méthode de la prépondérance. Selon celle-ci, la fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune mixtes qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l’exercice de l’activité lucrative indépendante. En revanche, les objets qui ne servent pas de manière prépondérante à l’activité commerciale appartiennent intégralement à la fortune privée, même s’ils sont en partie utilisés à des fins commerciales. En d’autres termes, un bien sera toujours attribué à la fortune com-merciale lorsqu’il « sert essentiellement les intérêts de l’activité indépendante ». Dans ce contexte, c’est la fonction effective du bien qui est déterminante (arrêts du Tribunal fédéral 9C_719/2022 du 4 avril 2024 consid. 3.2 et les références citées ; 9C_263/2023 du 20 décembre 2023 consid. 5.2.3).

8.             Pour déterminer s’il y a lieu d’attribuer une participation à la fortune commerciale volontaire, qui permet de détenir un élément de fortune commerciale sans déployer aucune activité lucrative indépendante, il convient de se référer, compte tenu des deux années fiscales en cause, à la circulaire n° 23 de l’AFC-CH du 17 décembre 2008 intitulée « Imposition partielle des rendements provenant de participations détenues dans la fortune commerciale ou déclarées comme fortune commerciale » (ci-après : circulaire n° 23), en vigueur depuis le 1er janvier 2009.

Selon cette directive n° 23, sont considérées comme des acquisitions au sens de la législation les transferts de propriété à titre onéreux et à titre en partie onéreux. Seule une telle acquisition peut exiger un financement par fonds de tiers et, de ce fait, entraîner des intérêts passifs. La valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu des droits de participation déclarés comme fortune commerciale correspond, au moment de l’acquisition, au prix d’acquisition (ch. 3.1).

L’art. 18 al. 2 LIFD vise les cas où l’acquéreur contracte des dettes pour financer l’achat de droits de participation (ch. 3.2).

9.             Il en va d’ailleurs de même selon la circulaire n° 22 de l’AFC-CH du 16 décembre 2008 intitulée « Imposition partielle des rendements provenant de participations détenues dans la fortune privée et limitation de la déduction des intérêts passifs », qui stipule notamment que les dettes et les intérêts passifs sur les participations qui ont été déclarés dans la fortune commerciale (art. 18 al. 2 LIFD) sont à prouver sur la base du financement du prix d’acquisition (ch. 3.2).

10.         La circulaire n° 23 a remplacé la circulaire n° 1 de l’AFC-CH du 19 juillet 2000 intitulée « Limitation de la déduction des intérêts passifs et participations attribuées à la fortune commerciale d’après la loi du 19 mars 1999 sur le programme de stabilisation 1998 » (ci-après : circulaire n° 1 ; publiée in Archives 69, p. 187 ss).

La circulaire n° 1 retenait également que « l’acquisition doit être comprise comme un transfert de la propriété à titre onéreux. Seul ce genre d’acquisition peut nécessiter un financement par emprunt et donner lieu à des intérêts passifs. La valeur fiscale déterminante pour l’impôt sur le revenu d’une participation affectée volontairement à la fortune commerciale correspond au prix d’achat au moment de l’acquisition. Ceci vaut également en cas d’acquisition à titre partiellement onéreux (actes juridiques à caractère mixte) » (Archives 69, p. 190).

L’art. 18 al. 2 LIFD vise les cas où l’acquéreur contracte des dettes pour financer l’achat d’une participation (cf. Archives 69, p. 191).

11.         Pour sa part, la circulaire n° 23a de l’AFC-CH du 31 janvier 2020 intitulée « Imposition partielle des rendements provenant de participations détenues dans la fortune commerciale ou déclarées comme fortune commerciale », en vigueur depuis le 1er janvier 2020, reprend les mêmes notions que la circulaire n° 23. Ainsi, sont considérées comme des acquisitions au sens de la législation les transferts de propriété à titre onéreux et à titre en partie onéreux ; seule une telle acquisition peut exiger un financement par fonds de tiers et, de ce fait, entraîner des intérêts passifs.

L’art. 18 al. 2 LIFD vise les cas où l’acquéreur contracte des dettes pour financer l’achat de droits de participation.

12.         Dans ce contexte, par arrêt du 15 juillet 2008 (FI.2007.0153), la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a considéré qu’à défaut d’un endettement pour l’acquisition, même partielle, le contribuable ne pouvait déclarer comme élément de fortune commerciale la participation qu’il avait achetée.

Elle a spécifié que l’art. 18 al. 2 LIFD visant les cas où l’acquéreur contractait des dettes pour financer l’achat d’une participation, l’acquisition devait intervenir à titre onéreux car c’était seulement dans cette hypothèse que le contribuable devait s’endetter pour acquérir sa participation (consid. 3).

13.         La doctrine s’accorde aussi à retenir que l’invocation de l’art. 18 al. 2 LIFD pour attribuer une participation dans le cadre de la fortune commerciale n’est possible que lorsque l’acquisition de cette participation est financée par de la dette (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, vol. I, 2ème édition, 2019, n. 152 p. 491 s ; Yves NOËL, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 80 ad art. 18 p. 343 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, n. 62-63 p. 127 ; Felix RICHNER, Walter FREI, Stefan KAUFMANN, Hans Ulrich MEUTER, op. cit., n. 152
ad. art. 18 p. 303).

14.         La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l’application d’une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d’interpréter la loi ou de faire usage d’une liberté d’appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d’opportunité ou d’efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l’égalité de traitement (ATA/515/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.1 ; ATA/557/2022 du 24 mai 2022 consid. 11a).

15.         En matière fiscale, le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d’impôts. Il lui appartient non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1239/2021 du 1er novembre 2021 consid. 5a ; ATA/1223/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c).

16.         En l’espèce, force est de constater, d’une part, que le recourant n’a exercé, à teneur de ses déclarations fiscales, aucune activité lucrative indépendante en 2018 et 2019, années où il était employé à plein temps comme salarié de l’D______. Aucune pièce ne laisse en outre apparaître, et les recourants ne l’allèguent ni a fortiori le démontrent, qu’il aurait déployé une activité exercée en la forme commerciale en lien avec la possession de sa participation dans la C______. À cet égard, le but statutaire de la C______, laquelle ne vise qu’à la reprise, la détention et la mise en valeur du capital-actions de l’D______, permet d’exclure que le recourant l’a utilisée pour exercer un commerce quasi-professionnel de titres. Partant, en l’absence de toute activité indépendante de la part du recourant, ce dernier ne possédait aucune fortune commerciale ordinaire lors des années fiscales litigieuses.

D’autre part, il faut également constater que la participation détenue par le recourant dans la C______ ne faisait pas partie de sa fortune commerciale volontaire. En effet, celui-ci n’a pas acquis cette participation par le biais d’un emprunt puisqu’il a cédé les titres de l’D______, élément faisant partie de sa fortune privée, en tant qu’apport à la C______, comme il résulte de l’inscription effectuée au registre du commerce. Aucun autre élément du dossier ne permet de retenir que le recourant a versé des intérêts sur un emprunt qu’il aurait contracté pour acquérir sa participation dans la C______ ; il ne le fait d’ailleurs pas valoir et, a fortiori, ne le démontre pas. Partant, dans la mesure où l’on se trouve en présence d’une modification d’un élément de fortune et non pas d’un transfert de la propriété à titre onéreux avec financement par un emprunt générant des intérêts passifs au sens de la circulaire n° 23, la ratio legis des art. 8 al. 2 LHID et 19 al. 3 LIPP, qui a repris cette disposition
(cf. MGC 2008-2009/IX A 11’597), n’a pas été respectée. À défaut d’un endettement pour l’acquisition, même partielle, le recourant ne pouvait déclarer comme élément de fortune commerciale la participation acquise.

En conclusion, les actions de la C______ que détenait le recourant en 2028 et 2019 faisaient partie de sa fortune privée, étant souligné que l’analyse contraire de l’AFC-GE et sa « nouvelle pratique », qui n’est pas une source de droit, ne peuvent conduire à une autre solution.

17.         À ce stade, il convient de fixer la valeur vénale des actions de la C______ détenues par le recourant au 31 décembre 2018 et 2019.

Les recourants soutiennent à ce sujet que la circulaire n° 28 ne peut être appliquée et sollicitent donc qu’une expertise en vue de déterminer la valeur desdites actions soit ordonnée. L’AFC-GE conteste cette allégation.

18.         Selon l’art. 13 al. 1 LHID, l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette. Selon l’art. 14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée.

La valeur vénale est la valeur marchande objective d’un actif à un moment donné. Il s’agit de la valeur qu’un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; ATA/261/2024 du 27 février 2024 consid. 3.1).

19.         Dans le canton de Genève, la LIPP prévoit également que l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP).

Selon l’art. 49 LIPP, l’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l’année pour laquelle l’impôt est dû (al. 1). La fortune est estimée en général à la valeur vénale (al. 2).

20.         L’évaluation des titres non cotés a fait l’objet de la circulaire n° 28. La Conférence suisse des impôts édite annuellement un commentaire (ci-après : commentaire) en lien avec cette circulaire pour refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence.

21.         Selon la circulaire n° 28, qui a rencontré l’approbation du Tribunal fédéral (arrêts 2C_59/2022 du 15 septembre 2022 ; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 ; 2C_866/2019 du 27 août 2020), les titres d’une société holding pure sont estimés selon la valeur substantielle de la société (ch. 38). Les titres et participations détenus par la société sont estimés selon les chiffres 23 et 24 (ch. 39).

L’estimation des titres d’une société holding non cotée en bourse s’effectue en fonction de la valeur de ses filiales, elle-même calculée d’après la circulaire de la CSI n° 28 (JTAPI/1187/2023 du 30 octobre 2023 consid. 9, confirmé par ATA/261/2024 du 27 février 2024 ; JTAPI/330/2022 du 4 avril 2022 ; JTAPI/1100/2021 du 1er novembre 2021).

22.         Selon la circulaire n° 28, les titres et participations cotés en bourse doivent figurer au cours de clôture du dernier jour de bourse de la période fiscale correspondante (ch. 23 al. 1). Les titres et participations non cotés sont estimés selon les présentes Instructions, mais au minimum à leur valeur comptable. On peut s’écarter de cette règle dans des cas justifiés (ch. 24 al. 1).

23.         Les titres d’une étude d’avocats organisée sous forme de société anonyme sont évalués sur la base de la valeur substantielle et de la valeur de rendement non doublée de ladite société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_669/2022 du 24 août 2023 ; ATA/584/2022 du 31mai 2022).

24.         S’agissant d’une estimation effectuée sur la base de la circulaire n° 28, il convient de supposer que l’estimation aboutit à une valeur vénale correcte et que, par ce calcul, le fisc a apporté une preuve suffisante. Si un contribuable est d’un avis contraire, il lui appartient d’apporter ses propres preuves (décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du canton de Zurich du 22 avril 2015 en la cause 1 ST.2014.46).

25.         En l’espèce, il résulte de ce qui précède que l’estimation des titres de la C______ doit s’effectuer en fonction de la valeur de l’D______, qu’elle détient en totalité, et que cette manière de procéder n’est en rien arbitraire.

Il n’est par conséquent nullement nécessaire de faire procéder à une expertise pour déterminer la valeur vénale au 31 décembre 2018 et 2019 des actions de la C______ détenues par le recourant, cette valeur résultant des calculs fondés sur la circulaire n° 28, étant souligné que les recourants n’ont pas allégués que les montants calculés par l’AFC-GE étaient incorrects.

26.         En dernier lieu, les recourants estiment que la circulaire n° 28 n’est pas applicable dans la mesure où l’estimation aurait être dû revue, conformément au chiffre 5, avec la société, compte tenu des circonstances du cas d’espèce.

27.         Selon la circulaire n° 28, pour les titres non cotés pour lesquels on ne connaît aucun cours, la valeur vénale correspond à la valeur intrinsèque et se détermine en règle générale d’après les règles d’estimation des présentes Instructions selon le principe de continuation de l’exploitation. Les contrats de droit privé, comme par exemple les conventions d’actionnaires qui restreignent la transmissibilité des titres, restent sans influence sur l’estimation des titres (ch. 2 par. 4).

Si les titres non cotés pour lesquels on ne connaît aucun cours ont fait l’objet d’un transfert substantiel entre tiers indépendants, la valeur vénale correspond alors généralement au prix d’acquisition. Il peut être dérogé à ce principe dans des cas particuliers où cela se justifie et en prenant en considération l’ensemble des circonstances. La valeur ainsi déterminée sera conservée aussi longtemps que la situation économique de la société n’aura pas considérablement changé. La même règle vaut pour les prix qui ont été payés par des investisseurs pour des raisons de financement ou lors d’augmentations de capital (ch. 2 par. 5).

Le commentaire précise à cet effet que les critères déterminants permettant de juger d’un changement de la situation économique d’une entreprise sont le bénéfice, le chiffre d’affaires, les fonds propres et les rapports de participation. En règle générale, doit être qualifié de considérable une variation du chiffre d’affaires de 20%, une variation du capital de 10% qui ne résulterait pas du bénéfice ordinaire ou un changement dans les rapports de participations à hauteur de 10%. Si l’une de ces conditions est remplie, l’estimation doit être revue conformément au chiffre 5 avec la société.

Selon la jurisprudence citée dans le commentaire du chiffre 2 de la circulaire n° 28, une vente d’actions par un père à son fils ne peut être considérée comme un transfert entre tiers indépendants. Des transferts entre actionnaires ne sont pas non plus considérés comme transferts entre tiers indépendants. Il en va notamment ainsi quand la formation du prix n’est pas transparente et qu’elle ne résulte pas d’une méthode correspondant à des critères économiques reconnus. Ne sont pas considérés comme des « tiers indépendants » deux membres d’un conseil d’administration qui ont chacun un droit de signature individuelle et qui, en sus de leur activité dans ce conseil, ont d’autres relations d’affaires entre eux.

28.         La circulaire n° 23 prévoit aussi que les Instructions ne sont applicables que si l’ensemble des éléments nécessaires à l’établissement de l’estimation est connu. Il est recommandé à l’autorité procédant à l’estimation de la négocier avec la direction, un membre du conseil d’administration ou toute autre personne mandatée au cas où les documents mis à disposition (comptes annuels, dossier de taxation, etc.) ne permettraient pas d’apprécier la situation économique d’une société (ch. 5).

29.         En l’espèce, le recourant a cédé à la C______, dont il est l’unique actionnaire et administrateur, les actions de l’étude, dont il était également l’unique actionnaire et administrateur, à titre d’apport. Dans ces circonstances, cette transaction ne s’est évidemment pas déroulée entre tiers indépendants, si bien que la valeur vénale ne correspondait pas au prix d’acquisition, mais devait être déterminée d’après les règles d’estimation de la circulaire n° 28. Tel a été le cas lors de l’année fiscale 2018.

Le fait qu’un changement considérable de la situation économique de la C______ respectivement de l’D______ ait eu lieu entre 2018 et 2019 a pour conséquence, au vu de ce qui précède, que la valeur déterminée (laquelle a été établie selon les règles d’estimation de la circulaire n° 28) ne peut être conservée et qu’elle doit (à nouveau) être déterminée d’après les mêmes règles d’estimation. À cet égard, la mention que la nouvelle estimation doit être revue avec la société ne signifie pas que celle-ci doit toujours être interpellée, quelles que soient les circonstances concrètes du cas d’espèce, et en particulier lorsque tous les éléments nécessaires pour estimer la valeur des actions sont disponibles, comme en l’occurrence. Dès lors, il n’était nullement nécessaire pour l’AFC-GE de revenir vers la C______.

Ce grief sera écarté.

30.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

31.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1’000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 mai 2023 par Monsieur A______ et Madame B______ contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 31 mars 2023  ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais en CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier