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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/518/2022

JTAPI/162/2022 du 23.02.2022 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);PROLONGATION
Normes : LEI.79
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/518/2022 MC

JTAPI/162/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Marguerite LE BASTART DE VILLENEUVE, avocate, avec élection de domicile

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1994, est dépourvu de tout document d'identité.

2.             Prétendant être originaire de Guinée, il a déposé une demande d'asile en Suisse, le 5 décembre 2016, laquelle a fait l'objet, le 22 décembre 2016, d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi prononcée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM). En raison de la disparition de l'intéressé, son transfert en Espagne, État Dublin responsable, n'a pu être effectué que le 28 décembre 2017.

3.             Il ressort du casier judiciaire suisse que M. A______ a fait l'objet des condamnations suivantes :

- le 11 juillet 2018, par le Tribunal de police, à une peine pécuniaire de trente jours-amende, avec sursis, délai d'épreuve trois ans pour entrée et séjour illégaux ainsi qu'à une amende de CHF 100.- pour contravention à l'art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121);

- le 12 décembre 2018, par le Tribunal de police, à une peine privative de liberté de vingt-quatre mois, avec sursis, délai d'épreuve trois ans et à une amende de CHF 300.- pour entrée et séjour illégaux, crime contre LStup et contravention à la LStup. Simultanément, son expulsion de Suisse a été ordonnée pour une durée de cinq ans ;

- le 4 décembre 2019, par le Tribunal de police, à une peine privative de liberté d'une durée de onze mois, à une peine pécuniaire de vingt jours-amende pour opposition aux actes de l'autorité et rupture de ban. Simultanément son expulsion a été prononcée pour une durée de dix ans.

4.             M. A______ a été incarcéré le 12 août 2019 à la prison de B______.

5.             Il a été présenté par le SEM entre le 4 et 5 décembre 2019 à une délégation de la République de Guinée qui ne l'a pas reconnu comme étant ressortissant de cet État.

6.             Le 27 février 2020, il a été présenté à une délégation de Sierra Leone qui ne l'a pas non plus reconnu comme l'un de ses ressortissants.

7.             Entre le 10 et le 13 mars 2020, il a participé à une audition centralisée avec une délégation malienne qui ne l'a pas reconnu comme ressortissant du Mali.

8.             Le 7 avril 2020, le SEM a informé le service Brigade Migration et retour que le 6 avril 2020, M. A______ avait été convié à un entretien téléphonique dans le cadre de la procédure LINGUA. L'entretien avait duré moins de cinq minutes car l'intéressé n'avait pas coopéré. Il avait refusé de parler le peul et de répondre aux questions, de sorte qu'aucune analyse n'avait été possible. Afin de poursuivre le processus d'identification, M. A______ serait de nouveau présenté à une délégation de Guinée lors des prochaines auditions centralisées.

9.             Par jugement du 20 avril 2020, le Tribunal d'application des peines et mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 29 avril 2020, retenant notamment que ce dernier avait le projet de quitter la Suisse pour se rendre en Espagne, où il pourrait bénéficier de l'aide de son oncle.

10.         Par courrier du 24 avril 2020, l'OCPM l'a rendu attentif au fait qu'il devait quitter la Suisse dans les trente jours à compter de la fin de l'état de situation extraordinaire au sens de l'art. 7 de la loi sur les épidémies, décrété par le Conseil fédéral le 16 mars 2020. Il lui incombait de remettre la carte d'annonce de sortie jointe au poste frontière par lequel il quitterait la Suisse. À défaut, il s'exposait à des mesures de contraintes telles que la détention administrative en vue de son expulsion.

11.         Le 27 septembre 2021, M. A______ a été interpellé par les forces de l'ordre. Il s'est refusé à toute déclaration.

12.         Par ordonnance pénale du 28 septembre 2021, le Ministère public l'a déclaré coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de rupture de ban et l'a condamné à une peine pécuniaire de cent quatre-vingts jours-amende.

L'ordonnance pénale relative à cette affaire est désormais entrée en force.

13.         À sa sortie de prison, le 21 octobre 2021, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

14.         Le même jour, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______, pour une durée de six semaines.

Selon les informations transmises le 19 octobre 2021 par le SEM à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l'intéressé était convoqué aux prochaines auditions centralisées menées par les autorités guinéennes qui auraient lieu durant la première semaine du mois de novembre 2021. Il avait été précisé que si, pour des raisons liées à la crise sanitaire, seules les personnes volontaires au retour pouvaient, pour l'instant, se voir délivrer un laissez-passer, la situation était toutefois susceptible de changer à tout moment, les perspectives relatives aux rapatriements sous contrainte, lesquels étaient pour l'heure suspendus, devant d'ailleurs faire l'objet de discussions avec la représentation guinéenne présente lors des auditions en question.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il n'était pas d'accord de retourner en Guinée.

15.         Entendu le 25 octobre 2021 par le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le tribunal), M. A______ a indiqué qu'il s'opposait à son expulsion à destination de la Guinée. Il était au bénéfice d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles et serait d'accord d'être renvoyé à destination de ce pays. Ses papiers se trouvaient chez un ami à C______.

La représentante du commissaire de police a déclaré que les démarches avaient été initiées pour une expulsion en Guinée, dès lors que M. A______ n'avait jamais produit de document permettant de conclure qu'il serait autorisé à séjourner en Espagne.

M. A______ a également déclaré que, à sa sortie de prison en avril 2020, il avait quitté la Suisse et s'était rendu en Espagne. Il était revenu à Genève en août 2021 en passant par C______, où il avait un ami. Concernant la carte d'annonce de sortie qu'il aurait dû remettre au poste frontière, le policier qui l'avait contrôlé et à qui il l'avait remise, l'avait déchirée.

La représentante du commissaire de police a indiqué que celui-ci prenait acte des déclarations de M. A______ quant à son départ en avril 2020 pour l'Espagne. Il n'avait toutefois aucune preuve de ces allégations. Partant, il considérait que M. A______ n'avait pas quitté la Suisse à cette date.

16.         Par jugement du 25 octobre 2021, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 1er décembre 2021 inclus.

M. A______ faisait l'objet de deux mesures d'expulsion pénale prononcées par le Tribunal de police, la deuxième, le 4 décembre 2020 pour une durée de dix ans. À teneur du dossier, il n'apparaissait pas qu'il aurait respecté ces mesures. Ses explications relatives à son retour en Espagne après sa mise en liberté conditionnelle n'étaient nullement étayées et le tribunal portait peu de crédit à ses allégations lorsqu'il prétendait qu'un policier aurait déchiré sa carte d'annonce de sortie du pays. Il avait en outre été condamné pour crime contre la LStup le 12  décembre 2018. La détention administrative se justifiait donc sous l'angle des art. 75 al. 1 let. g et h LEI en lien avec l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

M. A______ était dépourvu de tout document d'identité, n'avait entrepris aucune démarche pour en obtenir et avait disparu dans la clandestinité. Il ne collaborait enfin aucunement à son identification, ce qui obligeait les autorités à le présenter à différentes délégations étrangères. Le choix de le présenter prochainement devant une délégation de de la Guinée ne prêtait d'ailleurs pas flanc à la critique.

En outre, il avait répété son opposition catégorique à son renvoi devant le tribunal de céans. Il n'avait par ailleurs aucune source de revenu licite ni aucune attache à Genève. Au vu de ces éléments, le principe de la légalité était également respecté sous l'angle de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. L’assurance de son départ de Suisse répondait par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine.

Les autorités avaient entrepris toutes les démarches utiles en vue de l'identification de l'intéressé, de sorte que le principe de célérité était respecté.

Selon les informations du SEM, des laissez-passer étaient délivrés par l'ambassade de Guinée en vue des départs volontaires et seuls les rapatriements sous contrainte étaient actuellement suspendus. Ainsi, il ne pouvait pas être retenu à ce stade qu'il n'y avait pas de perspectives sérieuses que l'expulsion puisse avoir lieu dans un délai prévisible. En outre, dans les situations où l'exécution du renvoi ou de l'expulsion supposait la collaboration de l'intéressé (en particulier parce qu'un rapatriement par vol spécial n'était pas envisageable), le fait que celui-ci déclare par avance qu'il n'entendait pas rentrer dans son pays ni monter dans l'avion ne suffisait pas à considérer d'emblée cette possibilité comme exclue.

Enfin, il était loisible à l'intéressé d'entreprendre des démarches en vue de récupérer son titre de séjour espagnol s'il en possédait bien un et de le soumettre aux autorités suisses. Cas échéant, la possibilité d'un renvoi vers ce pays pourrait être examinée.

17.         Par requête motivée du 19 novembre 2021, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

L'audition centralisée prévue le 2 novembre dernier avec les autorités guinéennes ayant été annulée, l'OCPM était dans l'attente d'une nouvelle date concernant les prochaines auditions Guinée/Sierra Leone. Celle de Guinée, pourrait intervenir dans le courant du mois de janvier 2022 quant à celle du Sierra Leone, il n'y avait pas de date prévisible au moment du dépôt de la demande de prolongation de la détention administrative.

18.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 30 novembre 2021, la représentante de l'OCPM a rappelé que l'audition prévue devant une délégation des autorités guinéennes le 4 novembre 2021 avait été annulée, cette délégation n'ayant finalement pas été autorisée à venir en Suisse par les autorités de Guinée. Le SEM poursuivait dès lors ses démarches en vue de faire venir une délégation de cet État en Suisse dans le courant du mois de janvier 2022. Par ailleurs, l'OCPM avait pris contact avec M. A______ début novembre 2021 pour lui indiquer que, s'il voulait faire accélérer les démarches en vue de son renvoi, il pouvait s'adresser directement à l'ambassade de Sierra Leone ou de Guinée.

L'avocate de M. A______ a expliqué que lorsqu'elle était allée rendre visite à son client à D______, après avoir reçu la demande de prolongation, celui-ci lui avait indiqué qu'il n'avait jamais été approché par l'OCPM en vue de son renvoi durant sa détention administrative. Elle a également fait part de ses doutes concernant la bonne compréhension de son client de ce que l'on avait pu lui communiquer en français. C'était notamment pour cette raison qu'elle avait sollicité la présence d'un interprète en peul à l'audience du 30 novembre 2021.

Sur question de son conseil, M. A______ a affirmé qu'il était ressortissant de Sierra Leone. Il était désormais prêt à répondre aux questions nécessaires visant son identification par les autorités de ce pays. Il était d'accord de coopérer avec les autorités et il ne s'opposerait pas à monter à bord d'un avion qui le ramènerait dans son pays, à condition toutefois que l'on ne prolonge pas sa détention pendant trois mois. Si cela devait être le cas, il refuserait. Il serait d'accord avec une prolongation d'au maximum deux semaines. S'il était libéré, il souhaitait quitter immédiatement la Suisse.

Le conseil de M. A______, qui a produit des échanges de courriels avec la Mission permanente du Sierra Leone à Genève et le secteur Aide au retour de la Croix-Rouge genevoise, a informé le tribunal de ce qu'elle avait entrepris des démarches en vue de permettre l'identification de son client par les autorités de Sierra Leone et qu'elle avait obtenu ce jour-même, à 13h20, la confirmation d'un rendez-vous le 2 décembre 2021 à 11h00 auprès de la Mission permanente de Sierra Leone à Genève. Elle a produit un courriel à ce sujet. La représentante de l'OCPM a pris note de cette information et indiqué qu'à l'issue de l'audience de ce jour, l'OCPM examinerait s'il était possible de faire acheminer M. A______ à la Mission permanente ou s'il était possible de faire venir des membres de cette Mission auprès de l'établissement de détention, à savoir D______.

Le conseil de M. A______ a déploré n'avoir pas été informée par l'OCPM des démarches qu'il avait entreprises directement auprès de M. A______, dès lors que son courrier du 1er novembre 2021 indiquait clairement qu'elle cherchait à faire avancer la procédure. La représentante de l'OCPM a relevé que, le 25 octobre 2021, l'OCPM avait informé le SEM que M. A______ se déclarait désormais ressortissant de Sierra Leone. Elle s'étonnait que cette pièce n'ait pas été portée à la connaissance du tribunal et de l'avocate de l'intéressé. Elle a souligné qu'en 2018 et 2021, M. A______ s'était toujours exprimé en français. En outre, les pièces qu'elle transmettait ce jour au tribunal démontraient que celui-ci avait été dûment informé des démarches à entreprendre pour accélérer son départ. Le conseil de M. A______ a quant à elle relevé que si son client n'avait pas été assisté d'un interprète, cela en disait long sur le respect des droits du prévenu, respectivement du contraint. Elle a finalement insisté sur le fait que son client n'avait jamais cessé de lui répéter qu'il souhaitait quitter la Suisse au plus vite et que s'il avait été informé des démarches, il les aurait entreprises.

19.         Par jugement du 1er décembre 2021, le tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 28 février 2022 inclus.

Si l'État de Sierra Leone devait une fois encore ne pas reconnaître l'intéressé, suite aux démarches qu'il avait entreprises auprès de la Mission permanente de cet Etat par l'intermédiaire de son conseil, il s'agirait alors de le présenter une nouvelle fois à une délégation guinéenne, lors de la prochaine audition, qui devrait se tenir en janvier 2022 (les autorités suisses étant tributaires de la venue de représentant de Guinée) - afin de tenter une seconde fois de déterminer si M. A______ est effectivement guinéen, voire d'une autre origine. A ce stade, le principe de célérité était ainsi respecté.

20.         Le 2 décembre 2021, l'intéressé a été présenté devant les autorités du Sierra Leone. Par manque d'éléments de preuve et de coopération de la part de l'intéressé, le représentant de l'autorité nationale étrangère a mis un terme à l'audition. En effet, diverses informations, dont des numéros de téléphone de contact en Sierra Leone avaient été demandés à M. A______ afin de pouvoir confirmer ses dires, ce que ce dernier s'était refusé à faire.

21.         Le 31 janvier 2022, l’OCPM a été informé que M. A______ n'avait pas été reconnu par les autorités guinéennes lors de son audition du 26 janvier 2022. Au vu du fait que l'intéressé persistait à dire qu'il était originaire du Sierra Leone, il serait à nouveau prévu pour une prochaine audition centralisée avec les autorités sierra-léonaises. Aucune date n’était encore retenue.

22.         Par requête motivée du 14 février 2022, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 28 mai 2022.

23.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 22 février 2022, la représentante de l'OCPM a confirmé que l'audition auprès d'un représentant de Sierra Leone avait bien eu lieu le 2 décembre 2021. Elle s'est référée à ce sujet à sapièce 3, soit un e-mail adressé à l'avocate de M. A______. Selon les informations obtenues, les représentants de Sierra Leone avaient mis un terme à l'audition au vu du manque d'éléments de preuves et de coopération de M. A______. Ce dernier a exposé à cet égard ne plus se rappeler quelles questions les représentants de Sierra Leone lui avaient posées, mais qu'il y avait répondu. Sur question de son avocate, il a répondu qu'ils lui avaient effectivement demandé de quel endroit il venait, qu'il avait répondu venir de E______. On lui avait également demandé des numéros de téléphone de personnes qu'il connaissait là-bas, mais il n'en avait pas car il avait perdu son téléphone contenant ses contacts. Il avait perdu son téléphone au moment de son interpellation par la police. Il ne se rappelait plus quelle réaction les représentants avaient eue.

La représentante de l'OCPM a exposé qu'une audition centralisée avait ensuite eu lieu en janvier 2022 par les autorités guinéennes mais qu'il n'avait pas été reconnu comme ressortissant de cet Etat. Il n'avait parlé que français à cette audition et avait insisté sur ses origines sierra-léonaises. M. A______ a contesté avoir parlé français à cette audition, il ne parlait que la langue peule.

La représentante de l'OCPM a produit un e-mail du 21 février 2022 du SEM qui indiquait qu'une audition centralisée sierra léonaise devrait avoir lieu vers août 2022. Elle a précisé que la démarche effectuée par M. A______ par l'intermédiaire de son avocate auprès de la Mission permanente de Sierra Leone était une démarche volontaire qui n'avait pas fonctionné. La procédure officielle des auditions centralisées était celle permettant d'obtenir un laissez-passer quand la personne n'était pas volontaire. Sur question du tribunal, elle a confirmé qu'il n'y avait pas d'audition centralisée prévue avant août 2022. Sur question de son conseil, M.  A______ a répété qu'il venait de Sierra Leone, a répondu qu'il avait envie d'y retourner et qu'il était d'accord de coopérer avec l'audition centralisée, en parlant le peule notamment. Son conseil a produit des pièces en vue de sa plaidoirie qui concernaient ses recherches pour retrouver le téléphone de M. A______. Elle a indiqué qu'elle allait encore tenter de le chercher auprès des objets trouvés de Genève pour permettre de retrouver les contacts de son client en Sierra Leone. Elle a conclu au rejet de la demande de prolongation.

La représentante de l'OCPM a plaidé et conclu à l'admission de la demande de prolongation. Le conseil de M. A______ a répliqué brièvement. Ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 14 février 2022, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.             La légalité de la détention a déjà été examinée et admise par le tribunal dans ses jugements des 25 octobre et 1er décembre 2021, de sorte qu'en l'absence de changement de circonstances sur des aspects pertinents de cette détention, celle-ci ne peut à nouveau qu'être confirmée dans son principe.

6.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012 ; ATA/518/2011 du 23 août 2011).

7.             La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

8.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.             Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).

Dans l'appréciation de la diligence des autorités, il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du renvoi. Il faut en tous les cas se demander si la détention prononcée dans le cas d'espèce et sa durée demeurent nécessaires et restent dans une mesure proportionnée par rapport au but poursuivi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

10.         Les autorités chargées de l'exécution du refoulement doivent essayer d'établir l'identité de l'étranger le plus rapidement possible et de se procurer les papiers nécessaires au départ de celui-ci. Toutes les mesures qui semblent propres à accélérer l'exécution du refoulement doivent être prises. Le principe de célérité oblige les autorités à prendre les mesures qui, vu les circonstances concrètes du cas particulier, sont de nature à activer l'exécution du refoulement. Les mesures à prendre par les autorités responsables doivent être appréciées globalement en fonction des circonstances du cas d'espèce. La question de savoir si le principe de diligence a été violé dépend donc des particularités du cas d'espèce. Il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du refoulement. Dans ce contexte, il peut être tenu compte d'un manque de coopération de la part de l'étranger, même si un tel comportement ne saurait toutefois justifier l'inactivité des autorités. Il faut en outre prendre en considération le fait que l'aide requise des autorités étrangères peut parfois prendre du temps. On ne saurait donc reprocher aux autorités une violation du principe de diligence lorsque le retard dans l'obtention des papiers d'identité est imputable à une représentation diplomatique étrangère (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2A.715/2004 du 23 décembre 2004 consid. 2.3.1 ; 2A.497/2001 du 4 décembre 2001 consid. 4a ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3 ; ATA/1204/2015 du 6 novembre 2015 consid. 9b ; ATA/616/2014 du 7 août 2014 consid. 7).

11.         Pour l'exécution du renvoi, le SEM assiste l'autorité cantonale d'exécution (art. 71 LEI ; art. 1 OERE). C'est lui qui se charge d'obtenir des documents de voyage pour les étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 71 let. a LEI ; art. 2 al. 1 OERE). C'est lui qui est l'interlocuteur des autorités des pays d'origine, en particulier des représentations diplomatiques ou consulaires des États d'origine ou de provenance des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion, pour autant que d'autres dispositions n'aient pas été prises dans le cadre d'un accord de réadmission ou après entente avec les cantons (art. 2 al. 2 OERE).

Aux fins d'obtenir des documents de voyage, le SEM vérifie l'identité et la nationalité des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 3 al. 1 OERE). À cet effet, il peut notamment mener des entretiens, présenter l'intéressé à une représentation de son pays d'origine et effectuer des analyses linguistiques ou textuelles, de même qu'inviter en Suisse une délégation de son pays d'origine ou de provenance. Il communique le résultat de ses investigations aux cantons (art. 3 al. 2 OERE).

12.         M. A______ reproche aux autorités l'échec de leurs démarches dans le processus de son identification.

13.         En l'espèce, il ressort du dossier que depuis 2019, de nombreuses démarches ont été entreprises pour identifier M. A______, lesquelles n'ont pas abouti en raison de l'absence de collaboration de ce dernier, étant souligné qu'il n'a produit, à aucun moment, aucun document permettant aux autorités de l'identifier de manière rapide et sûre. Il a d'abord déclaré venir de Guinée, de sorte que les démarches ont été entreprises avec ce pays pour obtenir son identification. Entendu par une délégation de Guinée, il a ensuite affirmé être ressortissant de Sierra Leone alors que la délégation de ce pays ne l'a pas reconnu comme tel. Il a également refusé de parler le peul lors de la tentative échouée de l'analyse Lingua puis de nouveau devant les autorités guinéennes en janvier 2022. Entendu de nouveau par des représentants de Sierra Leone en décembre 2021, il n'a réussi à leur donner aucunes informations probantes alors qu'il il indique être originaire de ce pays et qu'il est prêt à collaborer avec eux en vue de son identification et son refoulement dans ce Etat. Il sera encore rappelé que dans le cadre de la procédure visant sa libération conditionnelle devant le TAPEM, il avait déclaré être au bénéfice d'une autorisation de séjour en Espagne, ce qu'il a répété devant le tribunal de céans le 25 octobre 2021, sans jamais remettre de document prouvant ses allégations. Dans ces circonstances, M. A______ est mal venu de reprocher à l'administration un manque de célérité et de succès dans leurs démarches. M. A______ persistant maintenant à se déclarer originaire de Sierra Leone, il sera à nouveau prévu pour une prochaine audition centralisée avec les autorités de ce pays, laquelle n'aura pas lieu avant le mois d'août prochain. Il sera encore relevé que M. A______ pourrait rapidement mettre fin à sa détention en prenant directement contact avec l'ambassade de son pays d'origine, et qu'il ressort clairement de son comportement, depuis son arrivée en Suisse en partant dans la clandestinité et en cachant son identité, qu'il essaie par tous les moyens de rester dans ce pays et qu'il refuse d'être refoulé.

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal considère qu'à ce stade, le principe de célérité est respecté et que la détention administrative de M. A______ demeure la seule mesure apte à garantir l'exécution de son expulsion.

Enfin, M. A______ est détenu administrativement depuis le 21 octobre 2021. La durée maximale légale n'est ainsi de loin pas atteinte.

14.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 28 mai 2022, durée qui permettra au tribunal, dans le cadre d'une nouvelle demande de prolongation de la détention administrative, de vérifier à ce moment les conditions de sa légalité et sa proportionnalité.

15.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 14 février 2022 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 28 mai 2022 ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocate, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 23 février 2022

 

Le greffier