Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1220/2021 du 02.12.2021 ( LCI ) , REJETE
REJETE par ATA/76/2023
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 2 décembre 2021
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dans la cause
Monsieur Jean-Guillaume PIEYRE et ECURIE DE LA RENFILE SA, représentés par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. ECURIE DE LA RENFILE SA est une société ayant pour but l'exploitation d'un manège, l'achat, la vente, l'importation, le commerce et le courtage de chevaux, ainsi que la prise en pension de chevaux et la location de boxes, l'organisation de manifestations équestres ainsi que tous services, conseils et activités dans le domaine des sports équestres.
2. Monsieur Jean-Guillaume PIEYRE en est l'administrateur.
3. ECURIE DE LA RENFILE SA est propriétaire des parcelles n° 1'103 et 1'104 de la commune de Jussy.
4. Historiquement, ainsi que cela ressort d'une procédure parallèle (A/1570/2021 faisant l'objet d'un autre jugement rendu ce jour par le tribunal de céans), un premier manège a été construit au début des années 1960 et a été entièrement détruit par le feu le 23 août 1973. Il a ultérieurement fait l'objet d'une demande d'autorisation DD 71'279 pour l'implantation d'un nouveau manège, refusée le 6 septembre 1978 par le département des travaux publics (actuellement le département du territoire, ci-après : le département) au motif notamment que les trop grandes dimensions du bâtiment étaient incompatibles avec l'échelle des constructions du voisinage. Une nouvelle demande enregistrée sous DD 72'506 et portant sur la construction d'un manège et d'un parking a fait l'objet d'une autorisation délivrée le 10 juillet 1979 et d'une demande de prolongation du délai de validité de cette autorisation au 10 juillet 1980, laquelle a cependant été refusée le 3 juillet 1981. L'ouverture du chantier a eu lieu le 10 juillet 1981. Une photographie aérienne du site prise en 1983 indique très clairement qu'il n'existe plus aucun bâtiment à l'endroit où se trouvait le manège avant l'incendie, que la végétation s'y est à nouveau installée et qu'en revanche, un espace correspondant très vraisemblablement à un paddock avait été aménagé à l'est de l'emplacement de l'ancien manège. Enfin, le 19 mai 1987, une demande DD 86'381 a été déposée auprès du département pour la modification de l'implantation de la route d'accès. Cette demande était accompagnée, d'une part, d'un extrait du plan cadastral signé par le même mandataire que la demande d'autorisation, dont il résulte uniquement la présence d'un bâtiment allongé (mais ne portant pas de numéro cadastral, contrairement aux bâtiments du voisinage) et, d'autre part, d'un plan au 1/1'000e indiquant notamment, par une ligne discontinue, à côté du bâtiment allongé figurant sur l'extrait cadastral, l'emplacement d'un grand bâtiment portant l'indication "Manège en construction".
5. Actuellement, sur le même site, qui correspond désormais à la parcelle n° 1'103, sont érigés les bâtiments n° 963 et 964 correspondant respectivement à un grand bâtiment en bois ayant la fonction de manège et disposant de 30 boxes pour des chevaux ainsi que d'une surface pour l'évolution de ces derniers, et à une maison d'habitation construite perpendiculairement au manège au sud. Ces deux premiers bâtiments occupent une surface de 1691 m2. En outre, un couvert non autorisé contenant 8 boxes pour chevaux et une sellerie est érigé au nord du manège. Autour de ces différents bâtiments, le sol est recouvert de bitume sur une surface de 2'421 m2. Au nord de cet ensemble se trouve un paddock d'une surface de 3'097 m2 et, au nord du paddock, un marcheur circulaire de 241 m2 (pour un aperçu visuel de ces différents éléments, voir pièce 6 du recours).
6. Respectivement en date des 15 et 25 juin 2018, ECURIE DE LA RENFILE SA (ci-après : la requérante) a déposé auprès du département une demande préalable, enregistrée sous DP 18'790 et une demande de démolition enregistrée sous M 8'182, visant la démolition- reconstruction du manège et le remplacement des bâtiments existants par la construction d'un seul bâtiment de forme rectangulaire et d'une surface de 1'994 m2, avec un sous-sol de 992 m2 permettant le stationnement de 16 voitures et offrant en outre des espaces de rangement ainsi que de stationnement pour les véhicules de l'exploitation. Remplaçant le paddock existant au même emplacement, mais sur une surface de 2'700 m2, est prévu un nouveau paddock constitué d'un sol en sable, ainsi qu'un marcheur 269 m2, le marcheur existant étant également supprimé. En outre, l'essentiel des surfaces bitumées actuelles seraient remplacées par des surfaces perméables carrossables et par du gazon.
7. Le 12 février 2020, la direction des autorisations de construire (DAC) a préavisé défavorablement le projet, en particulier en raison du fait que ce dernier n'était pas conforme à la zone agricole.
8. Le 16 mars 2020, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN) a préavisé négativement le projet au motif que les aménagements prévus outrepassaient manifestement les possibilités d'agrandissement permises par la loi, notamment s'agissant du paddock et du marcheur qui ne bénéficiaient apparemment pas d'autorisation de construire et ne pouvaient donc pas prétendre à une garantie de la situation acquise. Il serait toutefois possible d'entrer en matière pour certains agrandissements mesurés et limités du manège existant, lequel bénéficiait d'une garantie de la situation acquise, dans la mesure où ce dernier était au bénéfice d'une autorisation de construire antérieure à 1980.
9. Le 9 avril 2020, l'office de l'urbanisme, soit pour lui le service des procédures/préavis et de l'information (SPI) a préavisé défavorablement le projet. La démolition/reconstruction du manège entraînerait une modification de l'emprise au sol passant de 1'691 m2 à 1'994 m2, soit une augmentation de 18 %. Une telle modification pouvait être justifiée par l'évolution des normes liées aux questions vétérinaires et des pratiques du sport équestre, auquel les bâtiments existants ne répondaient plus et qui ne pouvait être satisfait au moyen d'un simple agrandissement de ces derniers. En revanche, ni le paddock, créé entre 1986 et 1991 avec une emprise d'environ 2'300 m2, puis agrandi à environ 3'200 m2 entre 2001 et 2005, ni le carrousel n'avaient jamais fait l'objet d'autorisation de construire. Non compatibles avec les exigences fédérales relatives aux surfaces d'assolement, ces aménagements et leurs pourtours, d'environ 4'500 m2 au total, avaient dû être sortis de l'inventaire des surfaces d'assolement (SDA) lors de sa mise à jour en 2014. S'agissant d'installations illicites, leur remise en état dans les plus brefs délais était exigée afin qu'elles puissent retourner à l'inventaire SDA. Les conditions n'étaient donc pas réunies pour pouvoir préaviser favorablement le projet dans son ensemble. Il était noté qu'en examinant la demande préalable, le SPI avait constaté l'apparition de nombreux autres aménagements extérieurs qui n'étaient pas au bénéfice d'autorisation, à savoir de petits tunnels sous bâche verte apparus environ en 2013-2014 sur la parcelle voisine n° 1'287 (propriété de M. PIEYRE), d'un parking à vans apparu environ en 2012 sur les parcelles n° 1'287 et 1'288, ainsi que différents accès et chemins. De ces affectations illicites résultait une perte additionnelle d'environ 560 m2 de SDA, de sorte que la démolition de ces aménagements et la remise en état des sols devrait être ordonnée.
10. Par courrier du 11 juin 2020, sous la plume de son mandataire dans la présente procédure, la requérante s'est déterminée sur ces trois préavis en indiquant persister dans son projet et a demandé que l'office des autorisations de construire (OAC) écarte ces préavis et accorde l'autorisation requise. À ce courrier était joint copie d'une lettre adressée par l'exécutif de la commune de Meinier, apportant son soutien au projet, compte tenu, notamment, de la présence du manège depuis 60 ans, de son rôle social et environnemental, ainsi que de sa fonction économique pour la commune.
11. Par courrier du 29 juillet 2020, la requérante, sous la plume de son conseil, s'est adressée au service de l'inspection de la construction et des chantiers en indiquant souhaiter un échange coordonné avec ce service et l'OAC, afin de faire le point sur les nombreuses procédures engagées et les options possibles.
12. Par décision du 18 novembre 2020 adressée à la requérante et à M. PIEYRE, le département a refusé l'autorisation DP 18'790 en se fondant pour l'essentiel sur les préavis de l'OCAN et du SPI et en relevant que les différentes alternatives proposées, comme le fait de conserver la halle intérieure ou le paddock, mais pas les deux, n'avaient pas été retenues par la requérante.
13. Par acte du 4 janvier 2021, la requérante et M. PIEYRE (ci-après : les recourants) ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à son annulation et à ce qu'il soit ordonné au département de délivrer l'autorisation sollicitée.
S'agissant des faits, les recourants soulignent tout d'abord que le plan directeur de la commune de Jussy n° 29626-523 adopté par le Conseil municipal de la commune le 7 mars 2011 et approuvé par le Conseil d'Etat le 15 juin 2011 identifie le manège comme une infrastructure existante de sport et de loisir, le mettant en évidence comme un périmètre non affecté à l'agriculture.
Les recourants font en outre de nombreux développements au sujet de la nécessité de faire évoluer le manège pour pouvoir répondre à l'élévation des exigences posées non seulement sur le plan juridique en matière de détention de chevaux, mais également sur le plan des normes relatives au sport équestre.
Ils détaillent enfin les caractéristiques techniques des infrastructures actuelles et les comparent à celles des infrastructures projetées, en mentionnant les nombreux avantages présentés par ces dernières.
14. Par écritures du 22 avril 2021, le département a conclu au rejet du recours.
15. Par courrier du 21 janvier 2021, la commune de Jussy a exprimé au tribunal son soutien au recourant, relevant en substance le caractère harmonieux et la nécessité du projet litigieux.
16. Par écritures du 15 juin 2021, les recourant ont répliqué, reprenant en substance leurs arguments précédents.
17. Le département a dupliqué le 8 juillet 2021.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Les recourants se plaignent tout d'abord d'une constatation inexacte des faits, au motif que l'autorité intimée aurait retenu qu'avant le 30 janvier 1980, 27 boxes avaient été autorisés et que la demande préalable prévoyait de porter ce nombre à 30. Or le manège compterait d'ores et déjà 30 boxes, ce qu'un transport sur place permettrait de constater. Dans le cadre de leur réplique, suite aux explications de l'autorité intimée, ils précisent que jusqu'en 2013, le bâtiment abritait 25 boxes, ce nombre étant ensuite passé à 30. Ils rappellent que ce nombre correspond à un minimum pour la viabilité économique de l'entreprise.
4. L'établissement correct des faits, auquel les autorités sont tenues de procéder d'office (art. 19 LPA), est une exigence liée à la correcte application de la loi, soit que celle-ci se réfère à des circonstances précises, soit qu'elle laisse à l'autorité compétente le soin de procéder à une pesée des intérêts en présence (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, ch. 2.2.6.3 pp. 293 et s). Encore faut-il que les faits constatés – ou non constatés – correspondent à ceux visés par la règle de droit (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, par. 885), sans quoi il n'y a pas lieu de les établir ni d'en sanctionner la non-constatation.
5. En l'espèce, abstraction faite de la question de savoir si l'autorité intimée était légitimée à retenir le nombre de boxes bénéficiant d'une autorisation plutôt que ceux que les recourants ont concrètement aménagés, les remarques de ces derniers ne permettent pas de discerner ce que l'existence actuelle de 30 boxes au lieu de 27 aurait comme conséquence sur le présent litige. En effet, ce n'est pas le nombre des boxes actuels ou futurs qui fonde les réserves exprimées par la décision litigieuse concernant le manège, mais le fait que la surface totale de ce dernier dépasserait largement la limite de 30 % prévue par la loi. Par ailleurs, aucune norme juridique ne fixe précisément le nombre de boxes qui pourraient être autorisés dans le cas d'espèce. Le fait que le nombre de 30 boxes serait le minimum nécessaire pour la survie de l'entreprise ne joue non plus aucun rôle sous cet angle.
Par conséquent, la constatation prétendument inexacte des faits ne constitue pas, dans le cas d'espèce, un élément susceptible de vicier la décision litigieuse. Il n'y a donc pas lieu d'admettre le recours pour ce motif.
6. Les recourants se plaignent ensuite d’une violation de l’art. 43 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) au motif que, sur cette base, la décision litigieuse aurait considéré à tort que le sous-sol du projet, de 992 m2, constituerait une augmentation de 59% par rapport au volume existant. S’agissant d’un agrandissement effectué à l’intérieur du volume bâti existant, il aurait fallu retenir en réalité le pourcentage de 29,5%, conformément à l’art. 43 al. 2 OAT. Par ailleurs, l’autorité intimée aurait omis de prendre en considération la diminution considérable de l’emprise des surfaces perméables sur la parcelle : la surface bitumée entourant le bâtiment actuel serait ainsi réduite de 1'896 m2 au profit d’une surface perméable et de gazon. Ce gain dépasserait donc amplement l’augmentation de surface de 1'711 m2 entre l’actuel et le futur manège (y compris le futur sous-sol). Ceci démontrerait les efforts considérables qu’ils avaient faits pour rendre leur projet aussi compact que possible et pour réduire au plus l’emprise des bâtiments et surfaces perméables, dans un souci de se soumettre aux contraintes liées à la situation de parcelle en zone agricole. Enfin, l’OCAN et le SPI avaient indiqué dans leurs préavis que la reconstruction du manège pouvait être envisagée (en préavisant de façon certes défavorable – mais à tort – le paddock et le marcheur).
7. A cette argumentation, l’autorité intimée oppose en substance que le volume autorisé au 1er janvier 1980 ne comportait pas de sous-sol et que la création d’un tel espace ne peut donc être considéré que comme un agrandissement hors du volume existant. De toute manière, dans la mesure où l’assiette du nouveau bâtiment entrainerait une augmentation de sa surface de 18% (soit 300 m2 supplémentaires), même le fait de compter pour moitié la surface du sous-sol [29,5% d’augmentation au lieu de 59%], comme le proposent les recourants, équivaudrait à une augmentation totale de 47,5% dépassant largement la limite de 30% fixée par l’art. 43 al. 2 OAT. Cette disposition légale, qui fait intervenir un calcul relatif à des volumes, ne permet pas de tenir compte des revêtements de sol, qui ne représentent pas un volume. Quoi qu’il en soit, ces surfaces ne peuvent être prises en considération en raison du fait qu’elles n’ont jamais été autorisées et n’engendrent donc pas de droits acquis au sens de l’art. 43 OAT. Enfin, le projet litigieux ne vise pas à maintenir l’activité autorisée avant 1980, soit la détention de chevaux de pension, mais tend à mettre en place un centre d’entraînement pour la compétition équestre.
8. Selon l’art. 37a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), le Conseil fédéral définit les conditions auxquelles sont autorisés les changements d’affectation de constructions et d’installations à usage commercial qui ont été érigées avant le 1er janvier 1980 ou qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone en raison d’une modification du plan d’affectation.
En application de cette disposition, l’art. 43 al. 1 de l’OAT prévoit que les changements d’affectation et les agrandissements de constructions et installations artisanales ou commerciales devenues contraires à l’affectation de la zone peuvent être autorisés :
a. si la construction ou l’installation a été érigée ou transformée légalement ;
b. s’il n’en résulte aucun nouvel impact important sur le territoire et l’environnement ;
c. si la nouvelle utilisation ne contrevient à aucune autre loi fédérale.
La surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone peut être agrandie de 30 %, les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant comptant pour moitié (art. 43 al. 2 OAT). Si l’agrandissement de la surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone en dehors du volume bâti existant excède 100 m2, il ne pourra être autorisé que s’il est indispensable au maintien de l’entreprise (art. 43 al. 3 OAT).
9. Il convient de souligner que l’art. 43 al. 1 let. a OAT n’autorise que l’agrandissement des constructions érigées ou transformées légalement. Il en découle que, contrairement au point de vue défendu par les recourants, il n’est pas possible de tenir compte, dans un projet d’agrandissement, du fait que des surfaces non autorisées seraient supprimées. En effet, s’il est concevable de déterminer l’augmentation globale de la surface d’un projet incluant plusieurs constructions en tenant compte aussi bien de celles dont la surface est augmentée que de celles dont la surface est diminuée, un tel calcul ne peut s’inscrire, pour toutes ces constructions, que dans le cadre de l’art. 43 al. 1 let. a OAT, sauf à détourner cette disposition légale de son sens et de son but (arrêt du Tribunal fédéral 1A.12/2003 du 2 juillet 2003 consid. 3.2). Aucune compensation n’est donc possible avec des constructions illégales.
10. En l’occurrence, il convient tout d'abord de préciser que le manège pourrait faire l'objet dans le présent jugement d'un examen plus approfondi en tant que construction légalement érigée, du moins dans ses dimensions actuelles. Cette question est évoquée plus en détail dans le cadre de la procédure A/1570/2015 mentionnée ci-dessus dans la partie en fait. Cependant, par souci de simplifier la lecture du présent jugement, cette question peut être laissée de côté. On considérera ainsi que le manège pourrait entrer en considération dans le cadre de l’art. 43 al. 2 OAT, ce qui n'est en revanche le cas ni du paddock, ni du marcheur, ni des surfaces extérieures recouvertes de bitume, dont il n'est pas contesté qu'ils n’ont jamais été autorisés. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte de la transformation des surfaces recouvertes de bitume en surfaces perméables et de gazon. Cela signifie, comme le relève l’autorité intimée dans la présente procédure, que même s’il ne fallait tenir compte que de la moitié de la surface du futur sous-sol, selon le raisonnement des recourants, l’augmentation totale de la surface du manège serait de 47,5% par rapport à sa surface actuelle et que la limite de 30% prescrite par l’art. 43 al. 2 OAT serait donc largement dépassée.
11. A cela s’ajoute que de toute manière, il n’y a pas lieu de faire application de la possibilité offerte par l’art. 43 al. 2 OAT de ne compter que pour moitié la surface du futur sous-sol. Cette disposition est tout à fait claire et ne concerne que les surfaces supplémentaires prévues à l’intérieur du volume bâti existant. A tort, les recourants semblent faire un amalgame entre la notion de volume et celle de surface. Certes, située sous la surface du manège actuel, la future cave n’étendrait pas la surface occupée au sol par le bâtiment, mais il est incontestable qu’elle en augmenterait le volume. C’est à raison que l’autorité intimée cite à ce propos l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_559/2010 du 18 mai 2011. Appliquant l’art. 42 al. 3 let. b OAT, remanié depuis lors sur d’autres points que celui qui fonde son raisonnement, le Tribunal fédéral a considéré que l'abaissement du niveau d’une cave de 80 cm dans le sol avait pour conséquence que les travaux y relatifs se feraient au moins partiellement à l'extérieur du volume bâti existant, et ce quand bien même le volume de la cave restait inchangé. Ce qui comptait était le fait que celle-ci ne s'inscrirait plus dans le volume bâti existant. Ce raisonnement peut être repris tel quel pour ce qui concerne l'art. 43 al. 2 OAT, rédigé dans les mêmes termes que l'art. 42 al. 3 let. b OAT.
12. Dans le cas d’espèce, le manège existant ne comporte pas de sous-sol. La création de ce dernier se ferait entièrement en dehors du volume bâti existant, selon la définition de cette notion qui vient d’être rappelée. Par conséquent, conformément à l’art. 43 al. 2 OAT, il y a lieu de tenir compte de l’entier de la surface de cette future construction. Le calcul de l’autorité intimée, qui aboutit donc à une augmentation de 76% (18% pour le manège en surface et 59% pour le sous-sol) de la surface des constructions actuelles, est correct.
13. A toutes fins utiles, il convient de préciser que la possibilité, selon l’art. 43 al. 3 OAT, d’outrepasser un agrandissement de 100 m2 à l’extérieur du volume bâti existant lorsque cela est indispensable pour le maintien de l’entreprise, ne fait qu’introduire une condition cumulative aux possibilités d’agrandissement prévues à l’art. 43 OAT, et non pas une condition alternative qui rendrait facultative la limite de 30% fixée par l’al. 2 de cette disposition.
14. Pour finir, s’agissant des préavis de l’OCAN et du SPI, le fait que ces instances aient pu se déclarer favorables à un agrandissement du manège est sans incidence par rapport à l’application des règles de droit susmentionnées, étant en particulier relevé que le préavis du SPI du 9 avril 2020 fait une interprétation erronée de ces règles en ne tenant tout simplement pas compte de la création du sous-sol. Quant au fait que l’OCAN et le SPI se seraient soi-disant trompés en préavisant défavorablement le paddock et le marcheur, le tribunal ne voit pas ce qu’une hypothétique erreur d’appréciation concernant ces deux installations aurait comme incidence sur l’incompatibilité du manège avec l’art. 43 al. 2 OAT.
15. Le grief de violation de cette disposition légale doit donc être rejeté, ce qui entraîne le rejet du recours et la confirmation de la décision litigieuse. En effet, dans la mesure où la décision querellée consiste en un refus d'autorisation d'un projet consistant en un tout indissociable (recours par. 160), il suffit qu'un seul des aspects du projet doive être refusé pour entraîner le refus du projet dans son ensemble. Au demeurant, c'est ici le projet de démolition-reconstruction de l'élément central du projet, à savoir le manège, qui s'avère contraire au droit.
16. A toutes fins utiles, le tribunal traitera encore brièvement les autres griefs des recourants.
17. Ceux-ci soutiennent que le paddock ne serait pas une construction ou une installation nécessitant une autorisation de construire, puisque le sol de cette installation serait en sable qui est une substance totalement naturelle. Il n'aurait pas non plus d'impact sur l'environnement et la nature du terrain ne serait aucunement modifiée, puisqu'une fois le paddock retiré, le terrain serait à nouveau immédiatement cultivable. À cet égard, les recourants ajoutent des explications sur la réversibilité du paddock. Celui-ci nécessiterait un décaissement sur environ 50 cm pour encastrer le sable ainsi que les autres couches de matériaux nécessaires à sa réalisation, mais selon le cahier des charges accompagnant le projet, il serait possible à tout moment de retirer ces différentes couches pour les remplacer par une couche de terre végétale préalablement stockée, enherbée et entretenue aux abords du paddock, ce qui permettrait sa réversibilité dans un délai de 12 mois.
18. L'art. 22 al. 1 LAT prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. Une autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone et le terrain est équipé (art. 22 al. 2 LAT).
19. De jurisprudence constante, sont considérées comme des constructions ou des installations « tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol par le fait qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, qu'ils ont des effets sur l'équipement ou qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement » (Arrêts du Tribunal fédéral 1A.257/2000 du 2 mai 2001 consid. 2a; 1A_276/2006 du 25 avril 2007 consid. 5.1).
La définition jurisprudentielle susmentionnée comporte quatre conditions cumulatives (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 214-218) :
a. La création par la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain telle que des éboulis ;
b. La durabilité de l'aménagement, contrairement à une construction provisoire qui peut être enlevée sans frais excessifs et dont l'existence est limitée dans le temps de manière certaine. La condition est remplie pour l'installation d'une caravane pour une durée supérieure à deux mois, un dépôt de matériel d'excavation aménagé pour une durée supérieure à trois mois ou neuf projecteurs qui ne sont pas ancrés solidement au sol mais vissés sur des socles, des parois ou des câbles et sont rapidement démontables parce qu'ils sont destinés à éclairer la pointe du Pilate (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259). Ont en revanche un caractère provisoire, l'édification répétée, mais pour quelques jours seulement d'un pavillon destiné à des manifestations musicales ou une installation de triage de gravats et de déchets de construction, régulièrement démontée (exemples tirés de Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit. p. 215) ;
c. La fixation au sol de la construction. Sont assimilés à des constructions tous les bâtiments en surface, y compris les abris mobiles, installés pour un temps non négligeable en un lieu fixe. L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables. Ainsi, neuf projecteurs qui ne sont pas fixés au sol mais à des socles, rattachés par des vis à des parois et des cordes et démontables rapidement, remplissent cette condition, l'installation étant aménagée afin de rester là à demeure (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259 ; arrêt du Tribunal fédéral du 5 juillet 2011 dans la cause 1C_75/2011 consid. 2.1 ; Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Alfred KUTTLER/Pierre MOOR/Alexander RUCH, Commentaire de la LAT, 2010, n. 24 ad art. 22 LAT). Des nattes en géotextile, utilisées pour aménager une parcelle d'une superficie de 5'773 m2, couvrant les talus en pente depuis plus de deux ans et demi sont indéniablement des éléments durablement fixés au sol (arrêt du 5 septembre 2011 du Tribunal fédéral du 1C_107/2011 consid. 3.3). Un abri mobile servant de logement pour des requérants d'asile remplit cette condition (exemple cité par Alexander RUCH, op. cit, p. 15) ;
d. L'incidence sur l'affectation du sol, laquelle peut se manifester de trois manières, alternatives ou cumulatives, à savoir l'impact sur le paysage, les effets sur l'équipement et l'atteinte à l'environnement au sens large, soit la protection des eaux, de la forêt, de la faune, de la nature et du paysage, par son impact esthétique sur le paysage (Piermarco ZEN-RUFFINEN / Christine GUY-ECABERT, op. cit., p. 216).
20. L'élément déterminant n'est pas tant l'installation en soi que l'utilisation qui en sera faite et en particulier son impact sur l'environnement au sens large (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; Alexander RUCH, op. cit., ad art. 22 n. 28 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n. 5 ss). Ainsi, la jurisprudence a soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues, celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b), à l'instar de quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333), des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d'une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l'environnement, une place d'atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), des installations d'éclairage d'une montagne (ATF 123 II 256), une installation d'effraiement des oiseaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2007) sont soumis à autorisation.
Le critère apte à déterminer si une mesure est suffisamment significative pour être soumise à la procédure d'autorisation de construire consiste donc à savoir si cette mesure a, dans le cours normal des choses, des conséquences spatiales si importantes qu'il existe un intérêt du public ou des voisins à bénéficier d'un contrôle préalable. Dans cette approche fondée sur les impacts, les changements d'affectation ou les modifications de terrain sont assujettis à un permis de construire, dès lors qu'ils ont un impact important sur l'environnement et l'aménagement du territoire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_505/2017 du 15 mai 2018 consid. 5c).
21. Dans sa jurisprudence relatives aux cas limites, le Tribunal fédéral a jugé que des dépôts de neige temporaires durant la saison hivernale (3-4 mois), d'un point de vue paysager, ne différaient pas de la situation d'autres éléments provisoires en zone agricole tels que des tas de betteraves, des tas de bois ou des balles d'ensilage, lesquels ne sont en principe pas soumis à l'exigence d'autorisation de construire, car, en raison de la superficie relativement faible de la zone de dépôt, il ne fallait normalement pas s'attendre à des immissions significatives pour la zone résidentielle voisine. Le Tribunal fédéral a cependant précisé qu'il s'agissait d'un cas limite. Si des quantités considérables de neige devaient être régulièrement entreposées, une procédure d'autorisation de construire semblerait alors inévitable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_505/2017 du 15 mai 2018 consid. 6.3 s.). Il ressort de cet arrêt que la notion d'aménagement durables et fixes doit être interprétée de manière large (RDAF 2019 I 480, p. 482).
22. Dans le cas d'espèce, le premier des critères susmentionnés est réalisé, le paddock étant un aménagement créé par la main de l'homme. Le deuxième l'est aussi, puisqu'il s'agit d'un aménagement destiné à subsister pendant un certain nombre d'années, ce qui suffit à retenir le critère de sa durabilité. S'agissant du troisième critère, si des nattes en géotextile recouvrant durablement des talus peuvent être considérées comme des éléments fixés au sol, il est indéniable que la transformation même de ce dernier sur une profondeur de 50 cm, comme dans le cas d'espèce, répond également à ce critère. Le tribunal précisera à ce sujet que la possibilité de restituer le paddock à l'agriculture dans un délai de 12 mois, comme l'indiquent les recourants, est sans incidence sur la notion de construction soumise à autorisation, comme l'est également, sous cet angle, l'aménagement d'une piste d'atterrissage pour planeurs sans modification du terrain (cf. jurisprudence susmentionnée). Enfin, le paddock a également une incidence sur l'affectation du sol et plus particulièrement sur l'impact qu'il a sur le paysage en zone agricole. Remplissant chacun des critères posés par la jurisprudence, le paddock est donc une construction soumise à autorisation.
Il convient en outre de relever que les recourants ne contestent pas la non-conformité du paddock avec la zone agricole (ATF 122 II 160 consid. 3b p. 162; arrêts 1C_24/2008 du 17 février 2009 consid. 4.1), ce qui signifie qu'en tant que construction soumise à autorisation et néanmoins incompatible avec cette zone, la création du paddock ne pouvait qu'être refusée.
23. A cet égard, les recourants soutiennent encore que le paddock existant devrait bénéficier de la prescription trentenaire. Outre que la jurisprudence récente du Tribunal fédéral invalide ce raisonnement en retenant l'inexistence d'une telle prescription (arrêts 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 précité consid. 5.5 et 5.6, destiné à la publication), ce n'est pas le maintien de l'installation existante qui est en cause dans la présente procédure, mais un aménagement entièrement nouveau et qui s'avère quoi qu'il en soit incompatible avec la zone agricole.
24. Pour finir, les développements des recourants au sujet du principe de proportionnalité, des efforts qu'ils ont fournis pour s'adapter aux exigences de l'autorité intimée, de l'inadéquation des alternatives proposées par cette dernière ou encore de la mise en péril alléguée du centre équestre ne sont pas de nature à invalider la décision litigieuse, laquelle découle non pas d'un pouvoir d'appréciation dont disposerait l'autorité intimée, mais de son obligation de refuser un projet incompatible avec le droit de l'aménagement.
25. Le recours sera donc rejeté.
26. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 4 janvier 2021 par ECURIE DE LA RENFILE SA et Monsieur Jean-Guillaume PIEYRE contre la décision DP 18'790 rendue par le département du territoire le 18 novembre 2020;
2. le rejette ;
3. met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 900.- ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Carmelo STENDARDO et Julien PACOT, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |