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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22940/2024

ACJC/667/2025 du 23.05.2025 sur JTBL/229/2025 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22940/2024 ACJC/667/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 23 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 février 2025, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, 1207 Genève,

et

COMMUNE DE B______, p.a. ______ [GE], intimée, représentée par Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/229/2025 du 20 février 2024, reçu par les parties le 7 mars 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui, l'appartement de 2 pièces n° 13 situé au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé la COMMUNE DE B______ à requérir son évacuation par la force publique dès le 1er avril 2025 (ch. 2), condamné A______ à payer à la COMMUNE DE B______ 12'989 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an dès le 15 mai 2024 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Le 14 mars 2025, A______ a formé appel, subsidiairement recours contre les chiffres 1 et 2 du dispositif de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice les annule et déclare irrecevable la requête en évacuation déposée par la COMMUNE DE B______. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour lui octroie un sursis à l'évacuation jusqu'au 31 août 2025.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. La COMMUNE DE B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont déposé des écritures spontanées dans les délais légaux, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 5 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______, en tant que locataire, et la COMMUNE DE B______, en tant que bailleresse, ont conclu le 18 octobre 2018 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2 pièces n° 13 situé au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 686 fr. par mois.

b. Par avis comminatoire du 19 avril 2024, la bailleresse a mis en demeure le locataire de lui régler dans les 30 jours 5'966 fr. 70 à titre d'arriéré de loyer et de charges pour les mois de juillet à octobre 2023, décembre 2023 et janvier à avril 2024, déduction faite d'un solde de chauffage, et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiel du 17 juin 2024, résilié le bail pour le 31 août 2024.

d. Le 3 octobre 2024, la bailleresse, agissant par la voie de la protection pour les cas clairs, a conclu en dernier lieu, notamment, à ce que le Tribunal prononce l'évacuation du locataire avec mesures d'exécution directe et condamne celui-ci à lui verser 12'989 fr. 25 au titre d'arriéré de loyer, intérêts en sus.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 7 novembre 2024, le locataire a expliqué qu'il vivait seul dans l'appartement. Il avait monté une entreprise en raison individuelle dont le but était d'aider les start-up à lever des fonds. Il prévoyait de faire une demande de fonds pour résorber l'arriéré de loyer et reprendre le paiement des indemnités courantes.

La bailleresse a accepté que la cause soit reconvoquée ultérieurement pour faire le point de la situation.

f. Lors de l'audience du 20 février 2025, la bailleresse a déclaré que sa partie adverse n'avait pas tenu son engagement de s'acquitter des indemnités courantes. Elle amplifiait donc ses conclusions en paiement et persistait dans celles-ci pour le surplus.

Le locataire a expliqué qu'il cherchait activement un emploi. Il donnait des cours particuliers dont les revenus lui permettaient de subvenir à ses besoins. Il s'opposait à l'évacuation en vertu du droit au logement prévu par l'art. 38 de la Constitution genevoise et concluait subsidiairement à l'octroi d'un sursis humanitaire de 6 mois, n'ayant aucun moyen de trouver à se reloger au vu de sa situation personnelle.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Pour le calcul de la valeur litigieuse devant l'instance d'appel, seules sont déterminantes les dernières conclusions prises devant la juridiction de première instance, peu importe le montant que celle-ci a finalement alloué (arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2013 du 19 septembre 2013 consid. 3.3).

1.1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., compte tenu des conclusions en paiement prises par l'intimée devant le Tribunal.

Partant, la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

L'appel a de plus été déposé dans les délais et forme légaux de sorte qu'il est recevable (art. 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

1.2.1 Seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution (art. 309 let. a CPC).

1.2.2 En l'espèce, le recours respecte les prescriptions légales et est dès lors recevable (art. 321 al. 2 CPC). Contrairement à ce que fait valoir l'intimée, les conclusions de l'appelant tendant à l'octroi d'un sursis humanitaire ne sont pas nouvelles.

2. Les pièces nouvelles produites par l'appelant, postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, respectent les conditions posées par l'art. 317 CPC et sont dès lors recevables.

3. L'appelant fait valoir que le prononcé de son évacuation serait illicite au regard de l'article 38 de la Constitution genevoise et de l'article 11 du Pacte ONU car il n'a ni solution de relogement ni revenu.

3.1.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve doit être rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure pour les cas clairs est exclue et la requête irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement. La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce, ce qui est notamment le cas lorsqu'il doit statuer sur la bonne foi (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2).

3.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

3.1.3 Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a p. 280 s.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5; 4A_265/2011 du 8 juillet 2011 consid. 3.2.1).

Le Tribunal fédéral a laissé ouvert le point de savoir si l'article 38 de la Cst./GE constituerait une disposition constitutionnelle conférant un droit directement invocable en justice. Dans la mesure où les locataires n'étaient pas parvenus à établir qu'ils n'avaient pas la possibilité d'obtenir un logement, l'on ne saisissait pas d'emblée en quoi la garantie déduite de cette disposition s'appliquerait (arrêt du Tribunal fédéral 5A_232/2020 du 14 mai 2020 consid. 5.2).

Les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte I ONU – RS 0.103.1) se limitent à prescrire aux Etats, sous la forme d'idées directrices, des objectifs à atteindre dans les divers domaines considérés. Elles leur laissent la plus grande latitude quant aux moyens à mettre en œuvre pour réaliser ces objectifs. Dès lors, elles ne revêtent en principe pas le caractère de normes directement applicables (ATF 121 V 246 consid. 2c; 121 V 229 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4C.15/2001 du 22 mai 2001 consid. 4).

De jurisprudence constante, la Cour de céans considère que les art. 38 Cst./GE et 11 Pacte I ONU n'ont pas vocation à s'appliquer directement à des litiges de droit privé opposant les parties (ACJC/1302/2024 du 17 octobre 2024 consid. 2; ACJC/71/2025 du 16 janvier 2025 consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, la réalisation des conditions des art. 257d CO et 257 CPC n'est à juste titre pas contestée. Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'art. 38 Cst genevoise et l'art. 11 du Pacte I de l'ONU ne font pas obstacle à son évacuation puisque ces dispositions ne sont pas directement applicables entre les particuliers.

Aucun élément du dossier ne permet de plus de de retenir que l'appelant serait dans l'impossibilité de se loger. Il n'a en particulier produit aucune recherche de logement.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont condamné l'appelant à évacuer le logement en cause. Partant, le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

4. Le Tribunal a retenu que le recourant n'avait justifié d'aucune recherche de logement et n'avait pas respecté son engagement de reprendre le paiement des indemnités dues pour l'occupation de l'appartement litigieux. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, il se justifiait de surseoir à l'évacuation jusqu'au 31 mars 2025 pour lui permettre de trouver une solution de relogement.

Le recourant fait valoir que sa "situation financière catastrophique" et la pénurie notoire de logement à Genève auraient dû conduire le Tribunal à lui accorder un sursis à l'évacuation de six mois.

4.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'évacuation d'un locataire est régie par le droit fédéral (art. 335 ss CPC).

En autorisant l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Dans le cas de l'évacuation d'une habitation, il s'agit d'éviter que des personnes concernées soient ainsi privées de tout abri. De ce fait, l'expulsion ne saurait être exécutée sans un ménagement particulier, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. Dans tous les cas, le sursis doit être relativement bref et ne doit pas équivaloir à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7).

L'art. 30 al. 4 LaCC prévoit également que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements n'est pas un motif d'octroi d'un sursis (ACJC/777/2024 du 17 juin 2024 consid. 2.1; ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées). La présence d'un enfant dans le logement ne donne pas, en elle-même et à elle seule, le droit à l'obtention d'un sursis (ACJC/1111/2024 du 16 septembre 2024 consid. 3.2).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a correctement appliqué la loi et la jurisprudence en accordant au recourant un sursis à l'évacuation arrivant à échéance au 31 mars 2025.

Le recourant n'a produit aucune pièce attestant de sa situation financière, de sorte que ses allégations selon lesquelles elle serait "catastrophique" ne sont pas rendues vraisemblables.

Le bail du recourant est résilié depuis août 2024, de sorte qu'il a eu le temps de chercher une solution de relogement, ce qu'il ne démontre pas avoir fait, puisqu'il ne produit aucun document en ce sens.

A cela s'ajoute qu'il ne verse aucun montant en échange de l'usage de l'appartement qu'il occupe sans droit depuis la résiliation du bail, de sorte que l'arriéré de loyer augmente de mois en mois. L'on ne saurait dès lors exiger de la part de l'intimée qu'elle patiente plus longtemps avant de retrouver l'usage de son bien.

Le fait que l'intimée aurait, selon le recourant, "pour volonté publique de défendre les droits humains et notamment le droit au logement", à supposer qu'il soit établi, ce qui n'est pas le cas, est dépourvu de pertinence dans ce cadre.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 14 mars 2025 par A______ contre le jugement JTBL/229/2025 rendu le 20 février 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22940/2024.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Monsieur Jean-Philippe FERRERO, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs ; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.