Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/635/2025 du 08.04.2025 sur JTBL/661/2024 ( OBL ) , RENVOYE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/19415/2021 ACJC/635/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MARDI 8 AVRIL 2025 |
Entre
A______ SARL et Monsieur B______, sise ______, respectivement domicilié ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 juin 2024, représentée par Me Nassima LAGROUNI, avocate, route du Grand-Lancy 20-22, 1212 Grand-Lancy,
et
CAISSE DE PREVOYANCE C______, sise ______, intimée, représentée par
Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève.
A. Par jugement JTBL/661/2024 du 17 juin 2024, reçu par A______ SARL et B______ le 19 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a dit que la demande était recevable (ch. 1 du dispositif), a débouté A______ SARL et B______ de toutes leurs conclusions (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 19 août 2024 à la Cour de justice, A______ SARL et B______ (ci-après : les locataires ou les appelants) ont formé appel contre ce jugement, dont ils ont sollicité l'annulation. Cela fait, ils ont conclu, préalablement, à ce que la Cour dise que la procédure simplifiée est applicable et, principalement, à ce que la Cour constate la validité de la résiliation anticipée au vu des défauts du contrat de bail portant sur le local commercial, constate que le contrat de bail a pris fin le 30 septembre 2020, condamne la CAISSE DE PREVOYANCE C______ à leur restituer le certificat de garantie de loyer original mentionnant « la libération de D______ SA [société de cautionnement], de toutes ses obligations contractuelles, sous la menace de la peine d’amende prévue par l’art. 292 CP », condamne la CAISSE DE PREVOYANCE C______ à leur verser les primes de garantie payées à D______ SA, depuis le 30 septembre 2020, avec intérêts à 5% l’an dès le 30 septembre 2020, et condamne la CAISSE DE PREVOYANCE C______ au versement d’une juste indemnité valant participation à leurs frais de défense. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que la Cour constate la validité de la restitution anticipée du local commercial et constate que le contrat de bail a pris fin le 3 novembre 2020. Plus subsidiairement encore, ils ont conclu à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision.
b. Dans sa réponse du 16 septembre 2024, la CAISSE DE PREVOYANCE C______ (ci-après : la bailleresse ou l’intimée) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.
d. Le 10 janvier 2025, les parties ont été avisées par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. A______ SARL et B______, en tant que locataires, ont conclu avec la CAISSE DE PREVOYANCE C______, bailleresse de l’immeuble, un contrat de bail à loyer portant sur un atelier de 312 m2 environ au rez-supérieur de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à E______ [GE].
La destination des locaux telle qu’elle ressort du contrat de bail est celle de « dépôt et entretien de véhicules ».
Le contrat a été conclu pour une durée initiale courant jusqu’au 30 septembre 2022, renouvelable tacitement de cinq ans en cinq ans.
Le loyer annuel net était échelonné et a été fixé à 68'400 fr. du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019, puis à 78'000 fr. du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020. Les charges s’élevaient à 5'880 fr. par an.
Un certificat de garantie a été émis par D______ SA le 25 août 2017, pour un montant de 39'000 fr.
La gestion de l’immeuble a été confiée à [la société] F______ (ci-après : la régie).
b. Par courriel du 4 mars 2019, B______ s’est plaint auprès de la régie de difficultés d’utilisation du local loué en raison de l’encombrement de son accès. Il s’inquiétait pour la poursuite de son activité et a ainsi proposé un candidat à la reprise du bail pour un loyer de 5'500 fr. par mois, ce qui n’a pas été accepté par la régie.
c. Le 6 mars 2019, la régie a envoyé un courrier à tous les locataires afin de rappeler l'interdiction de stocker du matériel ou de stationner des véhicules hors cases. Une société avait été chargée de la verbalisation prochaine des contrevenants.
d. Par courrier du 5 avril 2019, les locataires ont fait savoir à la régie que le problème d'encombrement n'avait pas été résolu ni même atténué. L'activité de leur entreprise en pâtissait, car leurs véhicules avaient été empêchés à de nombreuses reprises de sortir du local, ce qui générait des retards pour le service aux clients. Ils ont mis la bailleresse en demeure de garantir un accès permanent sans encombre avant le 15 avril 2019, faute de quoi ils entreprendraient des démarches juridiques.
e. Par courrier du 1er mai 2019, les locataires ont à nouveau demandé à la régie de remédier au défaut de l'objet loué. Ils se considéraient en droit de demander une réduction de loyer, mais étaient cependant disposés à y renoncer moyennant la possibilité de résilier de manière anticipée le contrat de bail.
f. Par courrier du 18 juin 2019, les locataires ont mis en demeure la bailleresse d'éliminer le défaut de la chose louée, faute de quoi ils consigneraient le loyer.
g. La régie a répondu le 25 juin 2019 que la société chargée de la surveillance du parking avait cessé ses activités. Des employés de la régie s'étaient rendus sur le site afin de discuter du problème avec les autres locataires et ils avaient constaté une amélioration de la situation d'accès. Cela étant, s’agissant d’un site dédié à des activités industrielles, des moments d'attente devaient être tolérés.
h. B______ a adressé plusieurs courriels à la régie en décembre 2019 pour se plaindre d'empêchements d'accéder à son local, photographies de véhicules stationnés à l'appui. Une nouvelle mise en demeure a été adressée à la régie par courrier du 20 décembre 2019.
i. La régie a répondu que le collaborateur qui s’était rendu sur le site n'avait pas constaté de problème d'accès. Selon elle, les photographies transmises par les locataires représentaient des situations exceptionnelles. Les locataires pouvaient contacter la nouvelle société en charge de la surveillance du site si un véhicule était parqué devant leur dépôt.
j. Les locataires ont consigné le loyer net dès le mois de février 2020 sur le compte n° 14L 2020/2______.
k. Par acte déposé à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 27 février 2020, A______ SARL a déposé une requête en validation de la consignation et en réduction de loyer.
l. Le 26 juin 2020, B______ s'est plaint auprès de la régie que des palettes étaient entreposées devant son local.
m. Par courrier du 9 juillet 2020, la régie a indiqué être intervenue auprès du responsable de cette situation.
n. Par courriel du 4 août 2020, B______ a proposé à la régie un locataire de remplacement, exploitant le garage G______. Il a relancé la régie à ce sujet les 7, 14 et 17 août 2020.
o. Par courrier du 29 août 2020, les locataires ont déclaré résilier le bail pour le 30 septembre 2020, ou pour toute échéance antérieure. Ils se sont référés à un appel téléphonique de la régie leur signifiant l'acceptation du candidat de remplacement.
p. La régie a informé le propriétaire du garage, H______, qu’il devait déposer une demande d'autorisation de construire afin de transformer le local pour l'exploitation d'un garage, en raison du changement d'affectation.
q. Les locataires ont emménagé dans de nouveaux locaux le 1er septembre 2020.
r. Par courriel du 24 septembre 2020, l'architecte mandaté par H______ dans le cadre de la demande de changement d'affectation - dont le traitement devait prendre un mois - a indiqué à la régie que celui-ci souhaitait signer le contrat de bail le plus tôt possible afin de pouvoir recevoir une livraison prévue prochainement.
s. Par courrier du 24 septembre 2020, B______ a fait savoir à la régie qu'il avait dû trouver un autre local en raison des difficultés d'accès au local litigieux. H______ souhaitait reprendre le local dès le 1er octobre 2020.
t. Les locataires ont cessé de consigner le loyer dès le mois d'octobre 2020.
u. Par courriel du 1er octobre 2020, la régie a indiqué aux locataires qu'il n'était pas possible d'établir un bail au nom de H______ avant que l'autorisation nécessaire ne soit accordée.
v. Par courrier du 6 octobre 2020, la régie a indiqué aux locataires qu’elle avait envoyé un courriel à l’architecte du garage G______ et qu’elle attendait que l’autorisation de construire soit validée pour établir un bail. Si le bail était signé, les locataires pourraient alors être déliés de leurs obligations.
w. Le 12 octobre 2020, l’architecte de H______ a fait parvenir par courriel à la régie un document à signer par la bailleresse en vue du dépôt de la demande d'autorisation de construire.
x. Le jour même, la régie a sollicité de l’architecte de H______ des compléments d’information afin que la bailleresse puisse établir un bail et donc signer l’autorisation de construire.
y. L'architecte a répondu par courriel quelques minutes plus tard en apposant des notes sur les points à compléter et en demandant de les préciser ou en indiquant qu'il allait se renseigner.
z. Le 2 novembre 2020, les locataires ont renvoyé toutes les clés du local à la régie.
z.a. Celle-ci en a accusé réception, tout en précisant que cette restitution ne les libérait pas de leurs obligations contractuelles. Un éventuel transfert de bail à H______ ne pourrait être envisagé qu'après l'entrée en force de l'autorisation de construire.
z.b. Non conciliée le 20 novembre 2021, la cause a été portée devant le Tribunal le 23 décembre 2021. A______ SARL et B______ ont conclu principalement, sous suite de dépens, à la constatation de la validité de la résiliation anticipée du contrat de bail pour le 30 septembre 2020, à la restitution du certificat de garantie de loyer en mentionnant « la libération de D______ SA de toutes ses obligations contractuelles, sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP » et à la condamnation de la bailleresse à verser aux locataires les primes payées à D______ SA depuis le 30 septembre 2020, avec intérêts à 5% dès cette date.
Subsidiairement, les locataires ont conclu à la constatation de la validité de la restitution anticipée du local commercial au 3 novembre 2020 et de la fin du contrat à cette date.
z.c. Les locataires ont produit plusieurs photographies, sur lesquelles apparaissaient de nombreux véhicules sur la route d'accès, semblant stationnés en empiétant sur la chaussée, un camion au milieu de la chaussée bloquant celle-ci, ou un camion semblant rouler au milieu d'autres véhicules.
z.d. Par réponse du 24 mars 2022, la bailleresse a conclu à l'irrecevabilité de la demande en tant qu'elle était déposée par A______ SARL pour cause de litispendance, au défaut de légitimation active de B______ agissant dès lors seul, ainsi qu'au déboutement des locataires.
z.e. Les citations à comparaître aux audiences notifiées aux parties mentionnaient toutes que la cause était instruite en procédure ordinaire.
z.f. Lors de l'audience du 17 novembre 2022 du Tribunal, B______ a exposé que les entraves dans l'accès étaient devenues problématiques lorsque l'entreprise avait démarré son activité avec l'ensemble de ses véhicules au mois d'avril 2019. Un camion livrant l'imprimerie quasi quotidiennement stationnait au milieu de la chaussée, durant 15 à 20 minutes. Il était alors compliqué, voire impossible, de sortir les grands véhicules. Tel était aussi le cas lorsque venait, une fois par semaine environ, le camion pour évacuer le papier. Par ailleurs, les clients d'un restaurant se garaient en-dehors des cases, ce qui pouvait empêcher tout passage. L'activité de son entreprise consistait à transporter des équipages d'avion, de sorte que la ponctualité était très importante. Une amélioration s'était fait sentir après l'intervention de la société chargée de surveiller le parking, mais elle avait été de courte durée. Il avait considéré qu'il était plus adéquat de déménager son entreprise que de faire changer les habitudes des locataires qui étaient déjà sur place.
z.g. Le représentant de la bailleresse a indiqué que le premier candidat de remplacement proposé par les locataires n'avait pas été accepté car il n'était pas disposé à reprendre le loyer du bail litigieux.
z.h. Plusieurs témoins ont été auditionnés par le Tribunal :
I______, responsable des opérations et conducteur auprès de la locataire, a confirmé les problèmes d'accès aux locaux en raison de véhicules de tiers mal stationnés. Il fallait, une fois par semaine environ, rechercher les clients du restaurant avoisinant pour permettre aux véhicules de l'entreprise de passer. Tous les 10 à 15 jours, un camion de livraison d’une entreprise de reliure empêchait également la sortie, étant précisé que le déchargement durait généralement 10 à 15 minutes, voire, rarement, jusqu’à 30 minutes. Certains jours, les véhicules étaient empêchés de passer à plusieurs reprises, soit 4 à 5 fois dans la journée. D’autres jours étaient plus calmes, et les véhicules pouvaient passer sans problème.
J______, chauffeur auprès de la locataire, a fait état des mêmes problèmes, qui survenaient plutôt vers midi, mais non le matin. Il a déclaré avoir dû quotidiennement effectuer des manœuvres dangereuses ou avoir été empêché de passer, devant alors demander aux autres entreprises de faire déplacer des véhicules.
K______, chauffeur auxiliaire auprès de la locataire à l'époque du bail litigieux, a également confirmé avoir rencontré des difficultés de passage aux abords du local. Selon ce témoin, l'accès était obstrué par un camion de livraison deux à trois fois par semaine, de sorte qu'il fallait attendre qu'il ait terminé son déchargement.
L______, employée de la régie jusqu'en juin 2021, a déclaré que les demandes de résiliation anticipées étaient acceptées plutôt lorsque le candidat exerçait dans la même activité. A son avis, la reprise par un locataire exploitant un garage n’avait pas été acceptée, car cette activité aurait généré des nuisances dans des locaux qui n'y étaient pas adaptés.
z.i. Par ordonnance de preuve du 31 janvier 2024, le Tribunal a rejeté les demandes d’audition des témoins M______ et N______ formées par les locataires. Il a notamment retenu que, contrairement à ce qu’alléguait la bailleresse, l’offre de preuve n’était pas tardive puisque le litige était soumis à la procédure simplifiée, et que les demandes d’audition devaient être rejetées car la preuve n’avait pas été régulièrement offerte, et apparaissait sans pertinence.
z.j. Par écritures parvenues au Tribunal le 19 avril 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
1.2 En l'espèce, le loyer annuel, charges comprises, des locaux s’est élevé à 83'800 fr. à compter du 1er octobre 2019.
Le contrat a été conclu pour une durée initiale courant jusqu’au 30 septembre 2022, renouvelable tacitement de cinq ans en cinq ans.
Les appelants ont, dans leur courrier du 29 août 2020, déclarer résilier le bail pour le 30 septembre 2020.
Le loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsisterait si la résiliation n’est pas valable, soit du 30 septembre 2020 au 30 septembre 2022, s’élève à 167'600 fr.
La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.3 Pour le surplus, l'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.
1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
Cela étant, conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, la Cour revoit la cause uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable - pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).
2. Les appelants reprochent au Tribunal d’avoir erré en retenant que la cause était soumise à la procédure ordinaire et concluent à ce qu’il soit dit que la procédure simplifiée est applicable.
Ils n’expliquent toutefois pas quelle influence sur l’issue du litige cette prétendue erreur aurait causé. Ils ne disposent pas d’intérêt à ce qu’il soit dit quelle est la procédure applicable, de sorte que leur conclusion en ce sens est irrecevable.
3. Les appelants reprochent au Tribunal une violation des art. 52, 57 et 58 CPC au motif qu’il aurait omis de statuer sur leurs conclusions implicites tendant à ce qu’ils soient libérés de leurs obligations contractuelles à toute échéance possible après le 3 novembre 2020. Ils allèguent que le Tribunal aurait dû s’intéresser à chacun des trois locataires de remplacement proposés, et dire si l’un de ceux-ci aurait dû être accepté par la bailleresse, ce qui aurait alors fixé la fin du bail au 28 février 2021, subsidiairement au 31 mai 2021, et encore plus subsidiairement au 31 octobre 2021.
3.1 L'art. 52 CPC impose à quiconque participe à la procédure de se conformer aux règles de la bonne foi.
Aux termes de l'art. 58 al. 1 CPC qui vise la maxime de disposition, le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus (ultra petita) ni autre chose (extra petita) que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse. Cette disposition consacre le principe ne eat iudex ultra petita partium, qui signifie que le demandeur détermine librement l'étendue de la prestation qu'il déduit en justice, alors que le défendeur décide de la mesure dans laquelle il veut se soumettre à l'action, le Tribunal étant ainsi lié par les conclusions des parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid. 5.2 et références citées).
Dans ce cadre, il n'incombe pas au juge mais exclusivement aux parties de décider si et dans quelle mesure elles entendent faire valoir les moyens et prétentions qui leur appartiennent (ATF 138 III 625 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_415/2015 du 22 août 2016 consid. 3.5).
Les parties doivent formuler des conclusions précises et déterminées, qui puissent être reprises dans le dispositif de jugement en cas d'admission de la demande (ATF 142 III 102 consid. 5.3.1). Cette exigence découle notamment du principe de disposition (arrêt du Tribunal fédéral 4A_428/2018 du 29 août 2019 consid. 4.2.1).
Si le juge est lié par les conclusions des parties, encore faut-il préciser qu'il peut être amené à statuer sur la base de conclusions implicites (arrêt du Tribunal fédéral 4A_428/2018 précité, ibid). Le principe de disposition n'interdit cependant pas au Tribunal de déterminer le sens véritable des conclusions et de statuer sur cette base, plutôt que selon leur libellé inexact (arrêts du Tribunal fédéral 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.2.1; 5A_657/2014 du 27 avril 2015 consid. 8.1; 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 4.3.1).
En d'autres termes, il n'est pas interdit au juge de déterminer le sens réel de la demande en justice et de se concentrer sur celui-ci plutôt que sur la formulation incorrecte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_314/2021 du 27 octobre 2021 consid. 7.2.2). Dès lors, une désignation ou expression inexactes ne sont pas à elles seules déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_440/2014 du 27 novembre 2014 consid. 3.3). Les conclusions doivent en effet être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation de l'acte (arrêts du Tribunal fédéral 5A_658/2019 du 7 juillet 2020 consid. 5.1.2; 4D_20/2018 du 11 juin 2018 consid. 3; 5A_369/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.4). Il est en définitive décisif de savoir si on peut déterminer de manière suffisamment claire, sur la base des conclusions en lien avec leur motivation, ce qui est véritablement voulu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_753/2018 du 21 janvier 2019 consid. 3.1).
Savoir si un tribunal a alloué plus ou autre chose que demandé par une partie se détermine en premier lieu sur la base des conclusions. Les motifs ne doivent être pris en compte que lorsque les conclusions sont peu claires et nécessitent une interprétation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_397/2016, op. cit., consid. 2.1; 4A_307/2011 du 16 décembre 2011 consid. 2.4, RSPC 2012 p. 293). Il convient de déterminer, lorsque le Tribunal n'alloue pas strictement les conclusions du demandeur, s'il reste néanmoins dans le cadre des conclusions prises, sans allouer plus que ce qui est demandé ni étendre l'objet de la contestation à des points qui ne lui ont pas été soumis (arrêts du Tribunal fédéral 5A_207/2021 du 8 février 2022 consid. 5.1; 4A_627/2015, op.cit., consid. 5.2).
Comme tous les actes de procédure, les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la bonne foi, en particulier à la lumière de la motivation qui leur est donnée et du but réellement poursuivi au fond par l'appelant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_474/2013 du 10 décembre 2013 consid. 6.2.3; 4A_383/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.3; 4A_551/2008 du 12 mai 2009 consid. 2.3).
Sous l'empire de la maxime des débats applicable en procédure ordinaire, les parties doivent par ailleurs recueillir elles-mêmes les éléments du procès. Le Tribunal ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés. Mais il ne se livre à aucune investigation de sa propre initiative. Lorsque les parties sont représentées par un avocat, le Tribunal peut et doit faire preuve de retenue (ATF 141 III 569 consid 2.3.1).
3.2 En l’espèce, en portant l’affaire par-devant le Tribunal le 21 décembre 2021, A______ SARL et B______ ont conclu, principalement, à la constatation de la validité de la résiliation anticipée du contrat de bail pour le 30 septembre 2020 et du fait que le bail aurait pris fin à cette date, à la restitution du certificat de garantie de loyer en mentionnant « la libération de D______ SA de toutes ses obligations contractuelles, sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP » et à la condamnation de la CAISSE DE PREVOYANCE C______ à verser aux locataires les primes payées à D______ SA depuis le 30 septembre 2020, avec intérêts à 5% dès cette date.
Subsidiairement, les appelants ont conclu à la constatation de la validité de la restitution anticipée du local commercial au 3 novembre 2020 et de la fin du contrat à cette date.
Les appelants ont persisté dans ces mêmes conclusions dans le cadre de leurs plaidoiries finales parvenues au Tribunal le 19 avril 2024.
Quand bien même les conclusions mentionnaient uniquement la date du 30 septembre 2020, la question litigieuse est celle de la date de fin du bail et de libération des locataires.
Ainsi, admettre que le bail aurait pris fin à une date ultérieure constituerait une réduction des conclusions par le Tribunal, mais n’étendrait pas l’objet de la contestation à des points qui n’ont pas été soumis à ce dernier.
La bailleresse a d’ailleurs examiné dans ses plaidoiries finales la validité des différentes candidatures proposées par la locataire.
Le Tribunal aurait ainsi dû examiner si les locataires pouvaient être libérés à une date ultérieure à celle figurant dans leurs conclusions.
Au vu de ce qui précède, la cause devra être renvoyée au Tribunal pour qu'il procède à une instruction complémentaire avant de rendre une nouvelle décision.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu d'examiner les autres griefs des appelants.
4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 19 août 2024 par A______ SARL et B______ contre le jugement JTBL/661/2024 rendu le 17 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/19415/2021.
Au fond :
Annule ce jugement et, cela fait :
Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour qu'il procède conformément aux considérants du présent arrêt.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Madame Sarah ZULIAN-MEINEN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.