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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2796/2023

ATAS/923/2025 du 27.11.2025 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2796/2023 ATAS/923/2025

ARRÊT

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 27 novembre 2025

 

En la cause

KPT CAISSE-MALADIE SA

CSS ASSURANCE-MALADIE SA

MOOVE SYMPANY SA

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS SA

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

ÖKK KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNGEN AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA

GALENOS AG

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA BASIS SA

VISANA SA

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

SANA24 AG

toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Valentin SCHUMACHER, avocat

 

 

demanderesses

 

contre

A______
représentée par Me Diego BISCHOF, avocat

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

A. a. La docteure A______, médecin praticien, exerce à titre indépendant à Genève, depuis 2004.

b. Par courrier du 18 décembre 2018, SANTÉSUISSE l’a interpellée sur l’économicité de sa pratique pour l’année statistique 2017. Son indice de régression était de 172 pour cette année-là et dépassait largement la marge de tolérance de 120-130, conformément au rapport statistique correspondant, lequel était joint. Ce rapport, fondé sur ses coûts à la charge de l’assurance-maladie obligatoire (ci‑après : AOS), « reflétait uniquement une partie des spécificités de (son) cabinet ». Dès lors, SANTÉSUISSE lui a octroyé un délai au 15 février 2019 pour lui communiquer, par écrit, les éléments qui pourraient expliquer le dépassement de la marge de tolérance et pour quantifier la proportion de chaque élément spécifique par rapport à son activité globale.

c. Par courrier du 15 janvier 2019, la Dre A______ a exposé qu’elle était médecin généraliste, mais ne pratiquait que l’homéopathie et la nutrition et micronutrition. Elle avait besoin de temps pour ses consultations afin de faire correctement son travail : dresser l’anamnèse, expliquer les prescriptions, les nouvelles habitudes alimentaires et les diverses techniques de détente, s’adapter au patient et lui fournir le maximum d’informations pour l’aider dans ces moments difficiles. Elle fournissait ses conseils alimentaires suite à des bilans sanguins ayant objectivé en particulier des désordres métaboliques ou autres carences en antioxydants et des désordres du système immunitaire. Elle « sui(vai)t » diverses pathologies, telles que désordre digestif, cancer, ou maladie auto-immune. Ses patients avaient besoin d’une aide psychologique et physique pour éviter les effets secondaires de la chimiothérapie par exemple, ainsi que de conseils alimentaires afin de mettre toutes les chances de leur côté. On connaissait l’impact de l’alimentation sur la prévention des récidives de cancer. Elle était prête à réduire le temps de ses consultations pour réduire les coûts, mais avait besoin de temps pour mettre en place une nouvelle façon de travailler.

d. Par courrier du 21 janvier 2019, SANTÉSUISSE lui a répondu que les statistiques 2018 seraient disponibles au mois d’août suivant et qu’elle ne manquerait pas d’analyser leur évolution à la lumière des informations communiquées.

e. Par courrier du 10 février 2020, SANTÉSUISSE a relevé que les statistiques 2018 révélaient un indice de régression de 236, soit une augmentation de ses « coûts ordonnés, notamment les laboratoires ». Or les examens préventifs n’entraient pas dans la définition légale de la maladie et ne pouvaient pas être pris en charge par l’AOS. Les analyses devaient servir uniquement à diagnostiquer et à traiter une pathologie. SANTÉSUISSE l’a en outre invitée à prendre des mesures afin d’engager « une réelle évolution de (ses) coûts à la baisse ». L’évolution de ses indices et coûts pour 2019 serait analysée avec attention.

f. Par courrier du 19 novembre 2020, SANTÉSUISSE a constaté que, pour l’année statistiques 2019, l’indice de régression était de 192, dépassant le seuil de tolérance de 20 à 30%. Elle serait dès lors en droit de lui réclamer la rétrocession de CHF 50'727.-. Toutefois, ce dépassement pourrait résulter d’éventuelles particularités de son cabinet, au sujet desquelles elle était invitée à s’expliquer lors d’un entretien prévu pour le 4 février 2021.

g. Par courriel du 7 décembre 2020, la médecin s’est en particulier indignée de recevoir un tel courrier, « alors qu’(elle restait) peut-être plus longtemps en consultations, mais ne prescri(vait) que de l’homéopathie ou d’autres produits souvent non remboursés ! ».

h. Par courrier du 7 janvier 2021, faisant suite à un entretien téléphonique du 17 décembre 2020, SANTÉSUISSE a relevé qu’elle avait été surtout interpelée par les coûts prescrits – laboratoire et médicaments. Elle ne manquerait pas de suivre l’évolution de ses statistiques avec attention et attendait une baisse significative de ses indices dans les années à venir.

i. Par courrier du 9 février 2023, SANTÉSUISSE a constaté que l’indice de régression de l’intéressée pour l’année statistique 2021 était de 187, ce qui pouvait justifier une rétrocession de CHF 36'550.- ; elle l’a convoquée à un entretien pour le 25 avril 2023, afin « d’élucider l’écart des coûts et trouver ensemble une solution ».

j. Par courrier du 5 mai 2023, anticipé par courriel, SANTÉSUISSE lui a rappelé qu’elle avait tenté d’organiser à plusieurs reprises une séance de conciliation, afin de trouver une solution amiable.

L’analyse approfondie de sa situation avait révélé qu’elle avait facturé des positions TARMED dont la valeur intrinsèque qualitative « médecine interne », « pédiatrie » ou « médecine générale » était nécessaire ; à défaut de titre de médecin spécialiste, la reconnaissance des droits acquis de la part de la FMH était nécessaire. Or elle n’avait que le titre de « médecin praticien ».

La facturation de la position TARMED 00.0050 (Entretien d'information du spécialiste avec le patient ou ses proches avant une intervention diagnostique ou thérapeutique pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min.) était limitée à un maximum de 6 fois par an ; en l’occurrence, cette position n’était pas facturée « de façon adéquate ».

Le volume de « laboratoire » prescrit soulevait la question de savoir si elle avait signé des contrats avec des laboratoires particuliers.

SANTÉSUISSE lui a accordé un délai au 22 mai 2023 pour faire valoir son point de vue.

k. Par courriel du 5 mai 2023, la Dre A______ a reproché à SANTÉSUISSE de prendre les médecins pour des criminels et de les vouloir en prison ou malades pour s’en débarrasser à moindre coût. Sa manière de facturer était inchangée depuis 2006 et elle n’avait pas l’intention de lui « fournir quoi que ce soit comme document ».

B. a. Par requête du 31 août 2023, déposée le 5 septembre suivant, les caisse-maladies mentionnées dans le rubrum du présent arrêt, toutes représentées par SANTÉSUISSE, ont saisi le Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le Tribunal arbitral ou le tribunal de céans) concluant au paiement, par la médecin, de CHF 52’877.- pour l'année statistique 2020 pour la fourniture de prestations non économiques selon un indice de régression de 179 points et pour la facturation de prestations non prises en charge à titre obligatoire, ainsi que pour la facturation de positions TARMED pour lesquelles elle ne disposait pas des valeurs intrinsèques ; subsidiairement, de CHF 33'950.- pour la fourniture de prestations non économiques selon l’indice de régression. Pour l’année statistique 2021, elles ont requis, aux mêmes titres, le paiement de CHF 55'047.-, subsidiairement de CHF 36'550.-. Elles se sont également réservé le droit de modifier leurs conclusions, compléter leur motivation et leurs moyens de preuve et d’exiger la production de moyens de preuve supplémentaires. Elles ont requis une indemnité de procédure.

Selon un « datenpool » du 13 juin 2023 (cf. pièce 1 dem.), les assureurs plaignants avaient tous payé des factures à la défenderesse au cours de l’année statistique concernée.

La statistique des factureurs n’était désormais plus produite par B______ SA, mais par SANTÉSUISSE qui effectuait les calculs concernant l’analyse de régression sous sa propre responsabilité. Les calculs avaient été validés et certifiés par C______ SA, en tant que développeur de la méthode. La certification des données et donc la prise de connaissance du délai déclenchant le délai légal de péremption avait eu lieu le 6 juillet 2021 pour l’année statistique 2020, et le 28 octobre 2022 pour l’année statistique 2021.

Malgré diverses tentatives, il avait été impossible d’obtenir de la défenderesse des explications susceptibles de justifier ses coûts.

Pour l’année statistique 2020, la défenderesse avait facturé des positions TARMED pour lesquelles elle ne disposait pas des valeurs intrinsèques qualitatives (ci-après : VIQ) requises, à savoir médecine générale, médecine interne et pédiatrie. Le montant à restituer à ce titre s’élevait à CHF 28’232.- et s’établissait comme suit, selon un extrait du « tarifpool » du 19 juin 2023 (pièce 15a dem.) :

001.00.0415 : Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min : CHF 2'760.-

001.00.0416 : Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans, par période de 5 min : CHF 458.-

001.00.0417 : Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans nécessitant plus de soins, par période de 5 min : CHF 914.-

001.00.510 : Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min : CHF 11'790.-

001.00.0515 : Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans, par période de 5 min. : CHF 2'251.-

001.00.0516 : Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min. : CHF 2'249.-

001.00.0520 : Consultation psychothérapique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min : CHF 7'741.-

001.00.0525 : Thérapie psychosomatique individuelle, par 5 min. : CHF 69.-

Par ailleurs, comparée à un groupe de 1'199 médecins praticiens en Suisse (cf. liste des noms du collectif de comparaison : pièce 17a dem.), et compte tenu d’une marge de tolérance de 20% (ci-après : MT), le montant à restituer, selon la méthode de régression, était de CHF 24'645.-, compte tenu d’un indice de régression (ci‑après : IR) des coûts totaux directs et indirects (ci-après : CT) de 179 points et de coûts totaux adaptés (ie : déduction faite du montant des prestations non prises en charge à titre obligatoire) de CHF 244'532.- (CHF 272'764.- - CHF 28'232.-), selon la formule : CT/IR x (IR -MT) x CTD/CT.

Le montant total à restituer s’élevait ainsi à CHF 52'877.- (CHF 28'232.- + CHF 24'645.-).

Subsidiairement, sans le remboursement de prestations liées à l’absence de VIQ, le montant réclamé s’élevait CHF 33'950.- selon la formule de la méthode de régression [CT/IR) x (IR-MT) x CTD/CT], compte tenu de coûts totaux de CHF 272'764.- et de coûts totaux directs de CHF 103'002.-

Pour l’année statistique 2021, le montant réclamé pour les prestations facturées sans VIQ s’élevait à CHF 28'824.- et s’établissait comme suit, selon un extrait du « tarifpool » du 19 juin 2023 (pièce 15b dem.) :

001.00.0415 : Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min : CHF 3'581.-

001.00.0416 : Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans, par période de 5 min : CHF 457.-

001.00.0417 : Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans nécessitant plus de soins, par période de 5 min : CHF 1'991.-

001.00.510 : Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min : CHF 13'852.-

001.00.0515 : Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans, par période de 5 min. : CHF 1'459.-

001.00.0516 : Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min. : CHF 86.-.

001.00.0520 : Consultation psychothérapique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min : CHF 7'123.-

001.00.0525 : Thérapie psychosomatique individuelle, par 5 min. : CHF 275.-

Par ailleurs, comparée à un groupe de 1'204 médecins praticiens en Suisse (cf. liste des noms du collectif de comparaison : pièce 17b dem.), et compte tenu d’une marge de tolérance de 20%, le montant à restituer, selon la méthode de régression, était de CHF 26'223.-, compte tenu d’un indice de régression des coûts totaux directs et indirects de 187 points et de coûts totaux adaptés de CHF 232’116 (CHF 260'940.- - CHF 28'824.-), selon la formule : CT/IR x (IR ‑MT) x CTD/CT.

Le montant total à restituer s’élevait ainsi à CHF 55'047.- (CHF 28'824.- + CHF 26'223.-).

Subsidiairement, sans le remboursement de prestations liées à l’absence de VIQ, le montant réclamé s’élevait CHF 36'550.- selon la formule de la méthode de régression [CT/IR) x (IR-MT) x CTD/CT], compte tenu de coûts totaux de CHF 260'940.- et de coûts totaux directs de CHF 102'013.-.

b. Lors de l’audience de conciliation du 13 octobre 2023, la défenderesse s’est engagée à renseigner SANTÉSUISSE sur les questions formulées dans son courrier du 5 mai 2023. La présidente a accordé aux parties un délai au 15 novembre 2023, régulièrement prolongé jusqu’au 22 février 2024 à la demande de la défenderesse, pour lui faire part de l’issue de leurs pourparlers en vue de trouver une solution transactionnelle.

c. Par courriers du 22 février 2024, SANTÉSUISSE a informé le Tribunal arbitral de l’échec des pourparlers.

d. Par courrier du 28 mars 2024, SANTÉSUISSE, désormais représentée par Me Valentin SCHUMACHER, a désigné Luciano DE TORO comme arbitre.

e. Dans sa réponse du 11 avril 2024, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, avec suite de dépens.

Dans un récent arrêt de principe 9C_135/2022 du 12 décembre 2023 (Ndr : aujourd’hui publié : ATF 150 V 129), le Tribunal fédéral avait en substance jugé que la méthode de régression ne constituait pas un moyen de preuve, que le dépistage d’un médecin par cette méthode n’établissait pas un traitement non économique et qu’il convenait de s’assurer du point de savoir si le médecin recourait par exemple à des formes particulières de thérapie. L’analyse éventuelle des cas individuels ne pouvait être reportées à la procédure d’arbitrage. En l’occurrence, elle recourait à la micronutrition et à la micro-immunothérapie. L’identification des besoins thérapeutiques découlant de ces méthodes nécessitait certes de nombreux examens de laboratoire, mais s’avérait économique, permettant en dernière analyse et globalement « une économie sensible de frais médicaux (renvoi à des médecins spécialistes, prescriptions de médicaments et hospitalisations) ».

Certes, elle ne disposait pas des attestations et diplômes lui permettant de facturer les positions TARMED ayant engendré les coûts litigieux. Elle avait toutefois pratiqué la micronutrition en France pendant de nombreuses années avant de s’établir en Suisse en 2004. Sa facturation n’avait posé aucun problème aux assureurs jusqu’en 2018. Ces derniers ne lui avaient jamais demandé de produire des attestations ou diplômes relativement aux position TARMED incriminées. Elle n’avait eu recours à aucun procédé déloyal à cet égard. Il était contraire à la bonne foi de lui réclamer le remboursement de factures que les assureurs avaient réglées durant quinze ans sans s’enquérir si elle disposait des VIQ correspondant aux positions litigieuses, alors qu’elle ignorait les subtilités administratives helvétiques. Elle n’avait ainsi pas pu prendre conscience de ses « lacunes » et corriger la situation en agissant pour obtenir les diplômes nécessaires ou en s’abstenant de facturer des prestations dont les assureurs lui auraient d’emblée signalé qu’elles n’étaient pas facturables. Rétrospectivement, elle pouvait donc se prévaloir d’une « situation acquise ».

f. Le 11 avril 2024, la défenderesse a demandé à la présidente du Tribunal arbitral de lui désigner un arbitre. Le 15 avril suivant, cette dernière a désigné Michael FEUSIER.

g. Le 31 mai 2024, le dossier a été réattribué au président suppléant soussigné.

h. Par réplique du 8 juillet 2024, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions.

Une analyse plus détaillée des statistiques s’était heurtée au refus catégorique de la défenderesse de collaborer. Le reproche selon lequel SANTÉSUISSE n’aurait pas effectué ladite analyse était malvenu.

La micronutrition et la micro-immunothérapie relevaient de la médecine complémentaire et ne pouvaient pas être facturées à la charge de l’AOS. La défenderesse ne pouvait pas facturer l’homéopathie, faute de disposer de la VIQ. Selon son site Internet, elle ne pratiquait pas en tant que médecin de famille, mais était orientée exclusivement vers les médecins naturelles et énergétiques.

Au vu de la description de la pratique de la défenderesse en matière d’homéopathie, les montants des prestations facturées à l’AOS devaient être bien supérieurs à ceux ressortant du tarifpool (CHF 326.- en 2020 et zéro franc en 2021). Tout portait ainsi à penser qu’elle facturait des prestations d’homéopathie par analogie, c’est-à-dire avec d’autres positions TARMED.

S’agissant de la nutrition, dans la mesure où il ne s’agirait pas de micronutrition, les consultations y relatives dans le TARMED utilisées par la défenderesse étaient les positions 00.0510, 00.0515 et 00.0516. Or, selon les interprétations desdites positions, les consultations en matière de diététique nécessitaient la VIQ « Médecine interne », « Médecine générale » ou « Pédiatrie ».

L’ensemble de la pratique de la défenderesse concernait des prestations non‑LAMal indûment facturées avec des positions du TARMED ou alors des prestations de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ‑ RS 832.10) pour lesquelles elle ne disposait pas de la VIQ requise.

Le dommage causé aux assureurs-maladie était bien plus important que celui réclamé, ces derniers ayant également pris en charge les coûts indirects liés à la pratique de la défenderesse, en particulier les coûts d’analyse de CHF 104'125.- en 2020 et de CHF 95'874.- en 2021.

La pratique de la défenderesse demeurait non économique selon la méthode de régression. D’une part, il n’existait aucune particularité de cabinet, la défenderesse ne disposant notamment pas de compétences particulières ou de spécialisation ayant un impact sur la composition du collectif de patients. Elle pratiquait certes la médecine complémentaire, mais elle ne disposait pas des titres nécessaires à leur pratique. D’autre part, il n’existait aucune particularité relative à son collectif de patients. Au contraire, le fait qu’elle indiquait faire de la médecine préventive démontrait que sa patientèle ne présentait pas de morbidités particulières justifiant ses indices hors normes. Les courriers de soutien de ses patients des 7 avril, 15 avril et 21 juin 2023 (pièce 8, réplique) confirmaient que la défenderesse pratiquait la médecine préventive et la médecine alternative.

i. Dans ses déterminations du 23 octobre 2024, la défenderesse a en substance relevé que l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité avait cité des contributions doctrinales doutant de la fiabilité du groupe de comparaison et du critère de PCG (Pharmaceutical Cost Groups). Selon une étude de Frank EIJKENAAR, « Profiling individual physicians using administrative data from a single insurer : variance components, reliability, and implications for performance improvement efforts », publiée en 2013, les méthodes statistiques mesurant le caractère économique de la prestation devaient tenir compte de nombreuses caractéristiques concrètes des patients, comme la qualité de l’habitat, les revenus, le niveau d’éducation, les comorbidités, etc. (« full-model »). Ces considérations devaient être rapprochées des particularités de la pratique du médecin dont la jurisprudence tenait compte dans le cadre de la méthode de régression. Les paramètres pris en compte par SANTÉSUISSE paraissaient largement insuffisants, en comparaison de ce qu’exigeaient un « full-model ». La méthode de régression conduisait à des artefacts, soit des constatations fausses basées sur un choix non judicieux des variables, soit « sur une extension de la relation utilisée au-delà de sa zone de validité ». Compte tenu de ces défauts méthodologiques, elle a requis la mise en œuvre d’une expertise de la méthode de régression.

Son manque de collaboration allégué n’avait pas privé les demanderesses d’apporter la preuve du dommage invoqué. Ces dernières connaissaient ce qui avait provoqué ses surcoûts apparents, à savoir les examens de laboratoire prescrits dans le cadre des caractéristiques générales de sa pratique : homéopathie, nutrition et micronutrition. Elles persistaient à tort à considérer la méthode de régression comme un moyen de preuve. On ne pouvait donc lui reprocher aucun manque de collaboration au sens de cette jurisprudence.

Dans leur réplique, les demanderesses avaient formulé un reproche nouveau à son encontre, à savoir qu’elle mettrait à la charge des assureurs des prestations relevant de la (seule) médecine préventive. Cette affirmation était essentiellement tirée de son site Internet, dont les éléments d’appréciation étaient très indirects et peu concluants.

L’AOS prenait certes en charge les coûts de prestations qui servaient à diagnostiquer ou traiter de maladies, mais les mesures de prévention n’en étaient pas exclues, comme cela résultait de l’art. 26 LAMal.

Les rapports entre le médecin et les assureurs n’étaient pas assimilables à ceux d’un justiciable avec une administration. Les assureurs ne pouvaient être assimilés à des autorités publiques ; de même, la question des factures de médecins mises à la charge des assureurs, comme les décisions prises à ce sujet, ne constituaient pas des décisions administratives. Le fait que l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). prescrivît tant aux organes de l’État qu’aux particuliers d’agir conformément aux règles de la bonne foi montrait que ce principe était une pierre de touche de l’ordre juridique. Les particularités de chaque situation ne pouvaient dès lors être ignorées. Le principe de la bonne foi devait en l’espèce être examinée sur le plan des rapports entre personnes privées. Les assureurs avaient adopté un comportement contradictoire et, partant, contraire à la bonne foi, en demandant le remboursement de prestations qu’ils avaient payées pendant quinze années, éveillant ainsi chez elle une confiance légitime. Cela heurtait l’interdiction de l’abus de droit, même si le changement, en soi, était permis. Le résultat de l’exercice abusif du droit était choquant, car elle se trouvait mise en demeure de payer des sommes considérables.

j. Dans leurs observations du 26 novembre 2024, les demanderesses ont maintenu leur position. Si, selon la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral, la méthode de régression ne constituait plus un moyen de preuve en soi, elle servait néanmoins toujours de preuve d’une pratique médicale non économique dans tous les cas où les particularités de pratiques n’étaient pas manifestes ou lorsque le fournisseur de prestations n’avait pas rendu vraisemblable sous quel angle il devait être procédé à l’évaluation individuelle et dans quelle mesure l’anomalie identifiée dans le cadre du screening devait être attribuée à une particularité de pratique.

En l’espèce, l’analyse individuelle avait permis de constater que l’ensemble de la pratique de la défenderesse concernait des prestations non-LAMal qu’elle avait indûment facturées avec des positions du TARMED ou avec des prestations LAMal pour lesquelles elle ne disposait pas des VIQ requises ; en vérité, la défenderesse aurait été tenue de restituer en intégralité les prestations remboursées en 2020 et 2021. L’analyse individuelle n’avait pas permis de faire ressortir la moindre particularité justifiant son indice de régression hors norme.

L’étude de FRANK EIJKENAAR ne remettait pas en cause la méthode de régression, car le rapport final de C______ SA « Développement de la méthode statistiques d’évaluation d’économicité », établi en 2017, avait expressément pris en compte cette étude. En outre, dans l’ATF 150 V 129 (consid. 5.2.4), le Tribunal fédéral avait validé cette méthode en retenant qu’elle devait en principe était utilisée pour évaluer l’économicité d’une pratique médicale.

À de rares exceptions prévues par la loi, dont la défenderesse n’avait pas allégué qu’elles se rapportaient à sa pratique, les mesures de prévention étaient exclues de l’AOS.

Selon l’interprétation générale du TARMED GI-38, l’emploi de positions tarifaires dites analogiques était strictement interdit, sous réserve d’un accord avec l’assureur compétent.

k. Par mémoire du 7 février 2025, dans le délai prolongé plusieurs fois à sa demande, la défenderesse s’est finalement limitée à persister dans ses conclusions, tout en renvoyant le tribunal de céans à ses précédentes écritures.

l. Le 18 février 2025, le tribunal de céans a convoqué une audience de comparution personnelle pour le 24 mars suivant. Par courrier du 13 mars 2025, la défenderesse a demandé le report de l’audience, au motif qu’elle déménageait son cabinet ce jour-là. Par courrier du 19 mars 2025, le président a refusé de faire suite à cette requête vu son caractère tardif, sinon insuffisamment motivé, tout en précisant que son conseil pourrait la représenter à l’audience, ce d’autant que sa procuration du 25 août 2023 l’autorisait également à transiger.

m. Lors de cette audience, le conseil de la défenderesse a confirmé que sa cliente ne pratiquait pas en tant que médecin généraliste FMH, ni en tant que médecin praticien. Elle ne pratiquait pas la médecine générale, mais essentiellement la nutrition et la micronutrition. Elle ne pratiquait pas uniquement de la médecine préventive, mais également de la médecine curative ; il en ignorait les proportions respectives. Sa cliente ignorait que ses prestations ne relevaient pas de la LAMal. En 2018, au moment de l’adaptation du TARMED, elle avait reçu des informations de l’association des médecins du canton de Genève (ci-après : AMG) qu’elle n’avait pas comprises (Ndr. : information concernant la réduction du point technique de 7% découlant du fait que les médecins praticiens n’avaient pas le titre de spécialiste : https://www.caisse-des-medecins.ch/media/aek_tarmed-aenderungen_f.pdf). Il ignorait pour quels motifs sa cliente prescrivait trois fois plus d’examens de laboratoire que ses confrères praticiens. Il s’agissait de contribuer à la guérison ou de minimiser les effets secondaires d’un traitement médical par le biais de la micronutrition et, dans ce contexte, elle devait demander plus d’examens de laboratoire que ses confrères.

De son côté, SANTÉSUISSE a indiqué que les montants à restituer au titre de l’absence de VIQ étaient tirés des « tarifpools » établis par B______ SA, dont la jurisprudence avait admis la valeur probante. Dans le cadre de l’examen individualisé requis par la jurisprudence, elle n’aurait pas pu procéder à une comparaison avec d’autres médecins pratiquant la micronutrition, car cette particularité ne relevait pas de la LAMal. Dans ces conditions, il était superflu de demander l’avis de son médecin-conseil. Elle avait examiné l’entier de la facturation de la défenderesse et les positions TARMED correspondantes. Elle avait examiné si la défenderesse avait davantage de visites à domicile par rapport au groupe de comparaison, ce qui n’était pas le cas. Elle avait aussi analysé les critères de morbidité et la dispersion de sa patientèle, ce qui lui avait permis de constater qu’elle n’avait pas une clientèle plus âgée, ni d’autres particularités devant être prises en compte.

SANTÉSUISSE avait effectué une analyse individuelle de la pratique et de la facturation de la défenderesse sur la base des caractéristiques générales de sa pratique communiquée le 15 janvier 2019. Par son courriel du 5 mai 2025, la défenderesse avait expressément refusé de collaborer. Il ressortait tant du site Internet de la défenderesse que des courriers de ses patients des 7 avril, 15 avril et 21 juin 2023 (cf. pièce 8, réplique du 8 juillet 2024) qu’elle effectuait de la médecine préventive et de la médecine alternative.

SANTÉSUISSE avait retenu une marge de tolérance de 120, et non de 130, vu l’absence de particularités démontrées.

n. À l’issue de l’audience, le tribunal de céans a accordé à la défenderesse un délai au 11 avril 2025 pour l’informer d’une éventuelle transaction extra‑judiciaire.

o. Dans le délai régulièrement prolongé à sa demande, la défenderesse, par courrier du 12 juin 2025, a informé le tribunal de céans que les pourparlers transactionnels avaient échoué. La procédure probatoire pouvait donc se poursuivre, en particulier par la mise en œuvre de l’expertise qu’elle avait initialement demandée.

 

EN DROIT

1.             Selon l'art. 89 al. 1 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l'assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l'assureur représente, à ses frais, l'assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

Le Tribunal arbitral établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 19 et 20 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 45 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 - LaLAMal - J 3 05).

2.             En l'espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35 ss LAMal et 38 ss de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal ‑ RS 832.102) de la défenderesse n'est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. Par ailleurs, le cabinet de la défenderesse est installé à titre permanent à Genève.

La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est dès lors acquise ratione materiae et loci.

3.             Respectant les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 LPA, applicable par renvoi de l’art. 45 al. 3 LaLAMal, les demandes sont recevables.

4.             Le litige porte sur la question de savoir si la pratique de la défenderesse pendant les années statistiques 2020 et 2021 est ou non contraire au principe de l'économicité, et dans l'affirmative, si et dans quelle mesure, les demanderesses sont habilitées à lui réclamer le trop-perçu.

4.1 La demande de remboursement se fonde sur l'art. 59 al. 1 let. b LAMal (ATF 141 V 25 consid. 8.3). Le droit à la restitution selon l'art. 59 al. 1 let. b LAMal est soumis à un délai de péremption relatif d'un an, mais au plus tard cinq ans après le versement des prestations, selon l'art. 25 al. 2, 1ère phr. de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), étant précisé que, dans le contexte de la demande de restitution de prestations indûment versées entre assureurs-maladie et fournisseurs de prestations, l'art. 25 LPGA s'applique par analogie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3 ; ATF 133 V 579, étant donné que l'art. 1 al. 2 let. e LAMal, exclut l’application de la LPGA dans les procédures devant le tribunal arbitral cantonal (art. 89 LAMal).

4.2 Depuis le 1er janvier 2021, le délai de péremption est porté d’un à trois ans (art. 25 al. 2 LPGA). L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015 consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relative ou absolue en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée. Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire, faute d'éléments établissant le contraire, de retenir comme point de départ du délai de péremption, la date figurant sur les documents intitulés « préparation des données » et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (ATF 150 V 129 consid. 2.2).

4.3 Les statistiques de SANTÉSUISSE pour les années 2020 et 2021 ont été préparées, respectivement les 16 juillet 2021 et 28 octobre 2022. Les demanderesses devraient donc en avoir pris connaissance, au plus tôt, le même jour. Le droit au remboursement qui en découle n'était donc pas encore périmé au moment de l'introduction de la demande en paiement du 31 août 2023, déposée devant le tribunal de céans le 5 septembre suivant. À juste titre, la défenderesse ne le conteste pas.

5.              

5.1 Les prestations facturées à la charge de l'assurance obligatoire des soins doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 al. 1 LAMal). Le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à ce qui est dans l'intérêt de l'assuré et nécessaire pour atteindre le but du traitement (art. 56 al. 1 LAMal). Parmi différentes mesures appropriées, celle qui présente le meilleur rapport coût‑efficacité pour un bénéfice médical comparable est considérée comme économique (ATF 139 V 135 consid. 4.4.3). Les mesures thérapeutiques ou diagnostiques inutiles sont inappropriées et donc également non économiques (ATF 151 V 30 consid. 2.2.1.1). Des sanctions sont prises à l'encontre des fournisseurs de prestations qui enfreignent les exigences légales en matière d'économicité et de qualité. Elles comprennent le remboursement total ou partiel des honoraires perçus pour des prestations non appropriées (art. 59 al. 1 let. b et al. 3 let. a LAMal).

5.2 L'examen de l'économicité porte sur l'ensemble des prestations facturées et remboursées sous un numéro du registre des codes créanciers (ci-après : RCC) conformément à l'art. 24 ss LAMal. Le principe de l'économicité des prestations est violé lorsqu'un fournisseur de prestations facture par patient un montant nettement plus élevé que les autres fournisseurs de prestations de la même spécialité (groupe de référence) sans que ce surcoût soit couvert par la liberté de traitement médical ou par des particularités (en termes d'offre de prestations, de composition du collectif de patients, etc.) (cf. ATF 150 V 129 consid. 4.1). Le numéro RCC, associé à la base de données de B______ SA, une filiale de l'association des caisses-maladie SANTÉSUISSE, sert de base à l'identification des différents fournisseurs de prestations, du nombre de leurs patients et des coûts occasionnés (cf. https:// www.B______.ch/kategorie/dp/ ; Dario PICECCHI, Das Wirtschaftlichkeitsgebot im Krankenversicherungsrecht, 2022, ch. 527). Cette base de données regroupe les informations des assureurs sur les prestations remboursées sous un numéro RCC (Larisa PETROV, Weiterentwicklung der Wirtschaftlichkeitskontrolle nach KVG, 2024, ch. 131). Les coûts supportés par l'assureur-maladie pour les prestations fournies par le fournisseur de prestations contrôlé pendant une période déterminée, en moyenne par patient, à titre propre ou par des tiers (valeur individuelle du cas), sont comparés aux coûts moyens correspondants du groupe de référence (valeur collective du cas, correspondant à une valeur indice de 100 points [pourcentage]) (ATF 150 V 129 consid. 4.4.1). La composition du groupe de référence doit être suffisamment similaire à celle du fournisseur de prestations contrôlé (ATF 150 V 129 consid. 4.1 ; 137 V 43 consid. 2.2).

5.3 Conformément à l'art. 56 al. 6 LAMal, les fournisseurs de prestations et les assureurs-maladie fixent contractuellement une méthode de contrôle de l'économicité. Conformément au mandat légal, les associations concernées (partenaires tarifaires) ont convenu le 20 mars 2018 de la méthode de screening. Celle-ci s'applique à toutes les procédures de contrôle de l'économicité à partir de l'année statistique 2017 (cf. désormais également la version actualisée du contrat du 1er février 2023, en vigueur depuis le 1er janvier 2023). La procédure de screening sert à identifier les prestataires dont la structure des coûts inhabituelle laisse supposer un traitement potentiellement non économique (ATF 150 V 129 consid. 5.3.1). Des coûts inhabituels ne sont toutefois pas synonymes de traitement non économique : les partenaires tarifaires stipulent dans le préambule du contrat relatif à la méthode de contrôle que celle-ci « s'applique comme première étape du contrôle d’économicité ». L'objet direct de l'accord est uniquement l'analyse de régression, qui sert « de méthode de contrôle pour détecter les médecins dont les coûts sont inhabituels ». La question de savoir si un médecin dont les coûts sont élevés travaille de manière non économique doit être clarifiée au cas par cas (chiffres 1 et 2 du contrat).

Le dépistage standardisé permet d'attirer rapidement l'attention des prestataires dont les coûts sont élevés sur le fait qu'ils pourraient enfreindre les exigences légales en matière d'économicité (cf. arrêt K 57/95 du 5 juillet 1996 consid. 4). Cela s'impose en toute bonne foi, ne serait-ce que parce qu'une demande de remboursement au sens de l'art. 59 al. 1 let. b LAMal ne présuppose aucune faute du prestataire (ATF 141 V 25 consid. 8.4 ; cf. Gebhard EUGSTER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum KVG, 2ème éd. 2018, n° 2 ad art. 59 LAMal ; Isabelle HÄNER, in : Commentaire bâlois de la LAMal/LCA, 2020, nos 12 et 28 ad art. 59 LAMal ; Dario PICECCHI, op. cit., n° 579).

5.4 Selon la volonté des partenaires tarifaires, la méthode de dépistage en tant que « première étape » du contrôle de l'économicité consiste en une analyse de régression permettant de déterminer la valeur individuelle du cas (indice de régression) et en une comparaison entre celle-ci et la valeur du groupe. En fonction du résultat, un examen plus approfondi de l'économicité est effectué dans une « deuxième étape » (cf. ci-dessous consid. 5.5).

5.4.1 La valeur (provisoire) du cas du prestataire contrôlé est déterminée au moyen d'une analyse de régression en deux étapes. L'accord conclu entre les partenaires tarifaires instaure, dans un premier temps, les indicateurs de morbidité « âge », « sexe », « PCG », « franchise » et « séjour à l'hôpital ou dans un établissement médico-social l'année précédente ». Au deuxième niveau s'ajoutent les facteurs « groupe de médecins spécialistes » et « canton de situation » concernant le fournisseur de prestations.

L'analyse de régression permet de standardiser les effets sur les coûts de certaines caractéristiques du cabinet, c'est-à-dire de normaliser les écarts correspondants par rapport à la valeur moyenne du groupe de médecins spécialistes concerné. À l'aide de paramètres ou de coefficients de régression pondérés, on détermine dans quelle mesure, par exemple, la morbidité du collectif de patients concret a une incidence sur les coûts. À cet égard, les écarts par rapport aux coûts moyens qui sont imputables à des maladies chroniques coûteuses survenant plus fréquemment que la moyenne dans le collectif de patients sont enregistrés et distingués des anomalies dues à un traitement inefficace. Une telle neutralisation des facteurs indépendants du comportement et pertinents pour les coûts permet en fin de compte d'isoler l'effet sur les coûts d'un traitement non économique (ATF 150 V 129 consid. 4.4.1).

5.4.2 Un cabinet médical n'est pas considéré comme coûteux dès lors que l'indice des coûts du cabinet examiné dépasse l'indice des coûts moyens du groupe de référence (= 100 points). Au contraire, lors de la comparaison des coûts par cas, il convient de déduire une marge de tolérance de 20 à 30 points d'indice de la valeur du cas ou de l'indice des coûts du prestataire contrôlé (ATF 137 V 43 consid. 2.2). Cette marge a pour but de tenir compte du style individuel du prestataire dans le cadre du principe de la liberté du médecin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_130/2022 du 25 juin 2025 consid. 5.4.2).

La jurisprudence actuelle en matière de marge de tolérance repose toutefois sur l'ancienne méthodologie. Dans le contrôle de l'économicité en deux parties désormais en vigueur, le screening s'effectue uniquement sur la base d'un rapport de régression étayé par des données statistiques relatives au fournisseur de prestations concerné, tandis que les circonstances qui sont finalement déterminantes pour la fixation individuelle de la marge de tolérance ne sont en grande partie connues qu'à l'issue d'un examen au cas par cas (cf. consid. 5.5 ci‑après). Compte tenu de cette nouvelle situation, l'application de la marge de tolérance doit être adaptée. Il convient de l'estimer provisoirement dès la première partie de l'examen de l'économicité (examen de sélection), qui concerne en principe tous les fournisseurs de prestations (screening). Sinon, un très grand nombre de prestataires seraient signalés alors qu'ils ne violent en réalité pas le principe d'un traitement économique. La marge provisoire est donc de nature forfaitaire. Il appartiendrait en premier lieu aux partenaires tarifaires de fixer une valeur de tolérance (provisoire) généralement applicable à des fins de screening. La marge définitive et individualisée, comprise entre 20 et 30 points, ne peut être déterminée que dans la deuxième partie de l'examen de l'économicité ou dans le cadre de la procédure arbitral. La fixation de son ampleur dans chaque cas particulier relève du pouvoir d'appréciation des assureurs-maladie ou du Tribunal arbitral. À cet égard, il sera par exemple déterminant que le fournisseur de prestations se soit spécialisé de manière économique dans des maladies ou des formes de thérapie particulières qui ne peuvent toutefois pas être considérées comme des particularités de la pratique (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2022 du 29 avril 2025 consid. 4.4.2, destiné à la publication) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_130/2022 précité consid. 5.4.2).

5.5 Si le screening indique un traitement non économique, dans la mesure où le rapport de régression relatif au fournisseur de prestations concerné révèle une valeur d'indice supérieure à la marge de tolérance (provisoire), les assureurs ou SANTÉSUISSE procèdent à un examen au cas par cas.

5.5.1 Dans cette « deuxième étape » du contrôle de l'économicité, il s'agit de fixer la marge de tolérance définitive (cf. ci-dessus consid. 5.4.2). En outre, les particularités de la pratique qui ont une incidence sur la structure des coûts du fournisseur de prestations contrôlé sont déterminées. Seul l'examen au cas par cas permet, le cas échéant, de constater une violation du principe d'un traitement économique. Les partenaires tarifaires prévoient que le fournisseur de prestations ait la possibilité d'exposer son point de vue, c'est-à-dire « de mettre en évidence, de manière objective et compréhensible, les particularités de sa pratique qui n'ont pas été prises en compte dans le cadre de la méthode de screening et qui distinguent sa pratique de celle des autres fournisseurs de prestations de son collectif de référence, entraînant ainsi une augmentation de l'indice de régression » (cf. version actualisée du contrat de screening du 1er février 2023, ch. 2 al. 4 et 5 ; ATF 150 V 129 consid. 4.3.3).

Les partenaires tarifaires partent du principe que la suspicion de pratiques non économiques résultant d'un indice de régression anormal est écartée dans la mesure où les coûts supérieurs à la moyenne sont dus à des effets spécifiques au cabinet. La valeur individuelle de l'indice est réduite de la marge de tolérance (définitive) et dans la mesure de l'effet sur les coûts des caractéristiques significatives du fournisseur de prestations et du collectif de patients (ATF 150 V 129 consid. 5.5). Dans la mesure du possible, un tel effet doit être démontré à l'aide des données individuelles du fournisseur de prestations et de valeurs statistiques comparatives. Les particularités dont le rapport coût-efficacité ne peut être quantifié par des moyens statistiques peuvent également être déterminées par des moyens analytiques (à l'aide de dossiers de patients sélectionnés et de factures) (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4). Pour des raisons d'égalité de traitement et de praticabilité, il peut être opportun de fixer des valeurs indicatives pour les cas typiques de particularités de la pratique dans le cadre d'accords tarifaires conclus entre les partenaires sociaux.

5.5.2 Selon la jurisprudence constante, sont reconnues comme particularités de la pratique entraînant des coûts supplémentaires des caractéristiques telles que le nombre très élevé de patients âgés et/ou de longue date, un nombre supérieur à la moyenne de visites à domicile, une proportion très élevée de patients étrangers ou le fait que le cabinet ne traite pas de patients en situation d'urgence (cf. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 9C_588/2018 du 12 avril 2019 consid. 8.2.1). Du côté de l'offre, les particularités du cabinet se manifestent principalement dans le cas de spécialisations clairement économique dans le domaine de la médecine interne ou, par exemple, lorsqu'un cabinet assure une permanence en raison de sa grande disponibilité, ce qui tend à élargir l'éventail des soins médicaux prodigués aux patients (151 V 233 consid. 9.1). Lorsqu'une particularité alléguée constitue une caractéristique typique ses soins médicaux de base (par exemple une psychothérapie déléguée ou une orientation psychosociale et médico-sociale), elle ne peut être reconnue comme telle que si elle a pour conséquence d’augmenter considérablement la proportion de patients coûteux (par exemple en raison de leur morbidité) ; pour le reste, elles peuvent être prises en considération dans le calcul de la marge de tolérance (151 V 233 précité consid. 9.2.3). Les prestations spécialisées qui sortent du cadre des soins médicaux de base habituels peuvent faire l'objet d'un examen d’économicité distinct (ibid. consid. 9.2.2).

Les particularités du cabinet résultent notamment de la nature, de la gravité et de la fréquence des maladies dans la population de patients (morbidité). Dans la procédure de screening, la morbidité n'est déterminée qu'indirectement à l'aide d'indicateurs (« proxies ») tels que les groupes de coûts pharmaceutiques PCG (cf. ATF 150 V 129 consid. 6.5.2). Il est donc possible que l'analyse de régression ne neutralise pas (de manière exhaustive) les effets économiques de la morbidité (cf. ci-dessus consid. 5.4.1) et que ceux-ci doivent donc être pris en compte (en plus) sous le titre « particularités de la pratique » (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.5.3), comme dans le cas des maladies pour lesquelles les coûts spécifiques du traitement ne se reflètent pas dans une médication standardisée selon le PCG. Pour déterminer la morbidité, il convient notamment de se baser sur les informations fournies par le prestataire de services concernant la fréquence et la répartition des diagnostics dans la population de patients (151 V 233 précité consid. 5.5.2 ; cf. TRÜMPLER/WERDER, Clarification du Tribunal fédéral : les procédures d'examen de l'économicité nécessitent un examen au cas par cas, dans : Jusletter 29 avril 2024, ch. 17) ; cela d'autant plus que, contrairement à l'art. 42 al. 3bis LAMal, les données de facturation ne contiennent généralement pas d'informations diagnostiques (cf. ATF 151 V 30 consid. 5.7.4).

5.5.3 Le fournisseur de prestations est tenu de collaborer. Dans la mesure où les particularités de la pratique ne sont pas évidentes et où les assureurs-maladie clarifient eux-mêmes la situation, il doit rendre crédible les aspects qui justifient un examen au cas par cas et dans quelle mesure les coûts anormaux constatés lors du screening sont imputables à des particularités de la pratique (ATF 150 V 129 consid. 5.3.2, 5.5.1 et 5.6 ; Gebhard EUGSTER, SBVR, p. 683 s. n° 908 s.). L'obligation de justification du fournisseur de prestations comprend la particularité en tant que telle et son incidence fondamentale sur les coûts. Il n'est toutefois pas tenu de quantifier exactement l'effet éventuel sur les coûts ; cette tâche est réservée à la procédure de contrôle des assureurs-maladie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2022 précité consid. 4.5.3, destiné à publication).

5.5.3.1      L'art. 89 al. 5 LAMal prescrit que les cantons fixent la procédure qui doit être simple et rapide. Le Tribunal arbitral établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige ; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement. Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans les litiges ressortant de la compétence du Tribunal arbitral (cf. art. 89 al. 5 LAMal), exclut que la charge de l'apport de la preuve (« Beweisführungslast ») incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Partant, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF  128 V 218 consid. 6). La maxime inquisitoire ne dispense pas les parties de collaborer à l'établissement des faits et il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. En l'absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d'éléments probants au dossier, l'autorité qui met fin à l'instruction en considérant qu'un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l'arbitraire ni ne viole l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) relatif au fardeau de la preuve (ATF 148 II 465 consid. 8.3).

5.5.3.2      La collaboration des parties prévue par l’art 89 al. 5 LAMal s'étend à tous les éléments essentiels pour la prise de décision et implique l'obligation pour les parties de fournir les documents qui se trouvent en leurs mains, en particulier ceux que l'autorité ne peut pas recueillir ou ne pourrait qu'au prix d'efforts disproportionnés. Ce devoir de collaborer est en particulier d'importance dans les procédures d'action selon l'art. 89 LAMal, dès lors que les parties sont le mieux à même de contribuer à l'établissement des faits déterminants (arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 10 mai 2004 consid. 5.1 non publié in ATF 130 V 377). En particulier, c'est au médecin qu'il revient d'amener les éléments de fait susceptibles d'entrer dans le catalogue des particularités de sa pratique. Il ne lui suffit pas d'inviter le Tribunal arbitral à mandater un expert pour établir celles-ci. Au contraire, il doit démontrer dans quelle mesure (si possible chiffrée) ces particularités débouchent sur des coûts supplémentaires. Autrement dit, le médecin doit se prévaloir des particularités de sa pratique, de manière à ce que le Tribunal arbitral ait des motifs raisonnables de considérer que la question mérite d'être éclaircie. Si le médecin ne fournit pas au Tribunal cantonal des éléments pour quantifier l'effet de ces particularités sur son coût moyen, le tribunal appréciera lui-même cet effet (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 113/03 du 10 août 2004 consid. 7.2). Pour le cas où, malgré des investigations supplémentaires, il n'est pas possible de retenir que la particularité invoquée influence réellement les statistiques, le médecin supporte en tous les cas le fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral K 83/05 du 4 décembre 2006 consid. 7).

5.5.3.3      L'obligation faite à la partie adverse de collaborer à l'administration de la preuve, même si elle découle du principe général de la bonne foi, est de nature procédurale et est donc exorbitante de l'art. 8 CC, car elle ne touche pas au fardeau de la preuve et n'implique pas, en principe, un renversement de celui-ci. C'est dans le cadre de l'appréciation des preuves que le juge se prononcera sur le résultat de la collaboration de la partie adverse ou qu'il tirera les conséquences d'un refus de collaborer à l'administration de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5A_503/2018 du 25 septembre 2018 consid. 3). Exceptionnellement, la partie qui n'est pas chargée du fardeau de la preuve ne peut pas se contenter de contester les faits allégués par la partie adverse, mais elle doit, en vertu des règles de la bonne foi, collaborer à l'administration des preuves. Ainsi en est-il lorsque celui qui prétend à un droit se trouve dans un état de nécessité quant à la preuve et que son adverse partie est mieux à même de la rapporter (ATF 115 II 1 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.48/1988 du 22 juin 1989 consid. 2a, reproduit in JdT 1991 II 190). Le devoir des parties de collaborer à l'instruction de la cause porte sur tous les faits déterminants pour la décision et comprend l'obligation de produire tout document se trouvant en leur possession (consid. 5.1 non publié de l'ATF 130 V 377).

5.5.3.4      Le principe inquisitoire oblige l'autorité à déterminer également les faits favorables aux intérêts de l'administré, dans la mesure de ses possibilités. Si ce dernier n'apporte pas la preuve requise et que l'autorité a la possibilité d'éclaircir la situation, elle doit le faire. Le devoir de collaborer de l'administré ne libère nullement l’autorité de son devoir d’instruction. L'autorité ne saurait faire supporter à l'administré l'absence de la preuve d'un fait déterminé si elle n'a pas pleinement satisfait à son devoir. Après une libre appréciation des preuves en sa possession, l'autorité se trouve à un carrefour. Si elle estime que l'état de fait est clair et que sa conviction est acquise, elle peut rendre sa décision. En revanche, si elle reste dans l'incertitude après avoir procédé aux investigations requises, l'autorité applique les règles sur la répartition du fardeau de la preuve. Dans ce cadre et à défaut de dispositions spéciales, elle s'inspire de l'art. 8 CC, en vertu duquel quiconque doit prouver les faits qu'il allègue pour en déduire un droit. Le principe inquisitoire et l'obligation de collaborer n'ont, par conséquent et en principe, aucun effet sur le fardeau de la preuve, car ils interviennent à un stade antérieur. Cependant, il existe, en pratique, une certaine connexité entre ces notions. Ainsi, dans la mesure où, pour établir l’état de fait déterminant, l’autorité est dépendante de la collaboration de l’administré, le refus, par celui-ci, de fournir des renseignements ou des moyens de preuve requis peut conduire à un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), c'est-à-dire à une impossibilité pour l'autorité d'établir les faits pertinents. Dans un tel cas de figure, la violation du devoir de collaborer peut non seulement être prise en compte au stade de la libre appréciation des preuves, mais aussi conduire à un allégement de la preuve à charge de l'autorité, voire à un renversement du fardeau de la preuve, ainsi qu'à une diminution de son obligation d'établir l'état de fait pertinent. L'administré ne doit, en effet et en principe, pas tirer avantage de son défaut de collaboration, à tout le moins lorsque celui-ci apparaît fautif. En particulier, il ne doit pas être traité plus favorablement que celui qui a coopéré à satisfaction. En revanche, il ne doit, en règle générale, subir aucun désavantage d’un manquement à son devoir de collaborer lorsque sa collaboration n’est pas raisonnablement exigible (arrêt du Tribunal administratif fédéral A‑481/2021 du 9 août 2021 consid. 5). Autrement dit, s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité, il n’incombe plus à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 139 V 176 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2021 du 24 juin 2022 consid. 4).

5.5.3.5      Le Tribunal arbitral ne peut inférer d’un refus légitime de collaborer d’une partie ou d’un tiers que le fait allégué est prouvé (art. 162 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 - CPC - RS 292, par analogie). En revanche, si une partie refuse de collaborer sans motif valable, le tribunal en tient compte lors de l’appréciation des preuves (art. 164 CPC par analogie). Selon l’art. 24 al. 2 1ère phr. LPA, l’autorité apprécie librement l’attitude d’une partie qui refuse de produire une pièce ou d’indiquer où celle-ci se trouve.

5.5.3.6      En lien avec son obligation de collaborer, le fournisseur de prestations doit remettre au débiteur de la rémunération une facture détaillée et compréhensible ; il doit aussi lui transmettre toutes les indications nécessaires lui permettant de vérifier le calcul de la rémunération et le caractère économique de la prestation (art. 42 al. 3 1ère et 2ème phr. LAMal). Selon l'art. 59 al. 1 OAMal, les fournisseurs de prestations doivent inscrire sur leurs factures toutes les indications administratives et médicales nécessaires à la vérification du calcul de la rémunération et du caractère économique des prestations conformément à l'art. 42 al. 3 et 3bis LAMal. Ils doivent en particulier indiquer les prestations fournies, détaillées comme le prévoit le tarif qui leur est applicable (art. 59 al. 1 let. b OAMal), et les diagnostics et les procédures qui sont nécessaires au calcul du tarif applicable (art. 59 al. 1 let. c OAMal).

5.6 L'examen de l'économicité ne peut être achevé directement sur la base de l'analyse de régression que s'il est établi qu'aucun facteur particulier n'influence la structure des coûts du prestataire (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.5) ou si le prestataire ne peut pas rendre plausibles des aspects qui, en tant que particularités pratiques, nécessitent un examen au cas par cas, ou s'il ne rend pas plausible dans quelle mesure l'anomalie constatée lors du screening est imputable à une telle particularité pratique ; il en va de même s'il refuse de coopérer à la collecte des données nécessaires à l'interprétation des données statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2022 précité consid. 6.4.2).

6.              

6.1 L'économicité d'une activité médicale ambulatoire au sens de l'art. 56 LAMal est évaluée sur la base de l'indice des coûts globaux, qui comprend les coûts directs et les coûts induits. L'objet d'une éventuelle demande de remboursement est désigné par l'indice des coûts directs ; les coûts induits qui ont contribué à constater un comportement non économique ne doivent pas être remboursés (ATF 137 V 43).

6.2 Pour déterminer si le traitement a été économique au cours de l'année statistique considérée, tous les coûts qui dépendent du comportement du fournisseur de prestations et qui sont survenus dans son domaine de responsabilité sont déterminants (cf. Dario PICECCHI, op. cit., nos ch. 142 et 528). Il est nécessaire de considérer globalement les coûts directs et induits, car un médecin qui effectue lui-même des traitements que d'autres médecins confieraient à des tiers peut agir conformément au principe d'économicité en occasionnant des coûts directs supérieurs à la moyenne, mais des coûts induits inférieurs à la moyenne et, globalement, des coûts totaux moyens, voire inférieurs à la moyenne (ATF 137 V 43 consid. 2.5.6).

Les coûts occasionnés sont ceux des médicaments prescrits ainsi que les rémunérations pour les « prestations d'autres fournisseurs de prestations » (ATF 137 V 43 consid. 2.3), à savoir : les prestations de laboratoire (art. 35 al. 2 let. f LAMal), les moyens et appareils servant à l'examen ou au traitement (art. 35 al. 2 let. g LAMal) ainsi que les prestations prescrites ou ordonnées par un médecin (art. 35 al. 2 let. e LAMal) fournies par des prestataires indépendants (non médecins) au sens des art. 47 ss OAMal, telles que la physiothérapie, l'ergothérapie, la logopédie, le conseil nutritionnel ou la neuropsychologie (ATF 133 V 37 consid. 5.3.3 ; Juana VASELLA, dans : Commentaire bâlois sur la LAMal/LAAM, 2020, n° 36 ad art. 35 LAMal).

Ne constituent pas des frais occasionnés les prestations d'autres médecins auxquels le fournisseur de prestations a adressé ses patients pour un traitement spécialisé indépendant (Larisa PETROV, op. cit., ch. 143 et 327). Cela vaut également, par analogie, pour les prestations non médicales au sens de l'art. 35 al. 2 let. e LAMal qui n'ont pas de lien matériel direct avec le traitement médical pertinent. Ne sont donc pas incluses dans l'examen de l'économicité des médecins de premier recours les prestations telles que la psychothérapie psychologique (art. 50c OAMal) ; celles-ci doivent faire l'objet d'un contrôle de l'économicité séparé, même si elles sont fournies sous le numéro RCC du médecin de premier recours. En revanche, les coûts des prestations médicales externalisées (p. ex. examens radiologiques) sont imputés à l'indice des coûts globaux du médecin prescripteur s'ils apparaissent comme faisant partie intégrante du traitement qu'il doit effectuer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_130 précité consid 5.6.1).

6.3 Seuls les coûts directs (y compris, par exemple, les médicaments délivrés par le médecin concerné lui-même) font l'objet de la demande de remboursement, car seule la restitution des rémunérations « indûment versées au fournisseur de prestations » est prévue par la loi (cf. art. 56, al. 2, 2ème phr., LAMal ; ATF 137 V 43 consid. 2.5). En revanche, le calcul de la demande de remboursement s'effectue à nouveau sur la base de l'indice des coûts totaux (ajusté) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_130 précité consid 5.6.2).

7.              

7.1 Sur le fond, la défenderesse a tout d’abord remis en cause la fiabilité de la méthode de régression, en particulier parce celle-ci ne prenait pas en compte les caractéristiques concrètes des patients, comme la qualité de l’habitat, les revenus, le niveau d’éducation, les comorbidités, etc., contrairement à ce que préconisait une étude de Frank EIJKENAAR, intitulée « Profiling individual physicians using administrative data from a single insurer : variance components, reliability, and implications for performance improvement efforts » (2013). Ces considérations devaient être rapprochées des particularités de la pratique du médecin dont la jurisprudence tenait compte dans le cadre de la méthode de régression. Les paramètres pris en compte par SANTÉSUISSE paraissaient largement insuffisants, en comparaison de ce qu’exigeaient un « full-model ». Elle a requis à cet égard la mise en œuvre d’une expertise.

7.2 Pareille argumentation ne saurait être suivie. Il ressort de son rapport final, intitulé Développement de la méthode statistiques d’évaluation d’économicité (septembre 2027), que C______ SA a constaté qu’il existait, au titre d’indicateurs de l’état de santé, « d’autres indicateurs en corrélation avec les coûts par patient sont les caractéristiques de la région de vie comme l’urbanisation, la part d’étrangers ou des indicateurs socio-économiques (Frank EIJKENAAR et Van VLIET 2013) » (rapport, p. 16, § 3.1.2). Que cette société, spécialiste en matière de statistiques, n’ait finalement pas pris en comptes lesdits indicateurs pour apprécier la morbidité de la patientèle des médecins faisant l’objet d’un contrôle d’économicité ne permet pas pour autant de remettre en cause la fiabilité de l’analyse de régression. D’ailleurs, dans l’ATF 150 V 129, le Tribunal fédéral a confirmé l'application du contrôle de l'économicité à l'aide de la méthode de régression en deux étapes. Il a retenu que cette méthode avait affiné la méthode ANOVA notamment dans l'intérêt des fournisseurs de prestations, en ce sens qu'elle reflétait mieux la morbidité des patients et améliorait la précision et la prise en compte de la spécificité de la pratique du médecin concerné dans le cadre du contrôle de l'économicité : les fournisseurs de prestations qui facturaient correctement n’étaient pas identifiés de manière injustifiée comme travaillant de manière non économique (cf. aussi ATAS/567/2023 du 7 juillet 2023 consid. 16.3 et 16.6). Selon la FMH, l'analyse de régression à deux niveaux représentait une nette amélioration. Même si elle affirmait que la méthode devait encore être améliorée, elle reconnaissait néanmoins qu’elle était scientifiquement fondée et globalement transparente ; les variables de morbidité utilisées remplissaient les exigences de la FMH dans le cadre de ce qui était actuellement réalisable (cf. prise de position, p. 4 ; voir également « Évaluation d’économicité SANTÉSUISSE : Documentation de la mise en œuvre du modèle de régression » du 14 novembre 2023 : https://tarifsuisse.ch/assets/Downloads/2023_11_14_Dokumentation_Umsetzung_Regressionsmodell_FR.pdf). De surcroît, on rappellera que le rapport final de C______ SA de septembre 2017 a été déclaré partie intégrante de l'accord sur la méthode de sélection par les partenaires tarifaires (cf. 151 V 233 précité consid. 8.3.2). Enfin, la défenderesse n’avance aucun élément concret permettant de mettre en doute la fiabilité de la méthode de régression.

7.3 Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner, comme le demande la défenderesse, une expertise de cette méthode, dont le Tribunal fédéral a récemment validé l’application dans le domaine de la polypragmasie dans l’ATF 150 V 129 précité.

8.             La défenderesse reproche ensuite aux demanderesses de ne pas avoir procédé à un examen individualisé de sa pratique.

8.1 En l’occurrence, SANTÉSUISSE a interpelé la défenderesse dès la fin de l’année 2018 sur l’économicité de sa pratique. Par courrier du 10 février 2020, elle a signalé que les statistiques 2018 révélaient une augmentation de ses « coûts ordonnés, notamment les laboratoires » et l'a avertie que les examens préventifs n’entraient pas dans la définition légale de la maladie et ne pouvaient pas être pris en charge par l’AOS, car les analyses devaient servir uniquement à diagnostiquer et à traiter une pathologie.

8.2 De con côté, la défenderesse a invoqué, au titre de particularités de sa pratique, ses spécialisations en homéopathie, nutrition, micronutrition et micro-immunothérapie.

À cet égard, elle a exposé que sa patientèle souffrait en particulier de désordre digestif, cancer, ou maladie auto-immune. Sa pratique impliquait des consultations plus longues que ses confrères du groupe de comparaison, car elle avait besoin de temps pour ses consultations afin de faire correctement son travail : dresser l’anamnèse, expliquer les prescriptions, les nouvelles habitudes alimentaires et les diverses techniques de détente ; s’adapter au patient et lui fournir le maximum d’informations pour l’aider dans ces moments difficiles ; elle fournissait ses conseils alimentaires suite à des bilans sanguins ayant objectivé en particulier des désordres métaboliques ou autres carences en antioxydants et des désordres du système immunitaire ; ses patients avaient besoin d’une aide psychologique et physique pour éviter les effets secondaires de la chimiothérapie par exemple, ainsi que de conseils alimentaires afin de mettre toutes les chances de leur côté. La défenderesse a en outre confirmé qu’elle n’exerçait pas en tant que médecin de famille (praticien ou médecin généraliste), mais uniquement dans le domaine de la médecine alternative ou complémentaire. Son site Internet mentionne que « Le cabinet est orienté exclusivement vers les médecines naturelles et énergétiques : Le Dr A______, médecin FMH, pratique l’homéopathie, la naturopathie, la micronutrition, les soins énergétiques et ne pratique pas en tant que médecin de famille » (pièce 1, réplique du 8 juillet 2024).

En février 2023, SANTÉSUISSE a en outre tenté d’organiser un entretien pour le 25 avril 2023, auquel la défenderesse a refusé de se présenter, au prétexte que le médecin de l’AMG lui avait dit qu’elle était « très loin des coûts inhérents aux traitements médicamenteux, vu (qu’elle) ne prescrivait que de l’homéopathie ou des compléments alimentaires à la charge des patients ».

Les demanderesses ont ensuite attiré son attention sur le fait que ses prestations ne relevaient pas de l’AOS, faute en particulier de disposer d’une attestation de formation en matière d’homéopathie), des VIQ « médecine interne », « pédiatrie » ou « médecine générale » ou de droits acquis permettant de facturer les positions TARMED litigieuses (courrier de SANTÉSUISSE du 5 mai 2023).

Par courriel du 5 mai 2023, la Dre A______ s’est limitée à répondre que sa facturation était inchangée depuis 2006 et qu’elle n’avait pas l’intention de « fournir quoique ce soit comme document ». Par la suite, contrairement à son engagement pris lors de l’audience de conciliation du 13 octobre 2023, la défenderesse n’a pas davantage fourni les renseignements demandés dans le courrier de SANTÉSUISSE du 5 mai 2023.

De son côté, SANTÉSUISSE a examiné l’entier de la facturation de la défenderesse et les positions TARMED correspondantes. Elle a aussi examiné si la défenderesse avait davantage de visites à domicile par rapport au groupe de comparaison, ce qui n’était pas le cas. Elle a aussi analysé les critères de morbidité et la dispersion de sa patientèle, ce qui lui avait permis de constater que cette dernière n’avait pas une clientèle plus âgée, ni d’autres particularités devant être prise en compte. Enfin, devant le tribunal de céans, à la question de savoir pour quels motifs sa cliente prescrivait trois fois plus d’examens de laboratoire que ses confrères praticiens, le conseil de la défenderesse a fait valoir qu’il s’agissait de contribuer à la guérison ou de minimiser les effets secondaires d’un traitement médical par le biais de la micronutrition, ce qui exigeait plus d’examens de laboratoire que ses confrères.

9.             Dans ces conditions, force est de constater qu’en l’espèce les données statistiques ont fait l'objet d'un examen au cas par cas par les assureurs-maladie, après examen des justifications de la défenderesse concernant sa pratique coûteuse, examen suivi de deux tentatives de conciliation devant le tribunal de céans et une tentative extrajudiciaire, laquelle a entraîné de facto une suspension de la procédure judicaire de pratiquement 7 mois, compte tenu des prolongations de délais accordées à cet effet. Par ailleurs, peu importe dans ce contexte qu’à l’appui de leur demande, les assureurs se soient « réservé le droit de modifier leurs conclusions, compléter leur motivation et leurs moyens de preuve et d’exiger la production de moyens de preuve supplémentaires », formulation pouvant laisser entendre que leur examen n’aurait pas été complet.

10.         Reste à analyser le contenu et la portée de cet examen en l’espèce.

10.1 La recourante a (implicitement) fait valoir que, dans son cas, le facteur des PCG n’était pas représentatif de la morbidité de ses patients, dans la mesure où elle ne prescrivait pas des médicaments remboursés par l’AOS, mais uniquement des remèdes homéopathiques ou des compléments alimentaires non pris en charge par la LAMal.

Cet argument tombe à faux, déjà parce qu’à défaut de pouvoir se prévaloir d’une attestation de formation continue (ci-après : AFC) en homéopathie ou de droit acquis (cf. consid. 10.2 ci-dessous), elle ne saurait facturer des prestations à ce titre. Au demeurant, la défenderesse n’a pas fourni d’informations sur la fréquence et la répartition des diagnostics dans la population de patients permettant d’examiner si les coûts spécifiques du traitement se reflétaient, ou non, dans une médication standardisée selon le PCG.

10.2 La défenderesse soutient que le recours à la micronutrition et à la micro‑immunothérapie nécessitait certes de nombreux examens de laboratoire, mais s’avérait globalement économique dans la mesure où cela permettait d’éviter le renvoi à des spécialistes, la prescription de médicaments ou des hospitalisations ; on connaissait en particulier l’impact de l’alimentation sur la prévention des récidives de cancer.

Cet argument ne saurait être suivi, dans la mesure où la médecine préventive (tout comme la médecine précoce) – que la défenderesse a admis pratiquer, du moins en partie, sans pour autant pouvoir en quantifier la proportion par rapport à la médecine curative (cf. ci-dessus, § B.m) – ne rentre pas dans le champ d’application de la LAMal, car ce type de médecine ne traite pas la maladie au sens de l’art. 3 al. 1 LPGA. Selon cette disposition, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.

En tout état, la défenderesse n’a pas apporté la preuve du caractère globalement économique de sa pratique, à supposer qu’une telle preuve puisse même être administrée. En effet, en l'absence de données statistiques, le tribunal de céans ne peut guère vérifier l'objection de l'économie compensatoire (cf. à propos des données statistiques manquantes dans ce contexte : ATF 144 V 79 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_517/2017 du 8 novembre 2018 consid. 6.3).

10.3 En revanche, contrairement à ce que les demanderesses laissent entendre, il ressort des courriers de patients des 7 avril, 15 avril et 21 juin 2023, que la défenderesse pratique, non seulement la médecine préventive, mais également la médecine curative (cf. « recherches de la cause d’un mal », « trouver des réponses à des pathologies et problématiques rencontrées (…) en tenant compte de l’humain », « approche thérapeutique », « connaissance en médecine et médecine alternative (ayant) permis d’élucider des maux restés sans réponse ni solution » ; cette approche nécessite des « examens complémentaire, tels que les prises de sang, afin de mettre en lumière ce qui ne l’est pas dans les prises en charges dites ‘standards’ ». Lors de l’audience de comparution personnelle du 24 mars 2025, le conseil de la défenderesse a indiqué, sans être contredit, que le nombre d’examens de laboratoire plus élevés pratiqués par sa cliente visait à contribuer à la guérison ou de minimiser les effets secondaires d’un traitement médical par le biais de la micronutrition.

Cela étant, le Tribunal considère que la défenderesse a une approche holistique, différente de ses confères praticiens, qui peut justifier une recherche plus étendue de paramètres, car elle requière, en tant que telle, des analyses de laboratoire très détaillés ou plus poussées, en particulier pour des affections chroniques ou pour celles dont la cause n'a pas été trouvée. D’un autre côté, il n’est pas établi que ces examens ne remplissent pas les critères d'efficacité et d'adéquation (comp. ATAS/899/2023 du 22 novembre 2023 consid. 14.1).

Partant, la défenderesse peut se prévaloir d’une forme de thérapie particulière (qui ne peut toutefois pas être considérée comme une particularité de sa pratique) de nature à justifier ses coûts (indirects) élevés permettant d’augmenter la marge de tolérance à 130, afin de tenir compte, dans le cadre de la liberté du traitement médical, du style individuel du prestataire (cf. ci-dessus consid. 5.4.2)

10.4 Dans cette mesure, l'examen de l'économicité peut avoir lieu directement sur la base de l'analyse de régression effectuée par les demanderesses (arrêt 9C_132/2022 du 27 mai 2025 consid.5.4.2).

11.         Par ailleurs, les assureurs ont fait valoir que la défenderesse avait facturé à tort ses prestations à la charge de l’AOS durant les années statistiques en 2020 et 2021, dès lors qu’elle ne disposait pas des VIQ ou des AFC requises.

11.1 Les prestations facturées à charge de l’assurance obligatoire des soins doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 LAMal). Elles doivent être prodiguées par des fournisseurs qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 LAMal.

Dans sa teneur valable du 21 juin 2012 au 31 décembre 2021, l’art. 36 LAMal prévoit que sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, les médecins titulaires du diplôme fédéral et d’une formation post-graduée reconnue par le Conseil fédéral (al. 1). Le Conseil fédéral règle l’admission des médecins titulaires d’un certificat scientifique équivalent (al. 2).

Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 al. 1 LAMal).

Selon l’art. 43 al. 2 LAMal, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021, le tarif est une base de calcul de la rémunération ; il peut notamment :

a. se fonder sur le temps consacré à la prestation (tarif au temps consacré) ;

b. attribuer des points à chacune des prestations et fixer la valeur du point (tarif à la prestation) ;

c. prévoir un mode de rémunération forfaitaire (tarif forfaitaire) ;

d. soumettre, à titre exceptionnel, en vue de garantir leur qualité, la rémunération de certaines prestations à des conditions supérieures à celles prévues par les art. 36 à 40, notamment à celles qui prévoient que les fournisseurs disposent de l’infrastructure, de la formation de base, de la formation post-graduée ou de la formation continue nécessaires (exclusion tarifaire).

La facturation des médecins est fondée sur un tarif à la prestation et repose sur une structure tarifaire uniforme, le TARMED.

Le TARMED prévoit à son interprétation générale (ci-après : IG) 10 que les prestations ne peuvent être facturées que par les spécialistes répondant aux exigences de valeur intrinsèque qualitative liées à ces prestations (exigences de formation post‑graduée et continue, notamment titre de spécialiste et formations approfondies, attestations de formation complémentaire et certificats d'aptitude technique).

L’art. 7 al. 1 de la Convention-cadre TARMED (ci-après : CCT) du 5 juin 2002 stipule que les parties conviennent que le concept pour la reconnaissance des unités fonctionnelles et le concept « valeur intrinsèque » TARMED 9.0 (ci-après : Concept, version 9) servent de base pour la reconnaissance des infrastructures et des valeurs intrinsèques.

Tout médecin adhérant à ladite convention, qu'il soit membre ou non de la FMH, doit satisfaire aux critères de reconnaissance. Le respect de ces critères est une condition pour obtenir l'autorisation de facturation (art. 7 al. 2 CCT).

La valeur intrinsèque qualitative indique quels titres de formation post-graduée (titre de spécialiste, formation approfondie, attestation de formation complémentaire ou certificat d’aptitude technique selon la RFP) donnent le droit de facturer une prestation à la charge de l’assurance-maladie sociale (Concept « valeur intrinsèque » TARMED, version 9.0 ; ATAS/643/2022 du 4 juillet 2022 consid. 3).

Les médecins sont en droit de facturer des prestations selon la structure tarifaire TARMED pour autant qu’elles correspondent notamment à leur valeur intrinsèque (titre de formation post-graduée) ou à la garantie des droits acquis. La FMH crée et gère une banque de données où figurent, pour chaque médecin exerçant en Suisse, les prestations qu'il est autorisé à facturer.

Pour la facturation, il s’agit d’attester que les prestations portées en compte ont été fournies par un médecin habilité à le faire en vertu de sa valeur intrinsèque qualitative (ch. 4 Concept).

Chaque médecin reçoit des instances compétentes une validation de ses données en bonne et due forme (attestation de valeur intrinsèque).

Selon l’art. 1 de l’annexe 3 CCT, la FMH gère la banque de données sur les valeurs intrinsèques conformément au Concept (al. 1).

11.2 La loi sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd ‑ RS 811.11) entrée en vigueur le 1er septembre 2007, constitue la base légale de la formation pré-graduée, post-graduée et continue et règle l’exercice des cinq professions médicales universitaires.

L’ISFM, qui est un institut autonome au sein de la FMH, est responsable de la réglementation et de l’exécution de la formation post-graduée des médecins et se charge de décerner les titres de spécialiste dans le cadre des programmes de formation post-graduée accrédités par la Confédération (art. 4 de la réglementation pour la formation post-graduée du 21 juin 2000 - RFP).

Après l’obtention du diplôme fédéral de médecin, commence la formation post‑graduée, qui a pour but l’obtention d’un titre de formation post-grade fédéral figurant dans l’ordonnance relative à la LPMéd.

Selon l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance concernant les diplômes, la formation universitaire, la formation post-grade et l’exercice des professions médicales universitaires du 27 juin 2007 (OPMéd - RS 1811.112.0), les titres post-grades fédéraux suivants sont octroyés :

a. médecin praticien au sens de l’annexe 1 ;

b. médecin spécialiste d’un domaine au sens de l’annexe 1.

Selon l'annexe 1, la formation post-grade en médecine interne générale dure cinq ans et celle de médecin praticien trois ans.

Les titres en médecine générale et en médecine interne ont fusionné au 1er janvier 2011 pour devenir le titre de spécialiste en médecine interne générale. Depuis cette date, seuls des diplômes avec la nouvelle dénomination « médecine interne générale » sont délivrés (ATAS/150/2016 du 26 février 2016).

11.3 La formation continue est un devoir professionnel ancré dans la LPMéd (art. 40 let. b LPMéd). Elle fait l’objet de la réglementation pour la formation continue (ci-après : RFC) ISFM / FMH du 25 avril 2002.

Le médecin doit effectuer 80 heures de formation continue par année. Elle comprend 30 crédits d’étude personnelle (non contrôlés), 25 crédits de formation continue élargie (attestés notamment par une autre société de discipline médicale, donc hors de la discipline principale) et 25 crédits de formation continue essentielle spécifique (en relation avec l’activité principale exercée).

Tous les détenteurs d’un titre post-grade fédéral sont tenus, indépendamment de leur taux d’occupation, d’accomplir leur formation continue et d’obtenir un diplôme de formation continue (art. 9 RCF). Le devoir de formation continue s’applique également aux activités effectuées en dehors du titre de spécialiste obtenu.

Chaque médecin tient lui-même un procès-verbal des heures de formation continue effectuées qu’il peut saisir sur la plate-forme centrale de l’ISFM. Il peut obtenir directement, selon le principe de l’auto-déclaration, via cette plate-forme, un diplôme de formation continue pour les porteurs du TPF, ou une attestation de formation continue pour les membres FMH non-porteurs du TPF.

Au terme de leur formation, les médecins détenteurs du titre fédéral de formation post-graduée « Médecin praticien » disposent des compétences pour exercer la médecine de famille sous leur propre responsabilité. La formation post-graduée de trois ans est une exigence minimale ne donnant pas encore droit à un titre de spécialiste. En règle générale, le titre de « Médecin praticien » correspond à une formation de base en vue de l’acquisition ultérieure du titre de spécialiste en médecine interne générale (www.siwf.ch/files/pdf18/praktischer_arzt_version _internet_f.pdf).

Selon le programme de formation post-graduée de médecin praticien, conformément à l’art. 30 ss de la Directive 93/16 de l’Union européenne (version étayée du 1er mai 2004 - www.siwf.ch/files/pdf18/praktischer_arzt_version_ internet_f.pdf), chaque État membre se doit d’offrir une « formation spécifique en médecine générale » comprenant au moins trois ans de formation à plein temps. La LPMéd et l'OPMéd prévoient un TPF de « médecin praticien » à l’issue d’une formation post-graduée de trois ans, au sens de la directive de l’UE. Au terme de la formation, le détenteur d’un titre post-grade de « médecin praticien / médecin praticienne » dispose des compétences pour exercer la médecine de famille sous sa propre responsabilité. En règle générale, la formation pour le titre de « médecin praticien » sert de formation de base avant d’accéder au titre de spécialiste en « médecine interne générale ».

Par ailleurs, concernant la pratique de l’homéopathie, l’art. 4b let. d de l’ordonnance du Département fédéral de l'intérieur (ci-après : DFI) sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie, du 29 septembre 1995 (OPAS - RS 832.112.31), prévoit que l’AOS la prend en charge à la condition que le médecin dispose d’un titre postgrade en homéopathie délivré conformément au programme de formation complémentaire du 1er janvier 1999 « Homéopathie (SSMH) », révisé le 10 décembre 2020, de l’ISFM. La facturation de cette position nécessite donc la VIQ « AFC homéopathie » (cf. aussi position TARMED 00.1770 : « Homéopathie, consultation par le spécialiste (…) ».

11.4 En l'espèce, pour les années statistiques 2020 et 2021, la défenderesse a facturé des positions TARMED pour lesquelles elle ne disposait pas, comme elle l’a elle-même admis, ni des VIQ « médecine générale », « médecine interne » ou « pédiatrie », ni de l’ AFC « homéopathie ». Les montants réclamés à ce titre, ascendent respectivement à CHF 28’232.- et CHF 28'824.- (cf. ci-dessus : point B.a).

11.5 La défenderesse ne saurait pas non plus se prévaloir de ces positions tarifaires en application de la garantie des droits acquis. En effet, arrivée en Suisse en 2004, elle n’a pas fourni (dans ce pays) de prestations pendant les trois années ayant précédé l’entre en vigueur du TARMED, le 1er janvier 2004 (cf. fiche d’information de TARMED SUISSE du 23 juin 2009 ; ATAS/235/2021 du 1er mars 2021).

11.6 Force est ainsi de constater que les positions TARMED litigieuses ont été facturées sans droit par la défenderesse, de sorte qu’elle est tenue de rembourser les montants correspondants versés indûment par les assureurs, dont elle n’a par ailleurs pas contesté la quotité, à juste titre.

12.         La défenderesse se prévaut de sa bonne foi. Elle fait valoir que les assureurs-maladie avaient accepté pendant des années (depuis 2004) de prendre en charge les prestations facturées, nonobstant l’absence de VIQ, d’AFC ou de droits acquis, dont ils avaient (dont ils auraient dû avoir) connaissance. Elle pouvait ainsi partir de l'idée qu'elle agissait de manière conforme au droit en leur demandant le remboursement des prestations prodiguées.

12.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1) De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1).

12.2 Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : a) l'autorité ait donné un renseignement sans aucune réserve ; b) le renseignement se réfère à une situation concrète touchant l'administré personnellement ; c) l'autorité ait agi dans les limites de ses compétences ou l'administré eût des raisons suffisantes de la tenir pour compétente ; d) l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu ; e) l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice ; f) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée ; g) l'intérêt au respect du droit objectif n'est pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 p. 103). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d'une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

12.3 En l’occurrence, les demanderesses ont interpelé dès le 18 décembre 2018 la défenderesse sur l’économicité de sa pratique pour l’année 2017. Par courrier du 10 février 2020, SANTÉSUISSE l'a avertie, en lien avec les importants coûts d'analyses de laboratoire constatés en 2018, - coûts dont la défenderesse a elle-même admis qu'ils découlaient de sa pratique de la micronutrition et de la micro‑immunothérapie - que les examens préventifs n’entraient pas dans la définition légale de la maladie et ne pouvaient pas être pris en charge par l’AOS. Par courriers des 7 janvier 2021 et 9 février 2023, elles ont également remis en cause l’économicité des prestations fournies en 2020 et 2021. Ce faisant, force est de constater que demanderesses ont émis des réserves quant au bien-fondé du remboursement des prestations en cause, si bien que la défenderesse ne pouvait partir de l'idée qu'elle agissait de manière conforme au droit en leur demandant le remboursement des prestations fournies pendant les années statistiques litigieuses 2020 et 2021. De plus, en tant que « médecin FMH » (selon extrait de son site Internet produit sous pièce 1, réplique des demanderesses du 8 juillet 2024), la Dr A______ est en principe censée savoir que les prestations TARMED doivent être facturées par un médecin habilité à le faire en vertu de sa valeur intrinsèque qualitative (ch. 4 Concept). Dans ces circonstances, il est fortement douteux que la défenderesse ait pu penser de bonne foi penser qu’elle avait le droit de factures ses prestations sans dispose de la VIQ, des AFP ou des droits acquis requis. Cette question peut néanmoins rester ouverte, compte tenu des considérations développées au considérant 14.2 ci-dessous.

13.         Il reste à examiner la demande de remboursement par analogie avec l'art. 25 al. 2 LPGA (cf. consid. 4 ci-dessus). À cet égard, la recourante fait implicitement valoir la péremption du droit à la restitution suite à l'expiration du délai relatif d'un an.

13.1 En ce qui concerne le début du délai relatif d'un an (respectivement trois ans dès le 1er janvier 2021), les principes suivants se dégagent de la jurisprudence relative à l'art. 25 al. 2 LPGA :

- Le délai (relatif) ne commence pas à courir au moment de la connaissance effective. Ce qui est déterminant pour le déclenchement du délai de péremption d'un an, c'est plutôt le moment où le créancier, en faisant preuve de l'attention que l'on peut raisonnablement attendre de lui, aurait dû se rendre compte que les conditions d'une demande de remboursement étaient réunies. C'est le cas lorsque toutes les circonstances importantes dans le cas concret sont accessibles, de la connaissance desquelles découle le principe et l'étendue du droit à la restitution vis-à-vis d'une personne déterminée tenue à la restitution. Il ne suffit pas que l'on connaisse seulement des circonstances qui pourraient éventuellement donner lieu à un droit de restitution ou que le droit soit établi dans son principe, mais pas dans son importance.

Si la caisse dispose d'indications suffisantes, mais encore incomplètes, sur un éventuel droit à la restitution, elle doit encore procéder aux clarifications éventuellement nécessaires dans un délai raisonnable. Si elle ne le fait pas, le point de départ du délai de péremption doit être fixé au moment où l'administration était en mesure de compléter ses connaissances incomplètes avec l'engagement nécessaire et raisonnable de manière à pouvoir faire valoir le droit à la restitution.

Toutefois, si le caractère illégal de la prestation ressort déjà des documents disponibles, le délai d'un an commence à courir sans qu'il soit possible de procéder à une clarification supplémentaire (sur l'ensemble : arrêt du Tribunal fédéral K 70/06 du 30 juillet 2007 consid. 5.1 avec renvois, non publié dans : ATF 133 V 579, mais in : SVR 2008 KV n° 4 p. 11 ; à ce sujet, voir aussi en détail ATF 148 V 217 consid. 4).

Si le versement illégal de la prestation résulte d'une erreur de l'administration, le délai de péremption relatif d'un an n'est pas déclenché par le premier acte incorrect du service administratif, mais il faut une « deuxième cause ». Il ne faut donc se baser que sur le jour où l'organe d'exécution aurait pu ultérieurement – par exemple à l'occasion d'un contrôle des comptes ou sur la base d'un indice supplémentaire – reconnaître son erreur en faisant preuve de l'attention que l'on peut raisonnablement attendre de lui (ATF 148 V 217 consid. 4.2 et 5.1.2).

Il faut également tenir compte du fait que, selon la jurisprudence, le délai relatif de l'art. 25 al. 2 LPGA ne peut pas courir tant que les prestations n'ont pas été concrètement versées ou – en d'autres termes – le droit de réclamer des prestations indûment payées ne peut pas expirer avant même que l'administration ou l'institution d'assurance ne les verse (ATF 146 V 217 consid. 3.4 in fine). Le délai commence donc à courir pour les prestations déjà versées, à partir du moment où l'on peut raisonnablement en avoir connaissance.

13.2 En l’espèce, le fait que la défenderesse ait dès le départ renseigné les demanderesses de manière conforme à la vérité sur ses qualifications professionnelles n'est pas contesté. En conséquence, les assureurs-maladie auraient déjà pu constater, dans le cadre de l'examen du premier décompte TARMED en rapport avec les positions litigieuses et des banques de données pertinentes, que la défenderesse ne remplissait pas les conditions (en particulier la VIQ) pour facturer lesdites positions à la charge de l'AOS. En l'espèce, le versement des prestations par les assureurs-maladie repose donc sur une erreur de leur part. Conformément à la jurisprudence, cette première erreur n'est, toutefois, pas de nature à déclencher le délai. Pour cela, il faut plutôt ce que l'on appelle une « deuxième cause » (cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_78/2022 du 3 octobre 2022 consid. 4). Dès lors, l’argument tiré de l’obligation de contrôle des assureurs-maladie tombe à faux (comp. arrêt du Tribunal fédéral 9C_115/2023 du 29 mai 2024 consid. 5.3.2). Il en va de même a fortiori du reproche fait à SANTÉSUISSE de ne pas lui avoir signalé d’emblée que les prestations litigieuses n’étaient pas facturables, ce qui lui aurait permis, selon la défenderesse, de corriger la situation, en agissant pour obtenir les diplômes nécessaires ou en s’abstenant de facturer lesdites prestations.

13.3 Conformément à la jurisprudence, un acte antérieur à l'introduction de l'action, par lequel le créancier fait valoir sa créance à l'égard du débiteur sous une forme appropriée, est déjà considéré comme respectant le délai dans la présente constellation (cf. sur l'ensemble : ATF 133 V 579 consid. 4.3). En l’occurrence, c’est par courriel du 5 mai 2023 que les demanderesses ont informé la défenderesse qu’un contrôle plus approfondi de ses factures avait été effectué dans le cadre du dernier examen d’économicité de sa pratique. Il n’existe par ailleurs au dossier aucun indice selon lequel les assureurs-maladie auraient eu connaissance de ce fait antérieurement. Partant, il faut admettre que les demandes en restitution correspondantes ont été déposées, en temps utile, le 5 septembre 2023.

14.         Pour l’année 2020 et 2021, à titre principal, les demanderesses ont respectivement réclamé le remboursement de CHF 52'877.- (subsidiairement CHF 33'950.-) et CHF 55'047.- (subsidiairement CHF 36'550.-).

14.1 Elles expliquent que la défenderesse avait simultanément traité ses patients de manière non économique et facturé des prestations non prises en charge à titre obligatoire, en l’absence de VIQ, d’AFC ou de droit acquis. Cela avait pour conséquence que le volume des prestations non prises en charge à titre obligatoire devait être déduit du volume total des coûts de la défenderesse (coûts totaux et coûts totaux directs). Le montant à restituer devait ainsi se calculer sur la base d’un indice de régression adapté, à savoir compte tenu de coûts totaux et de coûts totaux directs adaptés, c’est-à-dire diminués des montants remboursés à tort en l’absence de VQI, d’AFC ou de droits acquis. Au montant ainsi obtenu, il convenait d’ajouter les montants remboursés à tort.

14.2 Ce mode de calcul ne saurait être suivi, car il revient à faire rembourser deux fois la même prestation. En effet, si les indices de la défenderesse sont trop élevés par rapport à ses collègues, c'est justement en particulier parce qu'elle a facturé ses prestations alors qu'elle ne disposait ni la VIQ, ni d’AFC, ni de droit acquis. Sans compter que la formule de SANTÉSUISSE, qui se borne à déduire lesdites prestations des coûts totaux, retient un indice des coûts totaux inchangé. Or cet indice devrait logiquement diminuer, dans la mesure où la comparaison statistique doit s’opérer sur la base de ses coûts totaux ainsi réduits.

Par ailleurs, si le contrôle des factures doit être distingué du contrôle de l'économicité (les assureurs-maladie vérifiant l'exactitude des factures des prestataires, notamment en ce qui concerne le respect des règles tarifaires et des restrictions particulières en matière de prestations : arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6.1.2), le non-respect de ces prescriptions peut toutefois également entraîner un dépassement du niveau de prestations statistiquement admissible (consid. 3.1 non publié dans l’ATF 150 V 178). D’ailleurs, la convention actualisée relative à la méthode de sélection du 1er février 2023 prévoit expressément qu’elle ne limite pas la compétence des assureurs à faire valoir d’autres prétentions éventuelles fondées sur une autre base que la méthode de sélection (p. ex. contrôles au cas par cas, méthode analytique, tarifcontrolling, contrôles de factures, notamment contrôles de factures systématiques rétrospectifs, comparaisons de coûts moyens) (chiffre 7 al. 1). C’est dire que ces deux méthodes (contrôle des factures et méthode de sélection) ne peuvent s’appliquer simultanément dans le cadre de la détermination du montant à restituer.

14.3 Il conviendra donc de calculer les prétentions litigieuses sur la base de l’indice de régression non adapté (ie : sans déduction du montant des prestations non prises en charge à titre obligatoire), tel qu’il a été retenu dans les conclusions subsidiaires des demanderesses.

Par ailleurs, afin de tenir compte de la pratique particulière de la Dre A______ consistant en une approche holistique de la santé de ses patients pouvant nécessiter d’avantage d'analyses que ses collègues praticiens pour rechercher la cause d’affections chroniques, le tribunal portera la marge de tolérance à 130 (comp. ATAS/899/2023 du 22 novembre 2023).

14.4 Le montant ainsi dû aux demanderesses s’établit comme suit :

Année 2020 

coûts totaux (CT) CHF 272'764.-

coûts totaux directs (CTD) CHF 103'002.-

indice de régression (IR) 179

marge de tolérance (MT) 130

 

[CT/IR) x (IR-MT) x CTD/CT] = CHF 28’196.-

 

Année 2021

coûts totaux (CT) CHF 260'940.-

coûts totaux directs (CTD) CHF 102'013.-

indice de régression (IR) 187

marge de tolérance (MT) 130

 

[CT/IR) x (IR-MT) x CTD/CT] = CHF 31'094,85

15.         Le tribunal de céans ne décèle en l’espèce aucune circonstance particulière permettant, en vertu du principe de proportionnalité, une restitution seulement partielle des honoraires selon l'art. 59 al. 1 let. b LAMal, eu égard à l'intérêt public prépondérant de limiter les coûts de la santé et l'augmentation des primes d'assurance-maladie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_784/2023 du 4 septembre 2024 consid. 7.1 ; voir aussi ATF 141 V 25 consid. 8.4 ; ATAS/261/2010 du 10 mars 2010 consid. 11).

C’est le lieu d’observer que, conformément au principe de la bonne foi (au sens de la protection de la confiance en droit public en cas de renseignements erronés fournis par les autorités : ATF 127 I 31 consid. 3a), SANTÉSUISSE a dûment rendu la médecin attentive au caractère non économique de son mode de traitement avant de déposer, le 5 septembre 2023, ses demandes de remboursement devant le tribunal de céans (cf. dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2018 du 20 décembre 2018 consid. 9). Ainsi, par courrier du 15 janvier 2019, faisant suite à l’interpellation de SANTÉSUISSE du 18 décembre 2018, la Dre A______ s’était déclarée prête à réduire le temps de ses consultations pour réduire ses coûts, tout en expliquant qu’elle avait besoin de temps pour mettre en place une nouvelle façon de travailler. Elle n’a toutefois pas mis à profit ce laps de temps pour modifier sa pratique. Au contraire, par courriel du 5 mai 2023, la défenderesse a expressément persisté dans sa pratique, alléguant que sa manière de facturer était inchangée depuis 2006 et refusant de communiquer tout justificatif quant à ses surcoûts.

16.         Les demanderesses ont également fait valoir qu’au vu de la pratique de la défenderesse, orientée principalement dans le domaine de la médecine naturelle ou alternative, tout portait à penser qu’elle facturait en particulier des prestations d’homéopathie par analogie, c’est-à-dire avec d’autres positions TARMED ; le montant des prestations facturées à l’AOS au titre de l’homéopathie devait nécessairement être largement supérieur à ceux ressortant du tarifpool, soit CHF 326.- en 2020 et zéro franc en 2021.

Il est vrai que la défenderesse, comme elle l’a elle-même reconnu, n’a pas exercé en tant que médecin praticien durant les années statistique en causes. Toutefois, en l’absence de conclusions chiffrées correspondantes, il n’y a pas lieu d’examiner ce grief plus avant (art. 69 al. 1 LPA). Au demeurant, la reformatio in pejus prévue par l’art. 61 let. d LPGA n’est pas applicable à la procédure devant le Tribunal arbitral, en vertu de l’art. 1 al. 2 let. e LAMal (ATAS/708/2016 du 2 septembre 2016 consid. 10.3).

17.         La procédure devant le Tribunal arbitral n’est pas gratuite. Conformément à l’art. 46 al. 1 LaLAMal, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d’écriture), ainsi qu’un émolument global n’excédant pas CHF 50'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMal).

Les demanderesses, représentées par SANTÉSUISSE, obtiennent 54.90% (moyenne des années statistiques 2020 et 2021) de leurs conclusions principales. Eu égard au sort du litige, les frais du tribunal de céans, par CHF 10'712.15 sont mis à la charge des parties, à raison de 46.10% (CHF 4'938.70) pour les demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 53.90% (CHF 5'773.45) pour la défenderesse.

L’émolument, fixé à CHF 2'000.- est mis à charge des parties, à raison de 46.10 % (CHF 922.-) à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 53.90% (CHF 1'078.-) à la charge de la défenderesse.

18.         SANTÉSUISSE a réclamé des dépens.

18.1 L'art. 87 al. 2 LPA prévoit que la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant obtenu entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours. L'art 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) prescrit que la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à 10’000.-.

18.2 Dans un récent ATF 149 II 381 du 18 septembre 2023 (consid.7.3), consacrant un changement de jurisprudence, le Tribunal fédéral a jugé que les assureurs-maladie qui obtiennent gain de cause, devant lui, avec l’assistance d’un avocat n’ont plus droit à des dépens. En se référant à cet arrêt, le tribunal de céans, dans un ATAS/16/2025 du 14 janvier 2025, a rejeté la demande d’allocation de dépens formulée par les assureurs-maladie.

Dans cet arrêt, la Haute Cour a d’abord rappelé qu'un changement de jurisprudence devait reposer sur des motifs objectifs sérieux qui, compte tenu notamment du principe de sécurité juridique, devaient être d'autant plus importants que l'application du droit jugée erronée ou obsolète avait été considérée comme correcte pendant longtemps. Un changement de pratique ne pouvait en principe être justifié que si la nouvelle solution correspond à une meilleure compréhension de l'objectif de la loi, à une modification des conditions extérieures ou à une évolution des conceptions juridique. Elle a ensuite rappelé que l'idée que l'assureur-maladie qui avait obtenu gain de cause devait financer lui-même ses frais d'avocat dans un procès concernant une activité de cabinet non économique était qualifiée d' « inéquitable » ou « choquante ». Cette appréciation reposait sans doute en partie sur l'idée que la conduite de tels procès relevait certes du domaine d'activité officiel des assureurs-maladie, mais pas de leur activité principale. Sans le recours à un avocat, les petites caisses qui ne disposaient pas de leur propre service juridique seraient particulièrement dépassées par la conduite d'un procès. Au plus tard depuis l'entrée en vigueur de l'art. 56 al. 6 LAMal, le 1er janvier 2013, et l'accord contractuel conclu par la suite entre les associations de médecins et les assureurs, les assureurs-maladie avaient pris davantage conscience de la nécessité de contrôler l'économicité de l'activité des médecins. Le nombre croissant d'affaires portées devant le Tribunal fédéral avait permis de dégager une pratique constante pour de nombreuses questions. Du côté des assureurs-maladie, un processus de concentration s'était également opéré, qui avait entraîné une diminution du nombre de petits assureurs-maladie. De plus, les assureurs pouvaient aujourd'hui compter sur l'aide de leurs associations pour mener ces procédures. De surcroît, depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la jurisprudence était devenue de plus en plus restrictive : la complexité des questions juridiques soulevées et une éventuelle surcharge de la collectivité publique ou des organisations chargées de tâches publiques ne suffisaient plus guère à justifier une dérogation à l'art. 68 al. 3 LTF, selon lequel aucune indemnité de partie ne devrait être octroyée aux assureurs ayant obtenu gain de cause, eu égard à leur statut d’organisations chargées de tâches de droit public. Dans ce contexte, il n'était plus justifié de s'en tenir à la jurisprudence publiée (ATF 119 V 448 consid. 6b). La pratique devait donc être adaptée en raison du changement de situation. Le seul fait qu'une procédure portât sur l'activité peu économique d'un médecin ne constituait pas un motif suffisant pour obliger le médecin débouté à prendre en charge les frais d'avocat de l'assurance-maladie qui avait obtenu gain de cause. Cela n'affectait pas les cas dans lesquels d'autres raisons – telles que le comportement déloyal d'une partie au procès – justifiaient une dérogation à la règle de base de l'art. 68 al. 3 LTF (consid. 7).

18.3 Dans un courrier du 12 août 2025 adressé au tribunal de céans, SANTÉSUISSE a fait valoir que dans deux jugements cantonaux (SR.2018.00017 et SR.2019.00013 du 20 novembre 2023 consid. 7.1), le Tribunal arbitral zurichois avait considéré qu'il y avait lieu de s'écarter de l'ATF 149 II 381, au motif que la procédure arbitrale – sous réserve des exigences minimales imposées par le droit fédéral – reposait sur du droit cantonal autonome et qu'il n'existait aucune norme fédérale prescrivant l'exonération des frais ou des dépens dans le cadre de la procédure arbitrale cantonale. Contrairement à ce qui prévalait dans la procédure de recours devant le Tribunal fédéral, il existait dans la procédure arbitrale cantonal en matière d'assurances sociales, dans le cadre de laquelle les dispositions générales de la procédure administrative genevoise s'appliquaient, une base légale suffisante pour l'octroi d'une indemnité de partie aux assureurs‑maladie ayant obtenu gain de cause. L'ATF 149 II 384 se référait uniquement à la procédure de recours devant le Tribunal fédéral. Dans la procédure devant le Tribunal arbitral des assurances du canton de Genève, le législateur n'avait pas édicté de disposition analogue à l’art. 68 al. 3 LTF. Plus particulièrement dans le canton de Genève, la LaLAMal et son règlement d'application restaient muets à ce sujet. Il y avait dès lors lieu d'appliquer les règles générales genevoise sur la procédure administrative. En outre, les procédures arbitrales étaient régulièrement « ponctuées » (recte : ponctionnées) par des frais de procédure (principalement d'avocats) souvent conséquents qui devaient être honorés par les assureurs. SANTÉSUISSE a enfin expliqué que, pour des raisons évidentes d'opportunité, elle n’avait pas fait recours contre le jugement du 14 janvier 2025 ATAS/16/2025. Elle a enfin invité le tribunal de céans ne pas considérer son courrier comme une demande de révision ou autre, mais uniquement comme une remarque de la part de « parties régulièrement citées » devant le tribunal, tenant à cœur d'obtenir une jurisprudence uniforme et ceci dans l'intérêt des payeurs de primes.

18.4 Ces considérations n’emportent pas la convocation. Dans les deux arrêts en question, le Tribunal arbitral zurichois a retenu que, compte tenu de la configuration des parties qui prévalait dans la procédure arbitrale (« Vor dem Hintergrund der im schiedsgerichtlichen Verfahren vorherrschenden Parteienkonstellation hielt »), le législateur zurichois avait estimé que les dispositions motivées par des considérations de politique sociale relatives en particulier à l’absence de droit à indemnisation de l'assureur ayant obtenu gain de cause n'étaient pas justifiées. En conséquence, le législateur cantonal avait prévu que les dispositions du CPC relatives aux frais de procédure et à l'assistance judiciaire gratuite s'appliquaient par analogie dans les procédures devant le Tribunal arbitral. Contrairement à la procédure de recours devant le Tribunal fédéral, il existait ainsi une base légale suffisante pour accorder une indemnité aux assureurs qui obtenaient gain de cause dans la procédure cantonale devant le Tribunal arbitral.

Il ne ressort toutefois pas des travaux préparatoires à la LPA que le législateur genevois aurait eu une volonté similaire. En effet, la LPA est entrée en vigueur le 1er janvier 1986, alors que l’art. 45 al. 3 LaLAMal, qui renvoie à la LPA s’agissant de la procédure devant le Tribunal arbitral, n’est entré en vigueur que douze ans plus tard, le 1er janvier 1998. A fortiori, le législateur genevois n’a pas expressément voulu que les assureurs-maladie ayant obtenu gain de cause puissent prétendre à l’octroi d’une indemnité de procédure nonobstant leur statut d’organisation chargée de tâches de droit public. Les demanderesses ne peuvent donc rien tirer des deux jugements zurichois précités.

Certes, la procédure arbitrale repose sur du droit cantonal autonome et il n'existe aucune norme fédérale prescrivant l'exonération des dépens dans le cadre de la procédure cantonale. Toutefois, on ne discerne pas ce qui pourrait justifier de traiter différemment (plus favorablement), dans ce contexte, un prestataire LAMal selon qu’il succombe devant le Tribunal arbitral ou devant le Tribunal fédéral. En soi, l’argument des juges zürichois tiré de « la configuration des parties qui prévaut dans la procédure arbitrale » n’apparaît pas pertinent, puisque l’affaire ayant donné lieu à l'ATF 149 II 384 présentait précisément une telle configuration. De même, on ne voit pas pour quelle raison les motifs « objectifs », « sérieux » et « importants » retenus par le Tribunal fédéral à l’appui de son changement de jurisprudence inauguré avec l'ATF 149 II 384 ne seraient pas opposables aux assureurs dans la présente procédure arbitrale. A cela s’ajoute que, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice de Genève, à laquelle la chambre de céans peut se rallier, seuls les plaideurs privés ou les entités publiques pas assez importantes pour se défendre par eux-mêmes (par ex. les communes en-dessous de 10'000 habitants) ont droit à une indemnité. Les collectivités publiques qui possèdent un service juridique et sont susceptibles d'être couramment confrontées à des problèmes, sont considérées être capables de traiter elles-mêmes les procédures (cf. not. ATA/581/2013 du 3 septembre 2013, consid. 10 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 272 s ch. 1041 et références citées). Or, comme le Tribunal fédéral l'a confirmé, les assurances qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins sont considérées comme organisations chargées de tâches de droit public. À ce titre, elles ne peuvent prétendre à une participation à leurs honoraires d'avocat (ATF 149 II 381 consid. 7.3 précité).

18.5 À défaut d’un comportement constitutif d’abus de droit de la part de la défenderesse en l’espèce, la conclusion des demanderesses tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure doit être rejetée (voir également ATAS/40/2025 du 23 janvier 2025 consid. 12.3)


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les demandes recevables.

Au fond :

2.        Condamne la défenderesse à verser aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, en mains de SANTÉSUISSE, CHF 28’196.- pour l’année 2020.

3.        Condamne la défenderesse à verser aux demanderesses prises conjointement et solidairement, en mains de SANTÉSUISSE, CHF 31'094,85pour l'année 2021.

4.      Condamne les parties au paiement des frais du Tribunal arbitral, à raison de CHF 4'938.70 à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de CHF 5'773.45 à la charge de la défenderesse.

5.      Condamne les parties au paiement d’un émolument, à raison de CHF 922.- à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de CHF 1'078.- à la charge de la défenderesse.

6.        Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Jean-Louis BERARDI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le