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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/829/2022

ATAS/1040/2024 du 19.12.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/829/2022 ATAS/1040/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 décembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Baptiste FAVEZ, avocat

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée


 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), ressortissante colombienne née en 1973, a suivi une formation de styliste de l’ongle en 2007, puis d’aide-coiffeuse en 2011, en Espagne.

b. L’assurée a travaillé en qualité de femme de ménage à temps partiel (environ 75% en moyenne) dans un EMS dès le 8 juin 2018. À ce titre, elle était assurée contre les accidents auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA).

c. Le 30 novembre 2018, l’assurée a subi un accident. Lors d’une dispute avec un tiers qui a claqué une porte vitrée, sa main gauche a heurté la vitre qui s’est alors cassée. Elle a subi une coupure au poignet gauche et elle est tombée en arrière. Elle s’est rendue au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

Selon un constat médical établi à la même date, il n’y avait au plan ostéoarticulaire pas de douleur à la palpation du cadre osseux de l’épaule, du coude, du bras et de l’avant-bras gauches. L’assurée présentait une plaie transversale palmaire du poignet gauche, zone V, avec ouverture de l'aponévrose palmaire superficielle, et une plaie longitudinale du bord radial de l’éminence thénarienne en zone IV. Elle a subi une intervention chirurgicale le même jour, consistant en une révision de plaie et une suture tendineuse et nerveuse.

Dès l’accident, l’assurée a été en incapacité de travail totale, régulièrement prolongée par ses médecins traitants.

d. L’unité d’électroneuromyographie des HUG a noté, le 14 août 2019, une hyperalgie et une dysesthésie de toute la main gauche juste à l’effleurement, avec une force de la main gauche conservée. L'électroneuromyographe (ci-après : ENMG) n’avait pas pu être réalisé en raison de la mauvaise tolérance de l’assurée et du refus de le poursuivre. Néanmoins, la normalité de la latence sensitive du nerf médian gauche au poignet rendait un syndrome du canal carpien peu probable.

e. Le 16 octobre 2019, la docteure B______, médecin au service de chirurgie orthopédique des HUG, a fait état de douleurs neuropathiques et d’une perte de force. Le pronostic était réservé.

f. Le 18 décembre 2019, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

g. Dans une note de consultation du 20 décembre 2019, la docteure C______, médecin au service de chirurgie orthopédique des HUG, a rapporté des douleurs neuropathiques et une hyposensibilité palmaire des trois premiers doigts. L’ergothérapie n’avait pas permis une réelle amélioration fonctionnelle de la main gauche. Il n’y avait pas de syndrome douloureux régional complexe (ci‑après : SDRC) mais des douleurs neurogènes.

Un rapport d’ergothérapie du 20 décembre 2019 a conclu à un manque de force ainsi qu'à un ralentissement moteur. Les activités de nettoyage avec des machines professionnelles étaient fortement limitées ou non réalisables. Le port de charges et le déplacement de meubles lourds n’étaient pas possibles. De plus, l'exclusion des trois premiers doigts de la main gauche, dominante, ralentissait l'exécution des tâches. Le rythme professionnel n’était donc pas atteint. Les activités dans la coiffure et l’onglerie n’étaient pas non plus possibles, eu égard aux douleurs et aux limitations de la main,

h. Dans un avis du 20 janvier 2020, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a retenu que la reprise de l’activité n’était pas évidente, car les lésions traumatiques du nerf médian pouvaient laisser des douleurs neuropathiques au long cours.

i. Dans une note de consultation du 7 mai 2020, le docteur E______, médecin au service de chirurgie orthopédique des HUG, a notamment indiqué que les critères de Budapest étaient une sudation et rougeur. L’assurée présentait également des douleurs de l’épaule, il y avait une suspicion de complex regional pain syndrome (ci-après : CRPS) main-épaule et une allodynie sévère, mais pas de SDRC.

Dans sa note de suivi du 24 septembre 2020, ce médecin a relevé un statu quo et un CRPS, ainsi qu’une allodynie sévère de la main gauche.

j. L’assurée a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) du 26 mai au 24 juin 2020. Les médecins ont posé, dans le rapport du 2 juillet 2021, les diagnostics de plaie transverse en face antérieure du poignet gauche, de section partielle inférieure à 50% du nerf médian et de section complète du tendon du long palmaire le 30 novembre 2018, de douleurs neuropathiques persistantes de la face palmaire de la main gauche avec irradiation dans l’avant-bras, et de probable SDRC de type 2, actuellement au décours. Ils ont également retenu les diagnostics secondaires d’enchondrome de la première phalange du quatrième doigt gauche, découvert fortuitement à la radiographie et confirmé par scanner et IRM, et de douleur de l’épaule gauche avec arthrose acromio-claviculaire et discrète bursite sous-acromiale. Lors de son arrivée, les limitations fonctionnelles et les plaintes de l’assurée étaient des douleurs de type électrique, fourmillements, et une intolérance au froid. Ses douleurs pouvaient remonter jusqu’au coude, ainsi que depuis quelques semaines jusqu’à l’épaule. Elle décrivait également des douleurs de type musculaire et des contractures qui pouvaient être invalidantes. Ces douleurs avaient commencé à affecter son moral, à l’instar de la perte d’activité professionnelle et des nombreuses ruminations sur son avenir. L’enchondrome justifiait une indication opératoire. S’agissant du SDRC, les critères de Budapest étaient remplis, mais le diagnostic restait probable, car on était à distance et tous les critères n’étaient plus positifs, bien qu’ils aient été plus importants par le passé, selon l’anamnèse. Les plaintes et limitations fonctionnelles s’expliquaient principalement pas les lésions objectivement constatées. Des facteurs contextuels pouvaient influencer négativement les aptitudes fonctionnelles et compliquer la réinsertion, tels qu’une kinésiophobie élevée, une castrophisation très élevée, une cotation élevée de la douleur et son interférence avec le travail, une auto-évaluation très élevée du handicap mais très basse des capacités fonctionnelles, avec un niveau d’effort perçu comme inférieur à sédentaire, une absence de formation, le licenciement et la maîtrise partielle de la langue française. L’évolution était partiellement favorable. La participation de l’assurée aux thérapies avait été très élevée, et aucune incohérence n’était relevée. Les limitations fonctionnelles provisoires suivantes étaient retenues : pas de port répétitif et prolongé de charges de plus de 5 kg avec le membre supérieur gauche, pas d’activités nécessitant des prises de force et des activités très répétitives avec la main gauche, et pas d’exposition prolongée au froid. La stabilisation était attendue dans un délai de trois à quatre mois, soit deux ans après l’accident. Le pronostic de réinsertion, dans l’ancienne activité de femme de ménage, était défavorable, mais il était favorable dans une activité adaptée, avec une capacité de travail complète attendue. Une incapacité de travail totale a été attestée par les médecins de la CRR, jusqu’au 4 juillet 2020.

k. Dans un avis du 19 octobre 2020, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la SUVA, a indiqué que l’état était stabilisé.

Le 2 décembre 2020, ce médecin a examiné l’assurée. Il a posé les diagnostics de section partielle à 50% du nerf médian et section complète du long palmaire, et de status après suture du nerf médian. L’assurée présentait, en outre, un enchondrome de P1D4. Elle était gênée par les dysesthésies subjectivement dues à la section partielle et à la restauration de son nerf médian. Les douleurs étaient désormais stables. Sur le plan objectif, il existait une perte de force du côté dominant d’environ un tiers. Le Dr F______ ne retenait pas le diagnostic de SDRC, en relevant qu’il était ambigu à l’examen du Dr E______ : il ne retrouvait pas ces éléments, ni de syndrome épaule/main, les douleurs étant plutôt de type acromio-claviculaire sur une arthrose de cette articulation, et partant sans causalité en vraisemblance prépondérante avec l’évènement déclaré. Toutefois, la fonction restante était tout à fait utilisable en intensité pour des forces jusqu’à 10 kg. En fréquence et rapidité, il ne fallait pas utiliser la main au-delà de 5 kg. Compte tenu de ces éléments, la profession antérieurement exercée n’était plus exigible. Une activité complète, adaptée aux limitations fonctionnelles utilisant les deux membres supérieurs était exigible, et des travaux d’exécution fine étaient tout à fait possibles. Il fallait éviter des prises de force très répétitives et des expositions prolongées au froid. Des séances d’ergothérapie pour désensibiliser la main et de physiothérapie devaient encore être prises en charge durant six mois, et le médicament Lyrica® encore pris pendant au moins deux ans. Dans l’idéal, un électromyogramme serait le bienvenu pour confirmer une bonne restauration du nerf médian, mais il avait été, par deux fois, très mal toléré par l’assurée. Il n’y avait pas d’indication à une reprise chirurgicale.

À la même date, le Dr F______ a estimé l'atteinte à l'intégrité à 7%, se référant au tableau n° 1 de la SUVA relatif aux atteintes à l’intégrité résultant de troubles fonctionnels des membres supérieurs, paralysie du nerf médian distal, musculature intrinsèque de la main qui donnait droit à une indemnité de 15%. La section du nerf médian n’ayant pas été complète et la paralysie étant en très bonne récupération, les phénomènes étaient essentiellement gênants et dysesthésiques, de sorte que cette indemnité était réduite d’un peu moins (sic) de la moitié de ce qui était attribué en cas d’atteinte complète distale.

l. Par courrier du 16 décembre 2020, la SUVA a indiqué à l’assurée que selon son service médical, il n’y avait plus lieu d’attendre une amélioration notable des suites de l’accident. Elle mettrait ainsi un terme au remboursement des soins médicaux et au versement des indemnités journalières au 31 mars 2021, hormis la prise en charge d’ergothérapie jusqu’au 30 juin 2021 et du Lyrica®. L’activité d’employée d’entretien n’était plus exigible, mais les séquelles de l’accident n’empêchaient pas la reprise d’une activité professionnelle adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par le Dr F______. Dans une telle activité, la capacité de travail était totale sans baisse de rendement.

L’assurée a déclaré s’opposer à ce courrier.

m. Dans un rapport du 29 janvier 2021, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin traitant de l’assurée, a retenu que dans les suites opératoires, l’assurée, gauchère, avait développé des douleurs neuropathiques de la face palmaire de la main gauche irradiant à l'avant-bras et persistant à ce jour, ainsi qu’une allodynie persistante dans le territoire médian irradiant au coude et à l’épaule gauches, impliquant un manque de force et un ralentissement moteur conséquents, et un SDRC de type II probable du membre supérieur gauche. L’assurée présentait en outre un enchondrome P1D4 gauche découvert fortuitement en mai 2020, dont le traitement était conservateur, une tendinopathie du sus-épineux avec bursite sous-acromiale sans rupture tendineuse et une arthrose acromio-claviculaire à gauche. Elle souffrait d’un état anxiodépressif. Le manque de force, le ralentissement moteur ainsi que les douleurs majorées par les efforts affectaient sa capacité de travail dans les domaines qu’elle connaissait. Le port de charges et le déplacement d'objets lourds étaient exclus. L’exclusion des trois premiers doigts de la main dominante pour toutes les activités entraînant une préhension en force et fine, associée au manque de force, limitait considérablement l’utilisation de cette main dans toutes les activités professionnelles. L’utilisation de la main droite ralentissait considérablement l’activité et générait un manque important d’agilité. Actuellement, les douleurs causées par l’allodynie persistante concouraient à limiter et ralentir l'activité, et l’arthrose acromio-claviculaire parasitait également les mouvements d’abduction et de rotation de l’épaule. Les compétences linguistiques étaient limitées au dialogue simple. Dans une activité adaptée, ne mettant pas en jeu la force et l’utilisation du membre supérieur gauche, la capacité de travail pourrait théoriquement être pleine. Les capacités de réadaptation semblaient fortement compromises par les limitations du bras dominant, les connaissances linguistiques et l’absence de formation.

n. Dans sa note de suivi du 15 février 2021, le Dr E______ a relevé un CRPS de longue durée, toujours en phase chaude.

Le 19 mai 2021, un médecin des HUG a noté que l’assurée rapportait des douleurs généralisées au niveau de l'épaule, du poignet et de la main et des paresthésies, allant de la main gauche dorsale et palmaire en augmentation, avec des douleurs irradiantes au niveau de l'avant-bras. Un CRPS de longue durée, toujours en phase chaude, était constaté.

Selon une note de consultation du 7 juillet 2021 d’un médecin des HUG, l’assurée présentait un SDRC de longue durée. Ses plaintes étaient inchangées.

o. Le 12 juillet 2021, l’assurée a adressé à la SUVA et à l’OAI un rapport établi par la docteure H______, spécialiste FMH en neurologie, à la suite de sa consultation du 15 juin 2021. Elle a affirmé qu’il s’agissait d’un élément jusque-là inconnu qui pourrait expliquer ses fortes douleurs. Un nouveau traitement médicamenteux avait été prescrit.

Dans le rapport joint, la Dre H______ a noté le développement d’un SDRC avec impotence fonctionnelle depuis l’accident. À l’issue de son examen clinique et de l’ENMG, elle a conclu à des allodynies prenant quasiment toute la main et l’avant-bras, ainsi qu’à une hyperalgésie de l’hémicorps gauche, la douleur se propageant à l’ensemble de l’hémicorps gauche dans le cadre d’un SDRC du membre supérieur gauche. L’ENMG révélait une réduction de l’amplitude des réponses sensitives du nerf médian gauche par rapport aux nerfs ulnaire et radial d’environ 50% sans ralentissement de la vitesse de conduction, et une réduction de l’amplitude de la réponse M du nerf médian gauche pour le thénar par rapport à l’amplitude et la surface du nerf ulnaire gauche. L’examen mettait en évidence des signes de dénervation-réinnervation chronique ancienne dans le court abducteur du pouce gauche. Ces constatations parlaient en faveur d’une lésion partielle du nerf médian gauche.

p. Dans une appréciation du 15 juillet 2021, le Dr F______ a affirmé que le SDRC était au décours, et que ce qui subsistait était une allodynie sur lésion du nerf médian.

q. Dans un avis du 20 juillet 2021, le docteur I______, médecin au service médical régional (ci-après : le SMR) de l'OAI, a retenu une capacité de travail nulle dans l’ancienne activité mais totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles depuis le 2 décembre 2020. Il estimait que le trouble anxiodépressif secondaire à l’atteinte somatique n’était pas durablement incapacitant. À l’instar du Dr F______, il ne retenait pas le diagnostic de SDRC. Les limitations fonctionnelles étaient celles admises par ce médecin d’arrondissement, ainsi qu’une limitation dans les mouvements fins avec la main gauche.

r. Par décision du 6 octobre 2021, la SUVA a fixé le taux d’invalidité à 3%, ce qui n’ouvrait pas le droit à une rente. Elle a alloué à l’assurée une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 7%.

s. L’assurée s’est opposée à la décision de la SUVA le 8 novembre 2021. Elle a notamment conclu à la poursuite du versement des indemnités journalières depuis le 1er avril 2020 jusqu'à la stabilisation de son état de santé, au versement d’une IPAI de 50%, et à ce qu’une expertise soit mise en œuvre pour déterminer la stabilisation de son état de santé, sa capacité de gain et son atteinte à l'intégrité.

Elle a contesté la stabilisation de son état de santé. Elle a en substance allégué ne pas disposer d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, dès lors qu’elle avait perdu presque totalement l'usage de sa main dominante. Elle avait récemment été déclarée inapte au placement par l’assurance-chômage. Le Dr G______ attestait son incapacité de travail totale. Elle a émis plusieurs critiques sur le calcul du degré d’invalidité. S’agissant de l’IPAI, la perte d'une main correspond à une atteinte à l'intégrité de 40% selon les tables d’indemnisation. Elle présentait, en outre, de très importantes douleurs irradiant dans l'hémicorps gauche.

Elle a joint la décision de l’office cantonal de l'emploi la déclarant inapte au placement, en raison de son incapacité de travail dès le 1er avril 2021.

t. Par décision du 10 février 2022, la SUVA a écarté l’opposition de l’assurée.

B. a. L’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition de la SUVA, en date du 14 mars 2022. Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise à même de confirmer ou d'infirmer la stabilisation de son état de santé, son incapacité de gain et son atteinte à l'intégrité ; principalement, à l’annulation de la décision, à ce qu’il soit constaté que son état de santé n’était pas stabilisé, au versement d’indemnités journalières et à la prise en charge des soins médicaux depuis le 1er avril 2020 jusqu'à la stabilisation de son état de santé, à ce qu’aucune rente ne soit fixée tant que son état n’était pas stabilisé, à ce qu’il soit dit que la diminution de son intégrité (sic) était de 35% et au versement d’une indemnité pour atteinte à l'intégrité de ce taux ; subsidiairement, au versement d’indemnités journalières et à la prise en charge des soins médicaux, depuis le 1er avril 2020 jusqu'à la stabilisation de son état de santé, au versement d’une rente d'invalidité calculée en tenant compte de son incapacité totale de travailler, à ce qu’il soit dit que la diminution de son intégrité était de 35% et au versement d’une IPAI de ce taux ; et plus subsidiairement, au renvoi du dossier à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La recourante a allégué avoir essayé de reprendre une activité lucrative depuis son accident, à raison de deux heures par jour, dès décembre 2021, qu’elle entendait augmenter à 50% dès le 10 février 2022. Elle a allégué que l’intimée ne pouvait refuser d’allouer des indemnités journalières et de prendre en charge le traitement médical avant le 6 octobre 2021, faute de décision formelle sur ce point. Elle a répété que son état de santé n’était pas stabilisé. Elle a, en outre, contesté les modalités de calcul de la rente d’invalidité. L’IPAI allouée ne tenait pas compte de la gravité de ses troubles. Ses lésions devaient être assimilées à une perte de l'usage des trois premiers doigts de la main, soit une atteinte de 35% selon la table 3 de la SUVA.

Elle a produit un certificat du Dr G______ du 10 février 2022 attestant une capacité de travail de 50% et précisant que la situation devrait être réévaluée.

b. Dans sa réponse du 11 avril 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a souligné qu’elle avait refusé formellement le versement d’indemnités journalières au-delà du 31 mars 2021 par décision du 7 (recte : 6) octobre suivant. L’état de santé de la recourante était stabilisé lorsque son opposition avait été tranchée. Le traitement proposé par la Dre H______ était uniquement antalgique. Le calcul du degré d’invalidité était correct. S’agissant de l’IPAI, aucun élément ne permettait de mettre en doute l’appréciation du Dr F______.

c. Dans sa réplique du 20 mai 2022, la recourante a exposé qu’après avoir repris à temps partiel une activité, ses douleurs s’étaient à nouveau exacerbées en avril 2022, comme le révélaient les certificats du Dr G______, qu’elle produisait. Elle a persisté dans ses conclusions.

d. Par écriture du 7 juin 2022, la recourante a également interjeté recours contre la décision de l’OAI auprès de la chambre de céans (procédure no A/1877/2022). Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise afin de déterminer sa capacité de travail, dès le 2 décembre 2020, à l’audition du Dr G______, principalement, à l’annulation de la décision en tant qu’elle supprimait le droit à la rente dès le 1er avril 2021 et refusait les mesures professionnelles, à ce qu’il soit constaté que la recourante restait incapable de travailler depuis le 2 décembre 2020, à l’octroi d’une rente entière depuis le 1er avril 2021, au versement de cette rente ; subsidiairement, à ce qu’il soit dit que la recourante avait temporairement et partiellement recouvré sa capacité de travail du 1er décembre 2021 au 28 avril 2022 ; et à ce qu’il soit constaté qu’elle était à nouveau incapable de travailler depuis le 28 avril 2022.

e. Le 15 novembre 2022, la chambre de céans a informé l’intimée du recours interjeté par la recourante à l’encontre de la décision de l’OAI. Dans un souci d'économie de procédure et de simplification, elle envisageait de mettre en œuvre une expertise orthopédique comprenant une partie commune à l’assurance-accidents et l’assurance-invalidité et un volet concernant chacune de ces assurances. Les parties étaient invitées à se déterminer sur ce point.

f. L’intimée s’est déterminée le 29 novembre 2022, notant des troubles maladifs liés à l’arthrose acromio-claviculaire ne relevant pas de l’assureur-accidents. S’agissant des troubles à la main gauche, la stabilisation était admise par tous les médecins, si bien qu’elle ne comprenait pas la nécessité d’une expertise. Elle ne s’y opposait néanmoins pas.

g. Le 2 décembre 2022, la recourante s’est dite favorable à la proposition d’une expertise unique.

h. Dans ses déterminations du 8 février 2023, l’intimée a souligné que l’expert proposé par la chambre de céans, soit le docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, n’était pas spécialiste en chirurgie de la main et n’était donc pas apte à établir une expertise dans la présente cause. Elle a proposé un autre expert.

La recourante s’en est, quant à elle, rapportée à justice quant au choix de l’expert.

i. Après un échange d’écritures sur l’expert pressenti, la chambre de céans a informé les parties, par courrier du 20 avril 2023, que l’expertise serait réalisée par le Dr J______, les médecins proposés par l’intimée n’étant pas disponibles pour établir une expertise.

j. La chambre de céans a transmis aux parties les questions d’expertise pour déterminations, le 29 juin 2023.

k. Par courrier du 5 juillet 2023, la SUVA s’est déterminée en joignant une demande de précision d’une question (ajout du terme « notable »), qui a été modifiée dans le mandat d’expertise.

l. Par courrier du 28 août 2023, après avoir obtenu un délai supplémentaire, la recourante a suggéré que l’expert orthopédiste s’adjoigne les services d’un co‑expert neurologue, afin que ce dernier se prononce également sur ses troubles de la santé, ce point étant confirmé par un certificat daté du 10 août 2023 signé par le Dr G______ et joint en annexe. La chambre de céans a considéré qu’il n’était pas nécessaire de donner suite à la suggestion de la recourante, dès lors que la problématique principale était de nature orthopédique. Par ordonnance d’expertise du 22 décembre 2023, elle a mandaté le Dr J______, sans retenir la proposition de lui adjoindre un co-expert.

m. En date du 5 août 2024, le Dr J______ a rendu son rapport d’expertise concernant le volet SUVA.

Il a relevé un certain nombre de diagnostics comme antécédents, estimant que la capacité de travail dans l’activité habituelle de femme de ménage et nettoyeuse était de 0% dès le jour de l’accident, soit le 30 novembre 2018. Il considérait que selon la documentation fournie, une activité lucrative adaptée était exigible dès le 2 décembre 2020, date de l’évaluation médicale par le médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr F______. On pouvait admettre une prolongation de la capacité de travail à 100% jusqu’au 31 mars 2021, ce trimestre en sus de suite de traitement devait être considéré comme traitement de confort. Le Dr J______ a conclu que l’assurée pouvait reprendre son activité de femme de ménage, le cas échéant se faire engager dans le domaine de la surveillance. Il estimait que dans une activité adaptée, il n’y avait pas de diminution de rendement.

n. La SUVA s’est déterminée par courrier du 16 septembre 2024 considérant que l’expertise remplissait manifestement tous les réquisits relatifs à la valeur probante d’un tel document. Le rapport d’expertise confirmait la stabilisation sur le plan médical et l’exigibilité définie par le Dr F______. En ce qui concernait l’atteinte à l’intégrité, l’expert ne mettait en évidence aucune anomalie objectivable du membre supérieur gauche pouvant justifier l’octroi d’une IPAI.

Partant, la SUVA a conclu à la réforme de la décision sur opposition du 10 février 2022, en ce sens que le droit à une IPAI de 7% était désormais nié.

o. Par courrier de son mandataire, daté du 25 octobre 2024, l’assurée a considéré que l’expert se contredisait manifestement et passait sous silence les nombreux constats médicaux établis par les médecins traitants, lesquels avaient confirmé, à plusieurs reprises, le caractère incapacitant des lésions de la recourante. À cet égard, le médecin traitant G______ s’était prononcé sur le rapport d’expertise dans une attestation du 14 octobre 2024, qui était jointe en annexe. Il demeurait convaincu que la reprise de l’activité dans le domaine du nettoyage était illusoire et ne voyait pas, au demeurant, dans quel secteur d’activité l’assurée pourrait retrouver une activité professionnelle lucrative. Considérant que l’expert J______ était retombé dans « le même travers » que la SUVA, en refusant d’accorder le moindre crédit à ses médecins traitants, la recourante persistait à solliciter l’audition du Dr G______ ; elle persistait également dans ses conclusions du 14 mars 2022, telles qu’elles figuraient dans son mémoire de recours.

p. Par courrier du 28 novembre 2024, la chambre de céans a rappelé à la recourante que la SUVA avait proposé, dans sa détermination du 16 septembre 2024, une modification de la décision querellée sur l’IPAI en sa défaveur et lui a octroyé un délai pour se déterminer.

q. Dans la cause parallèle opposant la recourante à l’OAI, la chambre de céans a rendu un arrêt du 5 décembre 2024 (ATAS/976/2024), par lequel elle a rejeté le recours.

r. Par courrier de son mandataire du 9 décembre 2024, en réponse au courrier du 28 novembre 2024, la recourante a informé la chambre de céans qu’elle maintenait ses conclusions.

s. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

t. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit aux prestations pour accident, dès le 1er avril 2021.

3.              

3.1 L'assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel en vertu de l’art. 6 al. 1 LAA. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale (art. 4 LPGA).

Les prestations que l’assureur-accidents doit, le cas échéant, prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d’incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l’accident (art. 16 LAA), la rente en cas d’invalidité de 10% au moins à la suite d’un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu’une IPAI si l’assuré souffre par suite de l’accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).

Aux termes de l’art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2). En vertu de l’art. 17 al. 1 LAA, l’indemnité journalière correspond, en cas d’incapacité totale de travail (art. 6 LPGA), à 80% du gain assuré. Si l’incapacité de travail n’est que partielle, l’indemnité journalière est réduite en conséquence.

Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 2e phr. LAA). À teneur de l’art. 19 al. 1 1re phr. LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accidents est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se déterminera notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Des avancées mineures ne suffisent pas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2019 du 9 juin 2020 consid. 4). En matière de physiothérapie, le Tribunal fédéral a précisé que le bénéfice que peut amener la physiothérapie ne fait pas obstacle à la clôture du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2018 du 11 juillet 2018 et les références)

3.2 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_482/2014 du 6 mai 2015 consid. 3).

4.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, 122 V 157 consid. 1c).

4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

4.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

4.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.             En l’espèce, la SUVA s’est fondée sur l’avis de son médecin d’arrondissement, le Dr F______, pour mettre un terme au versement des indemnités journalières et au remboursement des soins médicaux au 31 mars 2021.

La chambre de céans a considéré que les appréciations du Dr F______ étaient insuffisamment motivées et a mandaté un expert orthopédiste, soit le Dr J______.

L’assurée ne remet pas expressément en question la valeur probante de l’expertise judiciaire mais déclare que l’expert serait tombé « dans le même travers que l’autorité intimée » en refusant d’accorder le moindre crédit aux appréciations de ses médecins traitants, plus particulièrement son médecin généraliste, le Dr G______.

L’intimée, de son côté, considère que les appréciations de l’expert rejoignent celles de son médecin d’arrondissement et conclut que la recourante présente une capacité de travail totale dans une activité adaptée.

Il sied d’examiner la valeur probante du rapport d’expertise.

6.1 Le rapport de l’expert correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, dont les rapports médicaux sont exposés et résumés sur plusieurs pages. Il contient, en outre, une anamnèse personnelle, familiale, médicale et professionnelle complète et l’expert a rapporté ses observations cliniques de manière détaillée, à la suite d’un examen clinique ayant duré deux heures et demie. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés, et l’expertisée a pu décrire son travail, une journée-type et s’exprimer sur ses plaintes et les troubles de la santé qu’elle ressent. L’expert a, de surcroît, exposé de manière convaincante pour quelles raisons il se ralliait aux avis des autres intervenants ou au contraire s’en écartait. Ses conclusions sont elles aussi claires et motivées.

En p. 35 de son rapport d’expertise, le Dr J______ a tenu à mettre en exergue certains éléments, notamment l’impossibilité de préciser le mécanisme traumatique en raison de la version inconstante de l’expertisée, des contradictions, tel que cela ressort de rapports médicaux antérieurs, et enfin des ambiguïtés dans les rapports médicaux des HUG des 20 décembre 2019 et 7 mai 2020.

Lors de l’examen clinique, l’expert n’a relevé aucun trouble significatif au niveau des épaules, avec une mobilité active conservée et des amplitudes articulaires identiques en élévation et en abduction à droite et à gauche ainsi qu’en rotation externe, la seule différence entre l’articulation droite et gauche étant objectivée en rotation interne. L’articulation acromioclaviculaire bilatérale est considérée comme non douloureuse à la palpation et mobilisation et la coiffe des rotateurs est compétente en bilatérale. Les coudes et les poignets montrent une mobilité active normale avec les amplitudes articulaires et enfin les mains ont une force conservée, y compris dans la main gauche. Lors de l’examen, l’expert a demandé à l’assurée d’écrire de sa main gauche dominante une phrase en espagnol ; cette dernière s’est exécutée sans aucune gêne ni hésitation, ce qui est interprété comme une preuve d’une bonne évolution de son état.

Les diagnostics de 2018 jusqu’à 2021 ont été résumés et, en ce qui concerne les troubles orthopédiques, le médecin a clairement mentionné qu’il n’existait plus, à l’heure actuelle, de trouble orthopédique objectivement fondé, relevant notamment que les plaintes de l’assurée concernant le membre supérieur gauche et la nuque ne correspondaient à aucune anomalie ou pathologie active (rapport, p. 37).

En conclusion, l’expert a considéré que l’assurée pouvait reprendre son activité de femme de ménage, sans diminution du rendement et sans limitation fonctionnelle, tout en ajoutant qu’une activité adaptée de surveillante était également possible avec une capacité de travail complète. Il a ajouté que, sur le plan médical, une réadaptation professionnelle n’était plus nécessaire.

La SUVA a constaté que l’expertise remplissait manifestement tous les réquisits relatifs à la valeur probante d’un tel document et confirmé la stabilisation sur le plan médical et l’exigibilité définie par le Dr F______.

Au vu de ces éléments, la SUVA concluait à la réforme de la décision sur opposition du 10 février 2022 en ce sens que le droit à une rente et à une IPAI était nié.

6.2 S’agissant de la recourante, elle s’est fondée pratiquement exclusivement sur l’appréciation de son médecin généraliste, le Dr G______, pour contester être en mesure de retrouver une activité professionnelle lucrative. Ce dernier a rédigé une attestation datée du 14 octobre 2024, dans laquelle il déclare que « malgré les conclusions théoriques de la récente expertise, je constate à la lumière de l’échec de tentative de reprise de l’activité professionnelle de février 2022 qu’il existe un écart important entre cet avis d’expert et la réalité ». Il a ainsi contesté la possibilité d’une reprise dans l’activité habituelle qui impliquerait le levage de poids et la manipulation de machines de nettoyage, ce qui semblait se solder par une réactivation des douleurs au membre supérieur gauche, « dont l’étiologie reste peu claire ». S’agissant d’une activité adaptée, il a mentionné l’absence de formation professionnelle qualifiée, le maniement limité des capacités linguistiques en français, la présence de mouvements dépressifs déjà antérieurs à l’accident, renforcée par un sentiment d’injustice et de victimisation, une situation sociale et familiale compliquée, le refus d’entrée en matière des assurances sociales consécutivement à un accident vécu comme une injustice qui, selon lui, était un obstacle concomitant à la reprise d’une activité lucrative régulière.

S’agissant des remarques du médecin traitant concernant une activité adaptée, elles sont principalement d’ordre socioprofessionnel et ne se fondent pas sur des éléments médicaux objectifs, ce d’autant moins que le médecin traitant relève, lui-même, l’étiologie « peu claire » concernant les douleurs au membre supérieur gauche dont se plaint la recourante.

Il faut rappeler que le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante.

En l’état, il n’existe aucune contradiction pouvant faire douter la chambre de céans des conclusions de l’expert. Étant encore précisé que le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références).

À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise du Dr J______ présente une pleine valeur probante et que ses conclusions peuvent être suivies.

6.3 En ce qui concerne l’annulation de l’IPAI proposée par la SUVA, il sied de rappeler que dans le cadre de l’art. 53 al. 3 LPGA, l’autorité intimée peut revoir librement sa décision, sans être liée par les conditions restrictives de la reconsidération d’une décision entrée en force (cf. art. 53 al. 2 LPGA). Toutefois, la décision prise pendente lite ne met fin au litige que dans la mesure où elle correspond aux conclusions du recourant. Le litige subsiste dans la mesure où la nouvelle décision ne règle pas toutes les questions à satisfaction du recourant ; l’autorité saisie doit alors entrer en matière sur le recours dans la mesure où l’intéressé n’a pas obtenu satisfaction, sans que celui-ci doive attaquer le nouvel acte administratif (ATF 127 V 228 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral I 115/06 du 15 juin 2007 consid. 2.1).

En ce sens, la nouvelle détermination de la SUVA, prise dans ses observations après expertise, ne met pas fin au litige, dès lors qu’elle ne donne pas droit aux conclusions du recourant, et n’a valeur que de proposition au juge.

Dans un arrêt du 23 janvier 2023 (1C_97/2022) le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 67 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) prévoit qu’en cas de dépôt d’un recours, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. Cette disposition n’interdit pas une reconsidération en défaveur de l’administré recourant (consid. 2.2.1) – étant précisé qu’une telle reformatio in pejus peut être autorisée ou interdite par le droit fédéral ou cantonal, vu qu’il ne s’agit pas d’un principe garanti par le protocole n. 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), le pacte ONU II ou l’art. 32 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (consid. 2.1.1).

Or, à teneur de l’art. 69 al. 2 LPA a contrario, les autorités judiciaires ne peuvent pas rendre une décision constitutive d’une reformatio in pejus (Stéphane GRODECKI et Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, LPA/GE et lois spéciales, 2017, n° 885, p. 235). Ce principe a été plusieurs fois confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice, notamment dans un arrêt du 2 juin 2015 (ATA/567/2015 consid. 6 et les arrêts cités).

Partant, la chambre de céans ne donnera pas suite aux nouvelles conclusions de la SUVA tendant à ce que l’IPAI soit niée, dès lors qu’elle est tenue par le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus.

6.4 S’agissant de la demande d’audition du médecin traitant, le Dr G______, elle est d’autant moins nécessaire que ce dernier a pu largement s’exprimer, notamment dans le cadre de son attestation du 14 octobre 2024 faisant suite au rapport d’expertise, étant rappelé, de surcroît, qu’il a les mêmes interrogations que l’expert quant à l’étiologie des douleurs à l’épaule gauche et que ses appréciations divergent essentiellement sur des éléments socioprofessionnels, soit l’existence d’une activité adaptée et non pas sur des éléments médicaux. Par appréciation anticipée des preuves, la demande d’audition du Dr G______ est considérée comme superflue et sera donc écartée (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c).

6.5 Reste à examiner la question des coûts de l'expertise qui peuvent être mis à la charge de l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (137 V 210 consid. 4.4.2).

Au vu du résultat de l’expertise, qui confirme les appréciations du médecin d’arrondissement de la SUVA, on ne peut retenir que l'autorité administrative a diligenté une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées. Par conséquent, les frais d’expertise seront laissés à la charge de l’État.

7.              

7.1 Mal fondé, le recours est rejeté.

7.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le