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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2965/2023

ATAS/737/2024 du 27.09.2024 ( AI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 01.11.2024, 8C_628/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2965/2023 ATAS/737/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 septembre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

représentée par l'APAS - Association pour la permanence de défense des patients et des assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1974, mère de trois enfants nés en 1996, 1998 et 2000, au bénéfice d'une formation d'employée de commerce, a exercé en dernier lieu la profession de comptable indépendante sous la raison individuelle qu'elle avait créée en septembre 2013 et qui a été déclarée en faillite par jugement du 20 février 2020.

B. a. L'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) en janvier 2020, motivée par un trouble bipolaire de type 2 et un syndrome douloureux somatoforme persistant, existants depuis 2002. Elle a joint une attestation du 9 janvier 2020 du docteur B______, médecin interne aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), expliquant qu'elle avait dû diminuer progressivement son taux de travail, en raison de ces troubles.

b. Dans un rapport du 5 mars 2020, la docteure C______, médecin généraliste de l'assurée, a indiqué que celle-ci souffrait d'un syndrome dépressif sévère avec conduite à risques et de fibromyalgie, diagnostics qui avaient une incidence sur sa capacité de travail. Il fallait toutefois se référer aux conclusions des psychiatres qui suivaient l'assurée. Les limitations fonctionnelles consistaient en une concentration défaillante du fait de la dépression et des traitements pris, en une difficulté à se déplacer en raison des douleurs et de la fatigue et en la difficulté d'être en position assise. Elle ne se prononçait pas sur la capacité de travail de l'assurée dans son activité habituelle et dans une activité adaptée, mais répertoriait les incapacités de travail qu'elle avait délivrées depuis qu'elle la suivait : 100% du 18 mars au 3 juillet 2011, 40% à 50% du 4 juillet 2011 au 1er février 2012, 100% d'une date indéterminée à une date indéterminée, 100% du 2 septembre 2014 au 5 avril 2015, 70% du 6 avril 2015 au 31 mars 2019. La Dre C______ a souligné que l'assurée avait suivi une formation de comptabilité afin de pouvoir être indépendante et gérer son travail en fonction de la douleur. Toutefois, sa situation financière l'obligeait à cumuler les heures et ne lui permettait pas de se ménager des temps de repos. De ce fait, la situation ressemblait à une spirale infernale dont la recourante n'arrivait pas à sortir. Elle a en outre joint les documents suivants :

-          lettre de sortie de la Clinique genevoise de D______ faisant suite à un séjour de l'assurée du 27 octobre au 16 novembre 2015 en raison d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen à sévère (diagnostic principal) ;

-          expertise psychiatrique rendue le 19 décembre 2011 par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, sur mandat de l'assurance perte de gain de l'assurée, concluant à la présence d'un trouble de l'adaptation avec réaction anxieuse et dépressive mixte, actuellement en rémission partielle, ayant une incidence sur la capacité de travail. Dès le 1er février 2012, l'assurée était à nouveau capable de travailler à 100% dans son domaine d'activité.

c. Le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin auprès d'un centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées des HUG (ci-après : CAPPI), a rédigé un rapport à l'attention de l'OAI, le 22 mai 2020, dans lequel il a posé les diagnostics de trouble bipolaire de type 2 (F31.8), d'agoraphobie (F40.0) et de troubles mentaux du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance (F10.2). Depuis quelques semaines, ce dernier trouble était contrôlé et n'avait plus d'influence sur la capacité de travail de l'assurée, contrairement aux deux premiers. L'enfance de l'assurée avait été difficile avec maltraitance psychologique, humiliations quotidiennes et abus. Vers ses quinze ans, l'assurée avait présenté des troubles alimentaires et, en 2002, un premier épisode dépressif. Depuis lors, les épisodes dépressifs avaient une intensité fluctuante, jusqu'à la péjoration vécue en 2015, qui avait nécessité une hospitalisation à la Clinique genevoise de D______. L'assurée décrivait trois épisodes hypomanes post-partum et, à la suite d'un viol en 2014, avait développé des éléments en faveur d'un état de stress post-traumatique. Un suivi au programme des troubles de l'humeur avait débuté aux HUG en 2017, où un trouble bipolaire de type 2 avait été diagnostiqué. L'assurée était suivie par sa généraliste jusqu'à ce qu'elle soit hospitalisée à la Clinique de G______ du 10 décembre 2019 au 31 janvier 2020 pour un épisode dépressif avec risque suicidaire, survenu dans un contexte de facteurs de stress multiples (perte de son travail courant 2019, problèmes financiers engendrant la perte d'un bien immobilier très investi affectivement, relogement dans un hôtel d'urgence). L'assurée souffrait aussi de douleurs chroniques en majeure partie dues à une fibromylagie mais qui semblait aussi plurifactorielles (tunnel carpien, tendinite aux membres supérieurs), lesquelles avaient une influence importante sur l'état psychique. Les problématiques somatiques et psychiatriques semblaient ainsi étroitement liées. Depuis qu'il suivait l'assurée dans le cadre du dernier épisode dépressif, sa capacité de travail était nulle et, selon ses dires et les éléments au dossier, elle aurait été diminuée de longue date (depuis de nombreux mois voire années) en raison de symptômes dépressif récurrents et d'une anxiété, difficiles à stabiliser.

d. Le 18 février 2021, le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin chef de clinique auprès des HUG, a attesté que l'assurée souffrait des atteintes suivantes : trouble affectif bipolaire, épisode actuel de dépression moyenne à sévère (F31.3˗4), agoraphobie (F40.0), anxiété généralisée (F41.1), troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, utilisation nocive pour la santé (F10.1) et fibromyalgie avec sièges multiples, confirmé par un rhumatologue (M79.70). Tous ces diagnostics avaient un impact sur la capacité de travail de l'assurée et celle-ci ne pouvait plus travailler, même dans une activité adaptée.

e. Dans un avis du 15 novembre 2021, le service médical régional
(ci-après : SMR) de l'OAI a estimé qu'il était difficile d'apprécier la sévérité et la durabilité des limitations fonctionnelles de l'assurée en lien avec les atteintes psychiatriques et rhumatologiques présentées. Il jugeait nécessaire de réaliser une expertise pluridisciplinaire avec des volets en médecine interne, rhumatologie et psychiatrie, ainsi qu'un bilan neuropsychologique. L'expertise a été confiée au I______ SA.

f. Le 24 janvier 2022, l'assurée a informé l'OAI qu'elle avait été hospitalisée une nouvelle fois à G______ du 26 novembre 2021 au 10 janvier 2022.

g. L'assurée a ensuite séjourné à la Clinique genevoise de D______, du 8 au 28 février 2022.

h. Le 13 mai 2022, I______ SA a rendu son rapport d'expertise.

Aux termes de l'expertise de la docteure J______, spécialiste FMH en médecine interne générale, le seul diagnostic affectant la capacité de travail de l'assurée était celui de migraines, malgré l'absence d'avis spécialisé récent à ce sujet dans le dossier. Au vu de la fréquence des crises et de leur durée, ce diagnostic entraînait une diminution de rendement homogène de 10% dans toute activité, diminution de rendement qui pouvait probablement disparaître dans six mois, après un traitement de fond et une consultation neurologique spécialisée.

Sur le plan psychiatrique, après avoir reçu l'assurée le 13 mars 2022, le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué, avec incidence sur sa capacité de travail, un trouble affectif bipolaire, épisode actuel sévère, en rémission partielle (F31.4) ainsi qu'une agoraphobie sans trouble panique (F40.00). Le diagnostic de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent (F10.20) était, lui, sans effet sur la capacité de travail. L'évolution rétrospective de cette dernière était difficile à apprécier de manière précise compte tenu du caractère indépendant de l'activité exercée, mais l'on pouvait considérer qu'elle avait oscillé entre 80% et 100% jusqu'en avril 2017 (consultation au centre des troubles de l'humeur des HUG) et que, d'avril 2017 à novembre 2019, elle avait été de 50%, l'assurée se plaignant de moins tenir les horaires et de ne pouvoir faire face aux mandats qui lui étaient confiés. À partir du mois de décembre 2019 et l'hospitalisation de l'assurée, sa capacité de travail avait été nulle, et ce jusqu'à sa sortie de la clinique de D______ le 28 février 2022. À sa sortie, l'état de santé de l'assurée s'était amélioré sur le plan dépressif et anxieux avec des scores correspondant à une dépression et une anxiété modérées. Elle avait repris des activités professionnelles le matin, faisant du travail administratif et s'occupant du classement de ses dossiers, expliquant par ailleurs faire beaucoup le matin. L'évaluation neuropsychologique mettait en évidence une capacité à se mobiliser pendant deux heures d'affilée et, moyennant une pause d'une à deux heures, une capacité à récupérer et reprendre une activité
l'après-midi. La capacité de travail pouvait donc être estimée à 50% dans toute activité à partir de la sortie de l'hôpital, sans diminution de la performance, dès lors qu'il était possible de séparer le taux d'activité en deux parties avec des pauses au milieu. Cette capacité de travail pouvait être améliorée par un réajustement thérapeutique, la poursuite du suivi psychiatrique et psychothérapeutique et la stimulation de l'assurée à récupérer des activités en adéquation avec le potentiel dont elle disposait. L'on pouvait aussi envisager mettre en place d'autres thymorégulateurs avant d'augmenter le traitement antidépresseur et de nombreux outils étaient disponibles pour améliorer l'état de santé et la capacité de travail des personnes présentant un trouble bipolaire de type 2.

Concernant l'aspect rhumatologique, le docteur L______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation ainsi qu'en rhumatologie, n'a retenu aucun diagnostic affectant la capacité de travail de l'assurée, tous les diagnostics pertinents n'ayant pas d'influence sur celle-ci (fibromyalgie, syndrome
lombo-vertébral avec insuffisance de la sangle abdominale et dysbalance musculaire, obésité, déconditionnement physique et probable syndrome du canal carpien à gauche). La capacité de travail de l'assurée était donc entière dans toute activité, sans diminution de rendement. Il existait des divergences entre l'importance des symptômes décrits et le comportement en situation clinique ainsi que quelques éléments d'autolimitation, en particulier une fibromyalgie et une kinésiophobie.

Sous l'angle consensuel, les experts ont retenu que le degré global d'atteinte à la santé était moyen. D'un point de vue psychiatrique, l'assurée était limitée par les conséquences des troubles dépressifs, à savoir les difficultés à mobiliser ses ressources pendant un long moment, la mauvaise qualité de la gestion du stress, la fatigabilité et les difficultés de concentration, d'attention et de mémoire de travail. L'assurée rapportait des limitations homogènes dans les différents domaines de la vie quotidienne, que ce soit dans les tâches ménagères, administratives ou le classement de ses dossiers. Du point de vue somatique, il n'y avait pas de limitation fonctionnelle. La capacité de travail de l'assurée était actuellement de 50% sans baisse de rendement d'un point de vue interdisciplinaire, les 10% de baisse de rendement liés aux migraines ne s'additionnant pas avec l'incapacité de travail due à l'atteinte psychiatrique, au vu de fait que l'assurée ne pouvait travailler qu'à 50% sous cet angle, à répartir sur la journée avec une pause d'une à deux heures.

Madame M______, psychologue spécialisée en neuropsychologie FSP, a complété l'expertise par un examen neuropsychologique de l'assurée, lequel a mis en évidence un dysfonctionnement exécutif, attentionnel ainsi qu'en mémoire de travail, une fragilité/déficit potentiel en mémoire épisodique non verbale, une fragilité de l'accès lexical sous forme d'un discours par moments peu fluide et de pertes de fil, ainsi que des signes cliniques de la lignée anxio-dépressive et d'une endurance environ limitée à deux heures. Ce profil d'atteinte exécutive/attentionnelle/en mémoire de travail associée à des signes anxio-dépressifs réalisait un trouble neuropsychologique de sévérité moyenne à légère sur le plan formel. Ce trouble comprenait l'atteinte cognitive légère associée à l'atteinte affective dont le psychiatre appréciait l'étendue dans son expertise. L'assurée disposait de bonnes ressources lui permettant d'affronter des tâches de complexité variable sur une durée limitée (deux heures sur les presque trois heures d'examen) et, après ce délai, elle ne parvenait pas à mobiliser efficacement ses ressources. Sur des activités contraignantes nécessitant de bonnes compétences attentionnelles, de planification, y compris de son discours, de faire face à l'imprévu et d'endurance, les limitations pouvaient être considérées comme moyennes.

Dans le cadre de l'expertise, l'assurée a remis aux experts plusieurs documents médicaux, notamment :

-          lettre de sortie à la suite de son séjour au service de psychiatrie adulte des HUG du 30 novembre 2021 au 10 janvier 2022 pour une mise à l'abri d'idées suicidaires et prise en charge d'un épisode dépressif sévère. Le rapport mentionne plusieurs problèmes pris en charge, dont un trouble affectif bipolaire de type 2, épisode actuel de dépression sévère avec, comme facteur de crise, des conflits avec la gérante de l'hôtel dans lequel réside l'assurée, un trouble anxieux et la présence d'une anxiété très importante durant toute l'hospitalisation, un trouble de la personnalité de type mixte (dépendance affective marquée, besoin d'attention et de caring), ainsi qu'un syndrome douloureux somatoforme persistant ;

-          lettre de sortie à la suite du séjour à la clinique de D______ du 8 au 28 février 2022 relevant que l'assurée avait participé activement à son programme thérapeutique et que l'éloignement de son contexte, le cadre thérapeutique et les activités proposées avaient permis une amélioration physique et psycho-émotionnelle. L'assurée disait avoir pu se remobiliser et se sentir moins limitée par les douleurs. Au niveau du moral, elle notait une amélioration de la thymie avec moins de pleurs ainsi qu'une diminution de la tristesse, de l'anxiété et des ruminations. Cette amélioration était objectivée par l'amélioration des échelles cliniques de la dépression (BDI-II passant de 47 à 29) et de l'anxiété (HAMA passant de 37/100 à 23/100). Sur le plan pharmacologique, aucune modification n'avait été effectuée.

i. Le 24 mai 2022, le SMR a jugé que le rapport d'expertise était complet et convaincant, de sorte que ses conclusions pouvaient être suivies. La capacité de travail de l'assurée dans son activité habituelle et dans une activité adaptée était donc de 90% dès mars 2011, de 50% dès mai 2017, de 0% dès décembre 2019 et de 50% dès mars 2022, en raison d'un trouble affectif bipolaire, épisode actuel sévère, en rémission (F31.4), d'une agoraphobie sans trouble panique (F40.00) et de migraines. Les limitations fonctionnelles de l'assurée étaient les suivantes : difficultés à mobiliser ses ressources pendant un long moment, mauvaise qualité de la gestion du stress, fatigabilité et difficultés de concentration, d'attention et de mémoire de travail.

j. L'OAI a fait procéder à une enquête économique au vu de l'activité professionnelle indépendante de l'assurée. Le rapport établi le 3 août 2022 après entretien avec l'assurée dans sa résidence fait état de ce qu'elle exerçait une activité professionnelle depuis des années à des taux variables, en fonction de son état de santé. Son dernier emploi salarié avait été celui d'assistante de direction dans une société de gestion de fortune, de janvier 2012 à octobre 2013. À partir de 2013, elle avait commencé en parallèle une activité indépendante en raison individuelle, ce qui lui permettait d'avoir des horaires plus flexibles. Elle avait été licenciée de son emploi salarié en raison de ses absences médicales et avait ensuite poursuivi uniquement l'activité indépendante, qui lui permettait d'organiser son rythme de travail. Sa capacité de travail diminuait cependant de jour en jour et elle n'arrivait plus à faire face, prenant du retard dans l'exécution des mandats, et avait ainsi fini par perdre sa clientèle et s'endetter. Au jour de l'entretien, selon l'assurée, il lui était impossible de reprendre une activité professionnelle, car elle souffrait d'agoraphobie, était toujours en dépression et souffrait de douleurs dues à sa fibromyalgie. L'évaluatrice a mentionné que l'assurée était intimidée et stressée par l'entretien, qu'elle tremblait des mains et des jambes, qu'elle se déplaçait avec une canne et avait été en larmes durant toute l'entrevue. L'assurée avait encore des classeurs comptables de ses clients dans sa chambre d'hôtel, qu'elle n'arrivait pas à leur restituer, n'arrivant même pas à prendre contact avec eux pour les leur rendre. Certains clients continuaient de l'appeler mais malgré leurs demandes, elle n'arrivait pas à classer ces documents. Elle essayait, avait de la peine, renonçait, puis essayait à nouveau sans succès. S'agissant des revenus de l'assurée, lorsqu'elle était en pleine capacité de travail, celle-ci avait démontré pouvoir dégager un revenu variant entre CHF 85'000.- et CHF 91'000.-. Le revenu hypothétique sans invalidité devait donc être estimé à CHF 88'724.-, correspondant au revenu moyen des années 2007-2010 et 2017, meilleures années salariales. Cependant, en fonction des conclusions médicales du SMR retenant une incapacité de travail de l'assurée similaire dans toutes activités, y compris l'activité habituelle, il était superflu de procéder à une comparaison des revenus avec et sans invalidité, le degré d'invalidité se confondant avec l'incapacité de travail.

k. Par projet de décision du 31 août 2022, l'OAI a dit que l'assurée avait droit à une rente entière d'invalidité à partir du 1er juillet 2020 et à une demi-rente dès le 1er mars 2022. Dans une activité adaptée à son état de santé, sa capacité de travail se confondait avec sa capacité de gain.

l. Dans le délai prolongé qui lui avait été accordé pour faire valoir ses observations à la suite d'une erreur dans la notification du projet de décision, l'assurée a indiqué, le 28 octobre 2023, qu'elle contestait l'octroi d'une demi-rente d'invalidité. Ses différents problèmes de santé étaient encore présents et elle était toujours dans l'incapacité totale de travailler depuis le mois de mars 2022. Elle avait par ailleurs poursuivi son suivi psychiatrique en privé et était suivie par la docteure N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, laquelle attendait une demande de rapport médical ad hoc de la part de l'OAI.

m. Par décision du 26 juillet 2023, l'OAI a maintenu son projet de décision, relevant que les éléments produits dans le cadre de l'audition ne permettaient pas de modifier sa précédente appréciation.

C. a. Par acte du 14 septembre 2023 déposé devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), l'assurée a interjeté recours contre la décision précitée, sous la plume de son mandataire nouvellement constitué. Elle a conclu, préalablement, à pouvoir compléter son recours et, sur le fond, à l'annulation partielle de la décision et à ce qu'une rente entière d'invalidité continue à lui être octroyée dès le 1er mars 2022, sous suite de frais et dépens. Un rapport du 7 septembre 2023 de la Dre N______ a été joint au recours, attestant d'un suivi de la recourante à son cabinet depuis le 19 octobre 2022 en raison d'un trouble bipolaire de type 2 et de fibromyalgie. Le traitement médicamenteux avait été modifié et son suivi psychothérapeutique intensifié depuis la fin de sa prise en charge au CAPPI. Malgré ces différentes mesures thérapeutiques et une amélioration significative du niveau d'activité de la recourante, les périodes de stabilité de l'humeur n'étaient pas durables – au maximum de deux mois – et une importante fatigue quotidienne empêchait toute perspective de reprise d'activité professionnelle à temps partiel. L'incapacité de travail de la recourante après presque onze mois de suivi régulier était toujours de 100%, même si elle visait recouvrer une capacité de travail grâce à ses différents intervenants (infirmière à domicile, ergothérapeute, médecin généraliste et médecin psychiatre).

b. Par mémoire de réponse du 23 octobre 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise, la recourante n'alléguant aucun fait précis et ne faisant mention d'aucun élément susceptible de remettre en cause ses conclusions, tant sur le plan médical que concernant le calcul du taux d'invalidité. Elle n'expliquait pas dans quelle mesure le rapport de la Dre N______ était susceptible de remettre en question les conclusions de l'expertise pluridisciplinaire, dont le rapport était plus détaillé que les autres pièces au dossier, se fondait sur une étude attentive de celui-ci et remplissait toutes les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

c. Par réplique du 21 novembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions et contesté que son activité habituelle était celle d'une comptable indépendante, soulignant qu'elle avait déjà été en arrêt de travail lors de son activité de comptable pour une société d'import-export en 2011, ce qui avait conduit à une expertise diligentée par l'assurance perte de gains, et qu'elle s'était mise à son compte en 2013 alors qu'elle avait déjà des problèmes de santé. Elle est par ailleurs revenue sur son parcours médical et ses hospitalisations, a qualifié de honteuses les conclusions du Dr K______ qui retenait une capacité de travail de 50% en tant que comptable indépendante dès le 1er mars 2022 alors qu'elle venait de sortir de sa dernière hospitalisation et qu'elle avait été vue par lui le 13 mars 2022, et a sollicité à pouvoir compléter son écriture, étant dans l'attente de renseignements médicaux supplémentaires de la Dre N______.

d. Par écriture complémentaire du 25 janvier 2024, la recourante a souligné que le volet psychiatrique de l'expertise du I______ SA devait se voir dénier toute valeur probante. L'expert psychiatre avait validé l'ensemble des diagnostics posés par ses médecins traitants tout en retenant une capacité de travail de 50% dans son activité habituelle de comptable indépendante dès le 1er mars 2022. Or, tout lecteur attentif du dossier aurait dû remarquer que ses problèmes de santé ayant un impact sur sa capacité de travail avaient débuté en 2011. Elle n'avait ainsi jamais eu de véritable capacité complète ou importante de travail en tant que comptable indépendante, ce qui se reflétait dans ses revenus, inférieurs à ceux obtenus en tant que salariée. Il était donc erroné de retenir que cette activité pouvait être son activité habituelle. La recourante a par ailleurs exposé qu'elle avait été déclarée en faillite personnelle en 2019, qu'elle s'était vue saisir sa maison, qu'elle avait dû recourir à l'aide de l'Hospice général et vivait en foyer. Dans ces circonstances, prétendre, comme le faisait l'expert psychiatre, qu'elle avait récupéré une capacité de travail de 50% dans une activité de comptable indépendante était aberrant, ce d'autant plus que la justification résidait dans le fait qu'elle lui aurait expliqué faire plus le matin, s'occupant notamment du classement de ses dossiers. L'expert confondait ainsi des activités administratives personnelles avec un travail, ce qui en disait long sur la valeur probante de son expertise. L'examen neuropsychologique réalisé par le I______ SA démontrait enfin qu'elle était totalement incapable d'exercer une activité de comptable, qu'elle soit dépendante ou indépendante.

e. Le 4 mars 2024, la recourante a produit un certificat de la Dre N______ du 15 février 2024 listant les diagnostics l'affectant (trouble bipolaire de type 2 avec une alternance d'épisodes dépressifs majeurs de degré moyen à sévère et d'épisodes hypomanes ou plus rarement maniaques, trouble panique avec agoraphobie, en rémission partielle, hypersensibilité viscérale, fibromyalgie, syndrome du tunnel carpien bilatéral, migraines et endométriose) et expliquant que l'incapacité de travail était invariablement de 100% selon une évaluation régulière depuis seize mois, malgré des progrès significatifs. La médecin précisait par ailleurs qu'il était inapproprié d'assumer le niveau de stress inhérent au statut d'indépendante, mais que le diagnostic de trouble bipolaire n'avait été diagnostiqué qu'en 2017, soit bien après ce choix professionnel. La recourante a soutenu qu'une telle activité n'était non seulement pas exigible à l'époque – ce qui avait été confirmé par ses revenus en baisse, sa subséquente faillite personnelle et la nécessité d'être assistée par l'Hospice général –, mais encore moins à la sortie de son hospitalisation au mois de mars 2022.

f. Dans des déterminations du 26 mars 2024, l'intimé a persisté dans ses conclusions et produit un nouvel avis médical du SMR, du 25 mars 2024. Aux termes de celui-ci, le rapport de la Dre N______ du 15 février 2024 ne permettait pas de remettre en cause l'évaluation des experts spécialistes des atteintes somatiques. S'agissant du trouble panique avec agoraphobie en rémission partielle diagnostiqué par la psychiatre traitante, les attaques de panique étaient liées à l'état de stress post-traumatique dont avait souffert l'assurée, atteinte qui avait depuis lors disparu. Le diagnostic d'agoraphobie sans trouble panique retenu par l'expert était donc plus approprié. Celui-ci avait par ailleurs suggéré une augmentation des doses de l'antidépresseur au regard de la récupération très lente sur le plan dépressif, de sorte que les changements auxquels avait procédé la psychiatre traitante avaient été envisagés dans l'expertise. Concernant le trouble bipolaire, l'évaluation de l'expert était plus convaincante car les épisodes maniaques relevés par la Dre N______ excluaient selon la CIM-10 le diagnostic de trouble bipolaire de type 2 qu'elle posait pourtant. S'agissant de l'évaluation de la capacité de travail, l'expertise était plus concluante que l'appréciation de la psychiatre traitante, car la première avait analysé de manière précise, à l'aide de la mini-ICF, les capacités, ressources et difficultés de la recourante. Il n'y avait par ailleurs pas d'incohérence entre les conclusions du bilan neuropsychologique et les conclusions de l'expert psychiatre. La recourante avait des ressources personnelles et sociales importantes, illustrées par l'augmentation de son taux d'activité d'indépendante entre 2012 et 2014 et aussi relevées par l'experte en médecine interne, qu'il convenait de prendre en compte dans l'évaluation de sa capacité de travail. Il existait en outre des traitements spécifiques efficaces pour soigner l'atteinte psychiatrique, dont la recourante bénéficiait actuellement. Par conséquent, le rapport du 15 février 2024 n'avait pas apporté d'éléments cliniques objectifs tendant à remettre en question les conclusions du SMR, basées sur le rapport d'expertise pluridisciplinaire.

g. Le 22 avril 2024, la recourante a sollicité sa comparution personnelle afin qu'elle puisse expliciter et détailler son parcours professionnel et les circonstances dans lesquelles elle avait débuté son activité indépendante. Son audition permettrait également d'expliciter dans quelle mesure son état de santé s'était dégradé au fil des ans, ainsi que les circonstances de ses deux dernières hospitalisations. Concernant l'avis du SMR du 25 mars 2024, il devait se voir dénier toute valeur probante, ayant été rédigé par une personne titulaire d'un diplôme fédéral de médecin-dentiste et de médecin, autorisée à pratiquer l'odontologie et la médecine de famille, le cabinet désigné comme adresse du droit de pratique ne réalisant cependant que des actes de médecine ORL et de chirurgie médico-faciale.

h. Ladite écriture a été transmise à l'intimé.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

Conformément aux principes généraux en matière de droit intertemporel, les règles de droit déterminantes en cas de modification du droit sont celles qui étaient en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 149 II 320 consid. 3 ; 148 V 174 consid. 4.1 et les références). En application de ce principe général du droit intertemporel, lorsqu’un état de fait durable s’est produit en partie avant et en partie après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, le droit à une rente d’invalidité doit être examiné pour la première période selon les dispositions de l’ancien droit et pour la deuxième période selon les nouvelles règles. Les réglementations transitoires particulières sont réservées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_505/2023 du 26 juin 2024 consid. 2.2 et la référence).

Selon la let. b des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020, pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (al. 1). La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA si l’application de l’art. 28b LAI se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction (al. 2).

En application des principes susvisés, l'octroi d'une rente d'invalidité jusqu'au 31 décembre 2021 doit être régi par les dispositions légales en vigueur jusqu'à cette date, et le droit ultérieur à la rente doit être régi par les nouvelles dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2022. La recourante n'avait en effet pas encore 55 ans au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit et l'on ne se trouve pas dans le cas de figure de l'al. 2 (réduction du taux d'invalidité couplée à une augmentation de la rente).

Dans la mesure où l'intimé reconnaît à la recourante le droit à une rente entière d'invalidité avant le 1er mars 2022 – en sorte que seule est litigieuse la quotité de la rente dès cette date –, les dispositions légales seront citées dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022, celles-ci étant déterminantes pour la résolution du cas d'espèce.

4.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement
(art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur la quotité de la rente depuis le 1er mars 2022.

6.              

6.1 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'article 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

6.2 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3 En l'espèce, l'intimé a réduit la quotité de la rente d'invalidité allouée à la recourante dès le 1er mars 2022 en se fondant sur les conclusions de l'expert psychiatre, qui avait retenu que son état de santé s'était amélioré dès cette date.

La recourante conteste la force probante de l'expertise psychiatrique.

L'expert psychiatre indique partager l'avis des médecins traitants concernant l'incapacité de travail totale de la recourante dès son hospitalisation de décembre 2019. Il note cependant une évolution favorable de son état psychique depuis la dernière hospitalisation de février 2022, motivée par une amélioration sur le plan de l'humeur, la disparition des idées suicidaires scénarisées et l'accomplissement de travail administratif le matin. La recourante parvient en outre à faire face aux tâches élémentaires de la vie quotidienne, bien que le volume de celles-ci soit limité du fait qu'elle vit dans une résidence où le ménage est réalisé par une personne tierce. L'évaluation neuropsychologique montre enfin qu'elle parvient à mobiliser ses ressources attentionnelles pendant deux heures d'affilée. Il estime ainsi qu'à partir de la sortie de l'hôpital de la recourante, celle-ci est en mesure de travailler à 50% dans son activité habituelle et dans une activité adaptée.

Concernant l'amélioration de l'état psychique de la recourante après son dernier séjour à la clinique de D______, il est certes vrai que la lettre de sortie du 15 mars 2022 fait mention d'une amélioration de sa thymie ainsi que d'une diminution de sa tristesse, de son anxiété et de ses ruminations. Cependant, les effets bénéfiques sont liés, d'après le rapport, à l'éloignement du contexte de vie, au cadre thérapeutique et aux activités proposées. Il apparaît en outre que le traitement reste inchangé sur le plan pharmacologique et que, si les scores de dépression et d'anxiété se sont certes améliorés, ils font encore état d'une dépression sévère selon l'inventaire de dépression de Beck (BDI-II ; score de 29) et d'une anxiété modérée, mais proche du palier de l'anxiété sévère (échelle de Hamilton ; score de 23). Ainsi, il n'est pas exclu de penser que l'évaluation de l'expert, fondée sur une seule consultation du 13 mars 2022, est influencée par les effets positifs de plusieurs récentes semaines d'hospitalisation de la recourante (du 30 novembre 2021 au 10 janvier 2022 et du 8 au 28 février 2022). L'expert n'argumente en outre pas assez pour quelle raison la recourante aurait récupéré une capacité de travail durable dès la fin de sa dernière hospitalisation, alors qu'il juge que de décembre 2019 à février 2022 l'évolution était trop chaotique et les périodes d'amélioration trop courtes ou trop fluctuantes pour attester d'une amélioration pérenne. Il fonde par ailleurs son appréciation sur le fait que la recourante lui aurait expliqué accomplir beaucoup de tâches administratives le matin. L'anamnèse dressée par le psychiatre indique cependant que la recourante conserve encore plusieurs archives de ses anciens clients, qu'elle essaye de les classer mais n'est pas encore arrivée à le faire complètement et que la veille, un ancien client l'avait appelée et insultée, car elle n'avait pas encore réussi à finir son classeur. Aucun progrès ne semble avoir été réalisé sur ce plan après la date du rendez-vous avec l'expert, puisque, lors de l'enquête économique effectuée en août 2022 – soit près de cinq mois plus tard – les mêmes difficultés sont relevées. Il est ainsi permis de s'interroger sur le caractère durable de l'amélioration de la santé psychique de la recourante constatée par l'expert, étant souligné que, pour modifier le droit aux prestations, l'amélioration doit se maintenir durant une assez longue période, soit durer trois mois au moins, sans interruption durable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (art. 88a al. 1 RAI). Il sied enfin de rappeler que la psychiatre traitante a, pour sa part, attesté d'une incapacité totale de travail de la recourante depuis qu'elle la suit à son cabinet (octobre 2022). Dans ces circonstances, des doutes existent quant à la conclusion selon laquelle la recourante disposerait d'une capacité de travail de 50% sur le plan psychique dès le 1er mars 2022.

D'autres conclusions de l'expertise pluridisciplinaire manquent de clarté ou de motivation. Tel est le cas de l'expertise rhumatologique qui retient que les divers troubles affectant la recourante (fibromyalgie, syndrome lombo-vertébral chronique sur dysbalance musculaire avec insuffisance de la sangle abdominale, obésité, déconditionnement physique, probable syndrome du canal carpien à gauche) n'ont aucune répercussion sur sa capacité de travail, sans toutefois argumenter de façon conséquente cette appréciation. Sont en effet seulement évoqués le fait que la recourante ne présente pas de limitations dans tous les domaines de sa vie et qu'il existe des divergences entre les symptômes décrits et son comportement en situation clinique. Or, il ressort de l'anamnèse que la recourante se sent limitée dans tout ce qu'elle fait, en particulier dans la tenue du ménage, qu'elle doit faire une sieste chaque jour, qu'elle ne peut maintenir plus d'une heure la position assise ou marcher plusieurs kilomètres d'affilée. Le descriptif d'une journée-type met en outre en avant qu'elle a besoin d'une à deux heures le matin pour se mettre en route en raison du dérouillage lié aux douleurs, qu'elle fait une promenade avec son ergothérapeute deux fois par semaine, qu'elle regarde la télévision, qu'elle n'a pas de loisirs et que, concernant la tenue du ménage, elle bénéficie de l'aide d'une femme de ménage. La recourante fait ainsi uniquement sa lessive, aide à nettoyer les tables et à faire la vaisselle et ne fait ni les courses ni les repas. Sur la base de ces éléments et sans autre explication, il est difficile de comprendre la conclusion de l'expert rhumatologue selon laquelle il n'y a aucun signe de gravité incapacitant au sens médico-théorique dans tous les domaines de la vie. Par ailleurs, concernant la fibromyalgie, la jurisprudence a considéré que bien que ce diagnostic soit d'abord le fait d'un spécialiste en rhumatologie, une expertise psychiatrique est en principe nécessaire pour se prononcer sur l'incapacité de travail qu'engendre un tel trouble qui, du point de vue juridique, est similaire aux troubles somatoformes douloureux (douleurs non expliquées par un substrat organique) et doit être traité comme ceux-ci (ATF 132 V 65 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_710/2023 du 28 juin 2024 consid. 6.1). Or, en l'occurrence, bien qu'une expertise psychiatrique a été réalisée, elle n'analyse cependant pas si la fibromyalgie a un impact sur la capacité de travail de la recourante et cette question ne semble pas non plus avoir été abordée lors de l'évaluation consensuelle.

Il existe ainsi des doutes sur la valeur probante de l'expertise mise en œuvre par l'intimé, sur laquelle il s'est fondé pour fixer l'étendue des prestations octroyées à la recourante.

Cependant, pour les raisons qui suivent et par économie de procédure, la chambre de céans renonce à instruire plus avant cet élément et à se prononcer sur la capacité de travail de la recourante dès le 1er mars 2022.

7.              

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

En vertu de l’art. 28b LAI entré en vigueur le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3).

7.2 La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

Chez les assurés qui exerçaient une activité lucrative à plein temps avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique, il y a lieu de déterminer l'ampleur de la diminution de leurs possibilités de gain, en comparant le revenu qu'ils auraient pu obtenir s'ils n'étaient pas invalides avec celui qu'ils pourraient obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée d'eux après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré ; c'est la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA) et ses sous-variantes, la méthode de comparaison en pour-cent et la méthode extraordinaire de comparaison des revenus (ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 et les références).

Selon la méthode générale de comparaison des revenus, pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et les références ; 129 V 222 ; 128 V 174). Quand la comparaison des revenus est effectuée dans le cadre d'une révision de la rente, il convient de se placer au moment où le droit à la rente est modifié, en tenant compte, dans
l'assurance-invalidité, des constellations prévues aux art. 88a et 88bis RAI (Margrit MOSER-SZELESS, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 41 ad art. 16 LPGA).

La méthode de comparaison en pour-cent consiste à fixer la perte de gain d'un assuré directement sur la base de son incapacité de travail. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques : le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité (ATF 119 V 475 consid. 2b ; 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4.1). L'application de cette méthode se justifie lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l'activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n'a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle, en raison, par exemple, d'un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références).

Une simple comparaison de pourcentage peut suffire lorsque l’assuré dispose d’une capacité résiduelle de travail dans son activité habituelle et qu’aucune autre activité n’est mieux adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité est alors identique au taux d’incapacité de travail (cf. ATF 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2022 du 12 septembre 2023 consid. 6 et les références).

Dans le cas de personnes de condition indépendante, le Tribunal fédéral a considéré que l'application de la comparaison en pour-cent ne tenait pas suffisamment compte du fait que la gestion d'une structure commerciale engendre des charges fixes et incompressibles, telles que loyer, mobilier ou assurances, qui sont indépendantes de la variation du degré d'activité. Une diminution du chiffre d'affaires ne se traduit donc pas par une diminution proportionnelle du bénéfice. De telles circonstances nécessitent bien plutôt l'examen concret de la situation de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 4.2 et 4.3).

7.3 En l'espèce, s'agissant de la méthode d'évaluation de l'invalidité, l'intimé n'a pas procédé à une comparaison des revenus, considérant que l'incapacité de travail de la recourante était similaire dans toutes activités, y compris dans l'activité habituelle, et qu'elle se confondait donc avec son incapacité de gain.

La chambre de céans ne partage pas cette analyse. Certes, aux termes de l'expertise pluridisciplinaire, la recourante est-elle à même de travailler, dès le 1er mars 2022, à 50% dans son activité habituelle et dans une activité adaptée. Cependant, il n'apparaît pas que l'activité habituelle est mieux adaptée aux limitations fonctionnelles de la recourante. Selon l'expert psychiatre, la recourante est en effet limitée par les conséquences des troubles dépressifs, à savoir présente des difficultés à mobiliser ses ressources pendant un long moment, gère mal son stress, présente une fatigabilité et des difficultés de concentration, d'attention et de mémoire de travail. L'examen neuropsychologique a par ailleurs mis en évidence que la recourante présente des atteintes cognitives considérées comme moyennes sur des activités contraignantes nécessitant notamment de bonnes compétences attentionnelles et de planification. Compte tenu des aptitudes que requiert une activité de comptable, notamment de bonnes facultés de concentration et d'attention, il ne peut être affirmé que ce métier est mieux adapté aux limitations fonctionnelles de la recourante. Une profession moins exigeante sur le plan intellectuel correspond au contraire mieux à ses aptitudes. Il s'ensuit que l'intimé a appliqué à tort la méthode de comparaison en pour-cent. Cela est d'autant plus vrai que cette méthode ne reflète pas fidèlement l'invalidité d'un assuré lorsque celui-ci est indépendant et ne doit pas être appliquée dans ce cas de figure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 4.2 et 4.3 ; ATAS/189/2019 du 6 mars 2019 consid. 10b/aa).

L'on rappellera en outre que la tâche du médecin consiste en premier lieu à déterminer les limitations fonctionnelles, tandis que l'évaluation des activités adaptées à ces limitations est du ressort de l'administration ou, en cas de litige, du juge (ATF 140 V 193 consid. 3.2 ; 107 V 17 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_545/2012 du 25 janvier 2013 consid. 3.2.1).

Dans le cas d'espèce, il n'existe par conséquent pas de raison de s'éloigner de la méthode ordinaire de la comparaison des revenus pour fixer le degré d'invalidité de la recourante.

7.3.1 Selon l'art. 26 al. 1 RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022, le revenu sans invalidité (art. 16 LPGA) est déterminé en fonction du dernier revenu de l’activité lucrative effectivement réalisé avant la survenance de l’invalidité. Si le revenu réalisé au cours des dernières années précédant la survenance de l’invalidité a subi de fortes variations, il convient de se baser sur un revenu moyen équitable.

En l'occurrence, dans son enquête économique, l'intimé a mentionné le chiffre de CHF 88'724.-, correspondant à la moyenne des revenus réalisés par la recourante durant les années 2007 à 2010 et 2017, relevant qu'elle avait démontré pouvoir dégager un revenu sans invalidité variant entre CHF 85'000.- et CHF 91'000.- lorsqu'elle était en pleine capacité de travail. En 2017, alors qu'elle était indépendante, la recourante avait en particulier été mandatée pour chercher un appartement pour un client du Moyen-Orient et avait, de ce fait, perçu une commission immobilière lui ayant permis d'obtenir un gain similaire à celui perçu entre les années 2010 et 2011. Il ressort par ailleurs de l'extrait de compte individuel de la recourante que ses revenus se sont élevés à CHF 90'120.- en 2007, CHF 91'000.- en 2008, CHF 89'300.- en 2009, et CHF 85'800.- en 2010. Entre 2011 et 2019, année de la fin de son activité indépendante, les revenus ont été plus bas, oscillant entre CHF 25'000.- et CHF 61'000.- environ, hormis l'année 2017 où un revenu de CHF 87'400.- est inscrit.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans estime qu'il se justifie, en application de l'art. 26 al. 1 2e phrase RAI, de prendre en compte la moyenne des revenus réalisés par la recourante entre 2007 et 2010 afin de déterminer le revenu annuel moyen. L'on aboutit ainsi à un revenu de CHF 89'055.-, proche de celui retenu par l'intimé, mais qui ne tient pas compte de l'année 2017, année durant laquelle sa capacité de travail était déjà réduite à 50% dès le mois de mai selon les conclusions du SMR. L'année 2017 apparaît ainsi moins représentative de ce que la recourante aurait gagné sans atteinte à la santé, même si son résultat reste proche des salaires antérieurs, en raison d'une commission importante.

Le revenu sans invalidité à prendre en considération, après indexation en fonction de l'évolution des salaires, doit donc être fixé à CHF 97'426.-, étant souligné qu'il faut appliquer soit le chiffre définitif de l'indice suisse des salaires nominaux publié au moment déterminant de la décision litigieuse, soit la plus récente estimation trimestrielle (cf. ATF 143 V 295 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2) et qu'il faut tenir compte des valeurs spécifiques au sexe (ATF 129 V 408) (CHF 89'055.- x 9.4% correspondant à l'évolution des salaires nominaux des femmes entre 2010 et 2022 selon le tableau T1.2.10, publié le 24 avril 2023).

7.3.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). L'art. 26bis al. 2 RAI entré en vigueur le 1er janvier 2022 le prévoit désormais expressément.

Il y a lieu de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a estimé qu’il n’existait pas de motifs sérieux et objectifs justifiant une modification de sa jurisprudence relative à l’application des ESS dans le cadre de la détermination du degré d’invalidité des assurés (ATF 148 V 174).

Depuis la 10e édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012 ; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules. L'application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières. L'accent est donc mis sur le type de tâches que l'assuré est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes. Il faut encore préciser que l'expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir un assuré – sans formation commerciale ni autre qualification particulière acquise pendant l'exercice de la profession – ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2, dès lors que dans la plupart des secteurs professionnels un diplôme ou du moins des formations et des perfectionnements (formalisés) sont exigés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2023 du 14 juin 2024 consid. 6.1 et les références, destiné à la publication).

Pour la détermination du niveau de compétences, il y a lieu de rappeler que l'accent est avant tout mis sur le type de tâches que l'assuré est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2023 du 14 juin 2024 consid. 6.4 et les références, destiné à la publication). L'application du niveau de compétence 2 a été admis dans le cas d'un entrepreneur de jardinage indépendant qui avait travaillé pendant de nombreuses années en tant que contremaître, chez une vendeuse de textiles qui avait terminé son apprentissage avec d'excellentes notes et avait ensuite rapidement accédé à un poste de responsable de filiale, chez un gérant et directeur d'une entreprise de construction qui disposait à la base d'une formation de charpentier et qui avait fait une formation continue pour devenir contremaître et directeur de projet, chez un charpentier indépendant qui, au sein de son entreprise, effectuait aussi des tâches administratives et qui était responsable de quatre collaborateurs et de deux apprentis ou encore chez un assuré qui n'avait pas de diplôme d'apprentissage mais qui était chef d'une entreprise dans l'industrie de la construction et avait, avant son atteinte à la santé, un revenu nettement supérieur à celui qu'il aurait pu obtenir en tant qu'employé. En revanche, dans le cas d'un carreleur qui, durant les 30 ans de son activité lucrative indépendante, n'avait jamais effectué des tâches administratives, le Tribunal fédéral a considéré que l'assuré ne disposait pas de compétences ou de connaissances particulières et qu'il fallait donc déterminer le revenu d'invalide en appliquant le niveau de compétence 1. Il en a fait de même dans le cas d'une assurée qui avait travaillé de nombreuses années en tant qu'infirmière mais qui n'avait pas de formation commerciale ni d'expérience dans ce domaine (arrêt du Tribunal fédéral 9C_780/2023 du 23 avril 2024 consid. 3.2 et les références).

Dans le cas d'espèce, il est constant que la recourante n'a pas repris une activité professionnelle. Il se justifie donc de recourir à l'ESS afin de fixer le revenu avec invalidité.

Au moment du prononcé de la décision litigieuse, l'ESS 2020 avait été publiée, raison pour laquelle il faut se fonder sur les données de cette enquête, après les avoir adaptées à l'horaire usuel de la branche, et les avoir indexées à l’année déterminante, en tenant compte des valeurs spécifiques au sexe (ATF 129 V 408).

Il en résulte ainsi un revenu avec invalidité de CHF 54'240.- (CHF 4'276.- de revenu mensuel brut pour une femme en 2020, toutes professions confondues, niveau 1, adapté à 41.7 heures de travail [+ 4.25%] et indexé à 2022 [+ 1.39%], multiplié par douze), pour une capacité de travail entière.

En partant de l'hypothèse que les conclusions des experts, reprises par l'intimé, au sujet de la capacité de travail de la recourante soient probantes, il en résulterait, dès le mois de mars 2022, un revenu d'invalide de CHF 27'120.-, fondé sur une capacité de travail de 50%.

7.3.3 En vertu de l'art. 26bis al. 3 RAI dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2022, si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis RAI, ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est opérée sur la valeur statistique.

Dans un arrêt de principe (8C_823/2023 du 8 juillet 2024, destiné à la publication), le Tribunal fédéral a considéré que le régime de déduction sur les salaires statistiques des ESS, tel que prévu de manière exhaustive à l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), n’est pas compatible avec le droit fédéral. Le Tribunal fédéral a relevé notamment qu’il ressortait des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LAI (Développement continu de l’AI), que la jurisprudence actuelle en matière d’abattement devait être, pour l’essentiel, reprise et que la méthode d’évaluation du taux d’invalidité devait, en principe, rester inchangée (cf. consid. 9.4.2). Or, en limitant la déduction à 10% dans le cas où les capacités fonctionnelles de la personne assurée ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins (cf. art. 26bis al. 3 RAI), le Conseil fédéral avait choisi une autre voie (consid. 9.4.3). Par conséquent, si en raison des circonstances du cas d’espèce, le salaire statistique des ESS doit être adapté au-delà de ce que prévoit l’art. 26bis al. 3 RAI, il y a lieu recourir, en complément, à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Tribunal fédéral (consid. 10.6).

En l'occurrence, la question de savoir si le revenu avec invalidité doit faire l'objet d'un abattement supérieur à 10% ne nécessite pas d'examen approfondi. En effet, même en tenant compte de l'abattement de 10% prévu par l'art. 26bis al. 3 RAI, le revenu avec invalidité s'élèverait à CHF 24'408.- et la perte de gain de la recourante serait supérieure à 70%, lui ouvrant le droit à une pleine rente d'invalidité ([97'426 - 24'408] x 100 : 97'426 = 75%).

Une invalidité de 70% devrait aussi être admise si le niveau de compétence du revenu avec invalidité fondé sur les statistiques devait être le niveau 2, et non le niveau 1. Selon l'ESS, le revenu mensuel brut de niveau 2 des femmes en 2020 était, toutes professions confondues, de CHF 5'046.-. Après adaptation à l'horaire usuel de travail et indexation, le revenu d'invalide serait de CHF 63'996.-. En tenant compte d'une capacité de travail de 50% et d'une déduction de 10%, le revenu d'invalide s'élèverait à CHF 28'798.- et la perte de gain à 70% ([97'426 - 28'798] x 100 : 97'426 = 70%).

Au surplus, l'art. 26bis al. 3 RAI a fait l'objet d'une modification et prévoit, depuis le 1er janvier 2024, qu'une déduction de 20% sur le salaire avec invalidité fondé sur les statistiques est opérée lorsque l'assuré ne peut travailler qu'avec une capacité fonctionnelle de 50% ou moins. La perte de gain dès cette date est ainsi encore plus élevée et une révision du droit à la rente devrait être initiée, à supposer qu'une invalidité inférieure à 70% ait été fixée (cf. al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 18 octobre 2023).

Au vu de ce qui précède, une rente entière d'invalidité doit continuer d'être versée à la recourante après le 1er mars 2022 compte tenu de son degré d'invalidité, fixé en fonction de sa perte de gain.

Il n'apparaît ainsi pas nécessaire de faire suite aux mesures d'instruction sollicitées par la recourante.

8.             Le recours est admis et la décision du 26 juillet 2023 est partiellement annulée en ce qu'elle réduit la rente d'invalidité à une demi-rente dès le 1er mars 2022. La recourante continue d'avoir droit à une rente d'invalidité entière dès cette date.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule partiellement la décision du 26 juillet 2023.

4.        Dit que la recourante continue d'avoir droit à une rente entière d'invalidité dès le 1er mars 2022.

5.        Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le