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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1475/2024

ATAS/715/2024 du 19.09.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1475/2024 ATAS/715/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 septembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Yann ZOSSO, avocat

 

 

ecourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1986, a travaillé en qualité de monteur-électricien dans le cadre de contrats de mission. À ce titre, il était assuré contre les accidents auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 6 juin 2019, l’assuré a subi un accident sur un chantier, lors duquel il s’est blessé à la main et à la cheville. La SUVA a versé des indemnités journalières en raison d’une incapacité de travail totale de cette date au 14 juillet 2019, puis d’une capacité de travail de 50% du 15 juillet au 27 octobre 2019.

c. Le 19 novembre 2019, l'assuré a subi un nouvel accident sur son lieu de travail. Selon la déclaration remplie par son employeur, il a reçu un éclat dans l'œil alors qu'il perforait du béton au plafond.

d. À la demande de la SUVA, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie de la main, a examiné l’assuré le 3 février 2020. Il a relaté une chute sur le poignet gauche lors de l’accident du 6 juin 2019, ayant entraîné une possible lésion du scaphoïde gauche et une entorse de la cheville droite. Les radiographies initiales montraient possiblement une fracture oblique long en zone IV du scaphoïde. L’assuré avait repris son activité professionnelle à 100% le 20 janvier 2020. Il se plaignait de douleurs en utilisant la force, qui s’associaient à un œdème en cas d’utilisation répétitive du poignet. Le 2 mars 2020, le Dr B______ a indiqué à la SUVA qu’un récent scanner réalisé avait objectivé un trait de fracture à la portion distale du scaphoïde avec un kyste de fragilisation au niveau du pôle distal. Ce médecin a considéré que les choses devraient progressivement revenir à la normale.

e. Une nouvelle incapacité de travail a été attestée du 25 mars au 24 mai 2020 par la docteure A______, médecin généraliste. Dans son rapport du 27 avril 2020, cette praticienne a mentionné une fracture avec pseudarthrose du poignet gauche, dont le traitement et l’évolution étaient lents.

f. L’assuré a annoncé une rechute le 1er décembre 2020 à la SUVA en raison de douleurs du scaphoïde. Dans un rapport du 4 décembre 2020, son médecin traitant a diagnostiqué une fracture du scaphoïde gauche et une pseudarthrose, ainsi qu’une épicondylite droite.

g. Dans un rapport du 17 décembre 2020, la docteure D______, spécialiste en chirurgie de la main, a diagnostiqué des douleurs post-traumatiques du scapho-lunaire, une fracture pathologique sur lacune kystique du poignet gauche, ainsi qu’une épicondylite latérale du coude droit par compensation avec le membre contro-latéral. Une infiltration avait été tentée ce jour pour soulager les douleurs. La capacité de travail de l’assuré devrait être réévaluée en fonction des douleurs et de leur évolution. Dans un second rapport du 17 décembre 2020, la Dre D______ a noté que le scanner réalisé le jour même ne montrait plus de trait cortical, mais un aspect plus opaque de la zone kystique. Une infiltration scapho-trapézo-trapézoïdienne avait été réalisée pour déterminer si l’instabilité était à l’origine des douleurs.

h. Dans un avis du 13 janvier 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a considéré que l’atteinte au coude était sans lien avec l’accident.

La SUVA en a informé l’assuré par courrier du même jour.

i. Le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, ayant diagnostiqué le 8 mars 2021 une instabilité de la cheville, la SUVA a sollicité l’avis de la docteure G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Dans son rapport du 28 avril 2021, celle-ci a noté dans les antécédents une double entorse de la cheville droite en 2017, ayant entraîné un arrêt de travail du 23 août au 9 octobre 2017. L’assuré avait également subi un accident en novembre 2019, recevant un caillou au niveau du visage sur l’orbite gauche, avec une fracture de l’os papyracé gauche. Il n’avait pas de plainte particulière à ce niveau-là. Il se plaignait d’une raideur de la cheville. S’il marchait une heure, il devait se reposer deux heures. Il avait des douleurs périmalléolaires et portait une attelle en permanence, sauf la nuit. Après analyse des documents radiologiques et un examen clinique, la Dre G______ a diagnostiqué une entorse de la cheville droite le 23 août 2017, une entorse bénigne de la cheville droite le 6 juin 2019, une lésion ostéochondrale du pilon tibial antéro-externe ancienne ou récente, un impingement tibio-talien et tibio-fibulaire antéro-externe résiduel, et des pieds creux constitutionnels. Après l’accident de juin 2019, la cheville avait continué à être douloureuse. L’examen du jour ne révélait aucune instabilité ligamentaire externe de la cheville, ni même de la syndesmose tibio-fibulaire distale. L’IRM révélait une instabilité de la syndesmose de stade 1 à 2 en 2019. Ce degré d’instabilité était idéalement traité conservativement avec de bons résultats. Les douleurs décrites pouvaient être dues à un impingement tibio-talien des tissus mous, et une infiltration cortisonée pouvait être envisagée avant un geste chirurgical. La cheville n’était absolument pas enflée lors de l’examen, mais l’assuré signalait un gonflement à l’effort. Cette spécialiste s’est dite surprise du traitement antalgique chronique majeur, au vu du diagnostic d’entorse bénigne et de la reprise de travail sans problème pendant un an. Avant d’envisager une arthroscopie, elle préconisait un scanner pour déterminer la lésion ostéochondrale du pilon tibial. De plus, au vu des pieds creux constitutionnels, par définition instables, elle recommandait la fabrication de supports plantaires sur mesure. Il y avait lieu de renoncer au port de l’attelle.

j. Dans un avis du 19 mai 2021, un médecin du service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a noté une laxité clinique très évidente de la cheville droite malgré une IRM négative, qui a conduit à une arthroscopie pour stabilisation de cette cheville le 24 juin 2021.

k. La SUVA a sollicité un nouvel avis de la docteure H______, spécialiste FMH en chirurgie de la main. Celle-ci a examiné l’assuré le 15 juin 2021. Elle a diagnostiqué un status après fracture in situ du scaphoïde du poignet gauche avec une synovite résiduelle. L’assuré signalait une persistance des douleurs du poignet gauche. Après deux infiltrations de l’articulation en décembre 2020 puis en février 2021, seule une amélioration transitoire avait été notée. Un électroneuromyogramme du 25 mai 2021 avait révélé un syndrome du tunnel carpien bilatéral et un syndrome cubital droit très léger. Deux ans après la fracture initiale, des douleurs résiduelles n’étaient pas attendues. Il conviendrait de rechercher une chondropathie qui pourrait expliquer la persistance de la tuméfaction et des douleurs. En cas de chondropathie avérée et d’échec du traitement conservateur, une prise en charge chirurgicale pourrait être évoquée. La poursuite de l’activité de monteur électricien semblait compromise, et une reconversion professionnelle devait être envisagée.

l. Dans un rapport du 11 octobre 2021, le Dr B______ a diagnostiqué une brèche scapho-trapézo-trapézoïdienne post-traumatique sur des kystes préexistants, révélée par un récent scanner. Il a exposé les différentes options chirurgicales, notant toutefois qu’elles ne lui paraissaient pas indiquées dans le cas de l’assuré, en raison des risques de décompensation et d’aggravation de douleurs. Il n’avait plus de traitement à proposer.

m. Le Dr E______ a examiné l’assuré le 17 novembre 2021. Celui-ci rapportait une amélioration de ses douleurs de la cheville depuis l’intervention. Il disait n’utiliser que son bras droit. Ses douleurs au poignet étaient encore vives, et il portait une attelle plus ou moins en permanence. Le médecin d’arrondissement a posé les diagnostics de fracture partielle du scaphoïde avec atteinte du ligament scapho-trapézien au poignet gauche et d’entorse de la cheville. Il a noté qu’il était normal que l’assuré puisse obtenir un autre avis en France auprès d’un spécialiste reconnu, afin d’écarter tout doute quant aux conclusions du Dr B______. L’instabilité de la cheville et ses suites n’étaient pas en lien avec l’accident, pas plus que l’épicondylalgie du coude droit. Le Dr E______ niait l’existence même d’une instabilité à la cheville, et disait ne pas comprendre l’indication chirurgicale. L’intervention s’était limitée à une résection du ligament de Basset, dont il admettait qu’elle était « en vraisemblance prépondérante dans la pathologie développée par l’assuré ».

n. Lors d’une consultation au service de chirurgie orthopédique des HUG du 14 décembre 2021, les médecins n’ont pas retenu d’indication chirurgicale pour l’atteinte au poignet gauche. Une nouvelle infiltration n’était pas non plus préconisée, au vu du succès limité de celle déjà réalisée.

o. Le 4 janvier 2022, l’assuré a consulté le professeur I______, chirurgien orthopédiste à Lyon. Ce médecin a établi un certificat le 25 août 2022, selon lequel les radiographies et l’IRM ne montraient pas de lésions traumatiques évolutives. En l’absence d’éléments nouveaux et compte tenu des données cliniques lors de son examen du 4 janvier 2022, le diagnostic était celui d’arthrose radio-carpienne latérale débutante, qui semblait être confirmée par l’IRM.

p. Le 23 mars 2022, la Dre A______ a attesté que l’assuré ne pouvait porter de charges lourdes de plus de 2 kg ni marcher dans son activité professionnelle. Il nécessitait ainsi une formation sur 50% du temps de travail.

q. Dans un rapport du 28 juin 2022, les médecins du service de chirurgie orthopédique des HUG ont noté des douleurs à un an de la stabilisation externe de la cheville. Le bilan radiologique était rassurant, malgré quelques signes d’arthrose tibio-talienne. Une infiltration a été proposée. Celle-ci a été réalisée le 3 août 2022 et a amené une amélioration des douleurs.

r. L’assuré a également sollicité l’avis du docteur J______, expert auprès des tribunaux en France et spécialiste en hygiène hospitalière, infectiologie et infections nosocomiales. Dans son rapport du 18 mai 2022, celui-ci a relaté partiellement l’anamnèse de l’assuré, pour conclure à son inaptitude à exercer son métier en raison de ses deux accidents du travail. Une reconversion était possible dans un métier non physique.

s. Selon un rapport des HUG du 26 octobre 2022, l’assuré rapportait une amélioration des douleurs de la cheville. Les médecins ont préconisé la poursuite du traitement conservateur avec physiothérapie et le port d’une attelle de nuit.

t. Par décision du 28 décembre 2022, l’office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après : l'OAIE) a alloué une rente entière d’invalidité à l’assuré dès le 1er juillet 2021, retenant une capacité de travail considérablement restreinte dès le 6 juin 2019.

u. Dans un rapport du 10 mai 2023, les médecins du service de chirurgie orthopédique des HUG ont noté que l’assuré présentait à nouveau de fortes douleurs avec une impotence fonctionnelle de la cheville. Compte tenu des signes d’arthrose tibio-talienne et de la nette amélioration à la suite de l’infiltration réalisée au mois d’août 2022, une nouvelle infiltration était proposée. Celle-ci a eu lieu le 9 juin 2023, avec un effet positif durant une dizaine de jours puis une récidive des douleurs. Les résultats étaient consistants avec une arthrose tibio-talienne à l’origine des douleurs. Les médecins des HUG, lors de leur consultation du 5 juillet 2023, ont exposé à l’assuré les différentes possibilités de traitement, notamment une prothèse totale de la cheville.

v. Dans une appréciation du 1er novembre 2023, le Dr E______ a estimé l’atteinte à l’intégrité à 20%. L’arthrose au niveau tibio-tarsien, moyenne à grave, était évaluée à 15%. L’atteinte au niveau du poignet à long terme était consécutive à une instabilité modérée, qui pouvait avoir un potentiel grave. Elle était évaluée à 5%. À la même date, le Dr E______ a examiné l’assuré. Il a diagnostiqué des séquelles de fracture partielle du scaphoïde avec atteinte discrète et séquellaire du ligament scapho-trapézien, et des séquelles d’entorse de cheville opérée. L’évolution avait été marquée par la persistance de douleurs. Au niveau du poignet gauche, il n’y avait pas de chirurgie possible. À la date de l’examen, en l’absence de toute rééducation et de nouvelles propositions thérapeutiques, et du fait qu’une prothèse de la cheville n’était pas envisageable pour l’heure, compte tenu de l’aspect radiologique chez un assuré de moins de 40 ans, seuls des traitements antalgiques semblaient le soulager. Le cas était stabilisé. L’activité antérieure n’était plus exigible. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de port de charges de plus de 5 kg de façon ponctuelle et de plus de 2 kg de façon rapide ou fréquente, pas d’utilisation de la main en fermeture forcée ou en prosupination en force ou contrariée de façon rapide ou fréquente, pas de travail avec le membre supérieur gauche en vibrations, pas de marche supérieure à 2 km ou rapide ou fréquente supérieure à 1 km, pas de travail en terrain irrégulier, pas de montée rapide ou fréquente d’escaliers, pas de travail en lieu élevé ou en utilisant des échelles. Une activité adaptée à ces limitations fonctionnelles serait exigible à 100% sans diminution de rendement. Il devait s’agir d’un travail léger en alternance des positions assise et debout, en utilisant préférentiellement la main et le membre supérieur droits, et avec de faibles déplacements. Le problème ophtalmologique faisait l’objet d’une appréciation séparée.

À la suite de cet examen, la SUVA a informé l’assuré par courrier du 16 novembre 2023 qu’elle cesserait le versement des indemnités journalières dès le 1er janvier 2024.

w. Dans un calcul du degré d’invalidité du 13 décembre 2023, la SUVA a retenu un salaire sans invalidité de CHF 69'175.- en 2023. Selon l’indexation trimestrielle pour 2024 de 1.8%, ce revenu se montait à CHF 70'420.-. S’agissant du revenu après invalidité, la SUVA s’est référée aux chiffres de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) 2020 dans une activité simple et répétitive, soit un salaire annuel de CHF 68'473.35 après indexation en 2024 et adaptation à la durée normale de travail de 41.7 heures pour une pleine capacité de travail. Les limitations fonctionnelles justifiaient un abattement de 5% sur ce salaire. Le revenu d’invalide était ainsi fixé à CHF 65'049.68. La comparaison avec le revenu sans invalidité révélait un degré d’invalidité de 7.63%, arrondi à 8%.

B.            a. Par décision du 13 décembre 2023, la SUVA a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, la comparaison des revenus avant et après invalidité ne révélant qu’une perte de gain de 7.63%. Elle lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20%.

b. L’assuré s’est opposé à cette décision par courrier reçu le 19 janvier 2024 par la SUVA. Il a confirmé son opposition le 30 janvier 2024, sous la plume de son avocat. Il a reproché à la SUVA de ne pas avoir statué sur l’atteinte ophtalmologique découlant de l’accident du 19 novembre 2019, alors qu’elle aurait dû tenir compte de l'ensemble du tableau clinique. Il a nié toute capacité de travail. Le stage réalisé aux Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) sous l’égide de l’assurance-invalidité avait révélé qu’il était uniquement capable d’accomplir des tâches mono-manuelles, en position assise. Il présentait en outre des problématiques oculaires et oto-rhino-laryngologiques et une épicondylite droite, que la SUVA avait ignorées. De plus, la situation n’était pas stabilisée car des interventions chirurgicales et des infiltrations étaient envisagées. Il a également contesté l’indemnité pour atteinte à l'intégrité.

Il a notamment produit un certificat du 24 mai 2022 de la docteure K______, spécialiste FMH en médecine interne, qui a attesté que l’assuré présentait des douleurs chroniques au niveau du poignet gauche, mais que les douleurs à la cheville étaient en nette amélioration après l’arthroscopie. La prise en charge de ces pathologies avait été compliquée, et l’évolution défavorable avait eu un impact négatif sur son état psychique, l’assuré ayant développé un trouble dépressif et une probable dépendance aux opiacés. Il souffrait également de lombalgies chroniques sur discopathies dégénératives L4-L5 et L5-S1, d’une épicondylite droite avec probable névrite cubitale et d’un canal carpien bilatéral. Ces pathologies le limitaient dans la plupart des activités de la vie quotidienne. En raison de la durée des symptômes, le pronostic était réservé, et un retour sur le marché du travail primaire ne semblait pas réaliste à ce médecin.

c. Par décision du 23 mars 2024, la SUVA a rejeté l’opposition. L’accident du 19 novembre 2019 avait exclusivement occasionné des troubles ophtalmologiques ayant donné lieu à une décision sur opposition le 23 octobre 2023 niant un lien de causalité entre cet événement et les troubles de l’assuré, faisant l’objet d’un recours pendant devant la chambre de céans enregistré sous le numéro de cause A/3914/2023. La problématique oto-rhino-laryngologique n'avait aucun lien de causalité avec les suites de l'accident du 6 juin 2019. Les troubles psychiques signalés par la Dre K______ n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec l’accident du 6 juin 2019. S’agissant des suites de cet accident, les conclusions du Dr E______ avaient valeur probante. La SUVA a confirmé dans les grandes lignes son calcul du degré d’invalidité, soulignant au sujet de l’abattement que l’assuré était encore jeune et ses limitations fonctionnelles peu restrictives. Elle renonçait toutefois à indexer les revenus de 2023 à 2024, ce qui n’avait pas d’incidence sur le degré d'invalidité qui demeurait estimé à 7.63%. Aucun élément au dossier ne justifiait de s'écarter de l’évaluation de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité.

C. a. L’assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision de la SUVA, par écriture du 1er mai 2024. Il a conclu, sous suite de dépens, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il avait droit à une rente entière d'invalidité à compter du 1er janvier 2024 et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité calculée sur la base d'un taux de 50%, et au renvoi à l’intimée pour qu’elle y procède, et subsidiairement, à l’annulation de la décision de l’intimée et à ce que la cause lui soit renvoyée pour complément d'instruction et nouvelle décision.

Il est revenu sur l’accident du 19 novembre 2019 et ses suites, affirmant que sa capacité de travail était nulle dans toute activité, comme l’avaient reconnu les EPI. L’instruction médicale pourrait être poursuivie, puisque des infiltrations pouvaient être envisagées. De plus, les limitations fonctionnelles arrêtées par le Dr E______ ne correspondaient pas à la réalité, le recourant ne pouvant réaliser aucune tâche avec son membre supérieur gauche. Il ne pouvait utiliser son membre supérieur droit en hauteur, et ne pouvait rester debout. En toute hypothèse, une baisse de rendement de 50% devait être admise si une capacité de travail résiduelle était retenue, conformément aux conclusions de l’OAIE. Un abattement de 25% devait être appliqué au revenu d’invalide. L’indemnité pour atteinte à l'intégrité ne tenait pas compte des atteintes oto-rhino-laryngologiques, de son membre supérieur droit et de son œil gauche. Les seules atteintes du poignet gauche et de la cheville droite justifiaient un montant supérieur, et cette indemnité devait ainsi être fixée à 50%.

Le recourant a notamment produit un rapport du 29 septembre 2022 de l’OAIE, qui relatait que les rendements mesurés aux EPI n’étaient que de 50% sur un mi‑temps, soit une capacité de 25% non exploitable. L’OAIE concluait ainsi à une capacité de travail nulle dans toute activité, relevant que certaines atteintes n’étaient pas reconnues par l’intimée, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un « cas accident pur ».

b. Dans sa réponse du 22 mai 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. S’agissant des arguments relatifs à la décision portant sur l’accident du 19 novembre 2019 et les atteintes à l’œil, ils excédaient l’objet du litige.

c. Par réplique du 14 juin 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a relevé que son recours contre la décision liée à l’accident du 19 novembre 2019 avait été partiellement admis (A/3914/2023) et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire pour mise en œuvre d’une expertise ophtalmologique. L’examen de son droit à une rente ne pouvait être déterminé sans tenir compte de ces éléments.

d. Par duplique du 21 juin 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

e. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au recourant le 24 juin 2024.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit à la rente et l’indemnité pour atteinte à l'intégrité en lien avec les suites de l’accident du 6 juin 2019 ayant atteint la cheville et le poignet du recourant.

Les troubles résultant de l’accident du 19 novembre 2019, d’ordre ophtalmologique, ont fait l’objet d’une décision séparée, laquelle a donné lieu à une procédure devant la chambre de céans, qui s’est conclue par l’arrêt ATAS/347/2024 du 16 mai 2024. Dans cet arrêt, la chambre de céans a nié la valeur probante de l’appréciation du médecin d’arrondissement de l’intimée niant un lien de causalité entre cet accident et les troubles du recourant, et a renvoyé la cause à celle-ci pour mise en œuvre d’une expertise puis nouvelle décision.

Les troubles de la sphère oculaire ne font ainsi pas partie du présent litige et n’ont pas à être pris en compte dans l’examen du bien-fondé de la décision litigieuse.

Il sied ici d’examiner le moyen invoqué par le recourant, qui soutient que l’ensemble des troubles causés selon lui par les différents accidents annoncés à l’intimée aurait dû faire l’objet d’une appréciation globale et d’une seule et même décision.

L'assurance-accidents statuant sur opposition est tenue de prendre en considération tous les faits pertinents survenus jusqu'au moment de la décision sur opposition (RAMA 1/2/2001 n° U 419 p. 101 consid. 2c). Toutefois, le Tribunal fédéral des assurances admet, dans certaines circonstances, que les conséquences de plusieurs accidents successifs soient constatées dans des décisions séparées (arrêt du Tribunal fédéral U 391/01 du 17 décembre 2002 consid. 4.2 et les références citées). Ainsi, le rapport juridique sur lequel l’assurance-accidents se prononce peut être limité aux prestations dues en raison d'un accident en particulier, quand bien même plusieurs autres événements accidentels se seraient produits avant la décision sur opposition. Cette manière de procéder peut, certes, nuire à l'établissement des faits dans certains cas, mais elle peut aussi contribuer au traitement de l'opposition dans un délai approprié. En cas d'accidents successifs, l'assurance-accidents devra donc procéder à une pesée des intérêts avant de décider si elle entend se prononcer sur les conséquences de tous les accidents en une seule décision sur opposition ou si elle entend rendre plusieurs décisions (arrêt du Tribunal fédéral U 16/07 du 9 mai 2007 consid. 3.2).

Ainsi, le procédé pour lequel a opté l’intimée, consistant à trancher dans des décisions distinctes le droit aux prestations résultant des accidents respectivement survenus le 6 juin puis le 19 novembre 2019, ne viole pas le droit. En particulier, dans le cas d’espèce, dès lors que les atteintes annoncées portent sur des parties différentes du corps, une appréciation globale de l’état de santé – même si elle peut paraître préférable – ne s’imposait pas de manière évidente, comme cela pourrait être le cas par exemple lorsqu’un nouveau sinistre aggrave une pathologie causée par un précédent accident.

3.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. L'art. 4 LPGA dispose qu'est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Les prestations que l'assureur-accidents doit le cas échéant prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d'incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l’accident (art. 16 LAA), la rente en cas d'invalidité de 10% au moins à la suite d'un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité si l'assuré souffre par la suite de l’accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).

3.1 À teneur de l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se détermine notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Ainsi, ni la simple possibilité qu'un traitement médical donne des résultats positifs, ni l'avancée minime que l'on peut attendre d'une mesure thérapeutique ne confèrent à un assuré le droit de recevoir de tels soins (arrêt du Tribunal fédéral U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 2). En matière de physiothérapie, le Tribunal fédéral a récemment précisé que le bénéfice que peut amener la physiothérapie ne fait pas obstacle à la clôture du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2018 du 11 juillet 2018 et les références). Il faut encore préciser que la stabilisation de l'état de santé doit être estimée de manière pronostique, et non à l'aune de constatations rétrospectives (RAMA 3/2005 n° U 557 p. 389 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_849/2011 du 29 mai 2012 consid. 3.2).

3.2 Conformément à l'art. 24 al. 1 LAA, l’assuré qui, par suite de l’accident, souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité. L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si l’assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l’atteinte à l'intégrité. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (art. 25 al. 1 et 2 LAA). Cette indemnité a pour but de compenser le dommage subi par un assuré du fait d'une atteinte grave à son intégrité corporelle ou mentale due à un accident et a le caractère d'une indemnité pour tort moral (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur l'assurance-accidents, FF 1976 III p. 171). Elle vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224 consid. 5.1). Son évaluation incombe donc avant tout aux médecins, qui doivent d'une part constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et d'autre part estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (Jean-Maurice FRÉSARD / Margit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd. 2016, n. 317 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2). Selon l'art. 36 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), édicté conformément à la délégation de compétence contenue à l’art. 25 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité, pendant toute la vie. Elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'ordonnance (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique, mentale ou psychique, dues à un ou plusieurs accidents, l’atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3 1ère phr.). L'annexe 3 à l'ordonnance comporte un barème des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent, dont le Tribunal fédéral a reconnu la conformité à la loi (ATF 124 V 29 consid. 1b). L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité désignées à l'annexe 3 à l'OLAA s'élève, en règle générale, au pourcentage indiqué du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1). Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l’atteinte (ch. 1 al. 2). La division médicale de la SUVA a établi des tables d’indemnisation en vue d'une évaluation plus affinée de certaines atteintes (Indemnisation des atteintes à l’intégrité selon la LAA). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer dans la mesure du possible l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 124 V 209 consid. 4a/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_219/2018 du 5 juillet 2018 consid. 4.2).

4.             Le droit à des prestations d'assurance suppose entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle mais aussi adéquate (arrêt du Tribunal fédéral 8C_628/2007 du 22 octobre 2008 consid. 5.1). Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1).

4.1 Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1).

4.2 En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants, ou de peu de gravité ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Le degré de gravité d'un accident s'apprécie d'un point de vue objectif, en fonction de son déroulement ; il ne faut pas s'attacher à la manière dont la victime a ressenti et assumé le choc traumatique. Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2012 du 4 septembre 2013 consid. 7.2 et les références). Selon la jurisprudence, en cas d'accident insignifiant ou de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et des troubles psychiques peut en règle générale être niée d'emblée (ATF 140 V 356 consid. 5.3). Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'un accident de peu de gravité peut constituer la cause adéquate d'une incapacité de travail et de gain d'origine psychique. Il faut alors que les conséquences immédiates de l'accident soient susceptibles d'avoir entraîné les troubles psychiques et que les critères applicables en cas d'accident de gravité moyenne se cumulent ou revêtent une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2008 du 24 avril 2009 consid. 5.2 et les références). À titre d’exemple, une glissade lors de laquelle une assurée a heurté son genou contre une poignée de porte a été qualifiée d’accident de peu de gravité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_140/2021 du 3 août 2021).

5.             L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus (ATF 128 V 29 consid. 1).

5.1 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Il se déduit ainsi en principe du salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 134 V 322 consid. 4.).

5.2 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il y a lieu en l'absence d'un revenu effectivement réalisé de se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS publiées par l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 75 consid. 3b). Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui, on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l’invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner le point de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2015 du 26 avril 2016 consid. 3.2.2). L'évaluation de l’invalidité s'effectue en effet à l'aune d'un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-accidents. Elle présuppose un équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre d'une part et un marché du travail structuré permettant d'offrir un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques d'autre part. Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1).

5.3 Il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b).

Savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs est une question de droit. L'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue en revanche une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 5.2). Il y a excès ou abus du pouvoir d’appréciation si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

6.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

6.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, 122 V 157 consid. 1c).

6.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

7.             En l’espèce, la chambre de céans rappelle en préambule que l’appréciation de la capacité de gain du recourant par l’OAIE ne lie pas l’intimée. Certes, la notion d'invalidité définie à l'art. 8 LPGA est en principe identique dans l'assurance-accidents, l'assurance militaire et l'assurance-invalidité (ATF 126 V 288 consid. 2d). Il n'en demeure pas moins que l'évaluation de l'invalidité par l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3) et inversement (ATF 133 V 549 consid. 6). Ce principe s'applique également lorsque dans les deux procédures d'assurance concernant l'examen d'un éventuel droit à une rente d'invalidité, la capacité de travail résiduelle de l'assuré est évaluée de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2022 du 25 avril 2023 consid. 4.3.1). En l’espèce, l’assurance-invalidité a tenu compte d’atteintes dont l’intimée ne répond pas. S’agissant en particulier des troubles psychiques, la chambre de céans rappellera que selon la déclaration d’accident de l’employeur, le recourant s’est coincé le pied en marchant et s’est cassé le pouce et tordu la cheville en tombant. Le recourant a précisé au Dr E______ en novembre 2021 qu’il était tombé lorsque son pied s’était coincé dans du carrelage, et qu’il s'était alors rattrapé sur le poignet gauche et s’était tordu la cheville. Force est ainsi de constater qu’il s’agit d’un accident peu grave, indépendamment des conséquences qu’il a entraînées, ce qui exclut déjà d’admettre un lien de causalité adéquate entre l’accident du 6 juin 2019 et d’éventuels troubles psychiques invalidants. Quant aux troubles au membre supérieur droit, il n’est pas démontré que leur apparition – plusieurs mois après l’accident – a été causée par cet événement, et l’avis isolé et peu motivé de la Dre D______ sur ce point n’y suffit pas. Leur incidence sur la capacité de travail et de gain du recourant n’est du reste pas établie.

7.1 On relève en outre que c’est à juste titre que l’intimée a considéré que l’état de santé du recourant était stabilisé au 31 décembre 2023. S’agissant de l’atteinte au poignet, le Dr B______ ne proposait plus de traitement en octobre 2021 déjà. Les médecins des HUG ne retenaient pas non plus d’indication chirurgicale en décembre 2021, pas plus qu’à une infiltration au vu des effets limités de ce geste par le passé. Le Prof. I______ n’a pas non plus formulé de plan thérapeutique. En ce qui concerne la cheville, les médecins des HUG ont préconisé un traitement uniquement conservateur en octobre 2022. Certes, une infiltration a été réalisée en juin 2023. Celle-ci avait cependant uniquement un but antalgique, et l’administration d’un tel traitement ne suffit pas à exclure la stabilisation de l’état de santé d’un assuré, conformément à la jurisprudence. Contrairement à ce que le recourant soutient, la possibilité de procéder à de tels traitements dans le futur – qui paraît du reste purement théorique, puisqu’ils ne sont pour l’heure pas programmés – n’est ainsi pas déterminante. Par ailleurs, s’agissant de la mise en place d’une prothèse de la cheville, elle n’est pour l’instant pas indiquée au vu du jeune âge du recourant.

Compte tenu de ces éléments, l’intimée était fondée à mettre un terme aux indemnités journalières au 31 décembre 2023 en considérant l’état de santé stabilisé à cette date.

7.2 S’agissant de la capacité de gain du recourant, le Dr E______ l’a estimée complète dans une activité adaptée. L’appréciation de ce médecin repose sur une pleine connaissance du dossier et des documents radiologiques, et a été établie à l’issue d’un examen clinique lors duquel il a interrogé le recourant sur ses plaintes. Tant ses diagnostics que ses conclusions sont clairs, et ce médecin a tenu compte des limitations fonctionnelles induites par les atteintes du recourant. Son rapport satisfait ainsi tous les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître pleine valeur probante. Il est exempt de lacune ou contradiction qui mettrait en cause sa pertinence. Enfin, il n’existe aucun rapport d’un autre médecin qui susciterait des doutes sur les conclusions du Dr E______. On soulignera ici que l’intimée s’est attachée à obtenir des avis de spécialistes externes, et qu’elle a notamment encouragé le recourant à consulter le Prof. I______. Or, aucun de ces spécialistes n’a formellement exclu la reprise d’une activité adaptée. Le Dr B______ ne s’est pas exprimé à ce propos, pas plus que la Dre G______ et le Prof. I______. La Dre H______ a souligné la nécessité d’une reconversion en juin 2021, ce qui implique une capacité de travail dans une activité adaptée. Le Dr J______, que le recourant a consulté de sa propre initiative, a également admis la possibilité de la reprise d’une activité adaptée. La Dre A______ a également implicitement admis l’exigibilité d’une activité adaptée, et il convient de souligner que les limitations fonctionnelles déterminées par le Dr E______ englobent celles que cette généraliste a décrites. Seule la Dre K______ a exclu – dans un rapport dont la motivation est au demeurant succincte – la reprise d’une activité adaptée, en tenant toutefois compte de plusieurs atteintes dont l’intimée ne répond pas, si bien que son avis isolé ne suffit pas à écarter l’appréciation du Dr E______ sur l’existence d’une pleine capacité de travail sans diminution de rendement dans une activité adaptée.

La chambre de céans n’a ainsi aucun motif de s’écarter de cette conclusion.

7.3 En ce qui concerne le calcul du degré d’invalidité, que le recourant ne critique du reste pas en tant que tel, l’intimée a déterminé le revenu sans invalidité en fonction des salaires communiqués par l’employeur, ce qui est conforme aux principes rappelés ci-dessus. Dans son courriel du 9 janvier 2023, l’employeur a indiqué un revenu de CHF 30.06 de l’heure en 2022, pour 40 heures par semaine, 13ème salaire non inclus, ce qui correspond à un revenu annuel de CHF 67'733.10, et de CHF 68'884.60 compte tenu de l’indexation de 1.7% en 2023 selon l’indice suisse des salaires.

Le recours au revenu statistique tiré d’activités simples et répétitives pour fixer le revenu après invalidité échappe également à la critique. En particulier, même s’il y avait lieu d’admettre que le recourant n’est pas du tout en mesure d’utiliser son membre supérieur gauche – ce qui n’est pas établi – la jurisprudence admet la pertinence de ce revenu statistique dans le cas d'activités monomanuelles légères (arrêts du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 4.3 et 8C_670/2015 du 12 février 2016 consid. 4.3), et l'exercice d'une activité non qualifiée exclusivement monomanuelle n’est pas considéré comme irréaliste sur un marché équilibré du travail (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 4.3 et 8C_670/2015 du 12 février 2016 consid. 4.3). L’abattement de 5% consenti par l’intimée se situe dans la fourchette basse, mais il reste dans les limites de son pouvoir d’appréciation au vu des seules limitations fonctionnelles entrant en considération à titre de critère de réduction.

Le revenu après invalidité du tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2020 s’élève à CHF 5'261.- par mois et CHF 63'132.- par an. Indexé jusqu’en 2023, il est de CHF 64'457.12, et de CHF 67'196.55 une fois adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures cette année. L’abattement de 5% le réduit à CHF 63'836.72, de sorte que l’invalidité résultant de la comparaison des revenus est de 7.33%, ce qui n’atteint pas le seuil ouvrant le droit à une rente.

7.4 Le recourant s’en prend enfin au taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité.

Ce faisant, il n’amène aucun élément médical concret mettant en doute l’appréciation du Dr E______, qu’il critique en termes tous généraux, sans motiver le taux de 50% qu’il conviendrait selon lui de retenir. La détermination de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité étant une question médicale, la chambre de céans ne dispose d’aucun élément de cet ordre qui justifierait de s’écarter de l’évaluation du médecin d’arrondissement de l’intimée dans le cas d’espèce. Comme on l’a vu, les éventuelles pathologies oculaires n’ont pas à être prises en compte dans la présente procédure, mais elles seront analysées dans la décision que l’intimée rendra sur ce point à la suite de l’arrêt de renvoi du 16 mai 2024.

Au vu des éléments qui précèdent, la décision de l’intimée ne peut être que confirmée.

8.              

8.1 Le recours est rejeté.

8.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LGPA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le