Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/215/2024 du 28.03.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2718/2023 ATAS/215/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 mars 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______ Représentée par Syndicat SIT
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
|
intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1993, cuisinière et pâtissière, s’est inscrite auprès de l’office régional du placement (ci-après : ORP) qui lui a ouvert un délai-cadre indemnisé, courant du 1er août 2022 au 31 juillet 2024.
b. Dans son formulaire d’inscription, l’assurée a déclaré rechercher une activité à 100 % et être disponible dès le 1er août 2022. Elle a rempli un contrat d’objectifs de recherche d’emploi en date du 4 août 2022, qui indiquait clairement que tout manquement aux obligations envers l’assurance-chômage ainsi qu’aux instructions de l’ORP pouvait entraîner une suspension du droit à l’indemnité.
c. L’assurée a fait l’objet d’une sanction, par décision du 3 octobre 2022, qui n’a pas été frappée d’opposition, de trois jours de suspension de son droit à l’indemnité, à compter du 1er août 2022 en raison du fait qu’elle n’avait pas cherché de travail pendant son délai de congé.
d. Par courrier du 26 janvier 2023, l’ORP a assigné l’assurée afin qu’elle postule par email, d’ici le 30 janvier 2023 au plus tard, à deux postes correspondant à son profil, notamment auprès du restaurant B______.
e. En date du 14 mars 2023, son médecin traitant, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, lui a délivré un certificat médical d’incapacité de travail pour raison de maladie, à 100 %, du 1er au 31 mars 2023. L’assurée a fait suivre ledit certificat auprès de l’ORP.
f. Par e-mail du 4 avril 2023, le service juridique a informé l’assurée qu’en dépit de l’assignation du 26 janvier 2023, cette dernière n’avait pas envoyé son dossier de candidature auprès du restaurant B______ pour un poste de cuisinière.
g. Le dossier de l’assurée a ensuite été annulé pour incapacité de travail en date du 12 avril 2023.
B. a. Par décision du 11 mai 2023, l’assurée a été sanctionnée pour n’avoir pas postulé suite à l’assignation du 26 janvier 2023, auprès du restaurant B______. Il était indiqué dans la motivation que cette dernière n’avait pas exercé son droit d’être entendue dans le délai imparti. La quotité de la sanction était de 34 jours de suspension de son droit à l’indemnité, tenant compte du fait qu’il s’agissait d’une récidive.
b. Par courrier de son mandataire du 17 mai 2023, l’assurée s’est opposée à la décision du 11 mai 2023. Elle a, notamment, joint à son opposition copie d’un e‑mail daté du 30 janvier 2023, adressé à B______, avec en annexe son CV son diplôme de « Technico dei servizi di ristorazione » ainsi que son diplôme de « Pasticcere professionista ».
c. L’assurée s’est réinscrite auprès de l’ORP, se déclarant disposée de travailler à plein temps, dès le 13 juin 2023.
d. Par décision sur opposition du 4 juillet 2023, l’office cantonal de l’emploi (ci‑après : l’OCE) a confirmé la décision du 11 mai 2023. L’OCE revenait sur l’état de fait, en admettant que l’assurée avait effectivement postulé auprès du restaurant B______, mais il lui était reproché d’avoir postulé par un seul e‑mail auprès de deux employeurs différents et de n’avoir pas joint un dossier de candidature complet car il manquait une lettre de motivation. En agissant de la sorte, l’OCE considérait qu’elle n’avait aucune chance que sa candidature soit retenue par l’employeur, ce qui justifiait la sanction et sa quotité.
C. a. Par acte de son mandataire, posté en date du 31 août 2023, l’assurée a recouru contre la décision sur opposition du 4 juillet 2023 et a conclu, préalablement, à sa comparution personnelle et à ce qu’on lui octroie un délai pour produire le rapport de son psychiatre. Principalement, l’assurée a conclu à l’annulation de sa sanction et, subsidiairement, à ce que cette dernière soit réduite à une suspension d’une durée de quatre à six jours, tout au plus, le tout sous suite de frais et dépens. Elle a expliqué avoir subi un stress, car elle était mère d’une petite fille, âgée de moins d’un an et n’avait pas perçu de revenus pendant cinq mois, ce qui avait eu pour effet de déclencher des crises de panique et d’angoisse. Elle était suivie par un psychiatre, depuis le 31 janvier 2023. Après avoir discuté, le 26 janvier 2023, des assignations avec son conseiller en placement, ce dernier lui avait dit qu’elle pouvait, sans problème, envoyer les postulations suite aux deux assignations qu’elle avait reçues, le même jour. L’assurée avait ainsi compris qu’elle pouvait envoyer ses postulations de manière groupée, raison pour laquelle ses deux postulations aux emplois que l’ORP lui avait assignées n’avaient fait l’objet que d’un seul courriel adressé aux deux employeurs potentiels. Elle joignait à son recours un certificat médical, rédigé le 31 janvier 2023 par le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui attestait d’une incapacité de travail, pour raison de maladie, à 100 %, du 1er février au 28 février 2023.
b. Dans sa réponse du 29 septembre 2023, l’OCE a considéré qu’il n’y avait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision querellée. L’OCE a également indiqué que le conseiller en personnel de l’assurée ne lui avait pas suggéré d’envoyer, dans un seul et même courriel, les deux postulations aux assignations qu’elle avait reçues ce qui, selon l’OCE relevait du bon sens, car un employeur était « peu enclin à engager une personne qui postule en même temps auprès d’un autre employeur ». Il était également relevé que son dossier était « qualitativement insuffisant » dans la mesure où aucune lettre de motivation ne l’accompagnait.
c. Par réplique du 7 novembre 2023, le mandataire de la recourante a fait valoir que ce qui était important ce n’était pas la lettre de motivation, mais la preuve des qualifications, ce qui était attesté par son CV et les diplômes qui démontraient son expérience et ses compétences. Il était, dès lors arbitraire de considérer que la postulation n’avait aucune chance de succès en raison de l’absence de lettre de motivation. L’assurée considérait la sanction d’autant plus choquante qu’elle avait subi une longue incapacité de travail, qui avait débuté à peine deux jours après la date de l’envoi des postulations. Elle demandait que la chambre de céans lui permette de transmettre son rapport médical, avant de prendre une décision.
d. Par complément du 1er février 2024, le mandataire de la recourante a transmis à la chambre de céans, un courrier du Dr D______, daté du 19 janvier 2024, par lequel ce dernier attestait avoir rencontré la patiente le 31 janvier 2023, dans un contexte de troubles anxiodépressifs et cela principalement en lien avec une situation professionnelle difficile, incluant un conflit avec son employeur et des retards dans ses paiements. Un second certificat médical délivré par la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et daté du 26 janvier 2024, attestait que la recourante était suivie par ses soins, depuis le 22 mai 2023, sa dernière consultation datant du 16 novembre 2023.
e. Par duplique du 22 février 2024, l’OCE a persisté dans ses conclusions.
f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
g. Les autres faits et documents seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.
3. Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit à l'indemnité de la recourante pour une durée de 34 jours.
4.
4.1 L'art. 16 al. 1 LACI prévoit qu'en règle générale, l'assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage.
En vertu de l’art. 17 al. 3, 1ère phrase LACI, l'assuré est tenu d'accepter tout travail convenable qui lui est proposé.
Selon l’art. 30 LACI al. 1 let. d LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi qu’il n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but.
4.2 Le droit à l’indemnité de chômage a pour corollaire un certain nombre de devoirs qui découlent de l’obligation générale des assurés de réduire le dommage
(ATF 123 V 88 et les références citées). En font notamment partie les prescriptions de contrôle et les instructions de l’office du travail prévues à l’art. 17 LACI. Lorsqu’un assuré ne les respecte pas, il adopte un comportement qui, de manière générale, est de nature à prolonger la durée de son chômage. Afin justement de prévenir ce risque, l'art. 30 al. 1 let. d LACI sanctionne en particulier l'assuré qui n'observe pas les prescriptions de contrôle ou les instructions de l'office du travail par la suspension de son droit à l'indemnité de chômage. Jurisprudence et doctrine s’accordent à dire qu'une telle mesure constitue une manière appropriée et adéquate de faire participer l'assuré au dommage qu'il cause à l'assurance-chômage en raison d'une attitude contraire à ses obligations (ATF 125 V 197 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 208/06 du 3 août 2007 consid. 3).
Selon la jurisprudence, ne pas donner suite à une assignation, à postuler pour un emploi à repourvoir représente une violation de l’obligation de diminuer le dommage ; cela revient à laisser échapper une possibilité concrète – quoiqu’ incertaine – de retrouver un travail, le comportement de l’assuré important à cet égard plus que le résultat effectif du dépôt d’une candidature en termes d’obtention ou non d’un engagement (ATF 130 V 125 consid. 1 publié dans SVR 2004 ALV no 11 p. 31 ; ATF 122 V 34 consid. 3b ; DTA 2002 p. 58 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 436/00 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 consid. 3 ; 8C_950/2008 du 11 mai 2009 consid. 2 et 8C_746/2007 du 11 juillet 2008 consid. 2). Aussi le défaut de candidature déposée est-il assimilé, sur le plan du principe, à un refus d’un emploi convenable, autrement dit à la violation d’une obligation qui, à l’instar de celle d’accepter un travail convenable, revêt une importance indéniable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 368/99 du 16 mars 2000 ; ATAS/344/2017 du 2 mai 2017 consid. 5). Il y a refus d'une occasion de prendre un travail convenable non seulement lorsque l'assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsque l'intéressé s'accommode du risque que l'emploi soit occupé par quelqu'un d'autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b ; DTA 2002 p. 58 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 436/00 consid. 1 ; ATF 130 V 125 consid. 1 publié dans SVR 2004 ALV no 11 p. 31 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 consid. 3, 8C_950/2008 du 11 mai 2009 consid. 2 et 8C_746/2007 du 11 juillet 2008 consid. 2). Les éléments constitutifs d’un refus de travail sont également réunis lorsqu’un assuré ne se donne pas la peine d’entrer en pourparlers avec l’employeur ou qu’il ne déclare pas expressément, lors de l’entrevue avec le futur employeur, accepter l’emploi bien que, selon les circonstances, il eût pu faire cette déclaration (ATF 122 V 34 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral C 126/02 du 24 juin 2003), ou qu’il pose des restrictions ou manifeste des hésitations à s’intéresser véritablement au poste considéré, ou encore en faisant échouer la conclusion du contrat par un comportement trahissant un manque d’empressement, voire un désintérêt manifeste à vouloir s’engager (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage 2014, n. 66, art. 30 et jurisprudence citée).
5.
5.1 L’art. 30 al. 3 LACI prévoit notamment que la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, soixante jours.
Conformément à l’art. 45 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), la suspension dure d’un à quinze jours en cas de faute légère (al. 3 let. a), de seize à trente jours en cas de faute de gravité moyenne (al. 3 let. b) et de trente et un à soixante jours en cas de faute grave (al. 3 let. c). Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi (al. 4 let. a) ou qu'il refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b). Si l'assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l'indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les deux dernières années sont prises en compte dans le calcul de la prolongation (al. 5).
5.2 Il y a notamment faute grave lorsque l’assuré refuse un emploi réputé convenable sans motif valable (cf. art. 45 al. 3 OACI) ; demeurent toutefois réservées des circonstances particulières faisant apparaître, dans le cas concret, la faute comme plus légère (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 128/04 du 20 septembre 2005). La jurisprudence considère que lorsqu’un assuré peut se prévaloir d’un motif valable au sens de l’art. 45 al. 3 OACI, il n’y a pas forcément faute grave, même en cas de refus d’un emploi assigné et réputé convenable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 consid. 3.4.3 et 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 245/06 du 2 novembre 2007 consid. 4.1).
La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le juge ne s'écarte de l'appréciation de l'administration que s'il existe de solides raisons. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2).
Le pouvoir d’examen de l’autorité judiciaire de première instance (donc de la chambre de céans) n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30)
5.3 En tant qu'autorité de surveillance, le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : le SECO) a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution (Bulletin LACI IC). Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d'espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1).
La durée de la suspension est fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, telles que le mobile, les circonstances personnelles (l'âge, l'état civil, l'état de santé, une dépendance éventuelle, l'environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), des circonstances particulières (le comportement de l'employeur ou des collègues de travail, le climat de travail, etc.), de fausses hypothèses quant à l'état de fait (par exemple quant à la certitude d'obtenir un nouvel emploi (Bulletin LACI IC [juillet 2018] / D64).
Selon le barème du SECO, le refus d'un emploi convenable ou d’un emploi en gain intermédiaire à durée indéterminée assigné à l’assuré ou qu’il a trouvé lui-même est considéré comme une faute grave, sanctionné d’une suspension de l'indemnité de 31 à 45 jours (Bulletin LACI IC / D79 2.B ch. 1).
5.4 A titre d'exemple, la chambre de céans a réduit la durée de la suspension du droit à l'indemnité de 31 jours à 15 jours, dans un cas où une assurée avait envoyé un dossier de candidature incomplet pour un poste auquel elle avait été assignée. En effet, ladite postulation n'avait pas été prise en considération par l'employeur car elle était dépourvue des certificats de travail. L'assurée avait commis une faute en ne redoublant pas d'attention pour s'assurer que son dossier était complet. Toutefois, au vu du délai très court, soit un jour, qui lui avait été imparti, cette erreur relevait de la précipitation et, dans la mesure où il s'agissait d'un manquement isolé, la chambre de céans a considéré qu'il s'agissait d'une faute légère (ATAS/506/2018 du 11 juin 2018).
Elle en a jugé de même s'agissant d'une assurée qui avait omis de joindre son curriculum vitae à son dossier de postulation (ATAS/166/2020 du 2 mars 2020).
Dans un autre arrêt, un assuré avait pris la peine de contacter téléphoniquement l'employeur à deux reprises sans succès après avoir reçu un message de non-transmission de son courriel. La chambre de céans a considéré que ce dernier avait fait preuve de négligence en laissant en suspens sa postulation auprès de l'employeur, cette faute justifiant une sanction. Une suspension du droit à l'indemnité de 31 jours apparaissait toutefois disproportionnée dès lors que l'assuré avait entrepris des démarches pour postuler, même si elles étaient restées vaines et que l'intimé admettait que l'intéressé avait toujours correctement rempli ses devoirs d'assuré, de sorte que la juridiction a estimé que la faute était moyenne et que la durée de la sanction devait en conséquence être réduite de 31 à 16 jours (ATAS/234/2012 du 5 mars 2012).
Dans un arrêt du 22 février 2020 (ATAS/136/2021) la chambre de céans a réduit la sanction de 34 jours à 16 jours en raison d’une réponse tardive un message laissé par un employeur potentiel sur son répondeur téléphonique en considérant que la faute était moyenne et non pas grave.
Dans un arrêt de la chambre de céans du 10 novembre 2020 (ATAS/1057/2020), une sanction de 34 jours de suspension a également été réduite à 16 jours, suite à une postulation faite sur une adresse e-mail incomplète, en considérant que la faute était moyenne et non pas grave
6. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
7. Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).
8. En l’espèce, il est établi que la recourante, suite à l’assignation du 26 janvier 2023, a bel et bien postulé, dans le délai fixé, auprès du restaurant B______.
8.1 Après avoir nié, dans un premier temps, l’existence de la postulation, l’intimé a admis, au stade de l’opposition, que cette dernière avait bien été envoyée dans les temps, mais a considéré que la recourante avait commis une faute grave, d’une part, en envoyant dans un seul e-mail deux postulations à deux employeurs différents , ce qui selon l’OCE était de nature à décourager un employeur et, d’autre part, en omettant de joindre une lettre de motivation, ce qui rendait le dossier « qualitativement » insuffisant.
8.2 En ce qui concerne le premier grief, l’OCE souligne que c’est une question de bon sens de ne pas soumettre par un seul et même courriel une postulation à deux employeurs différents, car cela serait de nature à décourager les employeurs « peu enclins à engager une personne qui postule en même temps auprès d’un autre employeur ».
Cette affirmation doit être nuancée, car le bon sens allégué par l’OCE doit également l’amener à considérer qu’un employeur ne peut ignorer, lorsqu’il reçoit des offres de la part de personnes inscrites au chômage, que ces dernières ont fatalement – c’est d’ailleurs un devoir notoire - fait parvenir des offres auprès de plusieurs employeurs. Il est donc douteux que sur ce simple critère, la candidature d’une personne compétente pour remplir les conditions fixées dans le poste, soit écartée.
Étant précisé que la recourante n’a jamais allégué que son conseiller en placement lui avait suggéré d’envoyer deux postulations à deux employeurs différents par le même courriel, mais que c’est ce qu’elle avait compris, lors de l’entretien du 26 janvier 2023, visiblement à tort.
8.3 S’agissant de l’absence de lettre de motivation, ce grief doit être retenu car tout demandeur d’emploi connaît la nécessité d’une lettre de motivation accompagnée d’un CV, pour intéresser un employeur potentiel et pour que sa candidature soit retenue. La recourante fait valoir qu’un employeur serait plus intéressé par ses compétences, telles qu’elles ressortent de ses diplômes et de son CV, que par une lettre de motivation. Il s’agit là, toutefois, d’une opinion subjective, dès lors que la pratique usuelle en matière de candidature veut qu’une lettre de motivation soit jointe au CV et aux documents démontrant la formation et l’expérience de la candidate. Partant, le dossier de postulation qu’elle a fait parvenir dans le cas de l’assignation du 26 janvier 2023 au restaurant B______, doit être considéré comme incomplet.
Cette omission de la recourante constitue un manquement fautif, susceptible d’être sanctionné.
8.4 S’agissant de la quotité de la sanction, l’intimé a considéré que la faute était grave.
La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C 194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans n’est pas limité à la violation du droit mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).
Selon l’échelle des suspensions du barème SECO, chiffre D79 premier refus d’un emploi convenable assigné à l’assuré (2B. 1), la faute est considérée comme grave et sanctionnée d’une suspension du droit l’indemnité pouvant aller de 31 à 45 jours. À cela s’ajoute le cas de récidive, prévu par le chiffre D63d du barème SECO, qui stipule que si la personne assurée est à nouveau suspendue, durant la période d’observation de deux ans après une première sanction, la durée de suspension doit être prolongée en conséquence, tout en tenant compte du comportement général de la personne assurée.
8.5 Dans le cas présent, l’intimé a appliqué le montant minimum des jours de suspension prévu par le ch. 2B. 1 (soit 31 jours) et a ajouté la sanction de trois jours de suspension prononcée le 3 octobre 2022, pour aboutir à un total de 34 jours.
Comme cela relève de la jurisprudence citée supra, une postulation faite par le biais d’un dossier incomplet ne peut pas être comparée à une absence totale de postulation. Dans le premier cas, l’assuré a donné suite à l’assignation mais a été négligent ou ignorant, dans l’envoi des documents usuels, alors que dans le deuxième cas il s’est abstenu du moindre effort en ne donnant pas suite à l’assignation de l’ORP.
Il s’agit donc de fautes d’une gravité différente qui ne peuvent pas amener à l’application du même barème. Les cas cités supra montrent que, dans ce type de situation, la faute a été considérée comme moyenne plutôt que grave.
8.6 S’y ajoute le fait que la durée de la suspension doit être fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier et notamment de la situation personnelle de l’assurée.
Il ressort du dossier que l’assurée a souffert de troubles psychiques, suite à son licenciement, à l’accumulation des factures et aux fait que, pour des raisons administratives, elle n’a perçu aucune indemnité pendant cinq mois. Juste après avoir postulé auprès du restaurant B______, en date du 30 janvier 2023, elle a été déclarée en incapacité de travail, pour raison de maladie, pendant tout le mois de février 2023, par son médecin psychiatre. Son médecin généraliste lui a également délivré un certificat la déclarant en incapacité de travail pour raison de maladie, pendant tout le mois de mars 2023.
À l’aune de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante était victime de troubles anxio-dépressifs (selon certificat du Dr D______ du 19 janvier 2024) au moment où elle a postulé auprès du restaurant B______, ce qui est de nature à expliquer partiellement son manquement et à réduire la quotité de la sanction retenue par l’intimé.
Cette solution, qui tient compte de l’état psychique de la recourante et de la nature exacte de son manquement est plus judicieuse, quant à son résultat, que celle retenue par l’OCE, tout en respectant les principes généraux du droit et notamment le principe de proportionnalité.
8.7 Au vu des jurisprudences précitées, et de la situation personnelle de la recourante il se justifie de considérer que la recourante a commis une faute de gravité moyenne ; partant, la chambre de céans, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, réduira la sanction de 34 à 16 jours de suspension du droit à l’indemnité de la recourante.
Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours sera partiellement admis et la décision de sanction réformée dans le sens que la suspension du droit à l’indemnité de la recourante est réduite de 34 à 16 jours.
9. Par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans considère qu’il n’est pas utile d’entendre la recourante en comparution personnelle, ni ses médecins traitants, dès lors qu’elle a pu largement s’exprimer dans le cadre de ses écritures et que ses médecins traitants ont pu transmettre les pièces médicales dont la chambre de céans a pris connaissance.
10. La recourante obtenant partiellement d’un gain de cause et étant assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, une indemnité de CHF 1’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l’intimé.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA, en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Réforme la décision sur opposition de l’intimé du 4 juillet 2023, dans le sens que la suspension du droit à l’indemnité de la recourante est réduite de 34 à 16 jours.
4. Alloue une indemnité de CHF 1'000.- à la recourante, à charge de l’intimé.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Isabelle CASTILLO |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le