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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3488/2022

ATAS/1011/2023 du 18.12.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3488/2022 ATAS/1011/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 décembre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1979 au Kosovo, naturalisé suisse le 21 février 2017, marié, père de deux enfants, nés en 2005 et 2007, percevait des indemnités de chômage depuis le 13 octobre 2015 lorsque le 24 octobre suivant, il a subi un accident de la circulation. Il travaillait auparavant en tant qu'étancheur, sans diplôme.

b. Le 14 avril 2016, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l'intimé).

c. Par décision du 14 novembre 2019, l'OAI a annoncé à l'assuré le rejet de sa demande de rente d'invalidité et de mesures professionnelles. La capacité de travail de celui-ci, nulle dans son activité habituelle dès le 24 octobre 2015, début du délai d'attente d'un an, était entière dans une activité adaptée à compter du 17 juillet 2016. Au terme du délai d'attente, soit le 24 octobre 2016, la comparaison du revenu d'invalide (CHF 60'675.-) avec le revenu de valide (CHF 67'416.-) aboutissait à un degré d'invalidité de 10%, inférieur aux 20% requis pour l'ouverture d'un droit au reclassement et aux 40% requis pour l'ouverture du droit à la rente. L'assuré n'avait par ailleurs droit ni à une orientation professionnelle au vu du large éventail d'activités non qualifiées que recouvraient les secteurs de la production et des services, un nombre significatif de ces activités étant adaptées à ses empêchements, ne nécessitant pas l'intervention de l'OAI ni à une aide au placement. L'assuré n'était ainsi pas limité par son atteinte à la santé dans la recherche d'un emploi.

d. Suite au recours de l’assuré le 2 janvier 2020, cette décision a été confirmée par la chambre de céans le 14 juillet 2020 (ATAS/596/2020).

B. a. Le recourant a déposé une nouvelle demande de prestations AI auprès de l’OAI le 16 février 2021.

b. Par avis du 19 avril 2022, le service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) a estimé que l’état de santé de l’assuré s’était aggravé depuis la décision du 14 novembre 2019, entrée en force. L’incapacité de travail était désormais complète dans toute activité, ce depuis le 9 décembre 2019.

c. L’OAI a adressé un projet de décision à l’assuré le 27 avril 2022, l’informant de ce qu’il envisageait de lui octroyer une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2021. La rente était fondée sur un degré d’invalidité de 100%. L’incapacité de travail était entière depuis le 9 décembre 2019, début du délai d’attente d’un an. La demande de prestations ayant cependant uniquement été déposée en date du 16 février 2021, elle devait être considérée comme tardive au sens de la loi et ne déployer ses effets qu’à partir du mois d’août 2021, soit six mois après le dépôt de la demande.

d. Par observations du 5 mai 2022, l’assuré a fait part de son désaccord avec le projet de décision, rappelant qu’il avait déposé une première demande en octobre 2016, de sorte que c’était à partir de cette date que le délai d’attente devait être calculé, voire même dès l’accident du 24 octobre 2015. Le droit à une rente entière devait donc être reconnu bien avant août 2021.

e. Par décision du 23 septembre 2022, l’OAI a maintenu les termes de son projet du 27 avril 2021, octroyant une rente entière à l’assuré dès le mois d’août 2021.

C. a. Le 21 octobre 2022, l’assuré a recouru contre cette décision par l’intermédiaire de son avocate. Il a conclu à son annulation partielle et à l’octroi d’une rente entière dès le 14 avril 2016 à tout le moins et sans limitation de durée. Il a expliqué que l’OAI avait mal instruit son dossier, appréciant mal son état de santé et sa capacité de travail du 14 avril 2016 au 1er août 2022. Il a sollicité un délai pour compléter son recours.

b. La chambre de céans a octroyé au recourant un délai au 22 novembre 2022 pour compléter son recours.

c. Le 15 novembre 2022, l’avocate du recourant a cessé avec effet immédiat de représenter les intérêts de l’intéressé.

d. Sur demande du recourant, la chambre de céans a prolongé son délai pour compléter son recours au 21 décembre 2022.

e. Aucun complément n’ayant été déposé par l’intéressé, l’intimé a répondu au recours le 31 janvier 2023, concluant à son rejet. Bien que le recourant ait droit à une rente entière à partir du mois de décembre 2020, il ne pouvait prétendre au versement de dite rente qu’à compter du 1er août 2021, soit six mois après le dépôt de sa nouvelle demande de prestations.

f. Le recourant n’ayant pas répliqué malgré deux invitations à le faire, la cause a été gardée à juger en l’état.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les formes prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]) et dans le délai de recours de 30 jours (art. 60 et 38 al. 4 let. c LPGA), le recours est recevable.

3.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (cf. ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, il est admis que le droit à une rente est né au plus tard le 1er août 2021, soit dans tous les cas de figure une date antérieure au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             L’objet du litige porte sur le droit du recourant à prétendre au versement d’une rente entière d’invalidité avant le 1er août 2021.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Conformément aux art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

La rente d'invalidité ne peut être versée conformément à l'art. 29 al. 3 LAI (soit dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance), qu'à condition que l'assuré ait présenté sa demande dans le délai de six mois avant l'expiration du délai d'attente d'une année (qui commence à courir à la date de l'incapacité de travail durable [cf. art. 28 al. 1 let. b LAI]). Si l'assuré dépose sa demande à l'office AI plus de six mois après le début de son incapacité de travail (ou du délai d'attente), il s'agit d'une demande tardive, ayant pour conséquence la perte du droit à la rente pour chaque mois de retard (ATAS/423/2020 du 27 mai 2020
consid. 19b).1).

6.             Un jugement a l'autorité de la chose jugée lorsqu'il est obligatoire, c'est-à-dire qu'il ne peut plus être remis en discussion ni par les parties, ni par les tribunaux (arrêt du Tribunal fédéral 5C.242/2003 du 20 février 2004 consid. 2.1). Il y a autorité de la chose jugée lorsque la prétention litigieuse est identique à celle qui a déjà fait l'objet d'un jugement passé en force (identité de l'objet du litige). Tel est le cas lorsque, dans l'un et l'autre procès, les parties ont soumis au juge la même prétention en se fondant sur la même cause juridique et sur les mêmes faits (ATF 125 III 241 consid. 1 ; ATF 123 III 16 consid. 2a ; ATF 121 III 474
consid. 4a ; cf. également ATF 128 III 284 consid. 3b). L'identité des prétentions s'entend au sens matériel, et non grammatical; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant, que les conclusions soient formulées de manière identique dans les deux procès. Le Tribunal fédéral a admis que, même si elle s'en écarte par son intitulé, une nouvelle conclusion aura un objet identique à celle déjà jugée, si elle était déjà contenue dans celle-ci, si elle est simplement son contraire ou si elle ne se pose qu'à titre préjudiciel, alors que, dans le premier procès, elle se posait à titre principal (ATF 123 III 16 consid. 2a ; ATF 121 III 474 consid. 4a). L'identité de l'objet s'étend en outre à tous les faits qui font partie du complexe de faits, y compris les faits dont le juge n'a pas pu tenir compte parce qu'ils n'ont pas été allégués, qu'ils ne l'ont pas été selon les formes et à temps ou qu'ils n'ont pas été suffisamment motivés (ATF 139 III 126 consid. 3 ; ATF 116 II 738 consid. 2b et 3). On ne saurait cependant parler d’identité de l’objet du litige, lorsque l’assuré fait valoir une modification ultérieure des faits par rapport au prononcé du jugement ou lorsqu’est entrée en vigueur une modification du droit qui justifie une appréciation juridique différente de la situation (ATF 98 V 174 consid. 2).

Pour savoir si des conclusions ont été définitivement tranchées dans un jugement précédent, il convient de se fonder non pas sur les constatations du prononcé attaqué mais sur le jugement précédent, dont le dispositif définit l'étendue de la chose jugée au sens matériel. L'autorité de la chose jugée est limitée au seul dispositif du jugement. Pour connaître le sens et la portée exacte du dispositif, il faut parfois se référer aux considérants en droit du jugement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_292/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 et les références).

L'autorité de la chose jugée de décisions portant sur des prestations durables d'assurances sociales, telles que les rentes de l'assurance-invalidité, s'étend à la fois aux conditions du droit à la prestation et aux facteurs d'évaluation de celle-ci (ATF 136 V 369 consid. 3.1.1 et les références). Autrement dit, le droit aux prestations d'une assurance sociale implique nécessairement l'existence d'un lien d'assurance avec elle si elle est appelée à prester (arrêt du Tribunal fédéral 9C_292/2019 du 29 janvier 2020 consid. 4.3).

7.             En l'espèce, le recourant reproche à l’intimé d’avoir « mal instruit son dossier, [d’avoir] mal apprécié sa capacité de travail et son état de santé du 14 avril 2016 (date à laquelle il a fait sa première demande de rente invalidité) au 1er août 2021 ». Il conclut ainsi à l’octroi de la rente entière dès le 14 avril 2016.

La chambre de céans rappelle cependant qu’il a déposé une première demande de prestations le 14 avril 2016. Suite à une expertise pluridisciplinaire, l’intimé l’a rejetée par décision du 14 novembre 2019, considérant qu’au terme du délai d’attente d’un an, la capacité de travail, bien que nulle dans l’activité habituelle, était entière dans une activité adaptée. La comparaison du revenu d'invalide avec celui de valide aboutissait sur cette base à un degré d'invalidité de 10%, insuffisant pour ouvrir un droit aux prestations. Cette décision a été confirmée par la chambre de céans, sur recours, le 14 juillet 2020, dans un arrêt ATAS/596/2020, entré en force et définitif.

L’évaluation de la capacité de travail du recourant entre le 24 octobre 2016 et le 14 novembre 2019, telle qu’elle ressort de cet arrêt (et de la décision de l’intimé qu’il confirme) revêt ainsi l’autorité de chose jugée.

La présente procédure, qui fait suite au dépôt par l’intéressé d’une nouvelle demande de prestations AI en date du 16 février 2021 ne peut dès lors que porter sur une dégradation de son état de santé et de sa capacité de travail au-delà du 14 novembre 2019.

Or, une telle aggravation est admise par l’intimé qui a reconnu, à l’issue de l’instruction médicale effectuée dans le cadre de la seconde demande de prestations, que le recourant était totalement incapable de travailler depuis le 9 décembre 2019.

Le recourant n’indique pas en quoi cette appréciation serait erronée, se contentant de répéter qu’il a toujours été en incapacité totale de travailler depuis l’accident, alors que cette question a déjà été tranchée de manière définitive.

Même s’il y avait lieu de retenir que l’aggravation s’est produite avant le 9 décembre 2019 (mais quoi qu’il en soit au plus tôt le 14 novembre 2019 vu l’autorité de chose jugée concernant la capacité de travail pour la période antérieure), le recourant ne pourrait de toute façon pas prétendre au versement de sa rente entière avant le mois d’août 2021. En effet, sa demande de prestations déposée le 16 février 2021 était tardive et ne pouvait donc ouvrir le droit aux prestations que six mois plus tard, conformément à l’art. 29 al. 1 LAI.

En conséquence de ce qui précède, la décision de l’intimé doit être confirmée.

8.             Le recours est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), le recourant supporte l’émolument de CHF 200.-.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le