Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1156/2025 du 21.10.2025 ( FPUBL ) , REFUSE
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3092/2025-FPUBL ATA/1156/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 21 octobre 2025 sur effet suspensif
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Yvan JEANNERET, avocat
contre
COMMUNE DE B______ intimée
représentée par Me François BELLANGER, avocat
Attendu, en fait, que :
1. A______ a été engagé par la commune de B______ (ci-après : la commune) en qualité de chauffeur poids lourd au sein du service C______ (ci-après : C______), à 100%, dès le 1er décembre 2011.
2. Il a été nommé fonctionnaire à compter du 1er décembre 2013 et son taux d'activité a été réduit à 90% dès le 1er septembre 2016.
3. Par décision du 5 décembre 2024 précédée de deux entretiens, la commune a prononcé un avertissement à l'encontre de A______. Il lui était reproché d'avoir partagé un abonnement de parking qui était intransmissible. Il avait ainsi violé la « directive mobilité », à la mise en place de laquelle il avait contribué en tant que membre de la commission du personnel, et n'avait manifesté aucun regret quant aux écarts reprochés. Cette décision est entrée en force faute d'avoir été contestée.
4. Le 6 janvier 2025, alors qu'il était en service avec son camion, A______ a posé un « point de graisse » sur une ou deux voitures stationnées qui, selon lui, entravaient le passage de son véhicule.
5. Un entretien entre le précité, accompagné d'un membre de la commission du personnel, D______, responsable Ressources humaines (ci-après : RH), et E______, chef de service, a eu lieu 21 janvier 2025. A______ a indiqué avoir agi ainsi à une ou deux autres reprises.
6. À partir du 28 janvier 2025, A______ s'est trouvé en arrêt de travail pour cause de maladie, ce jusqu'au 1er juin 2025.
7. En mars 2025, A______ a participé à un match de football en tant que membre de l'équipe de la commune.
8. Par courrier du 25 mars 2025, la commune a indiqué à A______ que sa présence à un événement extraprofessionnel n'était pas adéquate en période d'arrêt de travail. Elle l'a également informé que le nettoyage des deux véhicules maculés le 6 janvier 2025 s'élevait à CHF 600.-, qui lui seraient facturés.
9. Le 27 mai 2025, la commune a convoqué A______ à un entretien fixé le 3 juin 2025, dans les locaux du service des RH, qui aurait pour objectif d'une part de faire un point sur sa situation de santé, et d'autre part de revenir sur les événements relevés dans le cadre de l'entretien disciplinaire.
10. Par courriel du 30 mai 2025, la commune a informé A______ que la reprise de son activité était temporairement suspendue.
11. Lors de l'entretien du 3 juin 2025, la commune a proposé la conclusion d'une convention amiable mettant fin aux rapports de travail.
12. Un nouvel entretien a eu lieu le 16 juin 2025. A______ a refusé la conclusion d'une convention amiable.
13. Par courrier et courriel du 1er juillet 2025, la commune a informé le précité de son intention de prononcer son licenciement.
14. A______ s'est déterminé le 16 juillet 2025. La commune ne tenait pas compte de sa situation médicale et la mesure était disproportionnée.
15. Par décision du 29 juillet 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif (ci-après : CA) de la commune a résilié les rapports de service la liant à A______ pour le 31 octobre 2025. Les manquements constatés étaient graves et répétés et constituaient des violations statutaires et du cahier des charges qui rendaient la poursuite des rapports de travail incompatibles avec le bon fonctionnement de l'administration. Ce qui précédait était renforcé par le comportement adopté pendant son arrêt de travail, à savoir la participation au match de football de l'équipe de la commune.
16. Par acte posté le 10 septembre 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que sa réintégration soit proposée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
Il était employé comme chauffeur poids lourd depuis 2011. Avant les événements de novembre 2024 et janvier 2025, il n'avait jamais fait l'objet d'aucune doléance et avait toujours été apprécié. Les faits qui lui étaient reprochés devaient être relativisés. Le diabète dont il souffrait avait eu un effet indésirable sur sa gestion des émotions et son irritabilité. En le privant à brève échéance de son emploi et donc de sa seule source de revenus, la décision attaquée lui causait un préjudice difficilement réparable. Il risquait de ne plus pouvoir faire face à ses charges courantes, notamment la pension alimentaire qu'il versait pour son fils.
Son activité professionnelle représentait pour lui un facteur essentiel de stabilité émotionnelle. Sa formation était faible, ce qui rendait plus difficile la recherche d'un nouvel emploi. Le recours n'était pas dénué de chances de succès. Dès lors, son intérêt privé à continuer à exercer son métier jusqu'à droit jugé l'emportait clairement sur l'intérêt public à l'exécution immédiate de la décision.
17. Le 25 septembre 2025, la commune a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif. Le lien de confiance était désormais complètement rompu et sa réintégration nuirait au bon fonctionnement de l'administration, si bien que l'intérêt à l'exécution immédiate de la décision de licenciement l'emportait. Le recours était en outre manifestement infondé.
18. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.
Considérant, en droit, que :
1. Le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
5. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
6. Selon l’art. 110 al. 2 du statut du personnel de la commune du 28 avril 2016 (LC 08 151 [ci-après : le statut]), le conseil administratif (ci-après : CA) peut, lorsque la poursuite des rapports de travail n'est pas compatible avec le bon fonctionnement de l'administration et sur la base de motifs objectifs avérés, résilier les rapports de travail en respectant le délai de résiliation prévu à l’art. 101 du statut ; il peut, préalablement à la résiliation, proposer des mesures de développement et rechercher si un autre poste au sein de la commune correspond aux capacités de l'intéressé, notamment avec un changement de fonction. Selon l’al. 3, la poursuite des rapports de travail n'est pas compatible avec le bon fonctionnement de l'administration notamment en cas de faits démontrant : la violation d’obligations légales ou statutaires (let. a), un manquement grave ou des manquements répétés ou persistants dans les prestations ou dans le comportement (let. b), des aptitudes ou capacités insuffisantes pour effectuer le travail confié au membre du personnel ou la mauvaise volonté de ce membre du personnel à accomplir ce travail. Lorsque deux évaluations successives mettent en évidence des prestations insuffisantes et qu'aucune amélioration majeure n'est constatée dans le temps qui aura été défini lors des évaluations, le CA peut considérer que les aptitudes ou capacités sont insuffisantes (let. c), la disparition durable d'un motif d'engagement, par exemple en cas de persistance d’une incapacité de travail partielle ou totale d’une durée de plus de deux ans (let. d).
Aux termes de l'art. 107 du statut, le membre du personnel concerné peut faire recours contre la décision de licenciement auprès de la chambre administrative dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la décision (al. 1). Si la chambre administrative annule la décision de résiliation des rapports de travail, elle peut octroyer au membre du personnel une indemnité de 2 à 12 mois de son traitement de base à l’exclusion de toute autre indemnité (al. 2). La réintégration du membre du personnel dont les rapports ont été résiliés est exclue lorsque le lien de confiance est objectivement rompu ; elle peut être proposée par l’autorité de recours dans les autres cas si elle juge la résiliation invalide ; si la réintégration est acceptée par le CA, une indemnité selon l’al. 2 n’est pas versée (al. 3).
7. En l'espèce, vu l'art. 107 al. 3 du statut précité, même en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait ordonner la réintégration du recourant, mais uniquement la proposer ; partant, la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de le réintégrer pendant la durée de la procédure, irait au-delà des compétences de la chambre administrative sur le fond, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/811/2025 du 24 juillet 2025 consid. 8 ; ATA/939/2024 du 14 août 2024 consid. 8).
De plus, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/910/2025 du 25 août 2025 consid. 7 et les arrêts cités). Ce qui précède vaut d'autant plus en l'espèce que le recourant ne démontre pas qu'il ne pourrait pas toucher d'indemnités de chômage et que la décision attaquée, qui prendra effet le 1er novembre 2025, le mettrait véritablement dans une situation financière très difficile.
Enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif.
Au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée.
8. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Yvan JEANNERET, avocat du recourant, ainsi qu'à Me François BELLANGER, avocat de la commune de B______.
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| La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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