Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/854/2025 du 08.08.2025 ( FPUBL ) , REFUSE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2370/2025-FPUBL ATA/854/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 8 août 2025 sur mesures provisionnelles
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dans la cause
A______ recourante
contre
OFFICE CANTONAL DES SYSTÈMES D'INFORMATION ET DU NUMÉRIQUE intimé
Attendu, en fait, que :
1. Par acte remis à la poste le 5 juillet 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le courrier du 5 juin 2025 par lequel l’office cantonal des systèmes d’information et du numérique (ci-après : OCSIN) l’informait que son droit aux vacances était réduit proportionnellement à son absence, laquelle avait atteint un nombre supérieur à 150 jours – en précisant que la réduction s’opérait automatiquement et quotidiennement et était visible dans son espace personnel.
Le caractère illicite de la requalification devait être constaté. La décision « implicite » ainsi que l’ensemble des effets juridiques qui en résultaient devaient être annulés, de même que l’activation du délai-cadre. La qualification juridique de sa situation devait être corrigée rétroactivement. L’ensemble de ses droits devait lui être restitué. Toute déclaration inexacte ou erronée transmise à la caisse de pension devait être corrigée. Son employeur devait se voir ordonner de produire une attestation officielle confirmant la régularisation complète de sa situation administrative.
À titre de mesures provisionnelles, la suspension immédiate de la procédure de reclassement devait être ordonnée jusqu’à régularisation complète de sa situation administrative, notamment l’annulation du délai-cadre activé à tort, la reconnaissance de son activité effective à 70% depuis le 12 mars 2024 et la correction de toutes les données relatives à son aptitude ou à une prétendue incapacité de travail.
Jusqu’au 11 mars 2024, elle avait été sous le régime d’un délai-cadre activé pour cause d’absence maladie. Son médecin traitant, la docteure B______, avait prescrit sa reprise du travail le 12 mars 2024 par un certificat médical de la veille, lequel attestait d’une électrosensibilité sévère apparue en 2016 sur son lieu de travail à la suite de l’installation d’antennes-relais WIFI et 4G dans les espaces de travail, et qu’elle était apte à travailler exclusivement en télétravail à hauteur de 70%, soit 28 heures. par semaine – alors qu’elle était engagée à un taux d’activité de 80%. Cette capacité avait régulièrement été confirmée par des certificats médicaux. Depuis le 12 mars 2024, aucun certificat ne faisait état d’arrêt maladie ou d’incapacité de travail. Elle avait découvert le 5 juin 2025 que le délai-cadre avait été réactivé rétroactivement à sa reprise du travail le 12 mars 2024. Son employeur avait requalifié unilatéralement en incapacité partielle (soit 12.5% de son taux de 80%) une aptitude médicalement reconnue à 70%. Or, son médecin avait prescrit une capacité de travail aménagée tenant compte des conditions spécifiques nécessaires (notamment le télétravail exclusivement et une quotité de 70%) sans référence au taux contractuel fixé par l’administration, ce qui excluait toute appréciation arithmétique visant à déduire une incapacité de travail du taux contractuel. Son employeur s’était fondé sur un avis du service de santé du personnel (ci-après : SPST) du 19 décembre 2023 indiquant que sa situation de santé ne permettait pas la reprise de son activité dans son affectation à court ou moyen terme, sans toutefois se prononcer sur son incapacité ou son inaptitude.
La décision violait l’art. 54 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ainsi que le principe de légalité et la répartition des compétences, en ce qu’elle réactivait le délai-cadre de 730 jours sans constat d’incapacité médicale. Son droit d’être entendue avait été violé, aucune décision motivée et écrite ne lui ayant été notifiée au sujet de la requalification de son aptitude et l’activation du délai-cadre. Une procédure de reclassement avait été engagée sans motifs, dès lors qu’aucune incapacité de travail n’avait été médicalement constatée, que son employeur n’avait pas explicitement conclu à son inaptitude au poste, que l’office de l’assurance-invalidité du canton de Vaud avait formellement conclu à son aptitude et que les certificats médicaux confirmaient celle-ci à 70%. La décision lui causait un préjudice juridique et financier, elle s’inscrivait dans un acharnement procédural qui durait depuis 2023, portait atteinte à son intégrité professionnelle et à son parcours de carrière et consacrait une violation du principe d’égalité.
2. Le 21 juillet 2025, l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE) a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours et de la demande de mesures provisionnelles.
La recourante avait été engagée le 1er septembre 2001 et nommée fonctionnaire le 1er septembre 2004. Elle occupait la fonction de cheffe de projet au sein de l’OCSIN depuis le 1er mai 2018 à un taux de 80%. Elle avait été en arrêt de travail de manière continue depuis le 4 avril 2022. Depuis le 22 septembre 2022, elle avait produit des certificats médicaux attestant l’existence d’un « syndrome d’électro hypersensibilité grave, ce qui requiert l’éviction totale des champs électromagnétiques dans son environnement quotidien et au travail. » Toutes les mesures avaient été mises en place pour l’accompagner et la soutenir. Depuis janvier 2023, elle avait demandé la mise en place du télétravail à temps plein. Son médecin traitant préconisait le télétravail à temps plein depuis au moins le 8 juin 2023. Elle avait été informée le 1er juin 2023 des conséquences sur son traitement d’une absence supérieure à 730 jours et sur la date estimée à laquelle elle ne percevrait plus de traitement. Les 9 octobre et 19 décembre 2023, le SPST avait confirmé l’incapacité totale de travail de la recourante à court ou moyen terme dans sa fonction de cheffe de projet à l’OCSIN, sur la base des certificats médicaux produits. Le 26 février 2024, elle avait été informée de la fin de son droit au plein traitement dès le 18 mars 2024 et qu’à partir de cette date sa rémunération serait déterminée selon son activité effective.
Lors d’un entretien du 27 février 2024, il lui avait été expliqué que l’OCSIN envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé, soit inaptitude à remplir les exigences du poste, et qu’en tel cas une procédure de reclassement serait ouverte. Le 16 avril 2025, une décision incidente d’ouverture de la procédure de reclassement lui avait été notifiée, contre laquelle elle n’avait pas recouru. Le 6 mai 2025, elle avait été informée du déroulement de la procédure de reclassement.
Le 5 juin 2025, elle avait été informée de la réduction de son droit aux vacances. Elle avait contesté cette réduction par courriel du même jour. Le 16 juin 2025, elle avait demandé la régularisation de sa situation en lien avec son arrêt maladie. Le 20 juin 2025, elle avait demandé un état précis et détaillé de ses jours d’absence requalifiés en jours maladie depuis le 12 mars 2024, la restitution de tous ses droits et la « requalification » de sa situation. Le 17 juin 2025, son employeur lui avait confirmé qu’il n’existait aucune qualification abusive d’une incapacité de travail, que le montant final de la déduction opérée sur le solde de ses jours de vacances ne serait connu qu’à l’issue de la procédure et qu’elle pourrait se déterminer en temps voulu. La procédure de reclassement avait été close le 17 juillet 2025 en raison de l’absence de poste disponible et de postulation de la recourante aux postes proposés.
Le recours portait sur « la requalification illicite de certificats médicaux d’aptitude en incapacité de travail et contre l’activation irrégulière du délai-cadre prévu à l’art. 54 RPAC » tout en invoquant l’art. 54 RPAC portant sur le certificat de travail. La recourante ne contestait pas qu’aucune décision formelle ne lui avait été notifiée. Le refus de procéder à la rectification d’un décompte d’absences ne constituait pas une décision. La demande de suspension de la procédure de reclassement portait sur une décision entrée en force. La recourante ne faisait enfin valoir aucun préjudice irréparable.
3. Le 24 juillet 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif.
La résiliation des rapports de service avait été envisagée dès le 17 juillet 2025, ce qui traduisait une précipitation procédurale.
4. Le 28 juillet 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.
Considérant, en droit, que :
1. La recevabilité du recours est niée par l’intimé. Elle pourra demeurer indécise jusqu’à droit jugé au fond, étant précisé que le recours a pour objet le courrier du 5 juin 2025 par lequel l’intimé a réduit le droit aux vacances.
2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
3.1 Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1375/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
3.2 La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018).
La chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité).
3.3 Selon l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable ou si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.
Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2) ; que lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).
3.4 En l’espèce, le recours a pour objet le courrier de l’intimé du 5 juin 2025 par lequel celui-ci réduit le droit aux vacances de la recourante.
Les conclusions de la recourante sur mesures provisionnelles visent quant à elles la suspension immédiate de la procédure de reclassement.
Or, la procédure de reclassement a été ouverte par décision du 16 avril 2025 contre laquelle la recourante n’a pas recouru et qui est ainsi entrée en force. Elle est sans rapport avec l’objet du recours, si bien que la conclusion de la recourante doit être traitée comme une demande de mesures provisionnelles.
Or, la procédure de reclassement a depuis lors pris fin, selon les indications de l’intimé que la recourante n’a pas contestées. Il est ainsi douteux que la conclusion sur mesures provisionnelles de la recourante ait encore un objet.
En outre, la recourante fait valoir à l’appui de sa conclusion en suspension de la procédure de reclassement des arguments relatifs aux vices qui affecteraient selon elle l’ouverture d’un délai-cadre, elle se plaint que la procédure de reclassement reposerait sur des données erronées relatives à son aptitude médicale et soutient que le maintien de la procédure en reclassement lui causerait un préjudice personnel, immédiat et irréversible, sans toutefois détailler ce dernier.
Ce faisant elle ne fait pas valoir de préjudice irréparable en lien avec l’objet du présent litige, mais plutôt des griefs propres à la procédure de reclassement ou à la résiliation des rapports de service, qui excèdent le cadre du présent litige et paraissent, à ce stade et sans préjudice de l’examen au fond, irrecevables.
Enfin, la recevabilité et les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point évidentes qu’elles justifieraient l’octroi de mesures provisionnelles.
Il suit de là que la demande de mesures provisionnelle sera rejetée.
Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.
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LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de prononcer des mesures provisionnelles ;
réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique la présente décision à A______ ainsi qu'à l'office cantonal des systèmes d'information et du numérique.
La juge :
F. KRAUSKOPF
Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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