Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/575/2025 du 19.05.2025 ( EXPLOI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3702/2024-EXPLOI ATA/575/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 mai 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Michael LAVERGNAT, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE L'ÉCONOMIE ET DE L'INNOVATION intimé
_________
A. a. Inscrite au Registre du commerce le 24 juin 2016, l’entreprise en raison individuelle de A______, radiée le 4 mars 2024, exploitait le café restaurant « B______ » à C______ (ci-après : l’entreprise).
b. Le 3 février 2021, il a déposé une demande pour cas de rigueur dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Son chiffre d’affaires (ci-après : CA) avait été de CHF 490'000.- en 2018, CHF 457'000.- en 2019 et CHF 0.- en 2020.
Le CA réalisé sur les douze mois précédant la demande d’aide était de CHF 290'000.-, les coûts totaux (ci-après : CT) 2020, incluant le salaire du chef d’entreprise, hors impôts et taxes, s’élevaient à CHF 265'000.- et les coûts fixes (ci‑après : CF) 2020, sans impôts ni taxes, à CHF 202'580.-.
c. A______ n’a pas déposé de demande d’aide financière pour la période de fermeture du 4 février au 30 mai 2021.
d. Du 1er mars au 31 octobre 2021, il a été en incapacité de travail totale pour cause de maladie, ayant été affecté par le Covid-19 (forme longue ayant nécessité une hospitalisation).
e. Le 19 avril 2022, il a déposé une demande d’aide financière pour le second semestre 2021.
Le montant du CA réalisé pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2021 était de CHF 198'814.-, celui des CT, hors impôts et taxes, de CHF 209'112.- et celui des CF, sans impôts ni taxes, de CHF 240'686.-.
B. a. Par décision du 9 mars 2021, en application de la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE-2021), le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lui a octroyé une aide financière dont le montant s’élevait à CHF 91'604.70, considérant un CA de CHF 0.-, des CT de CHF 289'186.- et des CF de CHF 107'180.- pour l’année 2020.
Dite décision précisait que des contrôles a posteriori pouvaient être effectués, de même qu’un réexamen pouvant avoir pour conséquence la restitution d’une aide perçue à tort.
b. Par décision du 8 juin 2022, en application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), le département a refusé d’octroyer une aide financière à A______ pour le second semestre 2021, celle accordée ayant atteint le plafond de 20% du CA moyen des exercices 2018 et 2019. Par ailleurs, l’entreprise avait réalisé un bénéfice durant le semestre en question.
c. Par décision du 17 janvier 2023, le département a ordonné la restitution par A______ de CHF 83'032.20, soit la différence entre l’aide octroyée (CHF 91'604.70) et le montant auquel l’entreprise pouvait prétendre pour le début de l’année 2021, soit CHF 8'572.50.
Sur la base des états financiers 2020 définitifs remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), le CA 2020 s’élevait à CHF 320'406.23 et non à CHF 0.- comme annoncé, les CF à CHF 102'566.96 et non à CHF 107'180.- alors que les CT s’élevaient à CHF 283'690.46 et non à CHF 289'186.-. Les CT étant inférieurs au CA, l’entreprise avait enregistré un bénéfice. Elle n’était dès lors pas éligible à une aide pour « perte économique » pour 2020.
Elle pouvait toutefois bénéficier de l’aide pour « cas de rigueur » sous l’angle de la fermeture de l’entreprise pour la période du 1er janvier au 3 février 2021. Celle‑ci correspondait au CT de l’entreprise en 2020, calculée au prorata du nombre de jours, à compter du 1er janvier 2021, pendant lesquelles l’activité avait été totalement ou partiellement interdite. Était déduite de ce montant la part des CF couverts par le CA réalisé pendant la période de fermeture 2021, conformément à l’art. 9 du règlement 12'938. Au vu du CA de CHF 2'258.26 pour la période concernée en 2021, ladite aide s’élevait à CHF 8'572.50. Les éléments 2020 retenus pour le calcul étaient ainsi les suivants : CF de CHF 102'566.96, CT de CHF 283'690.46 et CA de CHF 320'406.23.
L’aide pour fermeture lui était donc plus favorable, son entreprise pouvant toutefois encore prétendre à une aide pour perte économique pour le second semestre 2021.
d. Par décision du 9 mai 2023, le département a rejeté la réclamation formée par A______ contre cette décision.
Le CA durant la période du 1er janvier au 3 février 2021 avait été déterminé sur la base des documents transmis par la fiduciaire de A______. Un montant de CHF 2'258.26 correspondant à l’ensemble des produits enregistrés sur la période considérée avait été relevé. La législation genevoise ne faisait aucune différence entre les divers postes des recettes/produits. Le CA correspondait au total des recettes ou produits. L’ensemble des recettes de l’entreprise devait être pris en compte pour déterminer l’aide financière cas de rigueur à laquelle cette dernière pouvait prétendre. C’était ainsi à bon droit qu’il avait retenu la commission « Feldschlösschen » au titre de revenus pour constituer son CA durant la période de fermeture.
e. Par arrêt ATA/1072/2023 du 28 septembre 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de A______ contre la décision précitée.
Dès lors que, pour l’année 2020, un bénéfice de CHF 54'209.- ressortait des états financiers définitifs, l’entreprise ne remplissait plus les conditions d’une aide pour cas de rigueur pour la prise en charge de frais non couverts. En raison de la fermeture de son établissement en 2020 et 2021, A______ remplissait toutefois les conditions de l’indemnité pour fermeture. En l’absence de demande pour la période du 4 février au 30 mai 2021, le calcul sur 34 jours (du 1er janvier au 3 février 2021) était conforme. La taxation fiscale de l’aide financière perçue n’était pas pertinente. Quand bien même le détail des chiffres retenus par le département aurait été judicieux, la différence des CT 2020 d’environ CHF 6'000.- était sans incidence sur l’existence du bénéfice et l’absence du droit à une aide financière pour l’année 2020, impliquant le remboursement de la totalité de l’aide perçue pour cette période. Dès lors que le recourant n’avait pas déposé de demande d’aide financière pour la période du 4 février au 31 mai 2021, il ne pouvait ni être indemnisé ni revendiquer que celle-ci soit prise en compte pour le décompte des jours de fermeture de son établissement. Ainsi, le département avait effectué, à bon droit, le calcul pour 2021 sur 34 jours et considéré que A______ avait droit à une aide de CHF 8'572.50, montant venant en déduction de l’aide de CHF 91'604.70 perçue. Les autres bases de calcul du montant de CHF 8'572.50 n’étaient pas contestées.
Il ne pouvait être considéré que la décision ne respectait pas le principe de la proportionnalité, dès lors que l’administration n’avait aucun pouvoir d’appréciation ni quant au principe de la restitution ni quant à sa quotité. Le département était donc fondé à réclamer à A______ la somme de CHF 83'032.20.
En raison du retrait par ce dernier de son recours interjeté auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt, celui-ci est entré en force.
f. À la suite d’échanges entre eux et compte tenu de l’état de santé de A______ durant la période du 1er mars au 31 octobre 2021, le département a revu l’aide allouée, par décision du 12 février 2024, et ordonné la restitution de la somme de CHF 54'562.45, au lieu de CHF 83'032.20, perçue par celui-là au titre d’aide financière « cas de rigueur ».
À cette fin, il retenait un CA 2020 de CHF 320'406.23 (soit CA : CHF 295'799.53, diverses commissions : CHF 3'474.09, repas employés et logement : CHF 696.38, repas et prélèvements indépendant : CHF 6'480.73, APG Covid-19 indépendant : CHF 10'491.75, part privée véhicule 2/5ème : CHF 3'463.75), des CT 2020 de CHF 283'690.46, des CF 2020 de CHF 122'169.46 et un CA de CHF 26'547.16 pour la période du 1er janvier au 30 mai 2021. Pour parvenir à ce résultat, le département avait retenu les postes suivants issus de son compte de résultat pour la période du 1er janvier au 30 mai 2021 : commission « Feldschlösschen » : CHF 2'258.26, Indemnité APG Covid-19 indépendant : CHF 4'432.40 et indemnité maladie indépendant : CHF 19'856.50. Compte tenu d’un bénéfice moyen de CHF 24'186.94 basé sur les bénéfices 2018 et 2019 de respectivement CHF 14'455.90 et 33'828.97, la charge salariale du chef d’entreprise s’élevait à CHF 24'186.94. Considérant un CA de CHF 26'547.16 pour la période de fermeture du 1er janvier au 30 mai 2021 et de CHF 320'406.23 pour l’année 2020, des CT de CHF 283'690.46 (incluant le salaire du chef d’entreprise) et des CF de CHF 122'169.46, l’aide pour fermeture s’élevait à CHF 37'042.24 au lieu de CHF 8'572.50. Le ratio de coûts variables se montait à 50,41%. Considérant l’aide de CHF 91'604.70, la part soumise à restitution s’élevait à CHF 54'562.45 (CHF 91'604.70 - CHF 37'042.24).
g. Par décision sur réclamation du 8 octobre 2024, l’office cantonal de l’économie et de l’innovation (ci-après : OCEI) du département a confirmé la décision précitée.
La décision querellée, tenant compte de l'état de santé de A______ afin d’étendre la période de fermeture prise en considération pour l’indemnisation du 1er janvier au 31 mai 2021, était conforme aux dispositions légales applicables. Le département était légitimement autorisé à effectuer des contrôles a posteriori afin de vérifier l’exactitude des informations qu’il avait fournies.
L’administration ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation quant au principe de la restitution ni quant à sa quotité.
Il avait eu connaissance de son dossier lors de la précédente procédure et n’avait pas sollicité la communication de ces documents dans le cadre des discussions subséquentes qu’il avait initiées avec le département et qui avaient conduit à cette décision. La décision contestée exposait clairement les éléments et chiffres fondant le montant demandé en restitution.
La question litigieuse portait uniquement sur la prise en compte dans la détermination du CA pour la période du 1er janvier au 30 mai 2021, de la commission « Feldschlösschen », l’indemnité maladie pour indépendant, ainsi que les indemnités APG Covid-19 pour indépendant. La prise en considération des APG Covid‑19 en tant que produits/CA réalisés par un indépendant avait déjà été confirmée par la jurisprudence, de même que le fait que le département pouvait se fonder sur les comptes transmis par les sociétés requérantes et considérer que l’ensemble des postes de produits exceptionnels et des produits financiers y figurant devait être pris en compte dans la détermination du CA. Le département avait retenu, au titre de CA pour 2021, le montant de CHF 26'547.16 sur la base des pièces comptables transmises. Selon le principe de l’autorité du bilan commercial ou de déterminance, l’administration se fondait sur les comptes établis conformément aux règles du droit comptable, à moins que des normes impératives du droit commercial ne soient violées ou que des normes fiscales correctrices ne l’exigent. Les calculs et les montants retenus dans la décision litigieuse n’étant pas contestés, il n’y avait pas lieu d’y revenir. Pour des raisons d’égalité de traitement entre les administrés, une suite favorable ne pouvait être donnée à la demande visant à faire une exception à ces principes.
C. a. Par acte du 7 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, en concluant à son annulation, en se réservant le droit de compléter ses écritures. Préalablement, il demandait qu’il soit ordonné à l’OCEI de produire l’intégralité du dossier en sa possession.
Il persistait à soutenir qu’il n’avait réalisé aucun CA en 2021, en faisant grief à la décision attaquée d’avoir violé les principes de la légalité et de la proportionnalité, ainsi que de consacrer un abus du pouvoir d’appréciation.
La LAFE 2021 énumérait exhaustivement les cas où le département était fondé à réclamer la restitution des aides indument perçues. In casu, il n’était pas démontré que les aides allouées auraient servi à d’autres fins que la couverture des coûts fixes, de sorte qu’il n’était pas loisible au département d’en exiger le remboursement. Il fallait également admettre qu’au moment de recevoir son aide, il n’avait réalisé aucun CA durant la fermeture des établissements publics ordonnée en 2021 par les autorités fédérales. Sans justification, le département avait pourtant retenu, au titre de CA, les indemnités qu’il avait reçues lorsqu’il se trouvait hospitalisé après avoir été lourdement affecté par le Covid. Toutefois, au vu de la définition de la notion de CA, les indemnités qu’il avait reçues ne pouvaient être considérées comme tel. Il en allait de même de la commission « Feldschlösschen », dès lors qu’il s’agissait d’un rabais, soit un remboursement sur le montant des commandes opérées l’année précédente. L’interprétation de la LAFE-2021 effectuée par le département conduisait à un résultat arbitraire et contraire à son sens. Celui-là était censé aider les entreprises en difficulté, et non pas l’inverse. Cette décision péjorait sa situation personnelle, au-delà de celle de son entreprise, puisqu’il avait déclaré les montants reçus à l’administration fiscale et qu’il avait été taxé sur cette base, l’impôt dû ayant d’ores et déjà été acquitté.
La décision querellée violait le principe de proportionnalité, dès lors qu’elle l’exposait à un risque de faillite, faute d’avoir la trésorerie nécessaire pour y faire face et n’ayant plus aucune activité. L’aide reçue avait été intégralement utilisée pour couvrir les dépenses fondamentales de l’entreprise, soit les coûts fixes non couverts par un chiffre d’affaire de CHF 0.-. En raison de cette procédure, il avait déjà tout perdu, sa santé, son établissement et « sa rage de combattre ». Il ne comprenait pas l’insistance à persévérer dans cette voie, étant précisé qu’il était ouvert à la discussion et avait fait de nombreuses propositions au département. Le département ne pouvait se retrancher derrière le fait qu’il n’avait aucun pouvoir d’appréciation.
Il produisait notamment un certificat médical du docteur D______, psychiatre et psychothérapeute FMH, du « 10.16.2024 » indiquant notamment qu’il suivait un traitement régulier et souffrait « énormément en raison de sa procédure avec le [département]. Cette situation a[vait] un impact nocif sur sa santé mentale. À [son] avis, une résolution rapide de cette affaire aurait un impact positif sur sa santé mentale ».
b. Le département a conclu au rejet du recours, en maintenant sa position.
Dans son arrêt ATA/1072/2023, entre les mêmes parties et sur le même objet, hormis la période de fermeture prise en considération pour le calcul de l’aide (150 jours au lieu de 34 jours), la chambre administrative avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la légalité du contrôle a posteriori, ainsi que du principe de la demande de remboursement.
La comptabilisation dans ses comptes commerciaux de l’indemnité APG Covid-19 contredisait le fait qu’elle était destinée à la couverture de ses frais personnels et confirmait que ce produit était associé à son activité commerciale. Concernant la commission « Feldschlösschen », il était en droit de se fonder sur les états comptables de l’entreprise. Le recourant n’avait d’ailleurs pas contesté les autres montants retenus, ni les calculs qu’il avait effectués dans sa décision du 12 février 2024, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur ces derniers.
Vu l’absence de pouvoir d’appréciation de l’administration quant au principe de la restitution et à sa quotité, le principe de la proportionnalité ne pouvait qu’être respecté. Il avait donc demandé à juste titre au recourant le remboursement de l’aide accordée à concurrence de CHF 54'562.45.
Étaient notamment joints les avis de taxation de l’activité indépendante du recourant, indiquant un bénéfice net de CHF 884.- pour l’année 2018, de CHF 23'689.- pour l’année 2019, de CHF 54'209.- pour l’année 2020 et de CHF 122'506.- pour l’année 2021 ; ainsi qu’un état du CA pour la période de février 2020 à février 2021 mentionnant notamment une « commission Feldschlösschen » de CHF 3'474.09 au 31 décembre 2020 et de CHF 2'258.26 au 31 décembre 2021.
c. Le recourant a répliqué, en persistant dans ses conclusions et précédents développements.
L’objet du recours portait sur la définition du CA, telle que retenue par le département sans fondement légal ni jurisprudentiel. La notion de CA au sens des art. 727 al. 1 ch. 2 et 957 al. 2 ch. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), était uniquement employée pour évaluer la taille de l’entreprise, indépendamment de sa capacité de gain. La jurisprudence avait d’ailleurs d’ores et déjà retenu que le CA se définissait comme la somme des ventes de biens ou de services d’une entreprise au cours de l’exercice comptable. Rien ne justifiait l’incorporation, dans la comptabilité commerciale, des compensations du revenu versées à une personne physique incapable de travailler. Sans base légale, il n’était ainsi pas soutenable d’assimiler des indemnités journalières à du CA, ni, dans cette mesure, de les soumettre à la TVA. La commission « Feldschlösschen » ne constituait pas une rentrée d’argent mais un retour sur des charges et ne pouvait ainsi être comptabilisée dans le CA.
d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Préalablement, le recourant sollicite la production de l’intégralité de son dossier par l’intimé.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).
2.2 En l’espèce, le recourant demande la production de l’intégralité de son dossier par l’intimé, sans toutefois en justifier la nécessité. Son acte de recours ne comporte en effet aucune motivation à ce sujet.
Il ressort toutefois du dossier que les éléments utiles à la résolution du présent litige ont été versés à la procédure. Celle-ci comprend ainsi l’ensemble des décisions rendues dans la cadre des aides sollicitées par le recourant dans le cadre de l’exploitation de son entreprise durant la pandémie de Covid-19, ainsi que les états financiers et les avis de taxation définitifs de 2018 à 2021 sur lesquels s’est fondé l’intimé pour rendre sa décision querellée.
À cela s’ajoute que la chambre de céans a d’ores et déjà eu à connaître du litige opposant les parties concernées sur le même objet dans son arrêt ATA/1072/2023 précité.
Au vu de ces circonstances, force est de constater que la chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige.
3. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l'intimé du 8 octobre 2024 confirmant la demande de restitution du montant de CHF 54'562.45, au titre d’indemnisation indûment perçue.
À cet égard, la divergence entre les parties porte principalement sur la notion de CA et les éléments financiers à comptabiliser à ce titre. Il s’agit, en particulier, de déterminer si, in casu, la commission « Feldschlösschen », l’indemnité maladie indépendant et l’indemnité APG Covid-19 indépendant, doivent être prises en considération comme CA.
Par ailleurs, le recourant conteste également la réalisation même d’un cas justifiant la restitution et la proportionnalité de cette mesure.
3.1.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102).
À son art. 12 al. 1, celle-ci prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises et les modalités de l’intervention de la Confédération à la demande des cantons. L’art. 12 al. 1bis, introduit le 18 décembre 2020, prévoit qu’il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts. Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance ; il prend en considération les entreprises qui ont réalisé en moyenne un chiffre d’affaires de CHF 50'000.- au moins au cours des années 2018 et 2019 (al. 4).
3.1.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ou OMCR-20 ; RS 951.262).
Selon l’art.1 al. 1 OMCR-20, en vertu de l’art. 12 de la loi Covid-19 et dans les limites du crédit d’engagement approuvé par l’Assemblée fédérale, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton si les conditions énoncées sont réunies.
Selon l’art. 3 al. 3 OMCR-20, les contributions non remboursables accordées aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel atteint CHF 5'000'000.- au plus s’élèvent au maximum à 20% du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 et au maximum à CHF 1'000'000.- par entreprise (art. 8a al. 1 OMCR-20). Une entreprise ne peut recevoir lesdites aides que dans les limites du plafond correspondant (art. 8d al. 1 OMCR-20). Le chiffre d’affaires au sens de ladite ordonnance se réfère au compte individuel de l’entreprise requérante.
L’entreprise doit prouver au canton que son chiffre d’affaires 2020 est inférieur à 60% du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 (art. 5 al. 1 OMCR-20, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021).
Selon l’art. 5 al. 1bis OMCR-20, en cas de recul du chiffre d’affaires enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peut calculer le recul de son chiffre d’affaires sur la base du chiffre d’affaires d’une période ultérieure de douze mois au lieu du chiffre d’affaires de l’exercice 2020. Cette disposition est entrée en vigueur le 14 janvier 2021 et a été abrogée le 31 décembre 2021.
Conformément à l’art. 8a al. 1 OMCR-20, les contributions non remboursables accordées aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel atteint CHF 5'000'000.- au plus s’élèvent au maximum à 20% du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 et au maximum à CHF 1'000'000.- par entreprise. Elles peuvent être décidées et versées en plusieurs étapes.
3.1.3 Dans le canton de Genève, le Grand Conseil a adopté, le 29 janvier 2021, l’aLAFE-2021, complétée par son règlement d’application du 3 février 2021, dont le but était notamment de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie pour les entreprises sises dans le canton, conformément à la loi Covid‑19 et à l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur (art. 1 al. 1 aLAFE-2021).
Ladite loi a été abrogée par la LAFE-2021, ayant pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi Covid-19 et à l’ordonnance Covid‑19 cas de rigueur (art. 1 al. 1 LAFE-2021). Cette aide financière extraordinaire visait à atténuer les pertes subies par les entreprises dont les activités ont été interdites ou réduites en raison de la nature même de leurs activités, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2 LAFE-2021).
3.1.4 Selon l’art. 3 LAFE-2021, l’aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l’État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l’entreprise, en application des dispositions de l’ordonnance Covid‑19 (al. 1). Les coûts fixes considérés et les modalités de leur prise en compte dans le calcul du montant de la participation accordée par l’État sont précisés par voie réglementaire (al. 2). L’activité réelle de l’entreprise est prise en compte dans la détermination de l’indemnité (al. 3). Aux commentaires par article du projet de loi 12'938 (ci-après : PL 12'938), il est précisé que la situation financière découlant de l’activité effective de l’entreprise est examinée pour déterminer l’indemnisation (PL 12'938, p. 28 https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12938.pdf).
D’après l’art. 4 al. 1 LAFE-2021, peuvent prétendre à une aide les entreprises : qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l’épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur (let. a) ; ou dont le chiffre d’affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid‑19 cas de rigueur (let. b) ; dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (indemnisation cantonale ; let. c).
Le cas des entreprises avec un chiffre d’affaires moyen 2018-2019 de CHF 5'000'000.- au plus est réglé au chapitre 1 du titre II de la loi. Au titre des limites de l’indemnisation, l’art. 7 LAFE-2021 prévoit que l’indemnité n’est accordée que durant la période pendant laquelle l’activité a été totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (al. 1). L’indemnité maximale par entreprise et pour l’année 2021 est déterminée par voie réglementaire, mais elle ne dépasse pas la somme totale de CHF 1'000'000.- francs et 20% du chiffre d’affaires comme prévu à l’art. 8a OMCR-20 (al. 2).
Selon l’art. 17 LAFE-2021, la participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (al. 1). Est indûment perçue la participation financière utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes tels que précisés à l’art. 3 LAFE-2021 (al. 2).
3.1.5 Le cas des entreprises avec un chiffre d’affaires moyen 2018-2019 de CHF 5'000'000.- au plus est réglé au chapitre 1 du Titre II du RAFE-2021.
Peuvent prétendre à une aide financière, les entreprises qui démontrent que leur chiffre d’affaires, généré sur une période de douze mois comprise entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021, est inférieur à 60% du chiffre d’affaires moyen déterminé selon les modalités prévues par l’art. 3 OMCR-20 (art. 11 RAFE-2021).
Selon l’art. 15 RAFE-2021, le montant de l’indemnité pour l’année 2020 correspond à la différence entre les coûts totaux, hors impôts et taxes, et le chiffre d’affaires de l’entreprise en 2020 (al. 1). L’indemnité octroyée est versée à titre d’acompte, le montant définitif étant déterminé sur la base d’un examen a posteriori des états financiers de l’entreprise bénéficiaire au 30 juin 2021 (al. 3). L’entreprise bénéficiaire remet au département les états financiers visés à l’al. 3 au moment du dépôt de la demande, si disponibles, mais au plus tard le 31 octobre 2021 (al. 4). En outre, elle doit notamment produire les bilans et comptes de résultats 2018, 2019 et 2020 (art. 24 al. 1 let. b RAFE-2021). Elle doit collaborer à l’instruction du dossier et renseigner régulièrement le département afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 25 RAFE-2021).
Les montants indûment perçus, conformément à l’art. 17 LAFE-2021, doivent être restitués (art. 29 al. 3 RAFE-2021).
3.1.6 La LAFE-2021 a ensuite été modifiée le 2 juillet 2021 (loi 12'991), le 7 octobre 2021 (loi 13'029) et le 24 février 2022 (loi 13'072). Le RAFE-2021 a en conséquence été modifié le 7 juillet 2021. Ces modifications sont toutefois sans effet sur la résolution du présent litige.
3.2.1 La notion de chiffre d’affaires n’est pas définie explicitement par le droit comptable. Cette même notion est utilisée dans le cadre du droit de la révision sans définition législative explicite. Le comité de la conférence suisse des impôts prend en compte les rabais commerciaux, remises et pertes sur débiteurs ainsi que les annulations. Le chiffre d’affaires s’entend hors TVA. Il ne comprend pas uniquement le chiffre d’affaires résultant des ventes et des prestations de services, notion régulièrement mentionnées dans la loi. En effet, les sources de revenus sont bien plus larges. Selon la chambre fiduciaire, « le chiffre d’affaires englobe en principe tous les revenus du compte de résultat. En font partie tous les produits d’exploitation, produits hors exploitation et produits exceptionnels, notamment les produits d’intérêts, de dividendes et de licences. Dans le cas de produits exceptionnels, il convient le cas échéant de procéder à une différenciation ». Tous les revenus tirés par l’entreprise de ses activités, quelles qu’elles soient, sont ainsi pertinents pour l’appréciation de sa situation économique (Rémy BUCHELER, Abrégé de droit comptable, 2015, p. 56 et 57).
3.2.2 Appelée à examiner la notion de CA et sa détermination, la chambre de céans a retenu, vu l’absence de définition de celui-ci dans les lois et ordonnances applicables en matière de Covid‑19, que l’autorité pouvait, à juste titre, considérer que le chiffre d’affaires résultait de la somme des ventes de biens ou de services d’une entreprise au cours d’un exercice comptable. Cette manière de faire, en ce qu’elle permettait d’identifier les seules pertes en lien avec les mesures adoptées pour lutter contre l’épidémie, n’était pas choquante et permettait d’appréhender l’activité réelle de l’entreprise dans le respect de l’art. 3 al. 3 LAFE‑2021 (ATA/474/2023 du 24 avril 2023 consid. 9).
Ultérieurement, la chambre de céans a estimé, en se fondant sur l’aLAFE-2021, que l’autorité avait valablement relevé que la loi exigeait que deux conditions cumulatives fussent remplies pour percevoir l’aide « cas de rigueur », soit un certain taux de baisse du chiffre d’affaires et l’absence de couverture des coûts fixes de la société. L’abandon de créance de l’actionnaire, reporté dans les comptes définitifs de résultat de la recourante au 31 décembre 2020, lui permettant de générer un bénéfice, devait être pris en compte dans le chiffre d’affaires. La recourante avait d’ailleurs fait l’objet de taxations fiscales communale, cantonale et fédérale sur ledit bénéfice qu’elle n’avait pas contestées. La jurisprudence fédérale retenait également que les prestations des actionnaires à des fins d’assainissement, en particulier les remises de dette, constituaient un rendement (ATA/1073/2023 du 28 septembre 2023 consid. 2.4).
Il a ensuite été considéré qu’une entreprise devait se laisser opposer les choix comptables qu’elle avait opérés et ne pouvait de bonne foi contredire les comptes qu’elle avait régulièrement établis, et prétendre que fût qualifié différemment un produit selon qu’elle le présentât au fisc ou à l’autorité à laquelle elle réclamait une subvention. C’était en effet une unique situation économique qu’elle devait en tout temps présenter de manière transparente au département dans le cadre de sa demande d’aide (art. 24 al. 1 let. b et 25 RAFE‑2021; ATA/1076/2023 du 2 octobre 2023 consid. 2.7).
Par ailleurs, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, dès lors qu’il n’apparaissait pas, à teneur de la législation précitée, que les APG ne devraient pas être comptées dans le chiffre d’affaires, rien ne s’opposait à ce que le département, qui indiquait de manière convaincante se fonder sur le Manuel suisse d’audit, procède de la sorte et les intègre au chiffre d’affaires (ATA/1433/2024 du 9 décembre 2024 consid. 2.12 et les références citées).
Enfin, dans un arrêt récent, constatant que la législation sur les aides Covid-19 ne précisait pas la notion de chiffre d'affaires, la chambre administrative a retenu que le département disposait d'un pouvoir d'appréciation pour le déterminer. L’approche du département, consistant à tenir compte dans le chiffre d’affaires de tous les revenus pour payer les charges, incluant ainsi les produits financiers et les produits exceptionnels, trouvait un ancrage juridique et n’était pas sans pertinence, dans la mesure où elle était fondée sur les règles relatives aux art. 727 al. 1 ch. 2 et 957 al. 2 ch. 1 CO. La définition « élargie » du chiffre d’affaires permettait au demeurant d'apprécier au mieux la situation économique de l'entreprise et donc de tenir compte de son activité réelle (art. 3 al. 3 LAFE‑2021). Une telle approche était nécessaire dans cette situation inédite de crise sanitaire et économique, où il ne s'agissait pas de procurer des revenus supplémentaires aux entreprises, mais bien de leur permettre de continuer leur activité et d'éviter leur faillite (ATA/429/2024 du 26 mars 2024 consid. 7, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 ; ATA/238/2025 du 11 mars 2025 consid. 3.4 et les références citées).
La chambre administrative a également précisé que, compte tenu de l'intérêt public particulièrement important à l'utilisation parcimonieuse des deniers publics et à ce que l'octroi des aides financières ne conduise pas à une surindemnisation des entreprises requérantes, la restitution ne pouvait se limiter aux motifs prévus par l'art. 17 LAFE‑2021. Elle pouvait ainsi être ordonnée, sans base légale expresse, pour d'autres raisons, en particulier lorsqu'il apparaissait que la société requérante avait perçu un montant plus important que ce à quoi elle pouvait en réalité prétendre en vertu de la loi, après une analyse définitive de sa situation financière (ATA/429/2024 du 26 mars 2024 consid. 9.3).
Saisi sur recours, le Tribunal fédéral a considéré que cette interprétation était défendable. L’art. 17 al. 1 LAFE-2021 était clair et correspondait à ce que prévoyait le droit cantonal concernant l'obligation de rembourser les aides financières indues (art. 23 al. 1 let. c. de la loi du 15 décembre 2005 sur les indemnités et les aides financières [LIAF - D 1 11]). Il ne ressortait pas des travaux préparatoires que le législateur souhaitait restreindre les obligations de rembourser dans le cadre des aides Covid-19. L’art. 17 al. 2 LAFE-2021, en lien avec l'art. 3 LAFE-2021, impliquait nécessairement que toute contribution dépassant la couverture des coûts non couverts serait utilisée à d'autres fins que la couverture desdits coûts et que celle-ci était donc indue. Les décisions d'octroi d’indemnités comportaient au demeurant une condition résolutoire, voulant que l'aide était accordée à la condition que les contrôles ultérieurs ne révèlent pas qu'elle avait été octroyée à tort (arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 6.7).
3.3 Un canton est tenu, lorsqu’il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; ATA/543/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.5 et les références citées).
3.3.1 Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel individuel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).
3.3.2 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1).
Le fait même qu’une loi, au moins au sens matériel, encadre l’activité administrative contribue déjà à assurer l’égalité de traitement entre administrés. Cependant, la loi ne saurait prédéterminer de façon absolue et précise toute action de l’administration et celle-ci dispose dans de très nombreuses situations d’un pouvoir d’appréciation plus ou moins large. Un contrôle différent (plus souple) est en particulier requis en présence de dispositions légales qui régissent des situations types de manière schématique et qui renoncent, dans la même mesure, à une structuration différenciée des conséquences juridiques. Il n’existe en effet pas de droit à ce que le législateur tienne compte de chaque inégalité réelle et prévoie pour celle-ci une conséquence juridique distincte Une certaine schématisation et simplification est inhérente à la loi, mais peut également être voulue par le législateur. Elle peut se justifier pour des raisons de praticabilité (en particulier d’aptitude à l’exécution) et de sécurité juridique. Aussi la jurisprudence du Tribunal fédéral accepte-t-elle des solutions schématiques dans divers domaines, notamment en matière de prélèvements (ATA/168/2024 du 6 février 2024 consid. 6.1 et les références citées).
3.4 Le droit administratif connaît le principe de la force et de l’autorité de la chose décidée, auxquels correspondent, après jugement, la force et l’autorité de la chose jugée. Une décision rendue par une autorité devient définitive à l’échéance du délai de recours, dès lors qu’aucun recours n’a été interjeté. Dès ce moment, elle a acquis la force de chose décidée, ce qui signifie qu’elle ne peut plus être remise en cause devant une autorité administrative ou judiciaire, et elle a acquis l’autorité de chose décidée par l’effet juridique qu’elle génère par son contenu (ATA/366/2025 du 1er avril 2025 consid. 6.2).
L'autorité de chose jugée ne se rapporte qu'aux points effectivement tranchés par l'autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l'autorité de la chose jugée (ATA/532/2024 du 30 avril 2024 consid. 1.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 869).
3.5 En l’occurrence, le recourant soutient que l’intimé retient à tort que l’entreprise a réalisé un CA pour l’année 2021, en reprochant à la décision attaquée de violer les principes de la légalité et de la proportionnalité, ainsi que de consacrer un abus du pouvoir d’appréciation.
3.5.1 En premier lieu, le recourant se prévaut à tort d’une violation de l’art. 17 LAFE-2021, dans la mesure où, selon lui, la restitution ne trouverait pas application in casu, l’hypothèse de l’art. 3 LAFE-2021 n’étant pas réalisée.
En effet, il ressort de la jurisprudence récente susrappelée, confirmée par le Tribunal fédéral, qu’il est admissible de considérer que la demande de restitution des aides perçues en trop rentre dans le cadre de l’art. 17 LAFE-2021.
3.5.2 Le recourant critique également la notion de CA prise en considération par l’intimé, notamment en référence aux art. 727 al. 1 ch. 2 et 957 al. 2 ch. 1 CO.
Or, là encore, cette approche a d’ores et déjà été admise par la jurisprudence de la chambre de céans. Il ne saurait donc être reproché à l’intimé de s’être fondé sur une notion élargie du CA au sens admis par la jurisprudence. C’est le lieu de rappeler que celle-ci se justifie par les objectifs différents poursuivis par le droit fiscal et le droit comptable. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l’entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence (ATA/1309/2024 du 11 novembre 2024 consid. 5.9). En outre, le fait que lesdites indemnités sont prélevées sur les deniers publics justifie une attention accrue à leur utilisation adéquate.
À cela s’ajoute que, contrairement aux allégations du recourant, ces avis de taxation définitifs, soit non contestés, pour les années 2018 à 2021 indiquent un bénéfice de CHF 122'506.- pour l’année 2021. Celui-ci est ainsi plus élevé que pour les années précédentes (2018 : CHF 884.-, 2019 : CHF 223'689.- et 2020 : CHF 54'209.-).
3.5.3 Quant à la détermination du CA, le recourant critique la prise en considération de trois postes à ce titre, à savoir la commission « Feldschlösschen », l’indemnité maladie pour indépendant et l’indemnité APG Covid-19 pour indépendant.
Cependant, dans la mesure où il faut considérer que le CA englobe tous les revenus pour payer les charges, ce qui comprend les produits exceptionnels, il a déjà été admis, de manière constante, que les indemnités APG devaient y être incluses. Le recourant lui-même les a d’ailleurs comptabilisées à ce titre (sous la rubrique Produit/ventes de marchandises et service/autres revenus), de sorte qu’il ne saurait désormais se prévaloir d’une erreur qu’il aurait commise, en reprochant opportunément à l’intimé de ne pas l’avoir corrigée de lui-même.
Le même raisonnement s’applique pour l’indemnité maladie pour indépendant.
Quant à la commission « Feldschlösschen », l’intimé pouvait également se fonder sur les états financiers de l’entreprise, lesquels la comptabilisent sous la rubrique « produits/ventes de marchandises et services/chiffres d’affaires restauration/diverses commissions ». Il est donc admis que ladite commission constituait un produit de l’entreprise, entrant dans le CA de celle-ci.
3.5.4 Finalement, le recourant conteste la proportionnalité de la demande de restitution, tant dans son principe que dans sa quotité.
Tel que l’a relevé l’intimé à bon droit, la chambre de céans s’est d’ores et déjà prononcée sur ce point dans son arrêt ATA/1072/2023 précité, en soulignant que l’administration n’a aucun pouvoir d’appréciation ni quant au principe de la restitution ni quant à sa quotité. Ledit arrêt étant désormais entré en force de chose jugée, il n’y a pas lieu d’y revenir. Cela étant, en toute hypothèse, ce point serait confirmé dans la mesure où l’administration ne dispose effectivement d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière.
En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimé n’y ayant pas conclu et disposant par ailleurs d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2024 par A______ contre la décision de l’office cantonal de l'économie et de l'innovation du 8 octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Michael LAVERGNAT, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de l'économie et de l'innovation.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
N. GANTENBEIN
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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