Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3971/2024

ATA/499/2025 du 06.05.2025 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3971/2024-FPUBL ATA/499/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 mai 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Nathalie BORNOZ, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1976, a été engagé le 1er juin 2018 en qualité de conseiller en personnel par l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) du département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE) et a été nommé fonctionnaire le 1er décembre 2020.

b. Par ordonnance pénale du 9 janvier 2024, le Ministère public (ci-après : MP) l’a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende avec sursis pour fraude électorale (art. 282 ch. 1 phr. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), pour avoir, le 2 avril 2023, en sa qualité de juré au dépouillement centralisé de l’élection du Grand Conseil, saisi des informations fausses pour 530 bulletins de vote, favorisant cinq candidats de trois listes de partis. Le dispositif prévoyait également la communication de l’ordonnance à l’OCE et à la chancellerie d’État. Cette ordonnance n’a pas fait l’objet d’une opposition et est entrée en force.

c. Le MP a informé l’OCE le même jour.

d. A______ a été convoqué à un entretien de service le 29 janvier 2024. Les agissements objet de l’ordonnance pénale constituaient un manquement aux devoirs du personnel, lequel était tenu au respect des intérêts de l’État, devait s’abstenir de tout ce qui pouvait lui porter préjudice et, par son attitude, justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l’objet. L’OCE envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé, sans procédure de reclassement au vu du motif. A______ a expliqué n’avoir jamais voulu tricher et avoir été victime de mobbing sur son lieu de travail. Il acceptait son licenciement si c’était la décision de son employeur.

e. La décision de licenciement lui a été notifiée le 19 mars 2024, avec effet au 30 juin 2024. Elle était fondée sur sa condamnation pour fraude électorale. Les justifications qu’il avait avancées – absence d’intention consécutive à la prise d’un médicament antipsychotique – avaient été démenties dans la procédure pénale. Ses plaintes à propos du climat de travail hostile étaient formellement contestées et n’avaient aucun lien avec les agissements reprochés. Le licenciement n’a pas été contesté.

f. Le 18 septembre 2024, A______ s’est plaint de la teneur du certificat de travail que l’OCE lui avait remis le 15 juillet 2024. Un paragraphe mentionnait : « Toutefois, il y a lieu de relever que Monsieur A______ a adopté un comportement propre à rompre la confiance qu’implique l’exercice de sa fonction publique et qui a entraîné la fin des rapports de service ». Il entravait la recherche d’un nouvel emploi et devait être retiré. Il était difficilement concevable que le dépouillement des élections, pour lequel il s’était porté volontaire et qui n’avait aucun lien avec son activité salariée, ait eu une influence négative sur sa prestation de travail, justifiant ainsi la mention dans son certificat de travail.

g. Le 26 septembre 2024, l’OCE a rejeté la demande de A______ et lui a adressé un nouveau certificat de travail comportant une version reformulée du paragraphe dont il réclamait le retrait.

Sa position exigeait qu’il s’abstienne, dans sa vie privée également, de tout ce qui pouvait porter atteinte aux intérêts de l’État, en particulier la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés. La mention du comportement qu’il avait adopté et de la rupture du lien de confiance en découlant était donc conforme au principe de vérité, qui primait celui de bienveillance.

Le certificat annexé indiquait :

« […] Monsieur A______, […] a travaillé à [l’OCE], au sein de l’office régional de placement (ORP) du 1er juin 2018 au 30 juin 2024, en qualité de conseiller en personnel à 100%.

« En date du 1er décembre 2020, [il] a été nommé fonctionnaire.

« Sa mission consistait à suivre les demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’OCE, plus précisément à :

« - établir un bilan-diagnostic (évaluation globale) lors de la prise en charge des demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’OCE, permettant de définir des cibles professionnelles et élaborer des plans d’action,

« - conseiller les assurés de manière personnalisée, au travers d’entretiens réguliers, dans le but de cibler de manière optimale leurs recherches d’emploi,

« - analyser l’adéquation des offres d’emploi avec le profil des demandeurs d’emploi et les mettre en contact avec les employeurs,

« - analyser et clarifier les besoins en formation des assurés et proposer, le cas échéant, des mesures de formation afin d’accroître leur aptitude au placement,

« - contrôler que les demandeurs d’emploi remplissent correctement leurs obligations et sanctionner les manquements selon les législations fédérales et cantonales en matière de chômage,

« - établir et entretien des contacts avec différents partenaires (employeurs, Hospice général, caisses de chômage, organismes de formation et de réinsertion, etc.),

« - gérer l’administration des dossiers confiés.

« Grâce à ses connaissances professionnelles [il] a effectué son travail en toute autonomie et a offert un cadre de conseil et de soutien aux demandeurs d’emploi aboutissant à des solutions concrètes en termes d’insertion professionnelle. Grâce à son suivi personnalité et une activation régulière sur des postes vacants, il les a encouragés à reprendre confiance et est parvenu à dynamiser leurs recherches d’emploi. Impliqué dans son métier et organisé, [il] a traité un nombre important de dossiers et a obtenu de très bons résultats en matière de placement des demandeurs d’emploi.

« Par ailleurs, [il] a entretenu de bonnes relations avec ses collègues et ses bénéficiaires.

« Toutefois, il y a lieu de relever [qu’il] a adopté un comportement hors service propre à rompre la confiance qu’implique l’exercice de sa fonction publique et qui a entraîné la fin des rapports de service.

« [Il] nous a quittés libre de tout engagement, hormis celui qui le lie au secret de fonction. »

h. Le 7 octobre 2024, A______ a demandé à l’OCE de supprimer le paragraphe litigieux. Il était inacceptable que le certificat de travail contienne des informations qui n’auraient jamais dû lui être communiquées, comme celles ressortant de l’ordonnance pénale.

i. Par décision du 28 octobre 2024, le DEE a rejeté la demande de rectification du certificat de travail. La mention du comportement ayant entraîné la résiliation des rapports de service était conforme à la réalité. Il ne s’était pas opposé à l’ordonnance pénale, qui prévoyait sa transmission à l’OCE, et n’avait pas contesté sa transmission lors de la procédure de licenciement. Il était légitime que le certificat de travail fasse état de la violation du devoir de fidélité du fonctionnaire également lorsque les faits avaient eu lieu hors service et qu’ils avaient gravement porté atteinte aux intérêts de l’employeur public. Il en allait du devoir d’information et de la responsabilité de l’État notamment à l’égard des autres employeurs publics, qui disposaient d’un intérêt manifeste à déterminer si les exigences liées au devoir de fidélité dans la fonction publique avaient été observées par le membre du personnel, en particulier si le comportement de ce dernier – également hors service – était à même de préserver la confiance que les administrés devaient pouvoir placer dans la fonction publique. La formulation du passage litigieux était circonscrite à son comportement hors service et à l’incidence de celui-ci sur l’exercice d’une fonction publique. Le principe de vérité primait celui de bienveillance lorsque, comme en l’espèce, le certificat devait contenir des faits et appréciations défavorables et que ces éléments étaient importants.

B. a. Par acte remis au greffe le 28 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné au DEE de lui délivrer le certificat de travail dépourvu du paragraphe litigieux. À titre préalable, la production par l’OCE de son dossier complet, la comparution personnelle des parties ainsi que l’audition de sept témoins devaient être ordonnées.

Il avait toujours donné entière satisfaction dans l’accomplissement de son travail. Il avait été victime de mobbing de la part de ses supérieurs et avait été entendu à ce sujet par un conseiller du groupe de confiance. L’entretien de service du 29 janvier 2024 n’avait porté que sur sa condamnation pénale et son licenciement n’était fondé que sur celle-ci. Il était âgé de 48 ans et subvenait seul aux besoins de sa famille, son épouse ne travaillait pas et ils avaient trois enfants âgés de 18, 17 et 15 ans. Il subvenait également aux besoins de sa famille au Sénégal. Après son licenciement, il avait immédiatement cherché un emploi. L’Hospice général (ci‑après : l’hospice) était fortement intéressé par sa candidature. Toutefois, après avoir pris contact avec l’OCE, il avait renoncé à l’employer. Le 1er juillet 2024, il avait été engagé par l’œuvre suisse d’entraide ouvrière (ci-après : OSEO), mais il avait été licencié le 13 septembre 2024 au motif que les lacunes dans son dossier personnel ne permettaient pas la poursuite sereine des rapports de travail au-delà du temps d’essai – ces lacunes étaient en lien avec le fait qu’il avait pu présenter tous ses certificats de travail sauf celui établi par l’OCE. Il était toujours à la recherche d’un emploi. Compte tenu des agissements de l’OCE, il s’était senti humilié et n’avait pas voulu s’inscrire au chômage, jusqu’à ce que son conseil le persuade de le faire.

Les art. 74 et 84 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) et 15b de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10) avaient été violés. Le MP avait édicté une directive C.4 sur la communication des prononcés et l’information des autorités qui prévoyait à son art. 6.1 que les ordonnances relatives à des employés de l’État et des établissements publics pour des infractions en rapport avec leur activité ou susceptibles de porter atteinte à leur crédibilité professionnelle étaient communiquées immédiatement à la structure qui les employait. Or, l’infraction de fraude électorale avait été réalisée hors de son cadre professionnel, les intérêts de l’OCE n’étaient pas menacés, les agissements étaient sans incidence sur sa capacité à remplir sa mission, étant précisé qu’il n’occupait pas un poste à responsabilité, son emploi n’avait aucun lien avec le milieu politique et sa condamnation était un acte isolé, son comportement ayant toujours été irréprochable sur son lieu de travail et à l’extérieur.

Ses intérêts privés étaient prépondérants. Il avait démontré qu’un employeur avait refusé de l’employer en raison des informations fournies par l’OCE et qu’un autre l’avait licencié faute pour lui de pouvoir remettre son certificat de travail.

L’art. 35 de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) avait été violé. L’OCE avait traité une donnée dont il n’aurait jamais dû avoir connaissance. Bien que tardive, la question de la légitimité de son licenciement, qui reposait sur l’ordonnance pénale, se posait.

Les art. 39 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) et 330a de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), applicable à titre de droit supplétif, avaient été violés. Compte tenu de l’absence de lien avec sa fonction, l’allusion dans son certificat à un fait externe sans incidence sur sa prestation de travail violait le principe de bienveillance.

La décision était arbitraire. Il était doublement sanctionné par la transmission de l’ordonnance pénale, puisqu’il avait été licencié et avait obtenu un mauvais certificat de travail qui le sanctionnait de manière « indéfinie ». À la différence d’un casier judiciaire, il n’était pas possible d’effacer les données figurant sur un certificat de travail et celles-ci étaient indélébiles.

b. Le 20 janvier 2025, l’OCE a conclu au rejet du recours.

La fraude électorale commise touchait à l’intégrité même du processus d’élection du Grand Conseil et au respect de la volonté populaire, dont le Conseil d’État – qui était également son employeur – était garant. Les faits, qui avaient largement été relayés dans les médias, dénotaient une attitude incompatible avec l’exercice de la fonction publique.

L’ordonnance pénale révélait qu’il avait tenté de se soustraire à toute poursuite en se procurant après les faits un médicament antipsychotique et en prétendant l’avoir consommé le jour des faits et avoir eu des hallucinations.

c. Le 18 février 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

La production complète de son dossier à l’OCE, qu’il avait requise, devait permettre de démonter qu’aucun élément ne justifiait une mention négative sur son certificat de travail. Les témoins pourraient attester du rejet de sa candidature par l’hospice, des motifs de son licenciement par l’OSEO ainsi que des pressions psychologiques qu’il avait subies à son poste.

L’OCE semblait ignorer que son certificat de travail lui servirait également à postuler auprès d’employeurs privés, auxquels son raisonnement ne s’appliquait pas.

d. Le 19 février 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut préalablement à la comparution personnelle des parties, à l’audition de sept témoins, et à ce que soit ordonnée la production de son dossier complet auprès de l’OCE.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, le recourant a eu à plusieurs reprises l’occasion de faire valoir ses arguments par écrit et de produire toute pièce utile, tant devant l’OCE que la chambre de céans. Il n’expose pas quels éléments, qu’il n’aurait pu produire ou documenter par écrit et qui seraient utiles à la solution du litige, son audition serait susceptible d’apporter.

Les motifs du licenciement du recourant sont établis et documentés. Faute d’avoir été contesté, le licenciement est entré en force. Les allégations de mobbing n’ont pas été retenues et sont quoi qu’il en soit sans effet sur le sort du présent litige. Les difficultés du recourant à retrouver un emploi ne sont pas contestées et seront prises en compte dans les considérants qui suivent. Aucun de ces éléments ne nécessite par conséquent d’être prouvé, que ce soit par l’audition du recourant, par des témoignages ou encore par la production du dossier du recourant auprès de l’OCE.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Le recourant conclut à l’annulation de la décision attaquée et à ce que soit retiré du certificat de travail le paragraphe évoquant la résiliation des rapports de service.

3.1 Les rapports de service du recourant et de l’intimé sont notamment régis par la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et RPAC.

3.2 L’art. 39 RPAC prescrit qu’à la fin des rapports de service, le membre du personnel reçoit de sa hiérarchie un certificat de travail portant sur la nature et la durée de son travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sur son comportement. À sa demande expresse, le certificat ne porte que sur la nature et la durée du travail.

3.3 Dans le cadre d'une relation de travail de droit public, la délivrance d'un certificat de travail fait partie du devoir de diligence et de protection de l'employeur. Le but du certificat de travail est de favoriser l’avenir économique du travailleur et ses recherches d’emploi (ATF 107 IV 35 ; ATA/454/2022 du 3 mai 2022 consid. 3b ; ATA/775/2021 du 27 juillet 2021 consid. 15c). Sauf lorsque le travailleur le demande, le certificat doit être complet, soit contenir la description précise et détaillée de l’activité exercée et des fonctions occupées dans l’entreprise, les dates de début et de fin des rapports de travail, l’appréciation de la qualité du travail effectué, ainsi que celle relative à l’attitude du travailleur dans l’entreprise (Christian BRUCHEZ/Patrick MANGOLD/Jean-Christophe SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail, 4e éd., 2019, p. 253-254, n. 4). Il est notoire que ce document est important pour une personne en recherche d'emploi (ATA/454/2022 du 3 mai 2022 consid. 3b ; ATA/1176/2018 du 6 novembre 2018 consid. 28b ; ATA/1589/2017 précité consid. 3a).

3.4 Le certificat de travail doit répondre aux principes parfois contradictoires de vérité et de complétude, d’une part, et de bienveillance, d’autre part. Le rédacteur du certificat de travail doit non seulement favoriser l’avenir professionnel du travailleur, mais encore donner – du point de vue d’un tiers impartial – une image la plus exacte possible de la réalité de l’activité, des prestations et de la conduite du travailleur. Cette double exigence implique que les aspects positifs de l’activité et du comportement du travailleur doivent être valorisés sans que les éléments négatifs soient pour autant dissimulés, dans la mesure toutefois où ils revêtent de l’importance pour évaluer l'ensemble de la situation. Une appréciation négative de la qualité du travail ou de la conduite du travailleur peut être exprimée, pour autant qu'elle soit pertinente et fondée. Il y a lieu de mentionner le motif de fin des rapports de travail si celui-ci est nécessaire à l'appréciation générale de l'image générale du travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 du 5 septembre 2003).

3.5 Le travailleur n’a toutefois pas de prétention à une formulation particulière, l’employeur ayant le choix des termes utilisés (ATF 144 II 345 consid. 5.2.3). Il appartient en premier lieu aux supérieurs hiérarchiques de qualifier les prestations de l'employé du moment qu'ils peuvent le mieux évaluer le travail quotidien et apprécier le comportement de l'intéressé (ATF 118 Ib 164 consid. 4b). Conformément au principe de la bonne foi, la liberté de rédaction de l’employeur trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, à des allusions dissimulées ou inutilement dépréciatives, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 précité consid. 6.1).

3.6 De manière générale, les derniers temps du rapport d’emploi ne doivent pas prendre une place exagérément importante par rapport à l’ensemble de la relation. Le rédacteur du certificat devra donc se méfier de la tendance à porter davantage l’accent sur les événements les plus récents, surtout lorsque ceux-ci sont chargés d’émotion (ATA/1043/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5c).

3.7 Le travailleur qui estime que le certificat de travail qui lui a été remis est lacunaire, inexact ou qu'il contient des indications trompeuses ou ambiguës peut demander à l'employeur de le modifier. Dans le cadre de l'action en justice, il appartient au travailleur de prouver que le contenu du certificat n'est pas conforme à la réalité. L'employeur devra collaborer à l'instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S'il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (Christiane BRUNNER/Jean-Michel BÜHLER/Jean-Bernard WAEBER/ Christian BRUCHEZ, op. cit., p. 255-256 n. 6 ; ATF 129 III 177 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2014 du 18 décembre 2014 consid. 3.2.1 ; ATA/445/2020 du 7 mai 2020 consid. 10).

3.8 Lorsque le travailleur demande la rectification du contenu du certificat de travail, il doit formuler lui-même le texte requis, de manière à ce que le tribunal puisse le reprendre sans modification dans son jugement. Le travailleur ne peut donc pas se borner à conclure à ce que l'employeur lui délivre un certificat de travail dont le contenu soit conforme à la vérité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2014 précité consid. 3.2.2 et les références citées).

3.9 L'employeur qui établit un certificat qualifié d’incomplet court le risque, lors de la recherche d'un nouvel emploi où un tel certificat est utilisé, de se rendre responsable à l'égard d'un futur employeur (ATF 129 III 177 consid. 3.2, in JdT 2003 I 342 ; 101 II 69 consid. 2). Un employeur établit un faux certificat de travail, par exemple, s’il ne mentionne pas l’abus de confiance commis par le travailleur à son détriment (David AUBERT in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Commentaire du contrat de travail 2013, p. 451).

3.10 Les directives contenues dans le Mémento des instructions de l'office du personnel de l'État (ci-après : MIOPE et OPE) précisent que les indications contenues dans le certificat de travail doivent être objectives et exactes, non seulement au titre de l'élémentaire déontologie, mais afin qu'un éventuel futur employeur puisse se faire une idée aussi réelle que possible des qualités et/ou défauts du candidat qui se présente à lui (MIOPE 06.01.04).

3.11 L’art. 84 al. 6 CPP prévoit que les prononcés des jugements pénaux sont communiqués aux autres autorités désignées par le droit fédéral et le droit cantonal.

L’art. 15 let. b LaCP, citant l’art. 84 al. 6 phr. 1 CPP, prévoit que lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, le MP peut transmettre spontanément aux autorités fédérales, cantonales ou communales compétentes pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative les prononcés rendus par les autorités pénales.

Sous le titre « Communication des prononcés et informations des autorités », la directive C.4 du MP, en vigueur depuis le 1er juin 2013, vise à unifier la pratique en matière d’information aux autorités ou de communication des ordonnances de non‑entrée en matière, des ordonnances de classement, des ordonnances de confiscation, des ordonnances pénales ou des jugements aux autres autorités. En application des art. 86 al. 4 CPP et 15 let. b LaCP, les prononcés peuvent, respectivement doivent être communiqués à d’autres autorités (art. 2.1). S’agissant d’agents publics, le MP informe le département compétent ou l’établissement public chaque fois qu’il ouvre une procédure pénale relative à des infractions en rapport avec l’activité de l’agent ou susceptibles de porter atteinte à sa crédibilité professionnelle. Le moment de la transmission de l’information se détermine en fonction des besoins de l’enquête, étant rappelé que les délais de prescription des procédures disciplinaires sont brefs et ne sont pas suspendus par la procédure pénale (art. 4.3). Les ordonnances pénales relatives à des employés de l’État et des établissements publics, sont communiqués immédiatement à la structure qui les emploie, en application des art. 84 al. 6 CPP et 15 let. b LaCP (art. 6.1).

3.12 Dans une procédure portant sur le licenciement d’un employé de banque poursuivi pénalement pour blanchiment d’argent, la chambre d’appel des Prud’Hommes a ordonné en 2015 que la phrase du certificat de travail « à cause d’importantes violations des règles bancaires, nous avons été contraints de résilier le contrat de travail de […] avec effet immédiat le […] » soit remplacée par la mention, conforme à la réalité mais pas inutilement vexatoire, « en raison de son implication dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent, nous avons résilié le contrat de travail de […] » (CAPH/54/2015 du 26 mars 2015 consid. 6.2 – point confirmé, car non contesté, dans l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_251/2015 du 6 janvier 2016 cité par le recourant).

4.             En l’espèce, le litige porte sur la mention suivante, dans le certificat de travail du recourant : « Toutefois, il y a lieu de relever que Monsieur A______ a adopté un comportement hors service propre à rompre la confiance qu’implique l’exercice de sa fonction publique et qui a entraîné la fin des rapports de service ».

Il n’est pas contesté que la mention litigieuse repose sur le motif de la résiliation des rapports de service et que celui-ci repose sur l’ordonnance pénale. Les deux décisions figurent au dossier. Elles sont toutes deux entrées en force. Leur bien‑fondé ne peut ainsi plus être discuté et il n’est d’ailleurs pas l’objet du présent litige, de sorte que les griefs visant ces décisions sont irrecevables. La motivation des deux décisions étant connue, il n’y a pas lieu d’ordonner l’apport du dossier du recourant auprès de l’OCE.

4.1 Le recourant fait valoir que la mention litigieuse dans son certificat de travail procède d’une transmission de l’ordonnance pénale à l’intimé violant la loi.

Or, l’art. 15 let. b LaCP permettait au MP de transmettre spontanément l’ordonnance pénale à l’intimé. Le MP devait même procéder à cette transmission, selon l’art. 6.1 de sa directive C.4.

Le recourant objecte que l’intimé n’était pas compétent pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative au sens de l’art. 15 let. b LaCP.

Cependant, la procédure ayant abouti à son licenciement est bien une procédure administrative conduisant à une prise de décision par l’autorité administrative, au sens de l’art. 1 al. 1 LPA, que l’intimé avait la compétence de conduire.

Selon le recourant, la condition de l’intérêt public prépondérant de l’art. 15 let. b LaCP ne serait pas réalisée, les agissements ayant été commis en-dehors du cadre professionnel et étant sans incidence sur sa capacité à remplir sa mission à l’OCE.

En réalité, l’art. 15 let. b LaCP ne prend en considération l’intérêt public ou privé prépondérant que comme obstacle à la faculté du MP de transmettre une ordonnance pénale. En l’espèce, aucun intérêt public ne s’opposait à la transmission par le MP à l’intimé. Il y avait au contraire un intérêt public évident à ce que l’État connaisse d’éventuelles inaptitudes à assumer une fonction de l’un de ses agents. Quant à l’intérêt privé du recourant à ce que ses agissements ne soient pas connus de l’OCE, s’il doit certes être reconnu, il doit céder le pas devant l’intérêt public évoqué.

Le recourant soutient enfin que vu sa qualité de conseiller en personnel colloqué en classe 16, n’exerçant aucune fonction de cadre et n’ayant aucun lien avec le monde politique, l’infraction commise ne pouvait avoir porté atteinte à sa crédibilité professionnelle, comme l’envisage la directive C.4 du MP.

Il doit au contraire être retenu que la fraude électorale commise par le recourant mettait en question son aptitude à agir au nom de l’État et à représenter celui-ci de façon crédible auprès d’administrés s’attendant à une attitude exemplaire et respectueuse des lois de tous les agents de l’État. Il importe peu à cet égard qu’il ait agi dans le cadre d’une activité exercée en dehors de son cadre de travail ou de manière bénévole et volontaire. Ce qui compte, c’est que l’infraction qu’il a commise dénote, dans un domaine particulièrement sensible où le respect de l’État de droit est essentiel, un mépris évident pour les règles régissant l’exercice des droits politiques. L’infraction a d’ailleurs été retenue par l’intimé comme motif de la résiliation des rapports de service.

Cela étant, la condition de la crédibilité posée par l’art. 4.3 de la directive C.4 s’agissant de communiquer l’ouverture d’une instruction pénale n’est pas reprise à l’art. 6.1 de la même directive s’agissant de transmettre une ordonnance pénale. Enfin, la transmission était disposée par l’ordonnance pénale à laquelle le recourant n’a pas fait opposition.

La transmission de l’ordonnance pénale apparaît ainsi conforme à la loi.

Le grief sera écarté.

4.2 Le recourant fait valoir que la transmission à l’intimé et la possession par ce dernier des informations sur la procédure pénale violerait la LIPAD.

Ce grief est exorbitant au litige, et partant irrecevable, dès lors que la chambre de céans n’est pas saisie d’un recours contre une décision que le recourant aurait sollicitée de l’intimé en application de la LIPAD et selon la procédure propre à cette réglementation.

4.3 Le recourant se plaint de la violation des art. 39 RPAC et 330a CO.

Il fait valoir que la mention constitue une peine supplémentaire et indélébile entravant grandement sa liberté économique et ayant en particulier compromis un engagement et entraîné la fin d’un autre.

Il est vrai que la mention litigieuse ne favorise pas l’engagement du recourant. Cependant, elle apparaît conforme à la réalité (ce sont bien les agissements qui ont entraîné la fin des rapports de service) et nécessaire, cet élément négatif ne devant pas être dissimulé, la mention du motif de la fin des rapports de travail étant au contraire nécessaire à l'appréciation de l'image générale du travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 précité). En ne mentionnant pas la cause de la rupture des rapports de service, l’intimé exposerait en effet sa responsabilité à l’égard d’un futur employeur qui se serait fié au certificat.

Le recourant ne critique pas la formulation de la mention litigieuse, telle que remaniée par l’intimé le 26 septembre 2024 après son opposition du 18 septembre 2024. Cette formulation apparaît, au regard de l’ensemble du certificat, qui contient plusieurs passages élogieux, suffisamment pondérée et nuancée, par référence à l’arrêt CAPH/54/2015 précité, pour respecter le devoir de complétude de l’intimé et le principe de vérité tout en préservant au mieux les droits du recourant et en respectant le plus possible le principe de bienveillance.

Il apparaît ainsi que c’est de manière conforme au droit et sans abus de son pouvoir d’appréciation que l’intimé a rédigé le certificat de travail et refusé de supprimer le passage litigieux.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue des litiges, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Le litige n’a pas de valeur litigieuse.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2024 par A______ contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 28 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 13 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1e Cour de droit public, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie BORNOZ, avocate du recourant, ainsi qu'au département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :