Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/498/2025 du 06.05.2025 ( MARPU ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/484/2025-MARPU ATA/498/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 6 mai 2025 |
| ||
dans la cause
A______ AG recourante
contre
GROUPEMENT B______ intimé
représenté par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat
A. a. Constituée le 5 septembre 2012, A______ AG (ci-après : la soumissionnaire) est une société de droit suisse, domiciliée à C______, dont le but social est l’« exploitation et gestion d'un bureau d'ingénieurs et d'un chantier naval pour le développement, la construction, la nouvelle construction, l'entretien, les réparations et le conseil ainsi que le commerce de véhicules nautiques, de composants techniques nautiques et d'objets d'équipement ; acquisition et vente de biens immobiliers ; participations ».
b. Le 28 octobre 2024, la centrale municipale d’achat et d’impression du département des finances, de l’environnement et du logement de la Ville de Genève (ci-après : la ville), en tant qu’organe d’exécution pour le GROUPEMENT B______ (ci-après : B______), autorité adjudicatrice, a publié un avis d’appel d’offres en procédure ouverte internationale en vue de l’acquisition d’un bateau d’intervention polyvalent, intitulé « BateauLac_A1/Acquisition d’un bateau d’intervention polyvalent ».
Le B______ souhaitait renouveler son équipement qui répondait partiellement aux attentes, pour un bateau polyvalent, adapté aux missions d’extinction et de sauvetage de personnes à l’eau en toute sécurité, permettant d’affronter des conditions météorologiques dégradées tout en assurant une bonne manœuvrabilité (ch. 2 du cahier des charges [ci-après : CC]).
Les documents d’appel d’offres étaient téléchargeables sur le site Internet www.simap.ch et disponibles à partir du 28 octobre 2024 jusqu’au 16 janvier 2025. Un tour de questions était prévu le 9 décembre 2024. Le délai pour la remise de l’offre était fixé au 16 janvier 2025 à 12h00. La ville exécutait ledit appel d’offres pour le compte du B______, adjudicateur.
Les critères d’adjudication étaient les suivants : adéquation technique de l’offre (50%), prix (25%), organisation qualité et expériences (15%) et prestation de formation et service après-vente (10%).
Selon l’art. 23 du cahier de soumission (ci-après : CS), la sous-traitance était autorisée uniquement pour le service après-vente du bateau (art. 23.1 CS). En cas de sous-traitance, le soumissionnaire devait indiquer lors du dépôt de son offre : le nom et le siège de chaque sous-traitant (let. a) ; la nature et la part des prestations sous-traitées (let. b ; art. 23.3 CS). Lors du dépôt de son offre, le soumissionnaire était tenu de produire pour chaque sous-traitant les documents requis à l’art. 25 CS « conditions de participation » afin que son offre soit prise en compte. Chaque sous‑traitant devait respecter l’ensemble des conditions tant durant la procédure que dans l’exécution du marché (art. 23.4 CS).
L’autorité adjudicatrice évaluerait uniquement les offres qui répondaient aux autres conditions de soumission de l’appel d’offres (art. 37.1 let. e CS).
Au titre des exigences techniques du bateau, il était prévu que, au niveau de la manœuvrabilité, celui-ci devait comporter « deux moteurs : in-bord ; propulsion arbre fixe » (art. 5.2.5 CC). La réception de la coque était considérée quand la structure était soudée sans le pont et les planchers (art. 7.2.1 CC). La fabrication du bateau s’exécuterait sur le site du prestataire (art. 7 CC). Les prestations du service après-vente démarraient à la livraison du bateau (art. 9.2 CC). L’annexe 1 CC prévoyait notamment, concernant les moteurs, que deux moteurs in-bord propulsaient le bateau et une transmission en ligne d’arbre fixe (ch. 9).
c. Le 16 janvier 2025 à 09h45, la soumissionnaire a remis son offre, en précisant notamment que « dans le cadre de ce projet, [elle] travaillerait avec un fabricant de bateaux en aluminium personnalisés ».
Sa halle de chantier naval se situait à C______.
Concernant le moteur, elle mentionnait au point 9 de l’annexe 1 au CC « nous suggérons propulsion Z ».
Selon l’annexe « Description technique » jointe à l’offre, « le bateau [était] équipé d’une hélice fixe, ainsi que de propulseurs d’étrave et de poupe […]. La propulsion [était] assurée par deux moteurs diesel puissants de VOLVO PENTA avec la dernière technologie de propulsion Z » (ch. 1, cf. également schémas du bateau illustrant les deux moteurs en question), le tirant d’eau était « variable grâce à la propulsion Z » (ch. 7), et « le bateau [pouvait] être équipé avec un arbre d’entraînement rigide, mais d’après [son] expérience et les retours des clients, [elle] ne le recommand[ait] pas pour la maniabilité près des côtes. Si [la ville] le souhait[ait] absolument, [elle lui] fournir[ait] le bateau avec un arbre rigide. Le bateau [était] propulsé par des propulsions Z avec le dernier système de commande hydraulique à embrayage à lamelles […] » (ch. 8.2, cf. également ch. 4.4 du formulaire d’offre B indiquant « non » à la question de savoir si la transmission du moteur se fait par « arbre fixe » et 9 de l’annexe « Organisation du projet relatif au point 4.3.2 du formulaire d’offre B »).
Le formulaire d’offre B annonçait également comme sous-traitant (ch. 2.4) l’entreprise D______(ci‑après : l’entreprise), située en Italie, pour la « production casque complet » (« spécialiste plus de 40 ans dans le secteur navire. Sur demande, [elle] fourniss[ait] des informations plus détaillées sur l’entreprise »). La part sous-traitée équivalait à 20%.
d. Par décision du 3 février 2025, la ville a exclu l’offre de la soumissionnaire en application de l’art. 42 let. a et b du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), de sorte que celle-ci ne serait pas évaluée.
La soumissionnaire déclarait de la sous-traitance pour la production du casque complet du bateau alors que l’art. 23.1 CS autorisait la sous‑traitance uniquement pour le service après-vente du bateau. Son offre indiquait également que la transmission du bateau était une propulsion en Z alors que le CC imposait une transmission en ligne d’arbre fixe.
B. a. Par acte du 12 février 2025, la soumissionnaire a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation.
L’entreprise mentionnée était un fournisseur et non un sous-traitant, tel qu’elle était indiquée dans la troisième ligne concernant la « production complète de la coque du bateau » livrant uniquement des produits et matériaux. Le client final n’aurait aucun contact direct avec le fournisseur, toute la coordination, l’exécution et la responsabilité envers le fournisseur étant prises en charge par elle.
Dans la « spécification technique sous le chapitre 9, page 2 », elle avait confirmé par « oui » l’exécution avec une transmission en ligne d’arbre fixe. Elle suggérait la possibilité d’amélioration technique avec un entraînement Z. Dite recommandation était basée sur son expérience en tant que chantier naval et constructeur. Dans la partie « description technique, chapitre 1, résumé », elle confirmait une transmission en ligne d’arbre fixe, en expliquant pour quelles raisons elle recommandait un système d’entraînement alternatif. Il s’agissait uniquement d’une proposition.
b. Le B______ a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Les motifs de recours de la recourante ne correspondaient pas à ceux prévus légalement. À lire la recourante, la décision querellée serait inopportune, un tel grief ne pouvant toutefois être invoqué.
L’entreprise ne pouvait être considérée comme un simple fournisseur, dès lors qu’elle ne livrait à la recourante aucune matière, mais fabriquait en réalité la coque complète du bateau. La prestation fournie par l’entreprise pouvait être exécutée par la recourante, laquelle pouvait construire un bateau complet. La coque du bateau ne serait pas exécutée dans les locaux de la recourante, mais auprès de l’entreprise sous-traitante. La recourante avait bien indiqué l’entreprise comme sous-traitante et non comme fournisseur, sans fournir d’explications qui permettraient de la considérer comme tel. Elle n’avait pas non plus posé de question pour s’assurer de la qualification de l’entreprise.
Il ressortait clairement de son offre que la recourante proposait un bateau équipé d’un moteur à propulsion en Z. La description technique de son offre prévoyait que la propulsion était assurée par deux moteurs diesel puissants de marque VOLVO PENTA avec la dernière technologie de propulsion en Z. Les plans du bateau annexés au descriptif technique démontraient que l’offre portait sur un moteur avec une propulsion en Z et non sur une propulsion en ligne avec arbre fixe tel que spécifié dans les documents d’appel d’offre. L’offre de la recourante ne constituait aucune optimisation, mais portait bien sur un modèle de propulsion différent, ne correspondant pas aux conditions de l’appel d’offres.
Même formulée avec des réserves ou des conditions, l’offre ne pouvait être considérée comme complète. Les variantes n’étaient pas admises. En tout état, le moteur à propulsion en Z proposé par la recourante ne pouvait être qualifié de variante recevable, puisque celle-ci devait comporter les prestations essentielles décrites dans l’appel d’offres, sous peine d’être exclue.
Sous peine de violer les principes d’égalité de traitement, de transparence et d’intangibilité de l’offre, il n’avait d’autre choix que d’exclure son offre.
c. La recourante n’ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, la cause a été gardée à juger.
1. Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 – L‑AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 RMP).
2. Préalablement, la chambre de céans examine d’office la recevabilité du recours quant à son contenu.
2.1 L'art. 57 RMP a une teneur similaire à l’art. 61 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), selon lequel le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA). En matière de marchés publics, si le contrat n’est pas encore conclu, l’autorité de recours peut, soit statuer au fond, soit renvoyer la cause au pouvoir adjudicateur dont elle annule la décision, au besoin avec des instructions impératives (art. 18 al. 1 AIMP).
2.2 Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1300/2018 du 4 décembre 2018 consid. 2 ; ATA/533/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b).
2.3 In casu, dans son acte de recours, la recourante, comparaissant en personne, demande à la chambre de céans de « bien vouloir reconsidérer [la] décision ». Il faut clairement en déduire qu’elle conteste ainsi la décision querellée, prononçant son exclusion de la procédure de marché public concernée. En outre, la recourante critique les motifs ayant conduit à celle-ci, soit l’intervention de l’entreprise pour la fabrication de la coque du bateau et l’absence de transmission en ligne d’arbre fixe pour les moteurs. Elle considère ainsi que, contrairement à ce qu’a retenu l’intimé, ces deux critères seraient remplis et en explique les raisons.
Par conséquent, au vu des dispositions susrappelées, les écritures de la recourante doivent être déclarées recevables, dès lors que tant ses conclusions que les motifs invoqués à l’appui de celles-ci manifestent sa volonté de remettre en question la décision litigieuse, laquelle serait fondée à tort sur l’absence de réalisation des deux critères mentionnés. Elle ne remet ainsi pas en cause leur opportunité, mais bien leur satisfaction, estimant que l’intimé a retenu, à tort, que ceux-ci n’étaient pas remplis.
3. L’objet du litige porte sur le bien-fondé de la décision d’exclusion de la recourante du marché public mené par l’intimé.
La recourante contestant principalement les deux critères invoqués pour rejeter son offre, il convient d’examiner le bien-fondé de chacun de ceux-ci.
4. En premier lieu, il est reproché à la recourante de ne pas avoir respecté les conditions de la sous-traitance admissible.
4.1.1 Conformément à l’art. 4 L-AIMP, le Conseil d'État édicte les dispositions d'exécution de l'accord intercantonal (al. 1). Il précise notamment les critères d’aptitude et peut, à cet égard, limiter le recours à la sous-traitance (al. 2 ab initio). La sous-traitance nécessite l’accord de l’autorité adjudicatrice, qui en fixe les modalités (al. 3).
4.1.2 Le RMP régit la passation des marchés publics en application de l’AIMP (art. 1 RMP).
4.2.1 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 al. 2 RMP).
4.2.2 L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et avec leur pondération au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP).
4.3 L’art. 35 al. 1 RMP relatif à la sous-traitance prévoit que les soumissionnaires doivent indiquer, lors de la remise de leur offre, le type et la part des prestations qui sont appelées à être sous-traitées, ainsi que le nom et le domicile ou le siège de leurs sous-traitants.
La notion de sous-traitant doit être distinguée de celle de fournisseur. En droit des marchés publics, la distinction entre ces deux notions s’opère sur la base du critère de la proximité avec le marché en question. La notion de « sous-traitant » est applicable à tout tiers impliqué de façon directe dans la réalisation du marché. Le sous-traitant participe directement à l’exécution de la tâche à réaliser en faveur de l’adjudicateur, quand bien même il reste juridiquement lié au seul adjudicataire. Le sous-traitant peut dès lors être considéré comme un « auxiliaire », voire parfois un « substitut » de l’adjudicataire (Martin BEYELER, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, p. 835, n. 1584). La notion de « fournisseur », au contraire, s’applique à tout acteur économique qui fournit à l’adjudicataire des prestations en amont ou en arrière-plan de la prestation caractéristique du marché. La prestation du fournisseur n’a dès lors pas de lien direct avec la prestation caractéristique (ATA/1112/2024 du 24 septembre 2024 consid. 7.5 ; Martin BEYELER, op. cit., p. 835, n. 1584).
4.4 Selon l’art. 39 RMP, l'autorité adjudicatrice examine la conformité des offres au cahier des charges et contrôle leur chiffrage (al. 1). Les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d'écriture, sont corrigées (al. 2 1re phr.).
L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend une décision d’exclusion motivée, notifiée par courrier à l’intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).
4.5 Les principes d’égalité de traitement et de transparence valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation. Ils imposent ainsi de n'apprécier les offres que sur la base du dossier remis, un soumissionnaire n'étant pas habilité à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents après l'échéance du délai, ce qui découle de l'art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l'entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Le pouvoir adjudicateur n’a pas la faculté de modifier les critères d’aptitude ou d’adjudication après le dépôt des offres, à défaut de quoi il s’expose au soupçon de manipulation du marché (ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2 et les références citées).
4.6 Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises, notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP. Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 3.2).
Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (ATF 141 II 353 consid. 8.2.1). Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à une demande de renseignements à ces derniers que de manière restrictive. L’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/349/2023 précité consid. 3.2.1 et les références citées).
Quant au formalisme excessif, notamment en lien avec l’absence de production des attestations pour le sous‑traitant, la jurisprudence de la chambre de céans a pour l’instant toujours retenu que la non-production des attestations demandées dans les documents d’appel d’offres au moment du dépôt de l’offre entraînait l’exclusion du soumissionnaire (ATA/1090/2024 du 17 septembre 2024 ; ATA/1273/2023 du 28 novembre 2023).
4.7 En l’espèce, la recourante ne conteste pas que le CS, faisant partie intégrante des documents de l’appel d’offres, écarte explicitement la sous-traitance, sauf pour le service après-vente du bateau (art. 23.1 CS). En revanche, elle considère que l’entreprise chargée de la fabrication de la coque du bateau doit être considérée comme un fournisseur et non comme un sous-traitant.
Or, selon les propres termes de la recourante, il ressort de son courrier du 16 janvier 2025, transmettant son offre, que « dans le cadre de ce projet, [elle] travaillerait avec un fabricant de bateaux en aluminium personnalisés ». De plus, dans le formulaire d’offre B, elle a expressément annoncé l’entreprise comme sous‑traitante pour la « production casque complet » (« spécialiste plus de 40 ans dans le secteur navire. Sur demande, [elle] fourniss[ait] des informations plus détaillées sur l’entreprise »), en précisant que la part sous-traitée équivalait à 20%. Contrairement aux allégations de la recourante, il ne peut être déduit de ces précisions que l’entreprise n’interviendrait qu’en tant que fournisseur et non comme sous-traitante, dès lors que son intervention ne se limite pas à la fourniture de matériaux, mais vise en partie à réaliser des éléments complets du bateau en question.
À cela s’ajoute que, non seulement, cette sous-traitance ne concerne pas le service après-vente du bateau, tel qu’admise, mais la recourante n’a pas non plus produit pour sa sous-traitante les documents requis à l’art. 25 CS, conditionnant la participation de celle-ci (art. 23.4 CS).
Dite collaboration implique d’ailleurs que la coque du bateau sera fabriquée en Italie avant sa livraison à la recourante, alors même qu’il est expressément prévu que la fabrication du bateau s’exécuterait sur le site du prestataire, soit au chantier naval de la recourante à C______ (art. 7 CC).
Compte tenu des éléments qui précèdent, l’intimé pouvait valablement retenir que l’offre de la recourante ne respectait pas les conditions de l’appel d’offres relatives à la sous-traitance.
Partant, ce grief doit être rejeté.
5. En second lieu, la recourante conteste que son offre n’était pas conforme au CC concernant la transmission des moteurs, indiquant qu’il s’agissait de simples suggestions.
5.1 Pour assurer le respect des principes du droit des marchés publics énoncés à l’art. 1 al. 3 AIMP, les négociations entre pouvoir adjudicateur et soumissionnaires sont interdites durant toute la phase de passation des marchés (art. 18 RMP, sauf dans la procédure de gré à gré).
5.2 Le principe d’intangibilité des offres, qui interdit la modification de celles-ci après l’échéance du délai fixé pour leur dépôt, découle de l’art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l’entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Il est également lié à la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1). Toutefois, l'autorité adjudicatrice est en droit de rectifier d'office les erreurs évidentes de calcul et d'écriture (art. 39 al. 2 RMP). En outre, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 al. 1 RMP). Néanmoins, elle ne saurait par ce biais porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires qui limitent le droit de procéder à des corrections ou requêtes de précisions après le dépôt des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité ; ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 3.4 et les références citées).
5.3 En l’occurrence, la recourante ne contredit pas que le CC mentionnait expressément une transmission en ligne d’arbre fixe pour les moteurs.
Cependant, pour chaque point de son offre en relation avec les moteurs et leur transmission, elle propose sans ambiguïté un mode de propulsion en Z inhérent aux modèles de moteurs qu’elle suggère. Il s’agit ainsi de sa proposition principale, laquelle se reflète également dans les schémas du projet de bateau remis, tout en précisant à titre subsidiaire qu’une transmission à arbre fixe serait également envisageable si celle-ci était réellement souhaitée. Or, d’une part, force est de constater que la proposition principale de la recourante ne correspond pas à la demande de l’intimé, et, d’autre part, le type des moteurs indiqués est conçu pour fonctionner avec une propulsion en Z et non pas une transmission en ligne d’arbre fixe. Ainsi, les moteurs proposés par la recourante ne sont originellement pas prévus avec une transmission à arbre fixe, alors qu’il s’agit bien d’un prérequis de l’intimé.
Bien que celui-ci soit clairement indiqué tel quel dans les documents de l’offre, la recourante a coché la case « non » pour la transmission en ligne d’arbre fixe.
En ces circonstances, il ne peut y avoir de doute sur le fait que l’offre de la recourante ne prend pas en compte le mode de transmission voulu, se contentant de le suggérer subsidiairement, alors qu’elle met en avant la propulsion en Z.
Tel que cela ressort des considérants qui précèdent, le principe de l’offre vise à faire une proposition correspondant aux critères fixés par l’adjudicateur, et non pas à lui soumettre des recommandations d’amélioration de ses critères dans le cadre d’une procédure qui n’est pas sujette à négociation.
Ce grief doit donc également être écarté.
Au vu de ce qui précède, l’admission des deux motifs d’exclusion de l’offre de la recourante conduit à retenir que l’intimé pouvait à bon droit l’écarter, dès lors que les conditions de recevabilité de celle-ci n’étaient pas complètement remplies.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au pouvoir adjudicateur, qui dispose de son propre service juridique (ATA/605/2021 du 8 juin 2021 consid. 14 et les références citées).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2025 par A______ AG contre la décision du GROUPEMENT B______ du 3 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ AG ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s’il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ AG, à Me Michel D'ALESSANDRI, avocat du GROUPEMENT B______, ainsi qu’à la commission de la concurrence.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
|
| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|