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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2021/2024

ATA/1250/2024 du 28.10.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : OBJET DU LITIGE;ÉTABLISSEMENT DE SOINS;SOINS MÉDICAUX;BESOIN DE SOINS INFIRMIERS;AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI;LÉGALITÉ;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;APPRÉCIATION ANTICIPÉE DES PREUVES;AUTORISATION D'EXERCER;NATURE JURIDIQUE;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;COMPARUTION PERSONNELLE
Normes : LS.135; CEDH.6; Cst.29.al2; LS.100.al1; LS.101.al1; LS.101.al2; RISanté.2.al2; RISanté.1.letd; RISanté.27; RISanté.28; RISanté.4.al1; LS.107; RISanté.9.al1; RISanté.9.al2; Cst.27; Cst.36; LS.4.al6; REmSanté.1.leta
Résumé : Examen d’une demande d’autorisation d’ouvrir une organisation de soins et d’aide à domicile (OSAD). Les conditions légales ne sont pas remplies, malgré plusieurs demandes successives et des explications claires des attentes de la part du département. En le constatant et en refusant l’ouverture de l’OSAD, le département n’a pas fait preuve d’arbitraire ni de constatation inexacte des faits. Il a par ailleurs demandé à plusieurs reprises à la recourante de compléter sa demande, sans que celle-ci en soit capable. Pas de violation de la liberté économique, la recourante ne le démontrant pas et étant à même de prodiguer les soins qu’elle souhaite dispenser sans ouvrir pour autant une OSAD. Principe de la couverture des frais respecté, la loi prévoyant la possibilité de prélever un émolument pour l’examen du dossier, indépendamment de l’octroi ou non in fine de l’autorisation. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2021/2024-EXPLOI ATA/1250/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES MOBILITÉS intimé

_________



EN FAIT

A. a. L’A______ SA (ci-après : la société ou A______) est inscrite depuis mars 1986 au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève. Son but social est notamment l’exploitation d’un ou plusieurs instituts médicaux et toute activité dans le domaine médical (achat/vente de produits médicaux, services de soins à domicile, centre de fécondation in vitro, bloc opératoire, centres de bien-être, thermaux et hôteliers en Suisse et à l’étranger, plantes médicinales, consulting dans le domaine médical).

b. B______ est l’administrateur unique de cette société, avec signature individuelle, depuis le début du mois d'août 2023. L'ont précédé dans cette fonction, également avec signature individuelle, C______ entre mars 2018 et début août 2023 et D______ entre janvier 2010 et mars 2018.

B. a. Par courrier du 1er décembre 2019, la société a formulé une première demande visant à créer une organisation de soins et d’aide à domicile (ci-après : OSAD) auprès du département de la santé et des mobilités (ci-après : le département). Le médecin responsable et directeur était E______. Le but était de permettre aux patients d’être maintenus à domicile. D______ intervenait comme « promoteur ».

b. Entre août et septembre 2020, de nombreux échanges ont eu lieu entre le service du médecin cantonal (ci-après : SMC) et l’A______ concernant les documents transmis, qui étaient en partie non conformes ou non pertinents. Il convenait de lui transmettre les documents adéquats, qui étaient listés.

c. Le 1er octobre 2020, le SMC a indiqué à l’A______ qu’à la suite de l’inspection des locaux du 14 septembre 2020, divers éléments devaient encore être mis en place dès que possible et des documents envoyés.

d. Le 11 novembre 2020, le SMC a indiqué à E______ que les documents transmis le 15 octobre 2020 demeuraient non conformes, citant des exemples. Ainsi, l’organigramme ne décrivait pas les liens hiérarchiques et organisationnels ; les infirmières au bénéfice d’une formation de la Croix-Rouge n’étaient pas reconnues sur le canton de Genève ; le positionnement hiérarchique direct du médecin référent n’était pas adéquat ; la maintenance des dispositifs médicaux n’était pas conforme aux dispositions légales et les procédures figurant dans les documents ne pouvaient être validées, étant générales et abstraites.

Dans l’attente de recevoir les documents « pertinents et conformes », le dossier restait en suspens.

e. À la suite d’une sollicitation de D______, le SMC lui a rappelé qu’il devait respecter le schéma de transmission des informations, leur seul interlocuteur étant E______, médecin responsable et répondant pour la demande de création de l’OSAD.

f. Le 3 février 2021, le SMC a rendu un préavis négatif pour la création de l’OSAD envisagée. Les documents reçus étaient flous. L’A______ était invité à clarifier son projet, en précisant notamment la mission et le type de prestations que l’OSAD entendait fournir, ainsi que son organisation en lien avec l’institution existante.

C. a. Le 3 mai 2021, D______ a déposé une nouvelle demande de création d’une OSAD, dénommée « G______ », dont il serait le responsable d’exploitation. La professionnelle de santé responsable des soins était F______ et le médecin répondant E______.

b. Le 8 septembre 2021, le SMC a indiqué qu’après avoir étudié la demande, de nombreux documents étaient encore manquants. Les documents exigés étaient listés. Il s’agissait notamment de l’acte constitutif de l’OSAD ainsi que des statuts, de l’extrait du registre du commerce, de la présentation d’un concept d’exploitation complet, d’un plan financier présentant les résultats prévisionnels à quatre ans ; d’un extrait de compte s’agissant du fond de roulement.

Le SMC souhaitait comprendre pourquoi une telle organisation était envisagée, la majeure partie des prestations offertes pouvant être effectuées par un professionnel de santé à titre indépendant et pourquoi le secteur était limité à J______. Les prestations envisagées n’étaient en principe pas délivrées par une OSAD (soit notamment le volet aide, suivi de grossesse et prestations de physiothérapie). Il manquait : la description de l’organisation permettant de proposer les trois services de base, et d’assurer des prestations en continu (7j/7 et 24h/24). La liste des postes à pouvoir n’était pas complète.

c. Le 8 juin 2022, le groupe droit de pratique (ci-après : GDP) du SMC a confirmé que le dossier administratif était complet. Le dossier était transmis au groupe risque pour l’état de santé et inspectorat (ci-après : GRESI) pour la seconde partie de l’étude du dossier. Ce dernier reviendrait vers la société « en vue de l’obtention des documents nécessaires » à son niveau.

d. Entre juin et juillet 2022, de nombreux échanges ont eu lieu entre le GRESI et D______ afin que le dossier soit considéré comme complet également par le GRESI.

e. Le 7 septembre 2022, la direction générale de la santé a informé D______ que sa demande de création d’OSAD était refusée.

La société ne remplissait pas les conditions pour ouvrir une telle OSAD. Le projet soumis visait à assurer uniquement le suivi post-opératoire des patients de l’A______, alors que les OSAD devaient intervenir pour tout type de patientèle. Il existait en outre dans la structure tarifaire TARMED des positions pour les visites au domicile du patient, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de créer une OSAD.

f. Le 7 octobre 2022, D______ a sollicité la reconsidération du refus de sa demande de création d’une OSAD. Une nouvelle demande serait envoyée par courrier, en tenant compte des remarques évoquées dans les divers échanges. Il demandait que le service lui transmette « toutes les directives et règlements internes sur l’application pour les soins à domicile (sic) ».

g. Le 15 novembre 2022, la direction générale de la santé a relevé que sa demande n’était pas complète. Il manquait toujours une personne pour avoir le personnel adéquat. Il lui était rappelé qu’une structure de type OSAD n’était pas nécessaire pour les soins que la société souhaitait dispenser.

D. a. Par courrier du 28 février 2023, l’A______ a déposé une nouvelle demande de création d’une OSAD auprès du département.

b. Le 27 mars 2023, la société a été informée de la transmission de son dossier au GDP pour étudier les documents soumis.

c. En juin 2023, le GRESI avait demandé à l’infirmière responsable des soins, H______, des documents supplémentaires en précisant que l’ensemble de la documentation fournie devait comporter notamment le titre de la procédure, la date, le nom de la personne rédactrice et le numéro éventuel de version, décrire les activités et les responsables de ces dernières (« qui fait quoi et quand ? »), être adaptée à l’activité et refléter l’organisation interne de la structure.

d. Le 17 février 2024, de nouveaux documents ont été envoyés par l’A______ au GRESI, précisant que la nouvelle infirmière responsable des soins était maintenant I______.

e. Le 18 mars 2024, le GRESI a rendu un préavis défavorable. Le contenu du dossier était un ensemble désorganisé de documents extraits d’Internet, mis les uns à la suite des autres, sans mention de sources. Cette juxtaposition de concepts généraux n’avait pas été adaptée à la future activité, ce qui la rendait « incompréhensible pour le lecteur et a fortiori inapplicable d’un point de vue opérationnel ». Il était relevé de nombreuses incohérences en lien avec les bonnes pratiques ainsi que les bases légales en vigueur. Le GRESI considérait que l’entité envisagée n’était pas dotée d’une organisation adéquate permettant de garantir les conditions de la qualité des soins.

Ces constats étaient identiques que lors des demandes de création de 2019 et 2021 et aucune évolution favorable n’était constatée.

f. L’A______ a été informé de ce préavis défavorable le même jour, par courriel. Le dossier était transmis au GDP pour toutes suites utiles.

g. Par courriel du 15 mai 2024, D______ a requis le prononcé d’une décision ou qu’il lui soit « fait part des points qui ne sont pas respectés ».

h. Le même jour, le SMC lui a répondu que la décision formelle négative lui parviendrait prochainement, le document étant en cours de signature par la direction.

E. a. Par arrêté du 16 mai 2024, le département a refusé d’autoriser la société à exploiter une OSAD et mis à la charge de ce dernier un émolument de CHF 500.-.

Le contrôle du dossier avait mis en exergue de nombreux défauts, ce qui préfigurait une organisation inadéquate de l’institution de santé projetée ainsi qu’une incompréhension de la rigueur attendue pour l’exploitation d’une organisation d’aide et de soins à domicile. Les conditions légales requises pour exploiter une telle institution n’étaient pas remplies par la société.

b. Le 17 mai 2024, D______ a demandé à consulter le dossier complet (depuis fin 2019) « y compris le préavis du GRESI du 17 février 2024 ».

F. a. Par acte du 17 juin 2024, la société, représentée par D______ et B______, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation. Préalablement, il convenait d’ordonner au département de produire son dossier et tous les échanges relatifs au contentieux, ainsi que les dossiers des trois dernières autorisations d’OSAD acceptées par le département, une audience de comparution personnelle des parties répondant aux critères de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), la comparution personnelle de l’ancienne médecin cantonale adjointe et de l’ancien chef du droit de pratique ad interim. Subsidiairement, il convenait « d’autoriser l’ouverte de l’OSAD et d’annuler la fermeture de l’OSAD, si elle devait avoir été considérée comme autorisée ».

Son droit d’être entendue n’avait pas été respecté par l’autorité. Un formulaire datant de 2020 ne figurait pas au dossier. Des documents avaient également été retirés du dossier.

Les preuves avaient été appréciées de manière arbitraire par l’autorité. Celle-ci considérait à tort que la demande était désorganisée. Or, l’ordre des documents avait été dicté par l’autorité elle-même.

Aucun exemple concret des manquements n’était donné. Les sources internet étaient toutes transmises, démontrant « un engagement sérieux envers la qualité et la pertinence de ses démarches ». Plusieurs protocoles étayaient la demande d’autorisation et par un « nombre impressionnant d’articles de loi ». Les locaux et le personnel étaient adaptés à l’activité projetée.

L’art. 5 du règlement sur les institutions de santé du 9 septembre 2020 (RISanté - K 2 05.06) avait été violé, le libellé de cette disposition suggérant que tout paiement de l’émolument entrainait l’octroi de l’autorisation. L’institution pouvait être considérée comme créée au moment où le paiement était fait, la somme étant destinée à couvrir les frais d’ouverture et non à des fins d’étude du dossier.

Enfin, sa liberté économique avait été violée, la décision n’étant pas motivée. L’arrêté reposait sur deux pages, tout comme le préavis. Leur contenu était vague, généraliste et ne reposait sur aucun élément concret. La méthode utilisée par l’autorité pour refuser de lui octroyer l’autorisation sollicitée était arbitraire. Sa demande avait été élaborée avec l’expertise « d’une quinzaine d’infirmiers professionnels » qui s’étaient succédés, attestant de son expertise irréprochable et garantissant la sécurité des patients.

b. Dans ses observations du 18 juillet 2024, le département, transmettant son dossier, a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’arrêté attaqué. Il convenait au préalable de refuser les mesures probatoires sollicitées par l’A______.

Le droit d’être entendu de la recourante n’avait pas été violé. Deux listes de documents à fournir, une première fois par le GDP, pour l’appréciation du dossier au plan administratif et une seconde par le GRESI, pour l’appréciation du dossier au plan technique. Ces listes énuméraient les documents devant être présentés mais n’imposaient aucun ordre précis pour cette production. Il revenait à l’administré qui souhaitait obtenir une autorisation de l’autorité de présenter de manière pertinente tous les éléments à l’appui de sa demande. Les documents des 18 septembre 2021 et 7 octobre 2022 dont se prévalait la société faisaient référence à des dossiers antérieurs qui n’étaient pas l’objet du présent recours. Une audition ne s’avérait pas nécessaire pour la bonne instruction du dossier. La décision était motivée, contenant les bases légales et les motifs pour lesquels il n’avait pas été délivré d’autorisation.

Enfin, les documents retirés du dossier concernaient des professionnels ayant déposé les précédentes demandes d’autorisation. La société mélangeait la chronologie et les faits dans son recours.

L’appréciation des preuves n’était pas arbitraire : au contraire, l’examen du dossier avait révélé de nombreuses incohérences et incompréhension des dispositions légales. Dix-huit exemples étaient cités, allant du plagiat, à l’utilisation de contenus de sites internet non adaptés à l’OSAD projetée, en passant par des cahiers de charges incomplet, des concepts généraux inapplicables à l’OSAD, ou encore l’absences de protocoles précis applicables. Il n’y avait ainsi pas eu d’appréciation arbitraire des preuves ni de constatation inexacte des faits.

Contrairement à ce que la société retenait, le constat de complétude du dossier administratif n’impliquait pas la délivrance de l’autorisation d’exploiter une OSAD. Il n’existait aucune violation de l’art. 5 RISanté.

L’arrêté querellé ne violait pas la liberté économique de la société. Elle était fondée sur l’art. 101 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Au vu des carences constatées dans le projet d’OSAD, et du fait qu’elle n’avait pas remédié à ces dernières malgré de nombreux échanges et explications, la protection de la santé publique commandait le refus de l’autorisation sollicitée.

Au sujet des mesures d’instruction requises, il s’en rapportait à l’appréciation de la Cour s’agissant de la nécessité d’ordonner une comparution personnelle et une audience publique, de même que d’entendre des témoins, tous les éléments pertinents étant au dossier. Il était exclu de produire les courriers internes des collaborateurs des offices et services. La production des dossiers des trois dernières autorisations d’OSAD, même sous forme anonymisée, n’apportait rien à la procédure, pas plus qu’une potentielle expertise.

c. Dans sa réplique du 18 août 2024, la recourante a persisté dans ses précédentes conclusions et explications.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10; art. 135 LS).

2.             La recourante soulève plusieurs griefs préalables. Elle sollicite l’apport du dossier, une audience de comparution personnelle répondant aux critères de l’art. 6 CEDH, et l’audition de l’ancienne médecin cantonale adjointe et de l’ancien chef du droit de pratique ad interim.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). Le droit d’être entendu n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 Selon la jurisprudence, le justiciable ne peut toutefois pas exiger la consultation de documents internes à l'administration, à moins que la loi ne le prévoie (ATF 125 II 473 consid. 4a ; 122 I 153 consid. 6a ; 117 Ia 90 consid. 5). Il peut s'agir de communications entre les fonctionnaires traitant le dossier, d'avis personnels donnés par un fonctionnaire à un autre, de projets de décision, d'avis de droit (Thierry  ANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1544).

2.3 La portée des garanties conférées par l'art. 6 § 1 CEDH varie selon qu'il s'agit d'une procédure relevant du volet civil ou du volet pénal de l'art. 6 CEDH, les exigences du procès équitable étant dans ce dernier cas plus rigoureuses et plus spécifiques (arrêts du Tribunal fédéral 2C_32/2016 et 2C_33/2016 du 24 novembre 2016 consid. 12.1 et 12.2).

L'art. 6 CEDH – en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition – n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH des droits de l'homme a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (ACEDH MUTU ET PECHSTEIN c. Suisse du 2 octobre 2018, req. nos 40575/10 et 67474/10, § 177).

2.3.1 En l’espèce, il n’y a pas lieu de trancher la question de savoir si la présente cause tombe dans le champ d’application de l’art. 6 § 1 CEDH. En effet, même à supposer que cela soit le cas, la recourante se limite à invoquer la tenue d’une telle audience, sans pour autant préciser les points qui la justifieraient et en tout état de cause, l’objet du litige concerne des questions techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1). On ne voit dès lors pas, faute de tels justificatifs qui pouvaient être produits sous forme d'écrits, la pertinence d’ordonner in casu une audience publique, ce d’autant plus qu’il s’agit d’une décision administrative soumise aux règles mentionnées plus bas en matière d’établissement des faits et de fardeau de la preuve. Le litige n'apparaît pas particulièrement complexe et ne soulève pas de question de crédibilité ni ne suscite de controverse sur les faits. Son examen ne requiert ainsi pas la tenue d'une audience et la chambre administrative peut statuer en se fondant sur les écritures présentées par les parties et les pièces produites par elles. Il ne sera donc pas donné suite à la requête précitée.

2.3.2 Il n'apparaît en outre pas nécessaire d'entendre l’ancienne médecin cantonale adjointe et l’ancien chef du droit de pratique ad interim. La société souhaite l’audition des précités pour « témoigner de l’attitude de l’autorité à son endroit ». Pour le surplus, la recourante ne donne aucune information précise sur les faits exacts sur lesquels ceux-ci pourraient témoigner. La recourante n’explique au demeurant pas la pertinence des auditions sollicitées au regard de l’objet, limité, du litige. Ainsi, les auditions requises ne sont pas de nature à fournir des éléments pertinents pour trancher cette question. En outre, la recourante s’est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit et s’est exprimée de manière circonstanciée sur l'objet du litige. Dans ces conditions et en l’absence d’autres explications qui auraient permis de déterminer l’éventuelle pertinence des témoignages, il y sera renoncé, ceux-ci n’étant en outre pas de nature, au vu du dossier produit, à modifier l’issue du présent litige.

L'ensemble des écritures et des pièces produites suffisent donc à la chambre de céans pour se prononcer en toute connaissance de cause. Dès lors, cette requête d'actes d'instruction sera écartée.

2.4 La recourante sollicite ensuite des actes d’instruction supplémentaires devant la chambre de céans.

2.4.1 Elle requiert la production des échanges de courriels entre les collaborateurs du GMC et du GRESI. Outre le fait que le dernier préavis du GRESI a été versé au dossier, il ne se justifie pas de faire droit à la requête de la recourante, les documents demandés étant internes à l’administration. En outre, ces documents n’apparaissent pas pertinents pour trancher le litige, le dossier contenant tous les éléments utiles à cette fin.

2.4.2 La recourante requiert également la production, sous format caviardé, des décisions d’autorisation des trois dernières OSAD prononcées par le département. Ces documents ne sont pas pertinents dans le cadre de l’examen de la conformité de la présente demande. La recourante ne saurait se prévaloir, dans le cadre de la présente procédure, d’un droit d’accès auxdits documents, qui concernent des tiers, et leur production ne saurait être requise dans le cadre de la présente procédure judiciaire. La recourante sollicite également la mise en œuvre d’une expertise judiciaire sans expliquer à quelles fins, ni dans quel but elle serait nécessaire. Il ne sera dès lors pas donné suite à cette requête.

Il ne sera donc pas procédé à d'autres actes d'instruction.

3.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner avant les griefs au fond, la recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, sous plusieurs aspects. La décision ne serait pas motivée d’une part. D'autre part, elle n'avait pas eu accès à son dossier complet, celui-ci ayant été « purgé » de certains documents, sans explications. Elle n’aurait pas été entendue oralement avant la prise de la décision.

3.1 Le droit d’être entendu comprend également le droit pour l’intéressé d’avoir accès au dossier lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 135 I 279 consid. 2.3) ainsi que l’obligation de motiver les décisions. Cette obligation vise à ce que le justiciable comprenne la décision et exerce ses droits de recours et à ce que l’autorité de recours puisse effectuer son contrôle. Elle est réalisée lorsque l’autorité mentionne les motifs sur lesquels elle fonde sa décision de manière à ce que le recourant saisisse la portée de la décision et puisse l’attaquer en connaissance de cause (ATF 129 I 232 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_70/2012 du 2 avril 2012 ; 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2). Le droit d’être entendu ne contient en revanche pas d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1).

L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu ; l’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Comme déjà mentionné, si le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d’être entendu, il n’en demeure pas moins qu’il ne recouvre pas la consultation de documents internes à l’administration, comme des avis personnels donnés par un fonctionnaire à un autre, de projets de décisions, d’avis de droit ou de préavis d’autorités d’instruction à l’intention de l’autorité de décision, sauf si la loi le prévoit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2018 du 22 novembre 2019 consid. 4.4.2).

3.2 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.) commande aux autorités comme aux particuliers de s'abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2). Il découle de ce principe que l'administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4).

3.3 En l’espèce, la recourante se plaint de plusieurs violations de son droit d’être entendue.

3.3.1 Contrairement à ce que soutient la recourante, la décision litigieuse contient un exposé des faits et une argumentation détaillés qui permettent de comprendre les motifs sur lesquels l’autorité intimée s’est fondée pour refuser de délivrer l’autorisation querellée faisant l’objet du présent recours. L’intéressée était par conséquent en mesure de contester les éléments qui lui étaient reprochés, comme elle l’a d’ailleurs fait dans son acte de recours et par les différentes écritures produites lors de la procédure contentieuse, ce qui exclut une violation de l’art. 29 al. 2 Cst.

En outre, lorsqu’elle s’en prend à l’absence d’exemples dans la décision litigieuse, elle ne se plaint pas tant d’une absence de motivation que d’une « mauvaise » motivation, ce qui ne suffit pas à constituer un défaut de motivation contraire à l’art. 29 al. 2 Cst. La question de savoir si les motifs retenus sont suffisants pour justifier la décision entreprise relève ainsi du fond du litige et sera examinée dans ce cadre.

Par ailleurs, il ne ressort pas de la décision litigieuse que l’autorité intimée aurait omis de se prononcer sur les griefs soulevés par la recourante ou n’aurait pas pris en compte ses allégués et arguments importants, rien ne permettant d’affirmer que les déterminations et les pièces qu’il a produites devant le département n’auraient pas été prises en compte. Au surplus, le fait que l’autorité intimée n’ait pas suivi l’avis de la recourante ni n’ait retenu son point de vue ne suffit pas non plus à admettre une motivation insuffisante.

3.3.2 La recourante se plaint de ne pas avoir été entendue oralement avant le prononcé de la décision malgré sa demande du 15 mai 2024 d’être entendue. La recourante a été informée le 18 mars 2024 que les conditions légales n’étaient pas remplies. Elle ne s’est manifestée que le 15 mai 2024, demandant à comprendre la situation. Au vu de la nature de l’autorisation sollicitée, une audition ne s’avérait pas nécessaire. L’autorité intimée disposait en effet de tous les éléments nécessaires afin de prendre sa décision, étant précisé qu’il ressort du dossier que la recourante avait participé activement à toute la procédure lors du traitement de sa demande, preuve en sont les nombreux échanges. Le département lui avait demandé à de nombreuses reprises la production d’une documentation complétée, précisée ou modifiée. Enfin même à admettre par impossible une violation du droit d’être entendu de la recourante, celle-ci aurait été réparée au plus tard devant la chambre de céans, vu que l'intéressée a pu se déterminer devant celle-ci également.

3.3.3 En l’espèce, la recourante a consulté le dossier au siège de l’autorité administrative, ce qui n’est pas contesté. Le dossier complet a en outre été transmis par l’autorité intimée à la chambre de céans.

L’A______ prétend que le dossier consulté n’était pas complet. Ce faisant, elle fait grief à l’autorité intimée de ne pas lui avoir permis de consulter certains documents à caractère interne, ce que ces autorités n’avaient toutefois pas à faire s’agissant des préavis, des procès-verbaux et autres échanges de courriels conformément à ce qui précède. Lesdites autorités n’avaient pas davantage à lui communiquer les décisions et échanges concernant les premières demandes d’ouvertures d’OSAD, étant donné que le litige concernait la dernière demande, déposée en 2023. Enfin, les échanges antérieurs ainsi que les discussions internes, soit les échanges entre le GDP, le GRESI, la médecin cantonale adjointe et le département sur lesquels la décision litigieuse ne se fonde pas n’avaient pas à figurer au dossier. L’on ne voit pas non plus en quoi le dossier aurait dû contenir les premières demandes, celles-ci n’ayant jamais abouti. À ce sujet, la recourante ne peut être suivie quand elle estime qu’il s’agissait d’une « seule et unique » demande qui aurait été complétée, dès lors qu’elle a indiqué à chaque occurrence qu’elle déposait une « nouvelle demande ».

La recourante soutient également que le dossier comportait des éléments manquants, de sorte qu’on ne pouvait exclure que d’autres éléments le soient aussi. Vu que le dossier administratif est principalement constitué des documents transmis par l’A______, et que cette dernière allègue, sans le prouver, que certains éléments sont manquants, sans en tirer de constatations particulières, la chambre de céans ne peut que constater que cet élément n’apparaît pas déterminant. En outre, le seul exemple concret cité concerne un rapport d’inspection daté de septembre 2020, concernant une ancienne demande et donc non pertinent in casu, n’ayant aucune incidence sur l’issue du litige.

Ce grief sera écarté.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’autorité intimée refusant la délivrance d’une autorisation d’exploiter une OSAD à la recourante.

4.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), hypothèse non réalisée en l’espèce.

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/1300/2021 du 30 novembre 2021 consid. 6). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

4.2 Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.4).

4.3 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_734/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1).

4.4 La LS définit notamment l’exploitation des institutions de santé (art. 3 al. 2 let. g LS). Par institution de santé, on entend tout établissement, organisation, institut ou service qui a, parmi ses missions, celle de fournir des soins (art. 100 al. 1 LS).

Afin de protéger la santé des patients et de la population et de garantir des soins appropriés de qualité, la création, l’extension, la transformation et l’exploitation de toute institution de santé sont soumises à autorisation (art. 101 al. 1 LS). L’autorisation d’exploitation est délivrée par le département lorsque l’institution, compte tenu de sa mission, est dirigée par une ou des personnes responsables qui possèdent la formation ou les titres nécessaires (let. a), est dotée d’une organisation adéquate (let. b), dispose du personnel qualifié nécessaire ayant reçu une formation professionnelle adéquate (let. c), dispose des locaux et de l’équipement nécessaires répondant aux exigences d’hygiène et de sécurité des patients (let. d), participe à l’établissement des statistiques et des autres moyens de mesures nécessaires à la réalisation et à l’évaluation de la planification sanitaire cantonale (let. e) et garantit, s’il y a lieu, la fourniture adéquate en médicaments (let. f ; art. 101 al. 2 LS). L’autorisation d’exploitation indique la mission de l’institution de santé.

Elle peut fixer un nombre maximal de personnes que l’institution peut prendre en charge (art. 101 al. 3 LS). Le Conseil d'État définit, selon la nature des prestations offertes, pour chaque catégorie d'institution, les conditions spécifiques d'octroi de l'autorisation d'exploitation qui visent notamment l'aménagement des locaux, l'effectif et la qualification du personnel, ainsi que les exigences à l'égard du ou des répondants. Il peut charger le département de régler le détail de cette matière (art. 101 al. 4 LS).

4.5 Parmi les catégories d’institutions de santé figurent les OSAD (art. 1 let. d RISanté). L'autorisation d'exploiter est délivrée à toute OSAD au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), qui dispense les soins définis à l’art. 7 de l’ordonnance du département fédéral intérieur sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins, OPAS - RS 832.112.31 ; art. 27 al. 1 RISanté). L'autorisation d'exploiter peut être accordée lorsque l'OSAD a confié la direction effective des soins à un responsable qui est un professionnel de la santé dûment autorisé en vertu de la loi (let. a) et répond aux critères de qualité définis par le DES (let. b ; art. 28 RISanté).

4.6 La demande d'autorisation d'exploitation d’une institution de santé doit être signée par le futur exploitant et le professionnel de la santé désigné comme responsable (art. 4 al. 1 RISanté). À l’appui de sa demande, le requérant doit notamment produire les documents spécifiques requis pour chacune des institutions concernées (art. 4 al. 2 let. d RISanté).

4.7 Au titre des « obligations », l’art. 107 LS prescrit que les institutions de santé doivent fournir, de manière continue et personnalisée, les soins qui entrent dans leur mission à toute personne qu’elles prennent en charge ; elles ne peuvent, de leur propre initiative, arrêter la prise en charge d’une personne que si la continuité de celle-ci est garantie (al. 1) ; si nécessaire, elles doivent veiller, notamment par leur service social, à prendre toutes les dispositions utiles pour sauvegarder les intérêts des patients (al. 3) ; elles doivent, dans l’intérêt des patients et de la santé de la population, collaborer avec les autres institutions de santé et les professionnels de la santé et fonctionner de manière coordonnée (al. 4).

Le département s’assure que les conditions d’octroi de l’autorisation d’exploitation d’une institution de santé sont respectées, en effectuant ou en faisant effectuer les contrôles nécessaires (art. 105 LS). En cas de violation des dispositions de la LS ou de ses dispositions d’exécution, le département peut prendre toute mesure utile afin de faire cesser un état de fait contraire au droit. Il peut en particulier ordonner la fermeture de locaux (art. 126 al. 1 let. c LS). Afin de s’assurer du respect de la législation en vigueur, l’autorité compétente peut inspecter ou faire inspecter tout local d’une institution de santé (art. 12 al. 1 RISanté). Pour contrôler que l’exploitation est conforme aux règles en vigueur, l’inspecteur peut consulter tout document ou élément lié à l’activité de l’institution. Il rédige un rapport d’inspection et communique par écrit ses observations à l’exploitant ou au responsable. Le cas échéant, il requiert les modifications nécessaires (art. 12 al. 2 RISanté).

Selon l'art. 9 al. 1 RISanté, les institutions de santé doivent mettre en place les mesures adéquates pour assurer la qualité de leurs prestations dans le respect des droits des patients. Elles doivent posséder un système d'assurance-qualité, articulé notamment autour des points suivants : les tâches et responsabilités de chaque professionnel de la santé doivent être consignées dans un cahier des charges; le cas échéant, un organigramme doit représenter les rapports hiérarchiques et fonctionnels (let. a) ; les activités doivent être décrites dans des procédures tenues à jour basées sur les recommandations de sociétés de discipline reconnues; les activités doivent être documentées (let. b) ; les incidents doivent faire l'objet de rapports écrits et, le cas échéant, donner lieu à des mesures correctives et préventives (let. c) ; le responsable de l'institution doit s’assurer de la mise en application des bonnes pratiques, et que le personnel et les équipements sont en adéquation avec la mission de l’institution (let. d) ; l’application des procédures et des recommandations fait l’objet d’un contrôle de la part du responsable de l’institution (let. e) (art. 9 al. 2 RISanté).

4.8 En l’espèce, la procédure vise une institution de santé et non une personne physique exerçant une profession médicale. Le droit cantonal de la santé est ainsi seul applicable. La recourante considère que sa demande remplissait toutes les conditions légales, au regard de son contenu et que le département aurait fait preuve d’arbitraire dans l’analyse desdites conditions.

Or, la chambre de céans, à la lecture du dossier et des nombreuses pièces fournies par la recourante, ne peut que constater que le dossier de demande d’autorisation est mal tenu, vague, sans logique. Ces incohérences et nombreuses données incomplètes et imprécises en rendent la lecture incompréhensible. Aucun concept figurant dans la demande n’est détaillé ni expliqué. De nombreuses données sont livrées « brutes », sans sources, sans citation ni même mise en page adéquates. À cet égard, les polices des caractères utilisés démontrent les « copier-coller » réalisés par la recourante, qui se contente de juxtaposer des idées et des concepts légaux pour tenter de créer une OSAD sans expliquer concrètement et précisément, ce qu’elle vise.

Ces constats sont corroborés par les explications détaillées de l’autorité intimée qui cite 18 exemples où la société a copié des éléments trouvés sur internet concernant d’autres cantons ou d’autres institutions de soins, sans citer la source ou sans expliquer avec précision comment elle mettrait en pratique les concepts cités. Par exemple, s’agissant des voies de recours internes, le renvoi indiqué est erroné. De la même manière, au sujet de l’organisation (horaire, contact, prise en charge), rien n’est mentionné concernant les critères d’interventions, les horaires ou les numéros de contact. Le cas cité est une copie d’un contrat type de soins vaudois. S’agissant par exemple de la procédure en cas de mesures de contrainte, la demande indique les bases légales déterminantes mais n’explique aucunement la mise en application concrète prévue par l’OSAD. Il en va de même notamment du concept de prévention de la maltraitance, de la description de la gestion de la satisfaction, de l’ébauche d’organigramme, non nominatif ni précis, ou du cahier des charges des divers intervenants, qui est inexistant.

On comprend du dossier, et plus particulièrement des explications figurant dans le recours et dans la réplique, que la recourante n’a pas été en mesure de créer une OSAD complète et fonctionnelle répondant aux exigences légales précises. Expliquer avoir un concept et recopier celui-ci d’internet ou du manuel de qualité, sans ensuite l’adapter concrètement à la pratique envisagée n’est pas suffisant au regard des dispositions légales pertinentes. Il ressort en outre du dossier que le département a été relativement souple, expliquant à plusieurs reprises ses demandes et précisant les documents qui étaient attendus et manquaient à la demande. Le fait que de nombreux professionnels se soient succédés dans le cadre de cette demande ne suffit pas à considérer celle-ci comme complète et adéquate.

Contrairement aux dires de la recourante, les documents à fournir sont très précisément cités dans la page ad hoc concernant la « création d’une institution de santé » se trouvant sur ge.ch (https://www.ge.ch/autorisation-exploiter-institution-sante/creation-institution-sante, consulté le 10.10.2024). Les diverses catégories et leur contenu sont précisés, ainsi que les documents attendus. Force est de constater que la demande présentée par la recourante ne remplit pas les conditions précitées. De nombreux exemples illustrent cette conclusion, outre ceux déjà cités par l’autorité intimée. Ainsi, aucun cahier des charges ne figure dans la demande, pas plus que des preuves de respect du salaire de la branche (exemples de contrats ou de promesse d’embauches). Les ébauches de protocoles figurant dans la demande ne correspondent en outre pas à la réglementation légale. C’est le lieu de rappeler que, selon l’art. 9 al. 2 let. b RISanté, les activités des professionnels de santé doivent être décrites dans des procédures tenues à jour basées sur les recommandations de sociétés de discipline reconnues. De telles procédures visent à assurer la qualité des soins et la sécurité du patient dans le cadre de sa prise en charge dans une institution de santé, notamment en ce qui concerne l’administration des médicaments.

Dans ces conditions, le département n’a pas fait preuve d’arbitraire ni de constatation inexacte des faits. Il n’a pas rejeté directement la demande, quand bien même celle-ci était incomplète mais a demandé à la recourante de la compléter, sans succès. Les conditions légales, en particulier une organisation adaptée mais également la preuve des compétences des futurs employés par exemple, ne sont pas remplies.

Le grief sera écarté.

5.             Dans un autre grief, la recourante se plaint d’une violation de sa liberté économique.

5.1 Invocable tant par les personnes physiques que morales, la liberté économique (art. 27 Cst.) protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

5.2 En l’espèce, le département est tenu de vérifier les conditions d’ouverture d’une OSAD, dans un but d’intérêt public. Les conditions à respecter se justifient par la promotion, la protection le maintien et le rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes et de la population (art. 1 al. 1 LS). Dans le cas d’espèce, certes, l’autorité intimée a refusé de délivrer une autorisation d’exploiter une OSAD à la recourante. Toutefois, cette dernière n’a ni démontré ni allégué ne pouvoir exercer l’activité projetée sur le canton de Genève, d’OSAD. Il n’est dès lors pas prouvé qu’elle subit de facto une restriction à sa liberté économique.

Cela étant, même à considérer que cela soit le cas, il a été constaté supra que l’OSAD envisagée ne remplit pas les conditions nécessaires pour son ouverture. La décision est fondée sur une base légale. Bien qu’elle cite in extenso les dispositions légales, la recourante ne concrétise pas, dans sa demande, les conditions qu’elle doit remplir. Contrairement à ses dires, la décision est motivée et basée sur plusieurs exemples. S'agissant de la proportionnalité des conditions, chacune est apte à la réalisation du but d'intérêt public poursuivi et la société n’a remédié à aucune des carences constatées dans son projet d’OSAD, malgré les nombreuses explications et demandes du département. La protection de la santé publique imposait le refus de l’autorisation sollicitée, les conditions légales n’étant pas remplies. Ainsi, les conditions litigieuses reposent sur une base légale suffisante, répondent à un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité, de sorte qu'elles ne violent ni séparément ni dans leur ensemble la liberté économique.

Mal fondé, le grief sera écarté.

6.             Enfin, la recourante estime que le fait qu’un émolument a été prélevé devrait automatiquement lui octroyer une autorisation.

6.1 Pour financer les activités que la Constitution ou la loi le chargent d'exercer, l'État perçoit des contributions publiques, venant s'ajouter à d'autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l'emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par des collectivités publiques et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en impôts, en contributions causales et en taxes d'orientation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1).

6.2 Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des taxes ne doit pas dépasser l'ensemble des dépenses du secteur administratif dans le cadre duquel la prestation est fournie. Le principe d'équivalence exige que le montant de la taxe se situe dans un rapport raisonnable avec la valeur objective de la prestation, cette valeur pouvant être arrêtée par voie de schématisation impliquant l'adoption de tarifs fixes. Si le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de la contribution doivent reposer sur une loi formelle, leur taxation concrète peut reposer sur une simple loi matérielle, de rang réglementaire (ATA/494/2018 du 22 mai 2018 consid. 3d ; ATA/123/2008 du 18 mars 2008 et les références citées).

S'il n'est pas nécessaire que l'émolument corresponde exactement au coût de l'opération administrative visée, il doit toutefois être établi selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents. Le montant de l'émolument ne doit notamment pas empêcher ou rendre difficile à l'excès l'utilisation de certaines institutions (ATF 120 Ia 171 consid. 2a ; 106 Ia 241 consid. 3b et 249 consid. 3a). Par ailleurs, les émoluments dits de chancellerie, généralement définis comme une somme modique exigée en contrepartie d'un travail administratif ne nécessitant pas un examen approfondi (ATF 107 Ia 29 consid. 2c), sont soustraits à l'exigence de base légale formelle, et peuvent être prévus par une ordonnance ou un règlement (ATF 126 I 180 consid. 2a.bb).

6.3 Selon l’art. 4 al. 6 LS, les prestations que l'État fournit dans l'accomplissement des tâches définies dans la loi, notamment celles en lien avec le dépôt de dossiers médicaux, la délivrance d'autorisations ou d'attestations ainsi que les inspections et contrôles, peuvent faire l'objet d'un émolument. Le montant des émoluments est fixé par le Conseil d'État.

Selon l’art. 1 let. a du règlement fixant les émoluments perçus par le département chargé de la santé du 22 août 2006 (K 1 03.04 - REmSanté), le département est autorisé à percevoir un émolument de CHF 1'650.- pour toute autorisation d’exploiter une institution de santé. Il est également autorisé à percevoir un émolument de CHF 100.- à CHF 1'500.- pour toutes autorisations diverses en fonction du temps consacré.

Selon l’art. 5 al. 1 RISanté, l’autorisation d’exploitation est délivrée contre un émolument par le département.

6.4 Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale.

6.5 En l’espèce, il appert que l’instruction de la demande querellée a été complète. Elle a notamment donné lieu à de nombreux échanges et fait appel à deux services différents. L'émolument, qui est d'un montant plutôt modeste et peut ainsi être qualifié d'émolument de chancellerie, est prévu dans une loi et un règlement et rien ne laisse à penser qu'il violerait les principes d'équivalence et de couverture des coûts ni qu’il peut être qualifié d’arbitraire. La recourante n’allègue du reste pas le contraire. Enfin, l’art. 4 al. 6 LS et son règlement d’exécution permettent à l’autorité administrative de prélever un émolument, sans consacrer un rapport de cause à effet entre émolument et octroi d’une autorisation d’exploiter.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2024 par l’A______ SA contre la décision du département de la santé et des mobilités du 16 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de l’A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’A______ SA ainsi qu'au département de la santé et des mobilités.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :