Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1210/2024 du 15.10.2024 ( TAXE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2069/2024-TAXE ATA/1210/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 15 octobre 2024 4ème section |
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dans la cause
A______ Sàrl recourante
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée
A. a. A______ Sàrl (ci-après : la société) est une société inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 28 mai 2019 et dont le but social est « protection et surveillance de personnes, de biens mobiliers et immobiliers, surveillance de chantiers, mise à disposition d'agents de sécurité et prévention en vue de la surveillance d'immeubles et d'emplacements, mise en place de service d'ordre et médical et toute autre fonction lors de manifestations, gestion de parkings privés et publics, installation et gestion d'alarmes ».
b. Par bordereaux du 27 mars 2024, l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC-GE) a fixé la taxe de promotion du tourisme à charge de la société à CHF 1'000.- pour les années 2023 et 2024, correspondant à une taxe de base de CHF 2'000.-, multipliée par un coefficient de pondération de 0.5 sur une durée de douze mois.
c. Le 19 avril 2024, la société a élevé réclamation contre la décision précitée, faisant valoir que tous ses clients étaient situés sur le territoire genevois.
d. Par décisions sur réclamation du 8 mai 2024, l’AFC‑GE a maintenu la taxe de promotion du tourisme pour les années 2023 et 2024.
Selon l’art. 26 du règlement de la loi sur le tourisme du 23 décembre 1993 (RTour - I 1.60.01), son activité faisait manifestement partie des activités économiques présumées bénéficiaires des retombées directes ou indirectes du tourisme au sens de l’art. 25 de la loi sur le tourisme du 24 juin 1993 (LTour - I 1.60) et 11 al. 2 RTour). Les justificatifs reçus suite à sa demande de renseignements du 13 mars 2024 confirmaient le bénéfice indirect de l'entreprise.
B. a. Par acte du 20 juin 2024, la société a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces deux décisions, concluant principalement à leur annulation.
La LTour et le RTour ne reposaient pas sur une base légale suffisante, la compétence pour le canton de percevoir une taxe sur le tourisme devant se trouver dans la Constitution, et il ne s'agissait pas d'un cas d'urgence justifiant le recours à la clause générale de police ; cette taxe était au contraire fondée sur un abus de droit. En tout état, le montant de CHF 1'000.- avant pondération semblait dépasser la limite de six fois la taxe de base.
À la lecture des rapports annuels 2021 et 2022 de la Fondation Genève Tourisme & Congrès (ci-après : la Fondation), toutes les activités que cette fondation organisait avaient lieu dans les communes de Genève et du Grand-Saconnex, alors que le siège de la recourante était situé à B______. Elle ne bénéficiait dès lors ni directement ni indirectement du tourisme. Aussi, la taxe portait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et constituait une distorsion de la concurrence avec les sociétés de protection d'autres cantons romands qui ne prélevaient pas une telle taxe.
La taxe de promotion au tourisme constituait une taxe causale. Or, la recourante ne tirait aucun avantage du tourisme et se trouvait ainsi par erreur dans le cercle des activités économiques visées par la taxe en cause, de sorte que son assujettissement à cette taxe violait le principe de la légalité à ce titre également. La LTour et le RTour violaient le principe de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire, car ils établissaient des distinctions juridiques qui ne se justifiaient par aucun motif raisonnable au regard de la présente situation. Il était particulièrement choquant que la recourante soit traitée de la même façon que, notamment, des entreprises dans l'hôtellerie ou la restauration profitant pleinement de l'avantage économique généré par l'action de l'État de promouvoir le tourisme.
b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Vu son but social, la recourante devait être considérée comme une agence de protection au sens de l'art. 26 al. 3 ch. 59 RTour. Elle était donc assujettie à la taxe de promotion du tourisme. Elle ne fournissait par ailleurs aucun élément permettant d'établir qu'elle n'entretiendrait aucune relation commerciale avec des visiteurs extérieurs au canton ou qu'elle ne travaillerait pas en relation avec des entreprises qui satisfaisaient les besoins de tels visiteurs.
Le Tribunal fédéral avait déjà considéré que l'art. 25 LTour pouvait être qualifié de base légale suffisante et la chambre de céans avait déjà admis la constitutionnalité du principe des taxes perçues en vertu de la LTour. Il avait également déjà rappelé que l'avantage particulier dont l'administré bénéficiait, en contrepartie de la charge de préférence, pouvait être simplement potentiel. Bien que la recourante eût produit des listes afin de démontrer que sa clientèle était strictement genevoise, elle faisait non seulement bénéficier ses services à des visiteurs genevois mais aussi à des visiteurs extérieurs, puisque les établissements pour lesquels elle était mandatée accueillaient aussi des visiteurs extérieurs.
En retirant un avantage du tourisme, il se justifiait qu'elle soit assujettie à la taxe de promotion du tourisme, à l'instar des autres secteurs d'activité qui bénéficiaient eux aussi des retombées économiques.
c. Le 25 août 2024, la recourante a répliqué, en persistant dans ses conclusions.
Elle n'était pas une bénéficiaire « économique indirecte » du tourisme. La commune de B______, où elle avait son siège, n'était pas une commune touristique et elle ne travaillait pas en relation avec des entreprises qui satisfaisaient des besoins de visiteurs extérieurs.
Depuis l'arrêt 2C_33/2018 du Tribunal fédéral du 28 juin 2018, il y avait eu une évolution internationale qui avait amené 140 pays à adhérer au projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition minimale de 15% pour les grandes entreprises multinationales. Par conséquent, il y avait une limite maximale fixée à 15% que les législateurs de la Confédération, des cantons et des communes se devaient de respecter pour les entreprises qui n'étaient pas des multinationales en raison du principe d'égalité de traitement. Les entreprises romandes et françaises ne s'acquittaient pas de la taxe de promotion du tourisme. De même, l’AFC-GE ne faisait aucune distinction entre les entreprises de protection et/ou de sécurité qui avaient pour clients des bénéficiaires économiques directs du tourisme et celles qui ne fournissaient pas leurs prestions à de tels bénéficiaires. Elle ne faisait aucune distinction entre les entreprises selon leur capacité contributive, leur nombre d'employés et selon les retombées économiques directes et indirectes du tourisme. La recourante était surveillante de bâtiments, voire de personnes qui étaient des touristes d'affaire et non de loisirs, et il ne s'agissait donc pas de visiteurs externes.
Le Conseil d'État n'avait pas correctement examiné le mandat de délégation législative du Grand Conseil et, plus spécifiquement, les deux critères de l'art. 25 al. 2 LTour. En ne respectant pas la définition stricto sensu de visiteur extérieur, le Conseil d'État faisait des amalgames et manquait de précision dans la rédaction de son règlement d'application de la LTour, lequel aurait dû distinguer les visiteurs étrangers pour le loisir de ceux qui séjournaient à Genève pour le travail ou plus simplement pour une activité rémunérée. Le Conseil d'État ne disposait de chiffres fiables pour déterminer l'importance des retombées des bénéficiaires économiques directs du tourisme, de sorte qu'il ne pouvait évaluer valablement ces retombées pour les bénéficiaires indirects.
d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 36 LTour).
2. La recourante sollicite la production des rapports annuels 2023 et 2024 de la fondation et de la double étude d'impact sur l'activité à Genève de la HES Valais. Elle demande également son audition ainsi que celle d'un responsable de l'office fédéral des statistiques, du directeur de la fondation et de l'un des auteurs de la double étude d'impact susmentionnée. Ces auditions permettraient d'infirmer qu'elle était présumée appartenir au cercle des assujettis et bénéficier indirectement des retombées économiques du tourisme.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, la recourante a pu s’exprimer par écrit à diverses reprises afin de faire valoir sa position, ainsi que produire toutes les pièces utiles. Les documents et auditions sollicités ne sont pas déterminants pour l’issue du litige, conformément aux considérants qui suivent.
La chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux requêtes de la recourante.
3. Le litige concerne la taxe de promotion du tourisme pour les années 2023 et 2024.
3.1 Le canton de Genève s'est doté d'une loi du 24 juin 1993 sur le tourisme, visant en particulier à stimuler la promotion du tourisme pour Genève et à soutenir l'économie par le développement du tourisme (art. 1 al. 2 let. b et c LTour). Depuis le 1er janvier 2007, la loi prévoit la perception d'une taxe de promotion du tourisme (art. 17 al. 1 let. d LTour), dont le produit est affecté au développement et à la promotion du tourisme, qui comprend notamment le renforcement de la promotion de Genève à l'étranger ainsi que le renforcement de la collaboration avec d'autres organismes chargés de tâches similaires (art. 18 LTour). Y sont assujettis les bénéficiaires économiques directs ou indirects du tourisme, exerçant les activités ou fournissant les prestations énumérées par la loi (art. 19 LTour).
Les principes sont réglés par l'art. 25 LTour :
1. " Il est perçu une taxe de promotion du tourisme auprès des entreprises qui exercent une activité économique ou commerciale bénéficiant des retombées directes ou indirectes du tourisme. Par entreprise, on entend tant le siège ou établissement principal que la succursale ou tout autre établissement secondaire.
2. L'assujettissement à la taxe ainsi que le montant de la taxe de base applicable à chaque activité économique sont déterminés par le règlement d'application en fonction des critères suivants :
a) importance des retombées du tourisme et rentabilité des affaires pour l'activité économique considérée;
b) importance touristique du secteur géographique où s'exerce l'activité en question.
3. La taxe de base ne peut être inférieure à 100 F et supérieure à 5000 F.
4. La taxe de base est pondérée en fonction de l'importance de l'établissement concerné, sur la base du nombre d'employés de celui-ci (coefficient de pondération).
5. Les coefficients de pondération sont fixés par le Conseil d'État. Le coefficient maximum ne peut toutefois excéder 6 fois la taxe de base."
La taxe est exigible dès le 1er janvier pour l'année civile en cours (art. 25B al. 1 1ère phr. LTour).
3.2 Habilité par l'art. 37 al. 1 LTour à exécuter la loi, le Conseil d'État a édicté le règlement d'application du 22 décembre 1993 de la loi sur le tourisme.
Aux termes de l'art. 11 RTour, retirent un avantage direct du tourisme ceux qui sont en relations d’affaires directes avec des visiteurs extérieurs, soit en leur fournissant des services, soit en leur vendant des marchandises (al. 1). Retirent un avantage indirect du tourisme, ceux qui travaillent en relation avec des entreprises qui satisfont des besoins des visiteurs extérieurs (al. 2).
L'art. 26 RTour précise que la taxe de promotion du tourisme se compose d'un montant de base, qui tient compte de l'intensité du lien de connexité entre l'activité économique considérée et le tourisme, multiplié par un coefficient en fonction de l'effectif du personnel de l'entreprise ou de la succursale (art. 27 RTour).
Les agences de protection font partie des activités économiques taxées pour un montant de CHF 2'000.- quelle que soit leur localisation géographique (art. 26 al. 3 ch. 59 RTour).
Lorsque l’effectif du personnel de l’entreprise concernée est de : a) 1 à 5 personnes, le montant de la taxe est multiplié par 0.5 ; b) de 6 à 10 personnes, il est multiplié par 1 ; c) de 11 à 20 personnes, il est multiplié par 2 ; g) plus de 100 personnes, il est multiplié par 6 (art. 27 RTour).
Le débiteur qui conteste son assujettissement à la taxe de promotion du tourisme doit prouver, avec indication des motifs et production des pièces justificatives utiles, que lui ou son entreprise n’entretiennent aucune relation commerciale, directe ou indirecte, avec des personnes résidant hors du canton de Genève (art. 29 al. 3 RTour).
3.3 Selon les travaux législatifs relatifs au projet de loi (ci-après : PL) 9441 modifiant la LTour, la philosophie générale de la taxe de promotion du tourisme consistait à faire financer une activité par les personnes qui étaient susceptibles de profiter de ses retombées (MGC 2004-2005/IV A 2047). Ce souhait d'adapter le montant de la taxe d'encouragement au tourisme à la capacité contributive de certains assujettis est justifié, même si cette taxe n'est pas à proprement parler un impôt lié à un bénéfice réel et chiffrable qui serait réalisé grâce au tourisme. Dans ce genre de taxe, ce qui est déterminant est l'appartenance à un cercle de bénéficiaires potentiels de l'activité en question, en l'occurrence, la promotion du tourisme. Les règles d'équité commandent toutefois que la taxe demeure proportionnée, dans une certaine mesure, aux moyens de son débiteur. Mais le seul critère du nombre d'employés de l'entreprise n'est pas adéquat pour atteindre ce but et produit même des effets indésirables, car il pourrait se trouver parmi les exonérés des « petites entreprises » faisant en réalité partie du cercle des forts bénéficiaires potentiels des retombées du tourisme d'agrément ou d'affaires (dans le commerce de luxe ou la finance, par exemple). C'est donc toute l'échelle des taxes qui doit être refondue en fonction de l'activité exercée. Cela sera réalisé par le biais du règlement d'application, dont la commission de l'économie a par ailleurs demandé à pouvoir discuter les orientations (MGC 2004-2005/IV A 2048). Le cercle des assujettis à la taxe de promotion du tourisme serait toutefois étendu et l'échelle de perception actuelle devrait être revue dans l'optique d'une taxation encore plus modique des petites entreprises peu dépendantes du tourisme ou qui généraient de faibles bénéfices (MGC 2004-2005/IV A 2049).
3.4 En l'espèce, la recourante est active dans le domaine de la protection, notamment, de personnes, d'établissement et d'emplacements, comme son but social l'indique. Elle est ainsi assujettie à la taxe sur le tourisme en application des art. 25 LTour et 26 al. 3 ch. 59 RTour précités.
3.5 Cela étant, la recourante allègue ne retirer aucun avantage du prélèvement de la taxe de promotion alors que la taxe de promotion au tourisme constituerait une taxe causale.
3.6 De jurisprudence constante, la chambre de céans a qualifié ces taxes de charges de préférence (ATA/970/2023 du 5 septembre 2023 consid. 2.1 et les références citées). Elle a rappelé que l'avantage particulier dont l'administré bénéficie, en contrepartie de la charge de préférence, peut être simplement potentiel. Si la charge de préférence doit correspondre aux avantages économiques et juridiques objectifs dont le contribuable bénéficie et à son intérêt à l'acte étatique, une estimation forfaitaire de cet intérêt est néanmoins admissible, à condition de ne pas être arbitraire. Il suffit donc, pour examiner si la LTour repose sur des motifs raisonnables, de considérer que la fondation pour le tourisme et l'office du tourisme utilisent effectivement les produits des taxes visées à l'art. 17 LTour afin de promouvoir le tourisme dans le canton de Genève. Il n'apparaît pas possible, au vu des exigences de la pratique, de prouver précisément, d'une part, que la promotion touristique a entraîné au cours d'une année déterminée un afflux plus important de touristes et, d'autre part, que chaque commerce a effectivement bénéficié, au cours de cette même année de référence, de la visite de touristes-acheteurs (ATA/239/2011 du 12 avril 2011 consid. 5b et les références citées).
3.7 En l'espèce, la recourante n'a fourni aucun élément permettant de retenir qu'elle ne travaillerait pas en relation avec des entreprises ayant bénéficié de la visite de touristes, alors que le fardeau de la preuve lui appartient, conformément à la jurisprudence (ATA/197/2010 du 23 mars 2010 consid. 3h ; ATA/500/2009 du 6 octobre 2009 consid. 5) et à l’art. 29 al. 3 RTour en particulier. Au contraire, il ressort de la liste de ses clients « facturés » en janvier 2023 et janvier 2024 qu'elle a fournie suite à la demande de renseignements de l'AFC-GE qu'elle est mandatée par des entreprises qui accueillent aussi des touristes extérieurs, et ce tant des touristes d'affaires que de loisirs. Elle a en effet dans sa liste de clients notamment une chaîne de restauration rapide bien connue et une société qui exploite une discothèque au centre de Genève. Elle est ainsi chargée de la protection d'établissements qui proposent une offre de restauration ou de boîtes de nuit, faisant profiter le tourisme de manière générale.
Il convient donc de retenir que la recourante travaille en relation avec des entreprises qui satisfont des besoins des visiteurs extérieurs conformément à l'art. 11 al. 2 RTour et qu'elle retire un avantage indirect du tourisme. Son argumentation selon laquelle elle a son siège à B______, soit une commune où aucune activité touristique ne serait organisée, ne résiste à cet égard pas à l'examen.
Par conséquent, c'est de manière bien fondée que l'intimée l'a assujettie à la taxe de promotion du tourisme.
3.8 La recourante allègue une violation des art. 5 al. 1 et 127 al. 1 Cst. et conteste la clause de délégation législative de l'art. 25 LTour. À son avis, la taxe de promotion du tourisme devait être prévue par la constitution, non par la loi. Par ailleurs, le Conseil d'État n'avait pas correctement examiné le mandat de délégation législative. Ce faisant, la recourante se plaint de la violation du principe de la séparation des pouvoirs.
3.9 Le principe de la légalité gouverne l'ensemble de l'activité de l'État (art. 5 al. 1 Cst.). Il revêt une importance particulière en droit fiscal où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst. Cette norme - qui s'applique à toutes les contributions publiques, tant fédérales que cantonales ou communales - prévoit en effet que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 143 I 220 consid. 5.1.1). Le principe de la légalité exige non seulement que le cercle des contribuables mais également que les exceptions à l'assujettissement soient définis dans une loi au sens formel (ATF 143 II 87 consid. 4.5 et les références citées). La base légale doit présenter une densité normative permettant de respecter les garanties de clarté et de transparence exigées par le droit constitutionnel. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'exigence de précision de la norme découle du principe général de la légalité, mais aussi de la sécurité du droit et de l'égalité devant la loi (ATF 136 II 304 consid. 7.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_256/2015 du 20 août 2015 consid. 7.4.1). L'exigence de la densité normative n'est toutefois pas absolue, car on ne saurait exiger du législateur qu'il renonce totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient en premier lieu à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit, et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manoeuvre lors de la concrétisation de la norme (ATF 141 V 688 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2018 précité et les références citées).
3.10 Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti, au moins implicitement, par toutes les constitutions cantonales; il représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen. Sans être expressément consacré en droit genevois (sauf en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, posée à l'art. 130 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst‑GE ‑ A 2 00]), le principe de la séparation des pouvoirs découle notamment de l'art. 116 Cst-GE, selon lequel le Conseil d'État promulgue les lois, est chargé de leur exécution et prend à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (ATF 134 I 322 consid. 2.2 et 2.3 ; 134 I 313 consid. 5.2).
Ce principe assure le respect des compétences établies par la constitution cantonale. Il appartient donc en premier lieu au droit public cantonal de fixer les compétences des autorités. Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe; en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur. L'ordonnance d'exécution ne peut disposer qu'intra legem et non pas praeter legem. Elle peut établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes ; mais, à moins d'une délégation expresse, elle ne peut poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont encore conformes au but de la loi (ATF 134 I 269 consid. 4.2; 134 I 322 consid. 2.2).
3.11 Dans une jurisprudence bien établie, confirmée par le Tribunal fédéral, la chambre de céans a admis la constitutionnalité de principe des taxes perçues en vertu de la LTour et en particulier de la taxe d'encouragement au tourisme. Elle a également eu l'occasion de juger que le Conseil d'État n'avait pas outrepassé la délégation de l'art. 25 al. 1 LTour en édictant l'art. 26 al. 4 RTour (ATA/1521/2017 ; ATA/239/2011 précité; ATA/197/2010 précité ; ATA/500/2009 précité ; ATA/524/2007 du 16 octobre 2007).
Dans un premier arrêt relatif à l'art. 25 al. 1 LTour, le Tribunal fédéral a jugé que le législateur genevois n'avait donné qu'une définition générale des entreprises assujetties à la taxe litigieuse, soit celles qui exercent des activités économiques et commerciales bénéficiant des retombées directes et indirectes du tourisme, déléguant au Conseil d'État le soin d'établir par voie réglementaire la liste des groupes professionnels concernés, ce qui montrait clairement son intention d'assujettir à la taxe litigieuse un cercle étendu de contribuables. Certes, au vu de la formulation générale de l'art. 25 al. 1 LTour, il aurait été souhaitable qu'une liste « exemplaire » des entreprises assujetties figure dans le texte même de la loi afin de guider l'autorité exécutive. Il fallait cependant constater qu'une telle énumération n'aurait pas pu être exhaustive sans soulever, notamment, le problème de l'égalité de traitement, de sorte que l'absence d'une telle liste ne suffisait pas à qualifier l'art. 25 al. 1 LTour de base légale insuffisante, du moins en ce qui concernait l'assujettissement des sociétés de gestion de fortunes (ATF 122 I 61 consid. 2).
Dans un arrêt ultérieur de 2009, rendu à propos de la même disposition légale, le Tribunal fédéral a décidé que la dernière instance cantonale genevoise n'était pas tombée dans l'arbitraire en jugeant que les centres commerciaux jouissaient d'une attractivité accrue notamment pour le tourisme d'affaires excentré, dont profitaient directement et indirectement les succursales d'un grand distributeur, pour considérer que l'art. 26 al. 4 RTour respectait la norme de délégation de l'art. 25 al. 1 LTour (arrêt 2C_763/2009 du 28 avril 2009 consid. 5).
Dans l'arrêt 2C_33/2018 précité, le Tribunal fédéral a confirmé cette jurisprudence et a retenu qu'en confirmant que l'art. 26 al. 3 ch. 63 RTour respectait la norme de délégation de l'art. 25 al. 1 LTour, l'instance précédente n'avait pas violé les principes de la légalité et de la séparation de pouvoirs (consid. 3.5).
3.12 Au vu des jurisprudences rappelées ci-dessus, le principe de la légalité ne s'oppose pas à un certain schématisme dans la solution légale adoptée. L'interdiction de l'arbitraire est respectée si les distinctions établies selon des critères clairs et aisément compréhensibles sont équitables dans la majorité des cas.
Or, on a vu ci-devant que la recourante est chargée de la protection d'établissements qui proposent, notamment, une offre de restauration ou de boîtes de nuit qui satisfaisaient les besoins des touristes.
Il ressort de ce qui précède qu’en assujettissant les agences de protection à la taxe de promotion touristique, le RTour reste dans le cadre de la délégation prévue à l’art. 25 LTour. Le fait que l'art. 59 al. 3 RTour taxe les agences de protection quelle que soit leur localisation géographique est également justifié puisque comme on l'a déjà vu également, même si la recourante a son siège à B______, elle est chargée de la protection d'établissements qui accueillent des visiteurs au centre de Genève notamment.
Le grief de la violation de la légalité doit être écarté.
3.13 Enfin, la recourante se plaint d'une violation de l'égalité de traitement en tant qu'elle serait traitée de la même manière notamment, que des entreprises dans l'hôtellerie ou la restauration profitant pleinement de l'avantage économique généré par l'action de l'État de promouvoir le tourisme. Elle reproche également une distorsion de la concurrence avec les sociétés de protection d'autres cantons romands qui ne se feraient pas prélever une telle taxe.
3.14 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 9.1).
3.15 Selon le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique découlant de l'art. 27 Cst., sont interdites les mesures étatiques qui causent une distorsion de la compétition entre concurrents directs, c'est-à-dire celles qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence. On entend par concurrents directs les membres de la même branche qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. L'art. 27 Cst. garantit aux concurrents directs une meilleure protection que celle de l'art. 8 Cst. : une mesure reposant sur des motifs sérieux et objectifs et donc conforme à l'art. 8 Cst. peut provoquer une distorsion entre concurrents directs prohibée par l'art. 27 Cst. (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1; 124 II 193 consid. 8b ; 121 I 129 consid. 3d). Des mesures fiscales peuvent avoir un tel effet. A la différence de l'interdiction d'exercer une activité économique ou du fait de la soumettre à autorisation, le prélèvement de contributions ne constitue pas une restriction juridique, mais il peut de fait influer sur l'exercice de la liberté économique. De telles restrictions de fait ne sont que rarement qualifiées de mesures étatiques restreignant la liberté garantie par l'art. 27 Cst. (ATF 131 II 271 consid. 9.2.2 ; 125 I 182 consid. 5b et la jurisprudence citée). Une contribution est prohibitive si son montant « empêche la réalisation d'un bénéfice convenable dans le commerce ou la branche en question, en rendant impossible ou excessivement difficile l'exercice de la profession » (ATF 87 I 29 consid. 3 ; 128 I 102 consid. 6b).
3.16 En vertu de l'art. 127 al. 2 Cst., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés. En vertu des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable; lorsqu'ils sont dans des situations de faits différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et être adaptée. Ainsi, d'après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 et les références citées).
3.17 En l'espèce, il est rappelé que l'énumération de l'art. 26 RTour, qui fixe une taxe de base de CHF 2'000.- pour les entreprises de protection, doit tenir compte, en application de l'art. 25 al. 2 LTour, de l'importance des retombées du tourisme et de la rentabilité des affaires pour l'activité économique considérée et de l'importance du secteur géographique. Il a à cet égard été confirmé ci-devant que la recourante bénéficiait bien des retombées indirectes du tourisme dans le canton de Genève. À cela s’ajoute que, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la chambre de céans, confirmée par le Tribunal fédéral, a d’ores et déjà retenu que la délégation de l’art. 25 al. 2 LTour en faveur du Conseil d’État était valable. Ainsi, l’art. 26 al. 3 RTour est conforme à la loi.
Enfin, le montant de la taxe annuelle dont la recourante doit s'acquitter s'élève à CHF 1'000.-. Un tel montant n'est pas prohibitif au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus et contrairement à ce que la recourante semble soutenir, ne contrevient pas à l'al. 5 de l'art. 25 LTour. La recourante n'a d'ailleurs pas démontré que la répercussion de ce montant sur son bénéfice provoquerait une distorsion de la concurrence. On est loin également de l'imposition « maximale » de 15% évoquée par la recourante en lien avec l'imposition prévue par l'OCDE, étant précisé qu'il ne s'agit pas du même impôt, ce dernier concernant l'impôt sur le bénéfice.
C'est en vain également qu'elle soutient que l'autorité intimée n'aurait fait aucune distinction entre les entreprises selon leur capacité contributive ou le nombre de leurs d'employés. Au contraire, il semble qu'elle a fait preuve d'une grande souplesse puisqu'elle a appliqué le coefficient minimal de pondération à sa situation (soit sur un nombre d'employés de 1 à 5 personnes selon l'art. 27 let. a LTour) alors que selon les listes de son personnel actif qu'elle a produites, il en ressort qu'elle a rémunéré 20 employés en janvier 2023 et 19 employés en janvier 2024, ce toutefois sur la base de temps partiels.
Le grief tiré de la violation du principe de l'égalité de traitement doit par conséquent être écarté.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 20 juin 2024 par A______ Sàrl contre les décisions de l'administration fiscale cantonale du 8 mai 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ Sàrl ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ Sàrl ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
D. WERFFELI BASTIANELLI
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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