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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1116/2023

ATA/988/2024 du 20.08.2024 sur JTAPI/84/2024 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.09.2024, 1C_576/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1116/2023-LCI ATA/988/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

3e section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Diane SCHASCA-BRUNONI, avocate

contre

 

B______

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 janvier 2024 (JTAPI/84/2024)


EN FAIT

A. a. B______» (ci-après : la communauté ou la PPE) est propriétaire de la parcelle no 11'068 de la commune de C______, à l’adresse rue D______, sur laquelle a été construit un bâtiment d’habitations avec un garage souterrain, en zone 4B protégée.

b. A______ est titulaire, depuis leur cession par E______ et F______, selon acte notarié du 13 juin 2018, de dix servitudes personnelles et cessibles d'usage exclusif de places de stationnement, portant sur onze places de stationnement sur les 23 que comporte le garage souterrain du bâtiment, ainsi que de trois servitudes de « passage à pied et pour tous véhicules partiellement exclusives » dont les assiettes sont représentées par des trames colorées sur le plan de servitude établi le 17 novembre 2016, modifié le 18 avril 2017, par un ingénieur géomètre officiel et inscrites au registre foncier le 19 septembre 2017 sous 1______.

L’espace couvert par ces servitudes d'usage de places de stationnement, d’une surface totale de près de 300 m2, est utilisé par A______, œnologue‑viticulteur, exploitant du domaine « G______ » à C______, pour entreposer, étiqueter et mettre en carton des bouteilles de vin dans un local fermé par une porte coulissante « coupe-feu », préexistante à la cession des servitudes.

c. Par décision de son assemblée générale ordinaire du 4 avril 2022, la communauté s’est opposée au dépôt d’une demande d’autorisation de construire en vue de modifier la destination du local correspondant à l’assiette des servitudes de A______.

d. Par demande déposée en conciliation le 12 mai 2022 devant le Tribunal civil puis introduite devant cette même juridiction le 22 mars 2023, enregistrée sous numéro de cause C/2______/2022, A______ a contesté la décision de l’assemblée générale de la communauté du 4 avril 2022, concluant à son annulation ainsi qu'à la condamnation de la communauté à signer la demande d’autorisation de construire APA 3______ (cf. ci-dessous let. C.a).

B. a. Suite à une dénonciation, un dossier d’infraction I-4______ a été ouvert par le département du territoire à l’encontre de A______, portant sur la réalisation de travaux sans droit, consistant en des modifications et à une affectation non conforme aux autorisations de construire délivrées.

b. Le 1er juillet 2022, dans la procédure I-4______, le département a interdit à A______ d’utiliser les locaux jusqu’à rétablissement d’une situation conforme au droit et la libération de ces derniers de tout matériel entreposé, le tout avec effet immédiat. Une sanction administrative était réservée à l’issue du traitement du dossier I-4______.

c. Le 15 juillet 2022, A______ a déposé un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du département du 1er juillet 2022 enregistré sous A/2370/2022.

Par décisions du TAPI des 25 août 2022 et 9 octobre 2023, cette procédure a, d’entente entre les parties, été suspendue (respectivement DITAI/394/2022 et DITAI/431/2023).

d. Parallèlement, le 1er juillet 2022 également, le département a adressé aux copropriétaires une décision dans laquelle il prenait acte qu’ils ne souhaitaient pas déposer une demande d’autorisation afin de régulariser la situation par ce biais. Par conséquent, dans la mesure où les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état, il ordonnait le rétablissement d’une situation conforme au droit dans un délai de soixante jours en procédant à la mise en conformité de la construction selon les autorisations en force (DD 5______ et complémentaire). La sanction pour la réalisation de travaux sans droit pourrait faire l’objet d’une décision à l’issue du traitement du dossier I-4______ et restait réservée.

Cette décision n’a pas été contestée.

e. Le 10 mars 2023, le département a infligé une amende de CHF 500.- aux copropriétaires, ceux-ci ne s’étant pas conformés à son ordre, les preuves de l’exécution ne lui étant pas parvenues.

Sur recours des copropriétaires auprès du TAPI, l’amende a été confirmée le 31 janvier 2024 (JTAPI/79/2024).

Aucun recours n’a été déposé contre ce jugement.

C. a. Le 1er septembre 2022, l’architecte mandaté par A______ a déposé une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA 6______) en vue de régulariser la situation par un changement d’affectation du local, de garage en dépôt de vin.

Le dossier de requête, et plus spécifiquement la formule A08 ou registre des signatures, ne contient pas la signature des copropriétaires de la parcelle concernée. Malgré des demandes de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) des 12 septembre et 7 novembre 2022, les signatures des propriétaires n’ont pas été produites.

Le 29 novembre 2022, A______ a indiqué que les copropriétaires refusaient, à son sens injustement et sans donner de raison valable, de donner leur accord au changement d’affectation.

b. Le département a instruit la requête, la soumettant à divers préavis.

Ceux de la police du feu des 26 septembre et 6 octobre 2022 étaient favorables sous conditions ; celui de l’office cantonal de l’eau du 12 septembre 2022 était favorable sans observations ; celui de l’office cantonal des transports du 23 septembre 2022 demandait des pièces complémentaires relatives à la suppression de places de stationnement sur fonds privés puis était favorable sans observations le 11 novembre 2022 ; celui de l’office de l’urbanisme du 12 septembre 2022 était favorable sans observations. Le préavis de la DAC du 18 décembre 2022 était défavorable en raison de l’absence de la signature des copropriétaires.

c. Par décision du 22 février 2023, le département a refusé l’autorisation de construire motif pris de l’absence de signature de la requête par les propriétaires du fonds.

D. a. Par acte du 24 mars 2023, A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement à son annulation et préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé au civil dans la procédure C/2______/2022. Il a requis un transport sur place en présence de son architecte et du chef de service de la police du feu ainsi que la comparution personnelle des parties et l’audition de son architecte, de son épouse et de H______, administratrice de la PPE pour le compte de la régie en charge.

La mise en bouteilles du vin issu de son exploitation et la vente s’effectuaient dans des locaux sis 153 et 201, route I______ à C______, tandis que l’étiquetage et la mise en carton avaient lieu dans le local litigieux qui offrait une température de stockage idéale variant entre 12 et 16 degrés ainsi qu’une humidité constante.

Peu après la cession des servitudes, H______ et trois représentants des copropriétaires s’étaient rendus dans le garage pour faire le tour du local et des installations, constatant leur usage. Ils n’avaient fait aucun commentaire. En 2021, alors qu’une convention pour formaliser l’utilisation des locaux avait été établie en 2020, les copropriétaires avaient décidé que les servitudes devaient retrouver leur destination d’origine et un très court délai lui avait été imparti pour vider l’ensemble de l’espace. Il n’avait pas trouvé de local équivalent et s’était opposé à la décision de la communauté.

b. Dans ses observations du 5 avril 2023, la communauté s’est opposée à la suspension et a conclu au rejet du recours et à ce qu’il soit ordonné à A______ de cesser d’utiliser les servitudes comme local de stockage.

c. Le 11 avril 2023, le département a donné son accord à la suspension de la procédure.

d. Le 11 mai 2023, A______ a fait valoir qu’aucune décision en force validant la décision prise lors de l'assemblée générale ordinaire de la communauté du 4 avril 2022 n’avait été rendue dans la procédure civile C/2______/2022.

e. Le 25 mai 2023, la communauté a indiqué s’être opposée au projet que A______ tentait de leur imposer.

f. Le 30 mai 2023, le département a conclu au rejet du recours.

g. Après avoir ordonné un second échange d’écritures, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 31 janvier 2024.

La suspension de la procédure était refusée dans la mesure où l’annulation de la décision de l’assemblée générale, pour autant qu’elle soit effectivement prononcée par le Tribunal civil, n’impliquerait pas forcément que les copropriétaires se prononcent en faveur du changement d’affectation.

La demande de mesures d’instruction était rejetée car celles-ci n’étaient pas nécessaires à la solution du litige.

La législation en matière d’autorisation de construire exigeait l’accord du propriétaire du fonds concerné. En l’absence de celui-ci, c’était à juste titre que le département avait rendu la décision litigieuse, de sorte que les places de stationnement ne pouvaient être utilisées que dans leur affectation initiale.

E. a. Par acte mis à la poste le 4 mars 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant principalement à son annulation ainsi qu’à celle de la décision du 22 février 2023 du département lui refusant l’autorisation sollicitée dans le dossier APA/6______/1, et à la délivrance de ladite autorisation. Préalablement, il sollicitait un transport sur place en présence d’ J______, chef de service à la police du feu et K______, architecte. Il sollicitait également son audition ainsi que, à titre de renseignement, celle d’ L______, son épouse, et celle de H______.

Avant tout acte d’instruction, il demandait que soit ordonnée la suspension de l’instruction du recours jusqu’à droit jugé au civil dans la procédure C/2______/2022. La cause civile était toujours en cours d’instruction et gardée à juger sur les offres de preuves et limitation de la procédure sur la question de la légitimation active du demandeur, selon le procès-verbal d’audience du 9 janvier 2024. Le TAPI avait erré en refusant de suspendre la procédure. La décision de l’assemblée générale ordinaire de la PPE contestée portait justement sur la signature de la demande APA/6______/1 litigieuse et, dans ses conclusions civiles, il demandait que la PPE soit condamnée à signer la demande d’APA. Si donc la décision contestée devait être annulée et la PPE condamnée à signer la demande, la seule condition manquant à l’octroi de l’autorisation de construire serait remplie. La procédure dépendait donc de l’issue de la procédure menée devant les juridictions civiles.

Son droit d’être entendu avait été violé, le TAPI ayant renoncé à procéder aux actes d’instructions demandés. Le transport sur place aurait permis de constater que le refus de signer le formulaire de la demande de régularisation relevait de l’abus de droit dès lors qu’il ne reposait sur aucun motif justifié, les copropriétaires n’ayant jamais invoqué pendant plusieurs années une quelconque contestation à l’usage des places de stationnement. Il pourrait également être constaté que le changement d’affectation voulu n’engendrait aucun trouble à la propriété de la PPE et que les prescriptions du droit de la construction étaient respectées.

La PPE violait le principe de la bonne foi en refusant sans motif défendable de signer la demande d’autorisation. Or, le TAPI avait renoncé à examiner ce grief. Cela était d’autant plus choquant que les préavis étaient favorables et que la situation deviendrait ainsi conforme au droit.

Le TAPI n’avait pas procédé à une pesée des intérêts en jeu, la conséquence de la confirmation de la décision du département ayant des conséquences désastreuses et irréparables pour lui et le fruit de son travail de quarante années, le déplacement des bouteilles les rendant invendables comme il l’avait exposé devant le TAPI.

b. Le 24 mars 2024, la PPE a conclu au rejet du recours.

Celui-ci ne contenait rien de nouveau et le recourant ne faisait que se plaindre d’une situation dont la responsabilité de l’illégalité lui revenait entièrement. Ils transmettaient pour le surplus leur écriture du 5 avril 2023 déjà déposée devant le TAPI.

c. Le 10 avril 2024, le département a conclu au rejet du recours, répondant point par point aux griefs du recourant.

d. Dans sa réplique du 13 juin 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et dans son argumentation.

Il existait une possibilité que les copropriétaires soient amenés à devoir se prononcer en faveur de l’autorisation de construire sollicitée suite à la procédure civile, ce qui justifiait la suspension de la procédure.

Ce n’est qu’à travers son audition que la chambre administrative réaliserait l’ampleur des dégâts que la décision du département engendrerait si elle était confirmée. L’audition des autres témoins permettrait d’apporter les preuves pertinentes pour l’issue du litige.

Dans la mesure où la condition de la signature du propriétaire avait pour but de s’assurer que celui qui avait la maîtrise juridique du fonds consentait aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlaient, cette condition était remplie par son consentement puisqu’il était titulaire des servitudes de stationnement, sur lesquelles il avait la pleine maîtrise juridique conformément au droit privé. Les copropriétaires avaient donné leur accord pour qu’il utilise effectivement les places de stationnement. Le refus de prendre en compte leur accord tacite constituait un formalisme excessif.

e. Le 14 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant sollicite la suspension de l’instruction du recours jusqu’à droit jugé au civil dans la procédure C/2______/2022.

2.1 L’art. 14 al. 1 LPA prévoit que lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendant devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

2.2 L’art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1 et l'arrêt cité). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/650/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.2 et l’arrêt cité). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/650/2023 précité consid. 2.2 et les arrêts cités).

2.3  En l’espèce, le litige porte sur le refus du département de délivrer une autorisation de construire. Le litige civil dont se prévaut le recourant porte pour sa part sur la validité de la décision prise par l’assemblée de la PPE de ne pas déposer la demande d’autorisation en question.

Il convient de relever en premier lieu que, contrairement à ce que soutient le recourant, l'issue du litige civil l'opposant à la PPE n'est en rien nécessaire pour statuer dans la présente cause. La question à examiner – celle de la recevabilité en l'espèce de la demande d'autorisation de construire alors qu'elle ne comporte pas la signature de la communauté propriétaire – peut en effet être tranchée en l'état du dossier. Une issue favorable au recourant du litige civil pourrait certes conduire à une modification des circonstances de fait pertinentes dans la présente procédure – en ce sens que la requête serait validée après coup par la signature du propriétaire – mais il ne s'agit pas là de l'hypothèse envisagée au premier chef par l'art. 14 LPA.

En second lieu, le recourant ne donne pas d'indication précise sur l'état actuel de la cause civile l'opposant à la PPE si ce n'est qu'elle a été gardée à juger sur les offres de preuve formulées par les parties. Il apparaît donc possible que le juge civil procède à une administration des preuves, ce qui retardera d'autant sa décision. Son jugement pourra par ailleurs être contesté par la voie d'un appel ou d'un recours, de telle sorte que les perspectives qu'une décision finale entre en force dans un délai compatible avec le respect, dans le cadre de la présente cause, du principe de la célérité paraissent ténues.

Il faut en outre prendre en compte le fait que la loi prévoit que nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier la destination d’une construction (art. 1 al. 1 let. b de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). Or, c’est sans autorisation que le recourant a, avec ou sans l’accord de la PPE, changé l’affectation du local sis dans le garage souterrain, utilisant les places de stationnement comme local de stockage, d’étiquetage et de mise en carton pour sa production viticole et ce depuis qu’il est titulaire des servitudes, soit depuis juin 2018. Il s’agit donc ici d’une procédure visant à l’éventuelle régularisation d’un changement d’affectation non autorisé, le recourant ayant mis le département devant le fait accompli. Il devait donc s'attendre à ce que celui-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_418/2021 du 10 mars 2022 consid. 3.1).

La suspension de la procédure administrative dans l’attente de l’issue de la procédure civile aurait ainsi pour effet de pérenniser pendant une période indéterminée, vraisemblablement longue, une situation non conforme au droit, ce qui n'est pas admissible.

En conséquence, la demande de suspension sera rejetée.

3.             Le recourant sollicite un transport sur place, son audition ainsi que celle de son épouse, de son architecte ainsi que de la représentante de l’administration de la PPE et du chef de service de la police du feu. Il fait grief au TAPI de n’avoir pas procédé à ces mesures, invoquant une violation de son droit d’être entendu.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

En particulier, écarter de la sorte une requête d'audition de témoin ne viole pas l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/624/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

3.2 En l’espèce, les mesures proposées par le recourant ne sont pas susceptibles de permettre d’établir des éléments nécessaires à la solution du litige lequel porte uniquement sur la conformité au droit de la décision du département, confirmée par le TAPI. En effet, l’absence de signature du propriétaire qui motive la décision n’est pas contestée en tant que telle par le recourant et les mesures qu’ils proposent visent à établir des faits tels que l’absence de trouble causé par l’usage actuel du local, le fait que l’usage n’a pas été contesté jusqu’ici par la PPE et l’ampleur du dommage qui serait causé par le refus de régularisation de la situation. Ces faits ne sont pas nécessaires pour répondre à la question litigieuse.

En conséquence, la chambre de céans considère qu’elle dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux demandes d’acte d’instruction formulées par le recourant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il ne peut être reproché au TAPI d’avoir, procédant à une appréciation anticipée des preuves, mis un terme à l’instruction de la cause avant de rendre le jugement litigieux.

4.             Le recourant fait grief au département et au TAPI d’avoir cautionné la mauvaise foi des copropriétaires refusant de signer le formulaire de demande d’autorisation en refusant de délivrer l’autorisation.

4.1 L’art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) prévoit que les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l’éventuel mandataire professionnellement qualifié.

4.2 Une requête déposée en vue de la délivrance d'une autorisation de construire doit avoir l'assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s'agit pas d'une simple prescription de forme, car elle permet de s'assurer que les travaux prévus ne sont pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entend pas réaliser lui‑même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/1459/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5g ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 3b et l'arrêt cité). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d'obtenir l'assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 5c).

Le Tribunal fédéral, qui a eu l'occasion d'examiner une exigence similaire du droit neuchâtelois, a toutefois retenu qu'une autorité tomberait dans le formalisme excessif, incompatible avec l'art. 29 al. 1 Cst. si elle refusait de prendre en considération une autre pièce du dossier qui révélerait sans ambiguïté, le cas échéant, l'accord de la seconde copropriétaire d'une parcelle, laquelle n'avait pas signé la demande d'autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1P.620/2002 du 27 mai 2003 consid. 5 ; ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b).

4.3 Selon une jurisprudence constante de la chambre de céans, la législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve les dispositions légales et réglementaires édictées par la Confédération, le canton et les communes ainsi que les droits des tiers, auxquelles aucune autorisation ne peut être opposée (art. 3 al. 6 LCI). Elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels, comme les servitudes par exemple (ATA/588/2017 du 23 mai 2017 consid. 3d et les références citées).

4.4 En l’espèce, il est patent que les copropriétaires sont opposés à un changement d’affectation tel que requis par le recourant. Ils l’ont exprimé expressément dans leurs écritures et surtout, par leur refus de signer la requête d’APA déposée par le recourant auprès du département.

Vu l’absence d’accord des propriétaires, le département aurait été fondé à renoncer à entrer en matière sur la requête qui ne respectait pas les exigences de forme. Pour ce motif, que les préavis recueillis aient été favorables comme en l’espèce, ou non, ne saurait modifier la conclusion tirée de l’application de l’art. 11 al. 4 RCI.

En conséquence, dans ces circonstances au vu de la jurisprudence susmentionnée, il ne saurait être reproché à l’autorité intimée d’avoir retenu, sur la base de l’art. 11 al. 4 RCI, dont l’application ne relève pas d’un formalisme excessif, que l’autorisation ne pouvait être délivrée.

Le recourant ne saurait pour le surplus être suivi lorsqu'il soutient que la titularité des servitudes lui donnerait une maîtrise juridique de l'immeuble concerné par l'autorisation suffisante pour rendre superflu l'accord du propriétaire formel, soit la communauté. Au contraire d'un droit de superficie, en effet, une servitude d'usage – qu'elle soit limitée au stationnement de véhicules ou englobe un usage plus étendu – ne confère pas à son titulaire des droits analogues à ceux résultant de la propriété du fonds, raison pour laquelle l'accord du propriétaire est requis pour le dépôt d'une autorisation de construire. C'est du reste bien parce que la maîtrise juridique de l'immeuble appartient à la communauté, en sa qualité de propriétaire foncier, que, dans l'action civile qu'il a introduite à son encontre, le recourant a conclu à ce qu'elle soit condamnée à ratifier la demande d'autorisation de construire.

Le grief sera donc écarté.

5.             Finalement, le recourant fait valoir l’absence d’une pesée des intérêts et les conséquences désastreuses qu’auraient pour lui et son travail, l’obligation de déplacer les bouteilles stockées et la perte du lieu de stockage.

La demande d'autorisation de construire a toutefois été rejetée en raison de la non‑réalisation d'une condition d'entrée en matière, soit avant que les conditions de fond de l'autorisation ne soient examinées. L'autorité intimée n'avait donc pas à examiner si, le cas échéant, ce refus respectait ou non le principe de la proportionnalité au regard des intérêts public et privés en présence. À cela s'ajoute que la situation dont se plaint le recourant est uniquement due au fait que, en violation de la loi, il a omis de solliciter en temps utile une autorisation de changement d’affectation.

Quoiqu’il en soit, la question des coûts de la remise en état, dont le montant n’est pas à lui seul décisif (arrêt du Tribunal fédéral 1C_29/2016 du 19 janvier 2017 consid. 7.2), et de la proportionnalité de la décision de remise en état et d'interdiction d'usage, incluant la pesée des intérêts invoqués, ne fait pas l’objet du présent litige mais de la procédure A/2370/2022.

Le grief tombe donc à faux.

Entièrement infondé, le recours doit être rejeté

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA), la PPE n’y ayant pas conclu et n’ayant pas prétendu avoir exposé de frais pour sa défense, qu’elle a assuré seule.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Diane SCHASCA-BRUNONI, avocate du recourant, à B______», au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :