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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4139/2023

ATA/478/2024 du 16.04.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4139/2023-FPUBL ATA/478/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Sophie GUIGNARD, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1991, est titulaire d’un bachelor en biochimie délivré par la faculté des sciences de l’Université de Genève.

b. Depuis 2016, il a effectué des remplacements dans divers établissements d’enseignement du canton de Genève.

B. a. Le 1er novembre 2022, il a été convoqué à un entretien avec B______, directrice du C______ (ci-après : C______).

b. Dans un courrier du 14 mars 2023, intitulé « suite de l’entretien personnel du 1er novembre 2022 », B______ a confirmé que le but de l’entretien était de clarifier la situation relative aux faits rapportés, à savoir que A______ avait eu des contacts physiques (taille et épaule) sur certaines élèves durant les cours, des baisers sur le front avec une élève durant les pauses et sous le regard d’autres élèves, de transmission, pour certains élèves en difficulté, des réponses lors des évaluations, ou encore l’utilisation de surnoms pour désigner certains élèves.

Lors de l’entretien du 1er novembre 2022, l’intéressé avait admis avoir eu des contacts physiques avec des élèves, indépendamment du genre, mais uniquement sur l’épaule et non à la taille. Il avait également confirmé les bisous sur le front et les étreintes, qualifiées selon ses propres mots de « câlins », envers une élève. En ce qui concernait la transmission de réponses lors des évaluations, il avait contesté cette pratique tout en reconnaissant qu’il lui était parfois arrivé de faire des signes ou de donner des indices afin de mettre les élèves sur la bonne piste. Enfin, il avait admis l’utilisation de surnoms pour désigner certains élèves.

Ces faits étaient passibles d’une sanction disciplinaire. Toutefois, dans la mesure où il s’agissait de la première fois qu’un comportement de ce type avait été relevé, et au vu du changement d’attitude depuis l’entretien personnel, notamment le fait qu’il avait immédiatement cessé ces agissements, elle renonçait à la convocation d’un entretien de service et au prononcé d’une sanction disciplinaire. Elle l’appelait toutefois à sa vigilance et l’invitait à garder désormais une distance strictement professionnelle et adéquate dans toute relation avec les élèves afin d’éviter que ceux-ci jugent son attitude ambiguë.

Il s’agissait d’une simple mesure de gestion du personnel, soit une mesure d’organisation interne, qui ne pouvait faire l’objet d’une décision.

c. En septembre 2023, A______ a commencé un remplacement à l’École D______ (ci-après : D______).

Au début du mois d’octobre 2023, il a été informé par l’D______ que l’établissement ne pouvait pas le rémunérer. Selon le bureau de gestion, son « habilitation » avait prétendument été annulée au 30 juin 2023.

Il a été rémunéré pour les remplacements effectués jusqu’alors, mais n’a pas poursuivi le remplacement qui lui avait été confié.

d. Par courrier du 13 novembre 2023, intitulé « retrait d’habilitation », la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II), qui dépend du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse
(ci-après : DIP), a informé l’intéressé qu’au vu des éléments qui étaient remontés à la direction de l’établissement C______ et « afin de formaliser la situation », elle avait « fait le choix de [lui] retirer l’habilitation avec effet à réception du courrier ». Son « autorisation de contracter avec les établissements scolaires pour effectuer des remplacements [était] annulée » et il ne lui serait « plus confié de remplacements au sein de la DGES II ».

Les éléments précités allaient à l’encontre de l’attitude attendue de la part du personnel enseignant, au regard notamment du règlement applicable, stipulant que les membres du corps enseignant devaient observer dans leur attitude la dignité qui correspondait aux responsabilités leur incombant et remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence.

Les éléments constatés étaient également contraires aux devoirs de service du personnel enseignant en matière de protection de l’intégrité physique et psychique des élèves.

Ce courrier ne mentionne aucune voie de droit.

C. a. Par acte du 11 décembre 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce courrier, concluant à l’annulation de la « décision » et à ce que son « habilitation » soit rétablie. Préalablement, il a sollicité son audition ainsi que celle de B______ et E______, soit une élève du C______, ainsi que la production de « tout renseignement utile à la présente cause de la part de l’D______».

Il n’avait pas eu l’occasion de faire valoir son point de vue avant que la décision ne fût rendue, si bien que son droit d’être entendu avait été violé.

Les faits avaient été établis de manière incomplète puisque le dossier remis à l’autorité intimée ne contenait ni le compte rendu d’entretien avec B______, ni les compléments qu’il avait apportés. Le compte rendu contenait certaines imprécisions qui avaient été modifiées, en particulier le terme « étreinte » qui avait été remplacé par celui d’« accolade ».

La décision entreprise était dépourvue de base légale claire et précise et le retrait définitif « d’habilitation » violait les principes de proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire. Enfin, il était contraire à la bonne foi de passer d’un simple avertissement informel à une décision définitive de retrait « d’habilitation ».

b. Le DIP a conclu à l’irrecevabilité du recours.

Le retrait de « l’habilitation » ne constituait pas une décision, étant donné qu’il ne modifiait pas les droits et obligations du recourant. « L’habilitation » constituait un acte certifiant que la personne remplissait les conditions lui permettant d’être appelée comme remplaçant. De plus, cet acte ne donnait pas un droit à son titulaire d’être engagé. Le contrat de remplacement était soumis au droit privé, de sorte que le DIP disposait de la liberté contractuelle en la matière. Ce principe avait déjà été confirmé par la chambre administrative, puis par le Tribunal fédéral.

Si par impossible « l’habilitation » au remplacement devait être considérée comme analogue à un contrat d’engagement, force était de constater que le DIP n’avait pas versé dans l’arbitraire en ne souhaitant pas poursuivre sa collaboration avec l’intéressé, celui-ci n’apportant pas la distance requise par sa fonction avec les élèves, étant rappelé que l’autorité d’engagement disposait d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service.

c. Par réplique du 14 mars 2024, le recourant a contesté l’irrecevabilité de son recours, faisant valoir que l’acte du 13 novembre 2023 annulait ses droits, soit son autorisation de contracter avec les établissements scolaires. En cela, il constituait une mesure individuelle et concrète prise par l’autorité à son encontre, puisqu’il annulait son autorisation d’être sur la liste des remplaçants, ce qui l’empêchait d’exercer une activité professionnelle. Le cas à l’origine de l’ATA/1259/2020 cité par l’autorité divergeait de sa situation : d’une part, le courrier du 14 mars 2023 précisait expressément qu’il était renoncé au prononcé de sanctions disciplinaires ; d’autre part, le courrier du 13 novembre 2023 mentionnait expressément que son « autorisation était annulée ».

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             La question de la recevabilité du recours doit être examinée en premier lieu.

1.1 Selon l’art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05), le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5,
6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.
L’art. 132 al. 6 LOJ dispose que le recours à la chambre administrative est ouvert dans d’autres cas lorsque la loi le prévoit expressément.

Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : a) de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ; b) de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits ; c) de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.

1.2 À teneur de l'art. 4A LPA, intitulé « Droit à un acte attaquable », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations (al. 1) : s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a) ; élimine les conséquences d'actes illicites (let. b) ; constate le caractère illicite de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 4A al. 2 LPA). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (art. 4A al. 3 LPA).

1.3 L'art. 4 LPA définit la notion de décision de la même manière que l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA - RS 172.021 ; GRODECKI/JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, LPA/GE et lois spéciales, 2017, n° 63 p. 17). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 in SJ 2013 I 18). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêts du Tribunal fédéral 1C_532/2016 du 21 juin 2017 consid. 2.3.1 ; 2C_271/2012 du 14 août 2012 consid. 1.3, non publié aux ATF 139 II 384).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation ; au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2).

1.4 Selon l'art. 122 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), le Conseil d'État fixe la composition, les droits et devoirs, ainsi que les caractéristiques de chaque catégorie des membres du personnel enseignant par voie réglementaire.

Concernant le statut des remplaçants, les dispositions y relatives se trouvent au titre X du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 
(RStCE - B 5 10.04). L'art. 151 de ce règlement définit comme remplaçant la personne engagée ponctuellement pour remplacer une maîtresse ou un maître absent pendant moins d'une année scolaire. L'engagement d'un remplaçant est du ressort de la direction générale concernée qui respecte les directives du département précisant en particulier les conditions d'engagement, titre et taux d'activité (art. 152 RStCE).

Quant à la nature de l'engagement, il s'agit d'un contrat de droit privé conclu oralement entre l'autorité d'engagement et le remplaçant pour une période inférieure à trois mois et conclu par écrit, soit par lettre d'engagement, pour une période supérieure à trois mois selon (art. 153 al. 1 et 2 RStCE). Les dispositions du titre X (contrat de travail) de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) s'appliquent dans la mesure où le règlement n'y déroge pas (al. 3).

Quant à la fin des rapports de service, ils cessent dès le moment où le contrat arrive à échéance (art. 157 al. 1 RStCE). Par ailleurs, le contrat est révocable en tout temps par les deux parties avec effet immédiat conformément à l'art. 136 al. 1 LIP (al. 2).

Les litiges éventuels pouvant naître entre un remplaçant et le département sont de la compétence des Tribunaux des prud'hommes (art. 158 RStCE).

1.5 Dans un ATA/1259/2020 du 15 décembre 2020, la chambre administrative a examiné la question de savoir si un courrier par lequel le DIP informait un remplaçant qu’il ne ferait « plus appel à ses services pour des remplacements de courte ou longue durée » revêtait la qualité de décision au sens de l'art. 4 LPA. Elle a d’abord relevé que la législation topique ne contenait aucune prescription régissant les modalités de recrutement des remplaçants, ni disposition relative à la tenue des listes des remplaçants, énumérant les personnes susceptibles d'être appelées à effectuer ces remplacements. Bien qu'ayant été appelé à travailler comme remplaçant depuis 2013 à différentes périodes, le recourant ne pouvait invoquer aucun droit à continuer d'être engagé ; en particulier, aucun droit acquis en cette matière n'était possible, s'agissant d'une série de contrats de droit privé signés ponctuellement entre le DIP et le recourant pour différents remplacements dans différentes écoles. Par conséquent, le recourant ne pouvait pas se prévaloir d'une décision au sens de l'art. 4 LPA. En effet, le fait de l'écarter des listes des personnes susceptibles d'être appelées pour remplacer des enseignants n'avait pas modifié ou annulé des droits, du moment que le recourant n'avait aucun droit basé sur une loi ou aucun droit acquis à être appelé pour ces remplacements. Le même raisonnement était applicable à l'art. 4A LPA, s'agissant d'un acte qui n'était pas fondé sur le droit fédéral, cantonal ou communal et ne touchait pas à des droits du recourant.  

Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral (8C_128/2021) le 10 septembre 2021. Celui-ci a retenu en particulier qu’en dehors des périodes couvertes par un contrat de travail ponctuel au sens de l’art. 153 RStCE, les personnes intéressées à conclure de tels contrats n’étaient pas titulaires de droits et d'obligations envers l’État et ne disposaient d’aucun droit à être engagées, la relation contractuelle étant soumise au droit privé et donc à la liberté contractuelle. Dans la mesure où le recourant n’avait aucun droit à être engagé ponctuellement par l'intimé pour l'un ou l'autre remplacement dans l'école primaire, il n’était pas arbitraire de considérer que la manifestation de la volonté de l'intimé de ne plus faire appel à ses services pour de tels remplacements ne créait ni ne modifiait ni n'annulait des droits ou des obligations, ni ne constatait l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations, et qu'elle ne constituait donc pas une décision au sens de l'art. 4 LPA. Le fait que la volonté exprimée avait entraîné la suppression du nom du recourant de la liste des personnes intéressées à conclure des contrats de remplacement ne l’atteignait pas davantage dans sa situation juridique. En effet, la liste en cause et les conséquences qui découlaient d'une intégration à celle-ci ne faisaient l'objet d'aucune réglementation particulière. On ne pouvait donc retenir qu'il existait, sous conditions, un droit d'y figurer, ni d'ailleurs que son intégration garantirait tôt ou tard un engagement. Il ne ressortait pas non plus des constatations de l'arrêt attaqué que seule une inscription sur la liste permettait un engagement ponctuel au sens de l'art. 153 RStCE (consid. 4.3.2).

1.6 Selon l’art. 62 al. 1 let. a LPA, le délai de recours est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale.

1.7 En l’occurrence, le recours a été interjeté en temps utile contre le courrier du 13 novembre 2023. Reste à déterminer si ce courrier constitue un acte attaquable au sens de l’art. 4 LPA. L’autorité intimée le conteste, considérant que le courrier litigieux ne modifie pas les droits et obligations du recourant.

Le courrier litigieux n’est pas désigné comme étant une décision et ne comporte aucune indication des voies de droit. Il vise à « formaliser la situation » du recourant en confirmant qu’il ne lui sera plus confié de remplacements au sein de la DGES II. Or, ainsi que l’a retenu la chambre de céans dans un cas similaire, le recourant n’a aucun droit à être engagé ponctuellement par l'intimé pour l'un ou l'autre remplacement dans un établissement scolaire, si bien que la manifestation de volonté de l’intimé de ne plus faire appel à ses services pour de tels remplacements ne crée ni ne modifie ni n’annule des droits ou obligations. Il est vrai que, contrairement à la situation qui prévalait dans l’arrêt précité, le courrier litigieux indique expressément que « l’habilitation » du recourant est retirée et que son autorisation de contracter avec les établissements scolaires est annulée. Ainsi, par sa formulation, et quand bien même le RStCE ne prévoit aucune disposition sur l’autorisation de contracter avec des établissements scolaires, l’intimé laisse entendre que le recourant était au bénéfice d’une autorisation et que celle-ci lui a été retirée. Or, ce retrait implique de facto son exclusion du cercle des personnes pouvant conclure un contrat avec l’autorité d’engagement. Si, certes, la règlementation applicable ne prévoit pas que seule une inscription sur la liste permet un engagement ponctuel au sens de l'art. 153 RStCE, le courrier litigieux indique que l’annulation de son autorisation a pour effet qu’il ne lui sera plus confié de remplacements. On peut ainsi se demander s’il n’emporte pas, en cela, les effets d'une décision au sens de l'art. 4 al. 1 let. a LPA. Le Tribunal fédéral a en effet rappelé, dans sa jurisprudence, que le caractère décisionnel d'une mesure ne dépendait pas d'un intérêt juridiquement protégé de son destinataire et qu’un intérêt de fait pouvait suffire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.3). La question peut toutefois souffrir de rester indécise au vu de ce qui suit.

2.             Invoquant une violation de son droit d’être entendu, le recourant se plaint de n’avoir pas eu l’occasion de faire valoir son point de vue auprès de l’autorité intimée avant qu’elle ne rende sa « décision ».

2.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les arrêts cités ; 135 I 279 consid. 2.3). La procédure administrative genevoise exige donc de l'autorité qu'elle entende les parties avant de prendre une décision (art. 41 LPA).

En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.2, non publié aux ATF 136 I 39, et les arrêts cités). Il n'est pas admissible, sous l'angle du droit d'être entendu, de remettre à l'employé une décision de résiliation des rapports de service en se contentant de lui demander de s'exprimer s'il le désire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Sauf cas d'urgence, le collaborateur doit pouvoir disposer de suffisamment de temps pour préparer ses objections (arrêts du Tribunal fédéral 8C_301/2017 du 1er mars 2018 consid. 3.2 ; 8C_615/2016 du 15 juillet 2017 consid. 3.2.1 et les références citées). Il n'existe pas de délai uniforme, mais le Tribunal fédéral a en tout cas jugé insuffisant un délai d'une demi-heure à disposition d'un employé communal, convoqué à un entretien de service dont il ignorait l'objet, pour prendre connaissance du dossier et se déterminer sur l'intention de la commune de le licencier (arrêt du Tribunal fédéral 8C_615/2016 précité consid. 3.4).

2.2 En l’occurrence, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises sur les faits à l’origine du courrier litigieux du 13 novembre 2023. Il a participé à l’entretien du 1er novembre 2022 lors duquel la directrice de l’établissement scolaire lui a communiqué les éléments qui lui étaient reprochés et a pu se déterminer à ce sujet. Par courrier du 22 novembre 2022, il a encore apporté des remarques quant aux propos mentionnés dans le récapitulatif de séance. Le recourant a ensuite participé à un nouvel entretien avec la directrice le 14 mars 2023, à l’issue duquel un courrier de « suite d’entretien du 1er novembre 2022 » daté du même jour lui a été notifié. Ce courrier, qui tient compte des remarques formulées par le recourant, n’a pas fait l’objet d’une réaction de sa part. Le règlement applicable aux remplaçants prévoit au demeurant expressément que son engagement est du ressort de la direction générale, qui dispose à cet égard d’une liberté contractuelle. Il ne pouvait ainsi ignorer que les éléments mentionnés dans le courrier du 14 mars 2023 étaient susceptibles d’influer sur le choix de l’autorité de l’engager ou non en qualité de remplaçant.

Le grief sera ainsi écarté.

3.             Invoquant une constatation inexacte des faits, le recourant se plaint de ce que l’intimé a statué sur la base d’un dossier incomplet.

3.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3.2 En l’occurrence, le recourant se limite à relever que l’autorité précédente n’a « manifestement pas pu constater de manière exacte et complète les faits pertinents », puisque son dossier ne contenait ni le compte rendu d’entretien, ni les compléments qu’il avait apportés à ce document, ni les auditions des élèves concernés. L’intéressé n’explique toutefois pas quel élément pertinent n’aurait pas été pris en compte par l’autorité intimée. Il ne conteste pas non plus les faits constatés par celle-ci dans son courrier du 13 novembre 2023, étant rappelé que ces faits ont été établis après avoir entendu l’intéressé. S’ajoute à cela que les éléments mentionnés dans le courrier litigieux, et sur lesquels l’autorité s’est fondée pour choisir de ne plus l’engager en qualité de remplaçant, ont été admis par le recourant, et ce dernier ne soutient pas que tel ne serait plus le cas.

Le grief tiré d’une constatation incomplète des faits doit partant également être écarté.

4.             Le recourant soutient ensuite que la « décision » litigieuse serait dépourvue de base légale et contraire aux principes de la proportionnalité, de la bonne foi et de la protection contre l’arbitraire.

4.1 La LIP s'applique, notamment, aux membres du corps enseignant secondaire de l'instruction publique (art. 1 al. 4 LIP). La LIP a pour objet de définir les objectifs généraux de l'instruction publique. À ce titre, elle régit en particulier les principes généraux en matière de personnel enseignant (art. 2 let. j LIP).

À teneur de l'art. 123 LIP, les membres du corps enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction qui leur incombe (al. 1) ; ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (al. 2). Cette règle est reprise à l'art. 20 RStCE, prévoyant qu'ils doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant, tandis que l'art. 21 al. 1 RStCE rappelle qu'ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence. L'enseignant doit jouir d'une bonne réputation (art. 45 let. b RStCE).

Par ailleurs, l'art. 114 al. 1 LIP prévoit que, dans le cadre scolaire, chaque élève a droit à une protection particulière de son intégrité physique et psychique et au respect de sa dignité.

4.2 Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), à savoir, notamment, le devoir de respecter l'intérêt de l'État.

En tant que membre du corps enseignant, l'enseignant est chargé d'une mission d'éducation dont les objectifs sont énoncés à l'art. 10 LIP. Son rôle est ainsi de contribuer au développement intellectuel, manuel et artistique des élèves, à leur éducation physique mais aussi à leur formation morale à une période sensible où les élèves passent de l'adolescence à l'état de jeune adulte. Dans ce cadre, l'enseignant constitue, à l'égard des élèves, à la fois une référence et une image qui doivent être préservées. Il lui appartient donc, dès qu'il se trouve hors de sa sphère privée, d'adopter en tout temps un comportement auquel ceux-ci puissent s'identifier. À défaut, il détruirait la confiance que la collectivité, et en particulier les parents et les élèves, ont placée en lui. Ce devoir de fidélité embrasse l'ensemble des devoirs qui lui incombent dans l'exercice de ses activités professionnelles et extra-professionnelles. Dès que ses actes sont susceptibles d'interagir avec sa fonction d'éducateur, le devoir de fidélité impose à l'enseignant la circonspection et une obligation de renoncer, sauf à prendre le risque de violer ses obligations (ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5b ; ATA/1619/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 consid. 11 ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 consid. 8).

4.3 Selon la directive D.RH.00.25 du 12 mai 2020 sur les devoirs de fonction du personnel enseignant, administratif et technique en matière de protection de l’intégrité physique et psychique des élèves, apprentis et stagiaires et de respect et de leur dignité, édictée par la direction des RH, prévoit que, dans toute relation, notamment dans le cadre professionnel avec des élèves apprentis et stagiaires, les membres du personnel doivent garder une distance adéquate y compris sur les réseaux sociaux. Le personnel enseignant, en raison du rôle d’autorité qu’il exerce sur les élèves et, en conséquence, de l’influence sur ces derniers, se doit de veiller à adopter, que ce soit en classe ou en dehors, un comportement qui préserve la confiance que les élèves, les parents et la collectivité ont placé en lui. En particulier, les comportements suivants à l’égard des élèves, quel que soit leur âge, constituent une violation des devoirs de service, y compris sur les réseaux sociaux : propos ou comportement discriminant, dévalorisant, humiliant, dégradant portant notamment sur le physique, les origines, l’orientation ou l’identité sexuelle.

4.4 Selon l’art. 152 al. 1 RStCE, l’engagement d’un remplaçant est du ressort de la direction générale concernée.

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/927/2020  du 22 septembre2020 consid. 4b).

Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2020 du 13 janvier 2022 consid. 3.1). Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/130/2022 du 8 février 2022 consid. 6b).

Toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi (art. 9 Cst.). Les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi
(art. 5 al. 3 Cst.).

4.5 En l’occurrence, les obligations précitées imposent à l’autorité d’engagement de prendre des mesures adéquates pour assurer une protection particulière de l’intégrité physique et psychique des élèves. Le point de savoir si une réaction est indiquée dépend de l’appréciation du cas concret et la chambre administrative se limite à l'examen de l'abus ou l'excès de pouvoir d'appréciation. Or, dans le cas particulier, le recourant a admis avoir eu des contacts physiques avec des élèves sur l’épaule. Il a également confirmé les « bisous sur le front » et les « accolades », ainsi que l’utilisation de surnoms pour désigner certains élèves. Dans ces conditions, l’intimé, en sa qualité d’autorité d’engagement conformément à l’art. 152 al. 1 RStCE, pouvait décider de ne plus l’engager en qualité de remplaçant. L’autorité dispose en effet d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’engager un remplaçant correspondant véritablement aux besoins du service.

Contrairement à ce que soutient le recourant, une telle mesure se fonde sur une base légale suffisante – l’art. 152 al. 1 RStCE –, et ne viole ni le principe de la proportionnalité ni celui de la protection contre l’arbitraire. C’est le lieu de préciser que l’intimé a permis à l’intéressé de poursuivre sa mission auprès de l’établissement scolaire jusqu’au terme de son contrat, alors même que le contrat de remplacement est révocable en tout temps par les deux parties avec effet immédiat (art. 157 al. 2 RStCE). S’ajoute à cela que l’intérêt privé du recourant à pouvoir être appelé comme remplaçant, étant rappelé qu’il ne dispose à cet égard d’aucun droit, doit céder le pas à celui du département à faire appel à un remplaçant respectant son devoir d’exemplarité en gardant en tout temps la distance requise avec les élèves. Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que la direction générale a décidé de ne plus faire appel à ses services alors que la directrice du C______ avait renoncé à prendre des mesures n’est pas contraire à la bonne foi. Outre le fait que la règlementation applicable ne prévoit pas de sanction disciplinaire pour les membres du personnel du DIP engagés en qualité de remplaçant, le courrier de la directrice du C______ du 14 mars 2023 ne traite aucunement de la question d’un engagement subséquent, qui est du ressort de la direction générale (art. 152 al. 1 RStCE). Celle-ci dispose au demeurant d’une vision plus globale s’agissant du comportement attendu des employés, y compris des remplaçants.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, en tant qu’il est recevable. Au vu de ces éléments et par appréciation anticipée des preuves (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1), la chambre de céans ne donnera pas suite aux demandes de comparution personnelle, d’audition de témoins et de production de pièces du recourant, étant pour le surplus rappelé que, selon la décision entreprise, ce dernier a admis les faits sur lesquels s’est fondé l’intimé et qu’il n’indique pas en quoi ceux-ci auraient été constatés de manière inexacte.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 11 décembre 2023 par A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 13 novembre 2023 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sophie GUIGNARD, avocate du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :